This is a reproduction of a library book that was digitized by Google as part of an ongoing effort to preserve the information in books and make it universally accessible. Google books https://books.google.com Google À propos de ce livre Ceci est une copie numérique d’un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d’une bibliothèque avant d’être numérisé avec précaution par Google dans le cadre d’un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l’ensemble du patrimoine littéraire mondial en ligne. Ce livre étant relativement ancien, 1l n’est plus protégé par la loi sur les droits d’auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression “appartenir au domaine public” signifie que le livre en question n’a jamais été soumis aux droits d’auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à expiration. Les conditions requises pour qu’un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d’un pays à l’autre. 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AY Ve HU «| | | eus * ST & 1 me re 44 PRE Te te ES } Ée KE ‘à Fos CES, LETTRES ET A TS PR : 9 { ei ‘1 LA { TL OU ae. rt +. L NN 4 ur à Hi 2 | : | > à | Ur. LA: # 2 « k € le IE . : : SAUT «hi i u‘1 Pr Cut ( ZX | n ÿ ÿ : £ tre À! Cr AT 4) An Te F2 EL k À LOL PAT 14 “. d U "A : * . n 4 + + “| D NE 1% . EAN L | i s, : | aid 1 xy er si : VE “" ; é AS AT SR PO: AN 4 : s » Fr LEE | 4 4 ; | MY L ES Fe et . \ “ ù PS 4 Er YA | JO dr LU RES y : ENIE. — TOME XVI. a 46) p # , L 2 x L A NN OR L { = + - Lu : TL A Te L « " L St À à LADA | PAR 24 | 3 À e ÿ Te ! ’ d Te 2 3 , (CYY .” ‘4 LA” « fa a A 1 = À su be : « NW : {2 LA , | | LA : ….…! a " l — ur d > 481 JE | s P' LAVE à. . 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ARRAS Imprimerie RoHarD-CourriN, place du Wetz-d'Amain. n° 7. ns M. D. CCC. 1.XXXV. L( 'ATREET J d AS ST et: VAT: pm hdi nee Fe DRE Sutiitis. ; 4 APT IN LCudbr LR cata Séance publique du 21 Août 1884. DISCOURS D'OUVERTURE par M. Ed. LECESNE Président. MESSIEURS, S il est toujours honorable de présider la Séance publi- que de l’Académie d’Arras, il est quelquefois difficile d'y prononcer le discours d'ouverture. La matière manque, el il faut souvent revenir à des redites. Je sais bien que d'illustres exemples justifient cette habitude. l’Académie française a, pendant plus de deux siècles, entendu sur tous les tons l’éloge Jde son glorieux fondateur, et les louanges de Clémence Isaure défraient encore chaque année, en prose comme en vers, les solennités de l’Aca- démie des Jeux Floraux. Sans aller chercher si haut et si loin la preuve que chez nous rien n'est impossible, je mentionne avec plaisir que plusieurs de mes prédéces- seurs se sont acquiltés avec un rare lalent de cette tâche ingrate. a — Mais pour moi, qui me sens plus faible et plus stérile, j'avoue que j'ai craint de plier sous le fardeau, aussi ai- je essayé de tourner la difficulté, et n'osant suivre la grande roule, je me suis jeté dans des chemins de tra- verse. Ces détours m'ont conduit sur un terrain encore glissant, mais où j'espère trouver pied si vous voulez bien m'y soutenir. J'ai l'intention d'examiner, aussi suc- cinctement que possible, les influences qu'a subies la lit- térature contemporaine. Vous le voyez, à défaut d'autre mérite, ce sujet a incontestablement celui de l'actualité ; il a, de plus, l'avantage de nous mettre en présence de nos qualités et de nos défauts : c'est une espèce d'examen de conscience que je demande à faire avec vous, quoique je sois un assez mauvais confesseur. On a dit que le style est l'homme méme ; on pourrait dire également que la littérature est le siècle même. Il y a, entre le temps où l’on vit et la manière d'écrire, une corrélation qui saute à tous les yeux. Celle corrélation est même obligée, car ils sont rares les hommes qui de- vancent leur époque, et qui, loin d’être menés par elle Jui commandent en maîtres. Presque toujours on est plus ou moins de son temps et, si on veut êlre compris, il faut se mettre à la portée de ceux à qui l’on parle. En examinant toutes les vicissiludes par lesquelles ont | assé les différentes manifestations de l'esprit humain, on verra que cette régle ne reçoit presque jamais d'exceplion. Ainsi, à ne prendre que notre pays, il est facile de dé- montrer que les écrivains y sont loujcurs en rapport avec les idées de leurs siécles. Au moyen-âge, la confusion et la barbarie réenent de toutes parts, nais aussi la naïveté el les charmes de One. l'enfance jettent dans ces ténèbres une douce clarté. La religion embrase tous les cœurs ; la foi s’y produit par des superstitions dont la grossièrelé même indique la sincérité. D'autre part, le respect de la femme se fait sen- Lir de la manière la plus heureuse ; il engendre ce culte de l'amour qui devient un des principaux ‘besoins de Ja classe noble. Ces tendances se retrouvent exactement dans l'expression de la pensée. Le langage est incorrect, mais gracieux ; les idées sont rudes, mais chaleureuses. Les troubadours et les trouvères chantent l'amour, dans des fabliaux, des sirventes et des virlets qui, pour être sans art, ne sont pas sans agrément. Les romans de che- valerie propagent les sentiments de bravoure et de dé- vouement qui forment encore aujourd'hui le fonds du caractère français, et l’histoire, dans les récits de Join- ville, de Villeharduin el de Froissard, présente les fails. peut-être sans méthode, mais avec un prestige qui n’a jamais été dépassé. Pendant la Renaissance, un rayonnement subit se ré- pand dans les esprits. L'étude de l'antiquité est par- tout en honneur, l'érudition devient le propre de tous ceux qui tiennent une plume, et cette science est embel- lie par les inspiralions d’une imaginalion vive et prime- saulière. Mais on na pas encore dépouillé la rudesse des temps passés et l’on sacrifie trop aux ornements pa- rasites. De là cet actrait que font éprouver les poésies de Villon, de Marot, de Régnier et de Ronsard, attrait qui n’est tempéré que par le regret de voir tant de richesses si souvent gaspillées et par la difficulté de comprendre un langage encore informe. De là cette puissance qu'exer- cent les écrits de Montaigne, de l‘harron, d'Amyot et de — 10 — Rabelais, puissance qui n’est balancée que par le défaut d'ordre et de classement et par le mélange trop fréquent du bon et du mauvais goût. Au siècle de Louis XIV, la nation est parvenue au plus haut point de sp'endeur et de civilisation. Tout s'incline devant une règle fixe el invariable. La force et la gran- deur semblent être le cachet des hommes et des choses; de toutes parts on se ressent de la majesté et de l'unité du trône. Ces caractères passent dans la littéralure : elle est marquée au coin de la noblesse et de la précision. Rien de plus élevé et de plus châlié que les productions littéraires de cette période : c’est l'invention et l’exécu- tion portées au plus haut degré. Les grands écrits de cette époque sont et resteront des chefs-d'œuvre de pen- sée et de style. Avec Molière, Corneille, Racine, Boileau et la Fontaine, la poésie est parvenue à son apogée ; avec Bossuet, Pascal, la Bruvère et Fénelon, la prose atteint des sommets infranchissables. Sous Louis XV, les traditions de l’âge qui vient de fi- nir se conservent religieusement. Villemain a fait remar- quer avec raison que le XVIII siècle est le seul qui n'ait point médit de celui qui l'a précédé. Mais le déclin arrive comme à tout ce qui vieillit: on discute, on ne croit plus ; on esi élégant, on n'est plus megnifique ; on à de l'esprit, on n’a plus de génie. Toutefois, il reste encore assez d'éléments pour former la société la plus distinguée qui fût jamais. La lillérature entre tout-à-fait dans ce mouvement, ou plutôt, elle le dirige. C'est la première fois que les auteurs ne sont pas protégés par les puis- sants, mais traitent avec eux sur le pied de l'égalité: il n’y a plus de Mécènes, il y a une république des lettres: et — quelquefois même, cette république devient un empire. De tels résultats sont dus aux écrits si lumineux et si universels de Vollaire, de Didero!, de Buffon. de Mon- ltesquieu, de Rousseau. Ce sont eux qui ont fait de la langue française l’idiome par excellence, ce sont eux qui l'ont rendue si claire et si précise qu'elle est devenue un instrument d’un usage général. Tout le monde ne pour- rait pas écrire comme Montaigne et Bossuet, mais tout le monde pourrait écrire comme Voltaire. La littérature du XIX* siècle est née de ces origines: il est impossible d’en avoir de meilleures. Est-elle restée digne de ses devancières ou, semblable à ces races dégé- nérées dont parle Massillon, est-elle lombée en pourri- ture ? C'est ce que nous allons examiner. Le mouvement littéraire de notre époque peut se parlager en trois pé- riodes bien distinctes : celle dela République et de l'Em- pire, celle de la Restauration et du gouvernement deJuil- let et celle de nos jours. La première n’est qu’une con- tinuation des principes du XVISI° siècle. Vollaire et Rousseau y règnent en souverains. Rousseau surtout éblouit de son prestige tous les penseurs de celte époque: c'est à l'exagéralion de sa manière qu’on doit ce senti- mentalisme, qui nous paraît aujourd'hui si ridicule, et la boursouflure des expressions qui gâte les meilleures choses. Sous l'Empire, la tradition se perpélue ; mais en du- ran!, elle tourne à l'immobilisme : l'emphase avait encore son côté chaleureux, le classique pur devient le type de la monotonie et de la routine. Que dire d’une époque où Ducis, Arnault et Lemercier se posaient en Sophocles ct en Euripides, où Parny croyait égaler Tibulle et où De- =. 19— lille luttait contre le chantre des Géorgiques? C'est à peine si un poëte de génie, André Chénier, apparaît dans ce gouffre, in gurgile vasto, et sail retrouver quelques vrais accents de la Muse antique. Ce fut au moment où l'esprit humain semblait le plus allaché à une méthode décrépite que s’opéra un travail qui devait conduire à une complète rénovalion. La prose, si étrangement traitée dans les amplifica- tions des rhéteurs du premier empire, avait lrouvé des interprètes qui montrérent des chemins tout nou- veaux. Bernardin de Saint-Pierre, Chateaubriand et M°° de Stuël furent les précurseurs de la révolution littéraire qui éclata aux environs de 1830. Alors on brüla ce que les âges précédents avaient alloré, et des dieux inconnus s'implantèrent sur des autels érigés en pays conquis. [Il faut reconnaître que celte levée de boucliers a produit de brillants athlètes. Lamartine, Victor Hugo, Alfred de Musset et, comme (transition, Casimir Delavigne, forment une pléiade qui a marqué son passage par des traits qui ne s'effaceront pas. Mais comme tout ce qui est violent, la nouvelle école fut bientôt à bout de forces ; en quelques années elle donna tout ce qu’elle pouvait produire, et il est douteux qu'il se trouve désormais personne qui veuille continuer les errements du romantisme. En effet, c'est merveille com- bien ces libertés d'écrire, qu’elles aussi on proclamait nécessaires, ont vite passé de mode: les vieilles traditions avaient duré trois siècles, les nouvelles n'ont duré que quelques années. Voilà où nous en sommes aujourd’hui; nous vivons au milieu des ruines: ruines de ce que longtemps on = 19 — croyait immuable, ruines de ce que lout récemment on avait fondé avec tant d’ostentalion. Dirons-nous : Quel mal cela fait-il ? Ceux qui sont morts, sont morts. Mais encore faut-il savoir comment ils sont remplacés, et franchement, les vivants ne font pas oublier les dé- funts. Îl est pourtant fâcheux que notre littérature flotte ainsi au hasard. Si l’on doit s’abstenir, dans les choses de l'esprit, de jurer sur la parole du maître, on doit aussi éviter de ne prendre pour guide que le caprice. C'est ce qui nous est arrivé: chacun vogue à sa manière sur un océan, où trop souvent on peutdire : desuntlitlora ponto. De là ce sans-façon avec lequel on traite toutes les idées reçues et l’audace qui ne recule devant aucun sujet, même les plus scabreux. Cette hardiesse, qui tourne lrop souvent en dévergon- dage, a sa cause dans le besoin de nouveauté qui tour- mente les littératures qui ont beaucoup vécu. Les sociétés blasées demandent du nouveau, n’en füt-il-plus au monde et, pour éviter l'ennui, elles tombent dans l’exagération. Voilà où nous en sommes. Pour se lenir à la hauteur des grands modèles qui font la gloire de notre pays, il faudrait des esprits sûrs d'eux-mêmes et de leurs con- temporains. Malheureusement, sur quoi peut-on compter aujourd'hui ? Dans une telle incertitude, on aime mieux, suivant l’expression d’un homme d’étal anglais, faire un saut dans les ténèbres que de piétiner sur place, on essaye de lout, on s’abandonne aux hasards de la fantaisie et, trop souvent, on ne rencontre que le vide. C’est cette soif de changement qui a produit la der- nière évolution littéraire qui soulève des discussions si + vives aujourd'hui et qu'on a qualifiée de naturalisme ou de réalisme. Après la marche si prononcée que l'invasion du romantisme avait fait subir au goût, on pouvait croire qu'on s’arrêterait, au moins pendant quelque temps. On n'a pas tardé à vouloir aller plus loin et l’on s’est écrié, comme les Tilans, quo non ascendam ? ce qu'avec un peu de mauvaise humeur on serait tenté de changer ainsi : què non descendum ? Alors on a poussé les choses à l’ex- trême et l'on est tombé dans une impure sentine, où on n'a trouvé Qu'un horrible mélange D'os et de chair meurtris et traînés dans la fange, . Des lambeaux pleins de sang et des membres affreux Que des chiens dévorants se disputaient entre eux. Voilà, pour le dire en passant, une description qui est bien quelque peu réaliste, et qui prouve que si le grand siècle l’avait voulu, il aurait pu, tout comme le nôtre, eréculer de la peinture prise sur le fait. Mais la différence de ce temps avec celui-ci, c’est qu’a- lors on élait entrainé par son sujet dans l’horrible, tan- dis qu'aujourd'hui on y entraîne son sujet. En effet, le tort de notre époque c’est de se faire pire qu'elle n’est. Ainsi, le chef de l'école naluraliste a des qualités incon- Lestables, il faut qu'il s'impose une espèce de violence pour trouver l’excentricité dans le sujet et la manière de le lraiter, pour travestir en argot notre belle langue française. On ne peut que gémir quand on voil un véri- table talent au service d'une si mauvaise cause. Malheu- reusement, c'est une des tendances les plus fâcheuses de notre littérature ; elle recherche l'impossible, elle force tous les ressorts : en un mot, elle se fait le fun/aron du vice. 1 np La meilleure preuve de ce déclin littéraire, c’est la fa veur dont le roman jouit parmi nous. Loin de moi la pensée de proscrire le roman. C’est une manière souvent ingénieuse de représenter les mœurs et les passions des hommes. L'Espagne a trouvé dans un roman, Von Qui- cholte, une gloire littéraire de premier ordre; l’Angle- terre doit à Clarisse Harlowe et à Tom Jones un lustre du ineilleur aloi et, en France, il y aurait certainement une grande lacune dans notre littérature si on en suppri- mait Gil-Blas, Manon Lescaut, la Nouvelle Héloïse, Paul el Virginie et Atala: je ne parle pas de Télémaque et des Martyrs qui pourraient bien passer pour des romans. Mais la part élant faite à ce qui est juste, il est permis de dire, sans trop de rigorisme, que le roman a pris chez nous des proportions démesurées. Il n’est si mince écri- vain qui ne puisse reproduire des conceptions plus ou moins bizarres dans quelques pages plus ou moins mal agencées. Il n’y a pas plus de difficulté à être un méchant romancier qu un méchant dramaturge; on est même sou- vent les deux à la fois. C'est pour cela qu'on entasse Ossa sur Pélion, et que les romans éclosent avec une si prodigieuse fécondité. La faveur du public, il faut bien le dire, semble lournée de ce côlé; ce fatras de composi- tions mal venues mêne trop souvent à la réputation: combien y a-t-il de nos prétendus écrivains qui n’ont à leur actif qu'un roman à sensation ? Quand la gloire s’ac- quiert à si bon marché, on est trop facilement tenté de ne pas la demander à des œuvres d'un mérite réel. IL est vrai qu'on répond à-cela: mais vous niez le mouvement; voyez, l'Europe entière lit nos romans. Je le reconaais : c’est un genre d'industrie que la crise n’a pas encore atteint trep violemment. Mais qu'on y prenne 416 garde, la concurrence étrangère peut nous atteindre là comme ailleurs. Déjà les Anglais opposent les noms de Thakeray et de Dickens à ceux d'Alexandre Dumas et d’Eugène Sue, et la fabrique américaine prend tant d’ex- tension que bientôt, peut-être, elle établira contre nos romanciers quelque tarif protecteur, comme elle l’a fait contre nos artistes. Quant aux Allemands, pour être les derniers venus, ils ne doivent pas inspirer plus de con- fiance, et il faut toujours s'atlendre de leur part à un mouvement tournant. Combien notre supériorité littéraire était plus solide- ment élablie lorsqu'elle reposait sur des œuvres défiant toute comparaison, et que la France produisait des livres tels que l'Esprit des lois, le Siècle de Louis XIV, le Contrat social et les Epoques de la nature ! Alors notre influence n'était pas discutée; alors, à l'étranger, tous les gens bien appris _ Lorsque la Révolution de 1789 arriva, les biens des maîtrises furent confisqués en même temps que ceux des églises. Le troupeau fut dispersé, la maison vendue et le maître de chapelle Graëb dut s'expatrier. x * * Au rétablissement du culte, après le Concordat, le nouvel évêque, Mgr de la Tour d'Auvergne, qui avait pris possession de son évêché le 5 juin 1802, ayant in- Berquin, bâtonnier, plus de soixante ans de service (dans le cas de l’article 3), pension, ci . . . . 1491 4s 4 Briois, bâtonnier, pension, plus de soixante ans d’âge et plus de dix ans de service (dans le cas de l’ar- ticle 4), pension, ci . . . . . . . . + . 551 195 8d Enfants de chœurs ct serveurs de messe (Le chapitre était dans l’usage d'accorder à la sortie des premiers une somme de 10! pour chacune année de ses services et 4 aux seconds). Enfants de chœur. 4° Legros, huit années de service, ci. . ,. 801! 20 Galand, sept ans , . . . . . . . ‘70! 30 Ségard, six ans . . . . ... . . . (OO 4 Coutiau, cinq ans . . . . . . . . SO 5° Bailly, quatre ans . , . . . . . ,. A0! 60 Théry, trois ans. , . . . . . . . 30! 7° Delahaye, trois ans. . , . . . . ,. 30! 8» Cocquel, trois ans . , . . . . . . 9301 Serveurs de messe. 1° Levray (François-Séraphin), sept ans . 981 2° Letoit (Paul), sept ans . . . . ,. . 28! 3° Levray (Henri), six ans . . . . . . 241 4 Baudelet (Etienne), cingans . . . . 201! 5e Hiez (Joseph), 5 ans. . . . + 20 (Arch. départem., L., district d'Arras, liasse n° 204, musiciens du chapitre). — 78 — troduit dans sa cathédrale le rit parisien, s'occupa de ré- tablir le service des enfants de chœur. Le 11 juillet 1802, MM. Delaune, vicaire-général, représentant de l'évêque, Linque, Braine et Lallart, composant provisoirement le conseil de fabrique de la cathédrale, se réunirent chez M. Linque pour traiter diverses affaires soumises à leur délibération et parmi lesquelles la question des enfants de chœur fut l'objet d’une attention toute particulière. En effet, l'un des membres de l’assemblée, pour entrer dans les vues du nouveau prélat, représenta à ses collè- gues qu il élait urgent de s'occuper de l'habillement de ces enfants. Il fut décidé immédiatement qu’il serait fait à chacun une soulane rouge avec collet el parements bleus et un rochet de toile blanche. M. Braine fut chargé de l'exécution de cette résolution. Le 19 nivôse de l’an x, les administrateurs durent encore s'occuper des enfants de chœur. Cette fois ce fut pour accorder une gratification aux enfants de la Pau- vreté qui en faisaient l'office (1). Le 29 novembre 1806, la situation des enfants de chœur de la cathédrale prit plus d'importance. Dans une réunion de ce jour, les administraleurs, présidés par M. l'abbé Delaune, résolurent de leur donner un maitre de latin et un maitre de musique aux appointements de 200 fr. MM. Pelit, prêtre, el Hecquet furent nommés, le premier maitre de latin et l’autre maitre de chapelle, Puis, le 30 décembre suivant, furen! admis en qualité d'enfants de chœur, les nommés François Dalleu, René Rumeau, François Hecquet, Augustin-Joseph Godart, (1) Reg. de la fabrique, p. 72. == 70. Auguste Théophile Godart et Guislain-Joseph Lavallée. Jusqu'ici nous ne voyons à la cathédrale que des en- fants de chœur sans mailrise proprement .dite. Ce sont des jeunes gens vivant en famille, abandonnés à eux- mêmes, qui viennent recevoir passagèrement et à la dérobée, quelques leçons de musique et de latin. Cet état de choses provisoire va cesser. Le ? février 1811, Mgr de la Tour d’ ae résidant. alors au château de Barly, proposa à lu fabrique de réu- nir en maîtrise les enfants de chœur au séminaire. MM. les administrateurs, comprenant tout l'avantage de .ce projet, acceptèrent avec empressement l'offre généreuse du prélat et donnèrent à leur trésorier, M. Linque, l'au- torisation de verser entre les mains du supérieur du sé- minaire, à l'effet de pourvoir aux dépenses nécessaires à cet élablissement, une somme de 2,000 fr., accordée par le département. . La maitrise fut alors installée dans un quartier du sé- minaire non occupé par les théologiens, quartier situé sur la petite cour intérieure qui éclaire le petit cloître, où l'on appropria un appartement pour le directeur, une classe et quatre dortoirs pour les élèves. On érigea, en outre, une salle en réfectoire. Dés lors, les enfants de chœur, jusque-là dispersés de divers côtés, réunis en uné sorte de petit pensionnat, furent mieux surveillés, plus suivis et firent plus de progrès dans leurs études. À celle époque, leur costume avail subi quelques modifi- cations. [l consistait en une robe ou soutane rouge, une aube, une ceicture, une calotte et un bonnet carré de même couleur. Pour preuve de l'intérêt qu'il portait à cet établisse- — 80 — ment, l’évêque de la Tour d'Auvergne autorisa, le 22 août 1812, MM. les marguilliers à acheter une montre et deux paires de boucles d'argent, pour être données en prix d'encouragement aux trois élèves qui s'étaient le plus distingués par leur application au travail. La cathédrale, en bonne mère de famille, n’abandonna pas à l'aventure et au hasard ses enfants de chœur, lors- ‘que, soit pour leur âge, soit pour tout autre raison, ils -étaient obligés de la quitter. C'est ainsi que le 19 sep- tembre 1814, en reconnaissance des services que lui avait rendus l'enfant de chœur Dalleu, l’une des plus jolies voix qui soit sorlie de la cathédrale d’Arras, la fabrique lui accorda une somme de 200 fr., payable chaque mois, par douzième, pour lui donner la facilité de pourvoir à sa vocation. Une autre fois, elle donna à l’un de ses enfants de chœur une gratification de 100 fr., à titre de récompénse et pour lui procurer le moyen de se fournir d’habillement et de linge. Dans une circonstance analogue, elle accorda à un autre la somme de 100 fr., afin qu'il pût se procu- rer les outils dont il avait besoin pour travailler. Par une ordonnance donnée à Arleux, le 11 messidor an xrr1 (3 juillet 1805), Mgr de la Tour d'Auvergne avait ‘établi dans sa cathédrale un sous-chanire qui devait être présenté par le grand chantre et nommé par l’évêque. Il dirige le chœur sous les ordres du grand chantre et le remplace en cas d'empêchement. A défaut du prévôt et du grand chantre, il accorde aux chantres, musiciens, organiste, enfants de chœur, la permission de s’absenter. Il remplit à son tour les fonctions de diacre ou sous- diacre aux offices pontificaux, de prévôt et de doyen, à _ 81 — moins qu’il ne soit obligé de remplacer le grand chantre. Voulant donner à sa maîtrise une importance toujours croissante, l'évêque en confia la direction, le 19 janvier 1817, à l'abbé Herbet, frère de son secrétaire particulier, afin de savoir, par l'entremise de ce dernier, tout ce qui pouvait contribuer à l'amélioration de cet établissement. C'est dans ce but que, le 18 juillet de la même année, le prélat prit la peine de rédiger lui-même le règlement de la maitrise [lentredansles pluspetits détails, principalement en ce qui regarde le service divin. [l exige que les enfants de chœur assislent tous les jours, malin et soir, aux offi- ces de la cathédrale, où ils seront conduits et ‘en seront ramenés par leur directeur. Il règle ce qu'ils devront chanter aux messes et aux vêpres, dans la semaine, ainsi que les dimanches et jours de fête. Il recommande au maître de chaçelle de les disposer à chanter de temps en temps le Magnificat en musique, surtout aux dimanches et aux solennels. De plus, ces enfants feront l'office d’acolytes en l'absence du séminaire, Le prélat indique le maintien, la tenue, la marche qu'ils devront observer dans le chœur, la révérence qu'ils devront faire, les bras croisés. Rien n’est oublié, soit pour l'entrée, soit pour la sortie, ou pour l'usage de la”calotte ou du bonnet carré (1). Afin que personne ne püût prétexter cause d'ignorance, Mer de la Tour d'Auvergne ordonna que ce règlement fût inscrit au registre du chapitre, donné en copie au grand maître des cérémonies, ainsi qu’au directeur de la maîtrise et affiché au tableau de la classe. (1) Ce bonnet rouge était tellement en discrédit que peu de temps après on dut proscrire cette coiffure si commode. La calotte elle- même finit par tomber dans l’oubli, . 6 — 82 — Ù = Pour exciter l'émulalion parmi les élèves de la mai- . trise, MM. les administrateurs avaient soin de récompen- ser de temps en temps les enfants, qui se faisaient dis- tinguer par leur travail et leurs progrès. Fidèles à cette tradition, ils accordèrent au jeune Duhaupas, le 30 avril 1818, une montre d'argent comme marque de satisfaction et d'encouragement pour lui et pour ses condisciples. Quinze mois après sa nomination de directeur de la maîtrise, l'abbé Herbet offrit sa démission, et le {er juil- let 1818, il fut remplacé par M. l'abbé Cousin, sous- diacre. | Le maitre de musique, M. Hecquet, ayant élé forcé par suile d’indisposition de suspendre ses leçons penilant quelques semaines, un élève le suppléa durant lout ce temps jusqu à son rétablissement. C’est à ce double litre de récompense et de reconnaissance que MM. les adminis- trateurs lui firent présent d'une montre d’argent, objet très désiré et très recherché par les enfants de chœur. Les vocations ecclésiastiques devenant plus nombreuses depuis quelques années, l'évêque d'Arras se vit dans la nécessité de reprendre le quartier des enfants de chœur pour y loger ses théologiens. Mais comme il avait fait l'acquisition de l’ancien hôtet de l’Ecu d'Artois pour y établir l’école des Frères de la doctrine chrétienne, dite de Sainte Croix, et qu’il yavait dans celte maison un em- placement libre et inoccupé, donnant sur la rue, c’est là qu'il offrit à la fabrique, par une lettre du 10 octobre 1822, d'élablir la maîtrise. Cette proposition fut accueil- lie. M. l'abbé Dolez, trésorier, fut chargé de faire les dé- penses nécessaires pour le nouvel établissement. Le sieur Calmette, serpentiste, fut nommé maitre de cha- | — 83 — pelle, pour entrer en fonctions le 1°" riovembre suivant. Né à Eu, le 2 pluviôse an vrr, Calmette vint avec sd famille habiler Cambrai et fit ses études musicales à la maitrise de cette vie. Nommé maitre de chapelle à Ar- ras par Mgr de la Tour d'Auvergne, il exerça ces fonctions jusqu'à la mort de ce prélat et fut admis à faire valoir ses droits à la retraite par Mgr Parisis qui supprima dans son église l’usage du serpent, l'instrument favori de Calmette. Il est mort le 15 juin 1873. Calmette a composé un grand nombre de morceaux et motets de musique d'église dont nous avons pu retrou- ver à peine quelques débris dans les archives de sa fa- mille. Nous citerons un concerto pour serpent qui atteste autant le talent marqué de son auleur que le fond riche et varié de ses insp'rations. Le style de ce morceau nous a paru aussi correct que gracieux ; il élincelle de verve et de coloris. Calmette savait réunir le mérite de la composition à une exécution remarquable par la facilité, la force de la souplesse, qualilé souvent incompatible sur un instrument ingrat de sa nature, difficile à conduire et qui ne produit un effet ordinaire que dans nos pompes religieuses. Ce morceau fut écouté dans un concert avec un puissant intérêt et couvert de salves d’applaudisse- ments unanimes. L'abbé Cousin fut remplacé le 24 septembre 1826 par M. Lherbier, chanoine honoraire, auquel succéda M. l'abbé Fauchison. le 30 septembre 1827. Malgré le zèle avec lequel ce dernier remplissait les fonctions de directeur de la maîtrise, sa piété filiale ne lui permit pas de le$ continuer aussi longtemps qu'il l'eût désiré. Rappelé par son vénérable père au foyer = 8h == domestique, il quitta avec'regret ses enfants de chœur et fut remplacé {1832) par M. l’abbé Lemaire, clerc tonsuré.… Mgr de la Tour d'Auvergne ayant fait donation à la ville d'Arras de l’hôtel de l’Ecu d'Artois, sous condition d'y conserver à perpétuité les écoles chrétiennes tenues par les frères, il fallut se metire à la recherche d’une maison pour y loger les enfants de chœur. Ce fut le pré- lat lui-même qui se chargea de cette besogne. La maison de la famille Derguesse, rue des Chariottes, se trouvant à louer, la fabrique de la cathédrale, par une délibération en date du 23 février 1836, accepta le bail passé avec la propriétaire, Mademoiselle Derguesse, dite en religion sœur Nathalie, de la maison des Augustines de la ville d'Arras. Cet état de choses dura dix-huit ans.'Or, ce régime de location de maison pour le service de la maitrise, sous la direction d’ecclésiastiques qui ne restaient pas en fonc- tions assez de temps pour faire tout le bien possible, parut défectueux au successeur de Mgr de la Tour d'Auvergne, Mgr Parisis ; c'est pourquoi, dès le début de son admi- nistration, ce prélat eut à cœur de donner plus de stabi- lité à la maîtrise de la cathédrale, tant sous le rapport " ‘du local que sous celui de la direction. = D'abord, la maison occupée jusqu'alors convenant par- faitement à cette destination, eu égard surtout à la proxi- milé de la cathédrale, Mer Parisis fut d'avis que la fabri- que en fit l'acquisition, moyennant la somme de 8,750 fr. Le décret qui l’autorise à cet effet, porte la date du 11 fé- vrier 1854. Puis ensuite, pour parer au grand inconvénient de changer trop souvent de directeur, Sa Grandeur émit le — 65 -— vœu, qu’à l'exemple de plusieurs cathédrales, la direc- tion des enfants de chœur fût confiée aux frères des éco- ‘les chrétiennes. On fit dans ce but des proposilions au frère Mellon, directeur de l’école de la rue des Morts, qui mit à la disposition de la fabrique un directeur, le frère Eubert, avec deux autres frères pour l’assister dans ses fonctions, moyennantun traitementannuelde1,400fr. pour trois, puis pareille somme pour frais de premier établissement (1853). Ajoutons que plus tard la fabrique se crut obligée, à cause de la cherté des denrées alimen- laires, d'ajouter à ce traitement un supplément excep- tionnel de 150 fr. | Dés lors le nombre des enfants de chœur fut porté à trente; mais à daler de cette époque, ils ne furent plus logés et nourris à la maitrise. Ils y arrivent de bonne heure pour le service des messes à la cathédrale et pour l'assistance à l'office canonial. Le reste de la journée, en- tremélé de quelques récréations, est consacré à l’étude de la musique et du français. En sorte qu'ils passent la majeure partie du temps à la maitrise, sous la surveil- lance desfréres.Quelques-uns d’entre eux ayant manifesté le désir d'étudier le latin, MM. les vicaires de la cathédrale ont bien voulu leur en donner des lecons deux ou trois fois par semaine. Ces jeunes gens en ont si bien profité que plusieurs sont maintenant au séminaire de Saint-Thomas et d'autres poursuivent leurs études avec succès au petit séminaire (1883). Pour encourager ceux qui n’ont pas les mêmes dispo- silions et les attacher davantage à un établissement où ils reçoivent déjà une instruction plus étendue, plus va- riée que dans les autres écoles, la fabrique a décidé qu'il — 86 — serait accordé une gratification à tout enfant de chœur sortant de la maitrise, qui s’en serait rendu digne par sa bonne conduite et qui, de plus, aurait rendu des services réels à l’église pendant un certain nombre d'années (?4 avril 1855). ° Voici une preuve bien remarquable de l'intérêt que Mgr Parisis portail à la maitrise de sa cathédrale. C'est un réglement en forme d'observations en ce qui concerne la formation et la conservation de la voix des enfants de chœur, réglement que le prélat a pris la peine de rédiger lui-même. Nous ne pouvons nous dispenser de l'insérer ici dans son entier : « 1° Le maître de chapelle chargé de la maitrise doit, avant tout, s'appliquer à former et à conserver la voix des soprano, qui sont les plus importantes et celles qui demandent le plus de soin ; » 2° En vain les enfants posséderaient bien les mor- ceaux qu'ils doivent exécuter; si les voix manquent, sur- tout dans une très grande église, tout l'effet est perdu ; » 3° La voix de soprano, naturelle chez les filles, est artificielle chez les garcons. Il faut, pour l'obtenir chez les derniers, les habituer de bonne heure à une certaine contraclion de l'organe vocal qui produit les notes aiguës; » 4° Cette habitude s’acquiert par un exercice continu, de telle sorte que celte contraction d’organe nécessaire à la production des sons aigus étant fréquente, devient, chez les enfants surtout, facile et naturelle ; » 9° Cet exercice doit consisler principalement en gammes variées que les enfants exécuteraient lous les jours, malin ct soir, pendant un demi quart d'heure au | — 87 — moins. Ces gammes ne descendraient jamais plus bas que le sol et s’éléveraient au moins jusqu’au si bémol su- périeur. On aurait soin de ménager dans ces exercices des notes prolongées, surtout vers le milieu : ré, mi, fa. Rien n'empêche que dans ces gammes on entremêéle quel- ques peliles voix faciles, renfermées toujours dans la même partie. Quand le maître de chapelle aurait, pen- dant quelque lemps, présidé à ces exercices, ils pour- raient se faire sous la seule direction des frères, mais les enfants ne les omettraient pas un seul jour, quelque forts musiciens qu'ils fussent, jusqu’à ce que l’âge leur fit perdre tout-à-fait leur voix puérile ; » 60 Ce moyen, tout efficace qu'il est, serait même in- suffisant pour former, conserver et développer les voix de soprano, si l’on ne défendait aux mêmes enfants de chanter de leur voix ordinaire de garçon. Dans toutes les maitrises bien ordonnées, cela leur est formellement interdit. On le comprend, puisque la contraction d’organe nécessaire à ce genre de voix ne devient naturelle que si elle est continue, que si l’on n'exclue la dilatation pro- duite dans ce même organe pour le chant des notes infé- rieures à la gamme indiquée dans le numéro précédent. Aussi, non-seulement il faut éviter, dans les morceaux à plusieurs voix, de faire exécuter à ces enfants des parties notablement en dehors de cette gamme, mais il faut leur défendre de chanter avec le chœur, surtout à pleine voix, les Psaumes, le Kirie, etc. Reste un mot à dire sur le caractère de ces voix de soprano à la cathédrale. Celles même qui ont quelque puissance, sont maigres, criardes et dépourvues d'ampleur. Cela lient certainement à l'ins- trument dont on se sert pour les former. Il n'y a pas _— 88 — dans l’harmonium un seul jeu qui leur convienne. À dé- faut de la flûte à main, que rien ne remplace pour la dou- ceur et le moelleux des sons quand elle est bien embou- chée, je ne vois que le violoncelle qui pourrait donner à ces jeunes voix la rondeur qui leur manque tout-à-fait et que -le violon ne leur communiquera jamais. Il y à dans nos orgues à tuyaux des jeux de flûte parfaite, mais il faudrait donner des leçons à l’église, ce qui est im- possible. » Fait à Arras, le 10 avril 1863. » Signé : P. L., évêque d'Arras. » Mgr Parisis rétablit le rite romain à la grande satisfac- tion de lous, prêtres et fidèles. On l’inaugura à la cathé- drale le jour de Noël (1851), et dans tout le diocèse, le jour de Pâques (1852). Après le rétablissement de la liturgie romaine, M. Du- haupas ful appelé par le nouvel évêque à remplacer Cal- mette comme mailre de chapelle ; il remplit depuis lors ces fonctions, conjointement avec celles d'organiste du grand orgue. Albert Duhaupas, chevalier de l’ordre pon- tifical de Saint-Svlvestre et officier d’Académie, a com- posé plus de cent quarante-cinq œuvres, sans compter ies romances, mélodies, duos, scènes vocales, etc. Parmi les compositions de musique religiense dnes au talent du maître de chapelle actuel, nous cilerons un recueil de cinquante-six motets qu'il vient de publier sous le litre de : « Chœur des anges. Chorus angelorum. » Celle œu- vre magistrale, où la fraicheur s’unit à la maturité du ta- lent de l’auteur, lni a valu les suffrages d’un grand nom- bre de prélats el les plus favorables lémoignages du — 89 — grand chantre de notre cathédrale, dont l’aulorité est particulièrement compétente en cette matière. Approuvées par quinze archevêques, cardinaux et évé- ques français, adoptées par le Conservatoire de musique de Bruxelles, mises au répertoire des classes de l'école Niédermeyer, les œuvres de M. Duhaupas se recomman- dent d’elles-mêmes par les plus grandes richesses mélo- diques et par des combinaisons harmoniques d’accompa- gnement très savantes. Il a, en outre, acquis dans la composition de la musique profane une brillante réputa- tion par les Adieux de Béranger, les Chanteurs errants et les chœurs : Tout dort, Christophe Colomb et Justicia. Le nom de M. le chanoine Planque est associé si natu- rellement à celui de M. Duhaupas, qu'il vient immédiale- ment sous ma plume. Il fit adopter le Graduel et l’Anti- phonaire, édition de Reims et de Cambrai, comme la plus conforme aux règles du chant grégorien. A parlir de ce moment, il prit la haute direction des chants à la cathédrale et leur donna une si savante et si vigoureuse impulsion, que bientôt la cathédrale d'Arras fut renommée comme une de celles où le chant s’exéculait avec le plus de véricé. Il est vrai de dire que M. Planque dota le dio- cèse d’un recueil de faux bourdons à quatre voix, écrits avec une grande science des accords applicables à l’ac- compagnement du plain-chant et que les organistes- accompagnaleurs. soucieux de remplir convenablement leurs fonclions, feraient bien de consuller. M le chanoine Planque ne se contenta pas d'harmoniser une grande parlie des chants de l'office divin, il composa deux mes- ses remarquables : celle dite du Saint-Sacrement de Mira- cle, messe à effet et qui, sans être du véritable plain- — 90 — chant, en a loutes les allures; l’autre dite du bienheureux Benoit, très belle messe en plain-chant (4° mode mixte), qu’on serait heureux d'entendre plus souvent. Il composa, en outre, plusieurs antiennes au Saint-Sacrement et à la Sainte-Vierge qui se trouvent réunie:, ainsi que les mes- ses sus-nommées, dans son recueil de plain-chant. Ces antiennes produisent un effet remarquable lorsqu'elles sont exécutées par la masse chorale de voix que possède la cathédrale d'Arras. M. Planque n’est pas seulement un compositeur de plain-chant distingué, il est encore un musicien de grand mérite, et chacun, aux jours de fête, peut admirer les _motcts de sa composition que le grand séminaire et la maitrise in!'erprèlent à la cathédrale. On lui doit, en outre, de charmants cantiques et la musique d'un pelit oratorio, Saint-Agapit, que le pelit séminaire d'Arras interpréla jadis avec beaucoup de succès. Jusqu'en 1853, il n’y avait à l& maitrise que huit élé- ves : ils étaient pensionzaires. Depuis cette époque, il y en a trente, mais ils sont externes. La méthode d’ensei- enement est celle du Conservatoire de Paris. Au commencement du mois d'août 1883, M. Lepneveu, compositeur de musique à Paris, fut envoyé à Arras pour inspecter la maitrise de la cathédrale. M. Duhaupas fil exécuter devant l’Inspecteur, par les enfants de la maîtrise, plusieurs études de solfège et leur adressa différentes questions sur les principes de la musique. Puis il leur fit exécuter quelques motets des mailres anciens et modernes et des morceaux de plain-chant. M.. Lepneveu fut très content de ces diverses épreuves et manifesla hautement au mailre de chapelle sa vive sa- tisfaction, le priant de vouloir la communiquer à l'évêque et aux membres du chapitre de la cathédrale. Pour terminer cette notice, nous ne pouvons mieux faire que de rappeler la mémoire d'un bienfaiteur de la maitrise, M. l'abbé Herbet, ancien principal du collège d'Arras, chanoine, écolâtre de la cathédrale et archidia- _cre. Ce vénérable dignilaire aimait à se trouver aux dis- tributions de prix des enfants de chœur pour exciter leur émulation et les engager à bien profiter de 1'excellente éducation qu’ils reçoivent dans cet établissement. Il fit plus, le 5 avril 1875, il remit entre les mains du tréso- rier de la fabrique une somme de 420 fr., demandant que chaque année un livret de 20 fr. sur la caisse d'épar- gne fût donné à l'élève que ses maitres, de concert avec le chapitre, auraient jugé le plus digne de cette faveur. C'est ce qui s’observe tous les ans à la fin de l’année scolaire, le jour de la distribution des prix. e 1e GK — 99 — IV LA MUSIQUE DU XIV* AU XVI° SIÈCLE. — MUSIQUE BOURGEOISE. INSTRUMENTS EN USAGE AU XV° SIÈCLE. ANCIENS AIRS FRANÇAIS. | LEUR INTRODUCTION DANS LA MUSIQUE D'ÉGLISE. COMPOSITIONS LAÏQUES. . PROGRÈS DE L'ART MUSICAL AU XVI° SIÈCLE. RÉFORME DU CHANT D'ÉGLISE. — L'ORATORIO. LE DRAME LYRIQUE.— PALESTRINA, GALILÉE ET MONTEVERDE. INSTRUMENTS EN USAGE AU XVI* SIÈCLE. TYPOGRAPHIE MUSICALE. On nèe connaïtrait qu'imparfaitement les origines de l'opéra moderne, on ne lracerait pas une histoire com- plète de la musique dramalique à Arras, si l’on négligeait d'exposer l’état de l’art harmonique du XIVe au XVI° siè- cle. L'étude de celle période de transition mérile, à tous égards, qu'on s’y arrête quelques instants. Du XIV° au XVI° siècle, la musique, ainsi que le drame, s’affranchit peu à peu du joug ecclésiastique et, en se sécularisant, elle tend à fonder un art nouveau. Le cleroé n’est plus seul à la cultiver ; les princes et les seigneurs l'encouragent, les troubadours et les trouvères la leur rendent agréable à étudier, les associations de ménétriers en répandent le goût parmi le peuple. Durant celle période de transition, ce sont des religieux qui en- seignent la science musicale, qui en formulent par écrit les règles difficies el qui composent les messes et les molets arrivés jusqu à nous; mais aux poëles musiciens revient l'honneur d'avoir inventé les chansons qu'ui- — 93 — maient à répéter alors toutes les classes de la société ; aux jongleurs et aux joueurs d'instruments hauts et bas appartient le privilège d’avoir animé les danses popu- laires et d’avoir favorisé les progrès de la musique ins- trumentale. En sortant de l’église, en devenant un spectacle pavé et non plus gratuit, le drame était condamné forcément à perdre à la fois son intérêt musical et son lon dogmali- que. Le chant, qui exige de longues éludes, nécessite _ aussi des frais considérables, et comme la voix d'un chanteur, même habile, produit peu d'effet sur une place publique, tandis qu’elle charme et qu'elle émeut lors- qu'on l'entend dans un vaisseau sonore, les troupes d’ac- teurs laïques renoncèrent volontiers à un art difficile et dispendieux et ils en abandonnèérent la culture et l’ex- ploitation aux maitres de chapelle. La sécularisation du théâtre amena donc la ruine de l’opéra religieux, et les pieuses confréries qui se formèrent au XIV® siècle pour. représenter des mystères, confiérent la conduite de leurs jeux, non plus à des poètes compositeurs, mais à de simples auteurs dramatiques. Sans empiéter ici sur le domaine que s’est approprié M. de Coussemacker, sans disserler sur des questions d'archéologie musicale que les travaux de ce savant historien de l'harmonie au moyen-âge ont éclairées d’un jour tout nouveau, mar- quons cependant d'un trait plus accusé le rôle qu'ont joué à Arras les trois classes d'artistes que nous venons de citer. Les clercs, les chantres instruits, tous les religieux qui s’imposaient la mission d'enseigner le plaia-chant et qui faisaient servir la musique à l'éclat du culte, accor- _ 94 — daient une attention particulière à la partie scientifique de leur art. Par les livres qu'ils nous ont laissés, on voit quelle importance ils attachaient aux règles de l'écriture et de la mesure musicales. Seuls alors, peut-être, parmi les musiciens, les maîtres de chapelle avaient le talent de sereconnaître au milieu des complications croissantes de la notation proportionuelle ; aussi devons-nous à des membres du clergé, non-seulement les traités de musi- que, mais toutes les œuvres musicales écrites de l’époque qui nous occupe. Tandis que les organis'es s’adonnaient exclusivement au style canonique, au contre-point fleuri, les plus habi- les et Les plus respectables membres de la « confrérie de Saint-Julien et Saint-Genest » (fondée à Paris le 23 no- vembre 1331), prenaient le nom de « Ménestrels, joueurs d'instruments tant hauts que bas, » et ils obtenaient de Charles VI des lettres-patentes que ce roi leur fit expé- dier le 14 avril 1401. À peiue armée d’un privilège, cette corporation d’ar- tistes ambulants afficha d'assez hautes prétentions. Au XV° siècle, toutefois, elle se contentait encore de fournir aux grands, comme au peuple, des orchestres et des airs de danse; elle se montrait heureuse de figurer avec éclat dans les entrées royales, dans les cortèges officiels et dans toutes les solennités publiques. Pendant longtemps nos aïeux assistèrent avec empressement aux représen- talions musicales données à Arras par la confrérie qui prenait pour titre : Le Prince d'harmonie. | Les fêtes publiques et princières fournissaient à ces deux classes d'artistes diverses occasions de se rappro- cher. Aux trouvères appartenait l'idée, la composition s CU mess 5: MR EU =" 08 == des divertissements qui s’exécutaient pendant les feslins des grands, -sous le nom d'entremets; à eux également était confiée l'invention des drames muets dont on régalait le peuple à l’occasion des entrées de souverains dans leurs bonnes villes, des naissances ou des mariages de princes ou de princesses, des proclamations de paix et autres circonslances solennelles. Aux poëtesde cour était encore réservé le soin de régler les mascarades, les mo- meries el les récréations du même genre qui égayaient les soirées de la noblesse, les carrousels el les tournois, où l’on témoignait de la vivacilé de son esprit par les : emblèmes et par les vers des devises, enfin les ballets ambulaioires el tous les spectacles où l’on pouvait don- ner l'essor à son imagination et où l'on se proposait d'enivrer les sens tout en caplivant l’esprit. Ces entrées royales, ces mimodrames, ces bals, ces tournois néces- sitaient l'intervention des ménestrels, et il est vraiment fâcheux de manquer de données positives sur le caractère et sur la distribution des orchestres qui interprétaient les marchestriomphales ou guerrièresqui accompagnaient les danses et les chansons entendues dans ces jours de gala. | Dés le XV° siècle, Arras avait une musique bourgeoise. Lors de l'entrée solennelle du duc de Bourgogne, en 1489, nous voyons figurer dans le corlège qui précède le prince « des trompettes à cheval, dont les instruments étaient garnis de pavillons aux armes de la ville, .puis un corps de musique bourgeoise composé de vingt musi- ciens et de nombreux ménestrels faisant entendre leurs accords pendant le tournois qui couronna les réjouis- sances offertes au duc el à sa suite. » — 96 — A l’occasion de la réception faile aux Archiducs au mois de février 1600, le Magistrat fit placer, sur une estrade élevéeau-dessus de la porte Sain!-Nicolas, des ménétriers jouant de divers instruments, tels que hautbois, trom- petles, cornets à bouquin, etc., etc. (1) Michel-Ferdinand d'Albert d’Aïlly, duc de Chaulnes, ayant été nommé gouverneur-général de Picardie, d’Ar- tois et pays reconquis, fit son entrée solennelle à Arras le 7 octobre 1753. « Le Magistrat s'étant assemblé en corps en l'Hôtel de Ville sur les deux heures de l'après- midy, trouva les compagnies d'arbalestriers et archers à cheval et les corps de portefaix et bouchers armés sur la place, vis à vis l'Hôtel de Ville; il les fit conduire par le lieutenant Bailly hors de la porte de Ronville. Sur les trois heures, le Magistrat, précédé des violons et instru- ments de la ville et du dais porté par quatre valets de ville, se rendit à la porte de-Ronville, laissa le dais en dedans de la ville et se mit sur le glacis pour attendre M. et M"° la duchesse, ayant {es violons et instruments de musique de la ville derrière luy, et la chaussée eslante bordée de droite et de gauche par les corps des portefaix et bouchers (2). » Nous trouvons dans un compte des échevins commis aux honneurs pour l’année 1602, les traces de l'existence d'une corporation musicale d'Arras connue sous le nom d'organistes (3). (1) Reg. mém., 1495-1508, fo 311. (2) Reg. mém. de 1749 à 1766, fo 75, vo, (3) « Novembre et décembre 1602, — Le xx11° de novembre xvl° et deux, jour de Ste Cécille, après-avoir précédentement par les orga- nistes de ceste ville présenté à Messieurs en leur chambre leur bla- EP A RE NE RTE re :=,07 En énumérant les nombreux instruments qui, dès.le moyen-âge, se groupaient par familles et s’alliaient à pro- pos pour former un ensemble harmonieux, nous ferons connaitre les sources d’où sont issus nos modernes vio- lons et nos altos, nos hautbois et nos bassons. Nous établirons quatre catégories d'instruments tant haut que bas: les instruments à vent, les instruments à cordes, les instruments de percussion et les instruments dont la nature reste encore incertaine ou mal définie. La classe des instruments à vent comprenaitles orguettes ou orgue portatif, instrument qu’il ne faut pas confondre avec l’orgue pneumatique des églises, bien que sa cons- truction reposât sur le même principe : elles avaient un clavier à un ou à deux rangs de touches que le virtuose attaquait de la main droite, pendant que de la main gau- che, il faisait mouvoir le soufilet. Le régale, qui était une sorte d’orgue positif ou à de- meure. | | Les cors et les trompelles, que nos anciens écrivains désignent sous une foule de noms: tube, bocine, buisine ou-bussine, triblère ou triblers, estives, clarine, claronceau, araîne, trompe, trompelle, cor, corne, cornet, menuel ou manel, graisle ou gresle, huchet et olifun. Les flütes, qui formaient une classe nombreuse d’ins- : truments. Il y avait les chalumeaux plus ou moins pri- son et imaige de Ste Cécille comme ïilz ont accoustumé, leur fust faict présent par mesdictz sieurs de quattre cannes de vin (faisant six lotz) prindre au chelier de la ville et paiez à Philippe Taffin à raison de xx11 5. le lot, pris du vin nouveau tiré de la cave de ladite ville, vi liv, xvIr1 5. (Compte de MM. les eschevins commis aux Dons neurs et présens p. 4602, fo 30). » F entres Scrsoiblictiek MONCHEN — 98 — milifs et les flütes droites, à bee, percées de trois ou de six trous, et parmi lesquels nous rangeons les flageols de toutes sortes. La fleuthe traversaine ou flûte traversière avait six trous comme le fifre ou arigot, et l'on en ajouta un septième qui s’ouvrail au moyen d'une clef. La syrinx. ou flûte de pan était désignée sous les noms de frestel ou | de pipeau. Ces appellations de fistule, frestel ou frestiau, ‘pipe, pipeau, calamel, chalemelle ou chalemie, muse, che- . vrette, etc., s’appliquaient d'ordinaire à. des chalumeaux avec ou sans trous. ‘Le chalumeau proprement dit avait de six à neuf trous, et le plus souvent, il était dépourvu de clefs. Les hautbois dérivont de cet instrument ; ils avaient six trous et quelquefois une clef. Les cromornes ou tournebouts à sept, neuf et dix trous formérent plus tard des basses de hautbois, comme les bassons. La saccomuse, la vèze, la laure et peut-être aussi la go- gue rentrent dans ia famille des hautbois et. des corne- muses, avec ou sans pioche. La elasse des instruments à cordes n’était ni moins importante ni moins variée que celle des instruments à vent. Elle n’embrassa d’abord que des monocordes, des dicordes et des tricordes qui se jouaient avec un archet ou avec une baguette. Le crouih trithant (à Lrois cordes) est, selon F.-J. Fétis, un tout autre instrument que la roté; celle-ci, sorte de cithare, était montée de cinq cordes que l’on pinçait, lan- dis que le crouth se jouait avec un archet. La vielle, aux formes si diverses, à trois, quatre, cinq et même six cordes, se jouait aussi avec un archet ; c’est de cet instrument qu'est née la viole et qu'ensuite est sorti l’aito. La rubèbe et le rebec ont peut-être été d’abord deux instruments différents : le premier plus grave et à deux cordes seulement ; le second à trois cordes, comme la gigue, et d'un timbre plus aigu. Le poète Jean Lefèvre parle cependant de la rubèbe comme d’un tricorde. Ce qu'il y a de sûr, c’est que le nom de rebec s’appliqua promptement à Loute vielle ou viole propre à faire danser. Le violon à quatre cordes, d’origine hongroise ou bohé:- mienne, très vraisemblablement, et d'adoption française, n’est autre chose qu'un rebec perfectionné Le luth, dont les cordes en nombre fort variable se pinçaient ou s’attaquaient avec un plectre, avait pour va- riétés la luténa, la mandore, la mandoline et le théorbe. Le calachon et l’archiluth appartinrent également à cette famille d'instruments, mais ils sont d’une origine plus moderne. | La guilare (guiterne, guiterre, guitarne, etc.), diffère du luth par sa-forme, et cependant, on peut la considérer comme un instrument du même genre. Le cistre ou cühre, à quatre, six et douze cordes, qui participait du luth et de la guitare, a donné naissance à la citole ou cuitolle à quatre cordes. La cithare, née de la lyre des anciens, a contribué elle-même à former le psal- térion, le canon et le tympanon. Elle avait de seize à vingt-quatre cordes. | La harpe qui, au XIV* siècle, avait de neuf à douze cordes, se pouvait alors placer sur les genoux. Outre ces instruments à cordes pincées ou frottées et ceux à cordes et à archets, nous devons citer encore les instruments à cordes où la roue était substituée à l'ar- chet, comme la vielle ou chifonie, née de l'organistrum, — 100 — et enfin les instruments à cordes et à clavier, tels que le manicorde, le clavicorde, la doulcemelle (dulce melos), etc., qu’on désignait peut-être originairement sous le nom générique de symphonie. La famille des instruments de percussion renfermait le tambour à main ou tambourin (Labor, taborin, tym- bre, etc.), le tambour militaire (tabor, tabur, etc.), d'où dérivent la caisse et le badon, puis les tambours de métal appelés nacaires ou atabales, c’est-à-dire timbales, les clo- chettes, sonneites et grelois (tintinalles, eschelettes, cam- panes, clocques, sonneau, sonnaille, etc., les castagnelles (crotales, cliquette), le triangle (trépie) et les cymbales. Nous rangerons dans la classe des instruments dont la nature n’est point bien connue la sambuque et le nable qui ne laissaient pas de ressembler un peu au psallérion, le trigorne et le magade, variétés de la sambuque, à ce que l’on croit ; la saquebuie ou sacqueboute, d'où sont nés probablement la trompette harmonique el le trombone, la doulcine ou doucine (flûte ou hautbois), les estives (trom- petles droites), la flûte behaigne (flûte cunaque, mirliton ou flûte de Bohême), les éles, l’échaquiel où échiquier el les marionnettes (instruments à cordes et à roue ou à cla- vier), le manicurdion, le choron, instrument à cordes décrit par Jean Lefèvre, et plusieurs autres encore que nous jugeons inutile de citer. Ces quatre familles d'instruments présentaient un riche assemblage de sonorités, une variélé de timbres prodi- gieuse. Quel parti les ménestrels en savaient-ils tirer? Nous l’ignorons ou à peu près. Semblables aux musiciens ambulants qui parcourent les rues et qui nous convient à leurs concerts en plein air, ces anciens joueurs d'ins- : — 101 — truments tant haut que bas, jouaient de mémoire, après avoir probablement appris d’instinct le peu qu'ils sa- valent. Aussi ne nous ont-ils pas plus laissé de morceaux écrits que n’en légueront aprés eux les charmeurs de carrefours que nous entendons aujourd’hui. Nous ne pouvons guère, par conséquent, nous livrer qu'à des conjeclures, relativement au caractère de la musique au XV° siècle. Nous pensons, néanmoins, que les chansons en vogue composaient le fonds du répertoire des instru- menlistes, et comme la plupart de ces refrains étaient l'œuvre des poètes musiciens atlachés au service des sei- gneurs, nous croyons que des rapports assez fréquents durent s'établir entre ces derniers et les ménestrels. Le Magistrat d'Arras avait à sa solde un trompette et trois joueurs de haut-vent qui sonnaïent de leurs instru- ments au haut du beffroi le matin à l’ouverture des por- tes de la‘ ville et le soir à l'heure de la fermeture, 1501 (1). (1) « 146 août 1501. "» Retenue de qualre joueurs de hault-vent y compris le trompette. » Ledit jour Messieurs les Eschevins en nombre par l’advis comme dessus at esté retenus aux gaiges de ladite ville quatre joueurs de hault-vent, assavoir une trompette et trois joucurs de hault-vent, les- quels ont promis et seront tenus de jouer chacun jour au beffroi d'icelle ville au mattin à l’eure de la porte ouvrir et au soir à l’eure de la porte clore et incontinent apprès que le clocque des portes _clore et ouvrir aura cessiet le sonnerie, aux gaiges chacun de xv liv. en argent aveuc pour chacun une robe de livrée, x 1. vis. vint d. Et à chacun un mencaudz de blé, tel que de la mouture des mollins de la ville aussy chacun an, lesquels joueurs ont promis et seront tenus de clore et reffermer tous les huis dudit beffroy et de non partir de la ville sans avoir congié de Messieurs. » Et ont promis de venir résider en ceste dite-ville au jour Saint — 102 — La fin du XV° siècle et le suivant furent une des plus remarquables périodes de l’histoire de la musique ; trois grands faits la caractérisent: le perfectionnement des formes maléfielles et arlificielles de l'harmonie, la ré- forme et une nouvelle direction de la musique religieuse, la naissance du drame musical. Vers le milieu du XVI siècle, les formes de l'harmonie qui, jusqu'alors, avaient absorbé presqu’exclusivement l'attention des musiciens, étaient devenues fort compliquées. Cependant, malgré cette complication, malgré les combinaisons les plus va- riées d'imitation et de canon, l’art de faire mouvoir les parlies avec aisance, de faire chanter les voix dans un espace très resserré, l’art d'écrire avec élégance avait été porté à un assez haut degré de perfection. Malheureuse- ment, ces procédés mécaniques qui ont été si uliles au progrès de l’art, mais qui n’en sont pourtant que des ac- cessoires, furent regardés comme l'objet. principal et cette voie conduisit les arlistes aux abus les plus répré- hensibles, aux extravagances les plus incroyables. Remy prochain venant. » — (Reg. mém. de 1495 à 1508, fv 159, v°). « 3 février 1506. » Ordonnance pour les joueurs de huull-vent. » Aujourd’hui rue jour de février audit an, Messieurs les Eschevins en nombre, considérant les grans affaires et charges de le ville ont conclud de donner congié aux ménestrieux de hault-vent estant aux gaigès de ledite ville pour ce que iceulx ménestrieux auront leurs pleins gaïiges en toutes choses et que leur paiera l’argentier de la ville depuis le jour de Toussains jusques au may prochain pendant lequel temps iceulx ménestricux se porront pourveoir en autres lieux ainsy que bon leur semblera, et quand au blé il a esté ordonné leur baillier xt mencaudz de blé. » — (Reg. mém. de 1495 à 1508, fo 311). — 103 — Le rythme et la chanson, il importe de ne le point oublier, amenérent la transformation de la musique du moyen-âge. Durant la période de lransilion dont nous parlons en ce moment, qu'entendait-on dans l'église aussi bien que dans la rue? Le refrain sautillant de l'Homme armé (1). | Les airs qui se répétaient à la cour et à la ville conti- . nuaienl, il est vrai de participer des mélodies ecclésias- tiques, mais les chants d’église perdaient un peu de leur | ancien caractère et tendaient à s’assimiler aux mélodies profanes. | Dès l’année 1550, le chant des airs français avait un caractère de rythme et de mesure qu’on ne trouve pas dans les psalmodies qu’on appelait les chansons des trou- badours es lrouvères des XI° et XII° siècles. Ces chansons s'étaient ensuite excessivement multipliées et étaient devenues l'objet du goût dominant de la nation française, qui en a toujours conservé quelque chose. Ce goût était si généralement répandu depuis le règne de Louis XI que les compositeurs de musique d’église furent contrainis de prendre pour thème principal de leurs messes et de leurs motets les motifs des chansons les plus populaires. Les motets de Baïf, de Ronsard et de quelques autres rimeurs français étaient appelés chansons spirituelles parce qu’on les chantait sur des airs profanes. (1) Depuis Guillaume du Fay jusqu’à Firmin Caron, à Vincent Faugues, à Josquin Després, à Palestrina et même à Carissimi, les plus célèbres compositeurs se sont exercés à l’envi sur ce thème favori. On sait que les maîtres de ce temps-là donnaient à leurs mes- ses les premiers mots de la chanson populaire dont ils s’inspiraient: l'Homme ariné, Buisez-moi, Mon cœur, etc. | :— 104 — | Ainsi, la mélodie était considérée comme une partie tellement secondaire qu'on ne se donnait plus la peine d'inventer les chants, c’étaient les airs populaires qui servaient aux messes, aux motels, et l’on en arriva au point de prendre pour thèmes des chansons grivoises et d’en faire chanter simultanément les paroles avec le texte sacré. Il fallut un décret du Concile de Trente pour faire cesser cette confusion que supportait aisément la foi naïve de nos pêres. Un mépris aussi complet des convenances, une telle aberration aurait infailliblement conduit l’art à sa perte, s'il ne s'était présenté un homme de génie pour lui ins- pirer une direction nouvelle et conforme à la véritable destinalion. En effet, l'heure approchail où les composi- teurs, las de chercher des combinaisons ingénieuses, mais stériles, allaient demander à la musique autre chose que des concerts froidement harmonieux. Déjà Palestrina (1529-1594), l’artiste épris des exquises élégances et.de la perfection de la forme, avait excellé dans l'expression des ‘sentiments religieux ; il ne restait plus, après ce grand maître, qu à trouver le moyen de traduire la pas- sion et tous les mouvements impétueux de l'âme, qu'à revêtir le drame lyrique des formes qu'il devait définiti- vement adopter. La nature l'avait doué de l'instinct d’une pure mélodie qui lui faisait donner un air facile et chantant aux par- ties de ses ouvrages les plus remplies de recherches scientifiques. Le genre du inadrigal qui n'avait été jus- que vers 1550 qu'un travail harmonique plus ou moins habilement combiné, prit. entre les maïns de Palestrina, une grâce douce et calme. La mélodie s’y fit remarquer — 105 — par sa convenance à l’égard des paroles ; enfin ce grand homme dirigea l’art vers son but naturel (1). Sans doute il serait injuslie de ne pas tenir compte des résultats obtenus par ses prédécesseurs, notamment par Josquin Desprelz, le plus célèbre et le plus populaire musicien de l’école. flamande (1480-1525), qui sut donner à ses compositions des formes mélodiques inconnues avant lui et fut le véritable Rossini de son temps. Mais Palestrina imprima à la musique religieuse son véritable caractère et ouvrit la carrière à une brillante pléïade de compositeurs. Peu de temps après lui, Vincent Galilée, en appliquant la musique à un épisode du Dante, la Mort d'Ugolin, montrait à ses adeptes une voie nouvelle qui devait être parcourue par tant d’autres. La musique était désormais en possession de ses deux plus éclatanles ma- nifestations, l’oratorio et l'opéra. Monteverde est le premier qui se soit essayé dans le véritable drame lyrique, et son nom mérite de figurer en face de celui de Palestrina. C’est à lui qu'il apparte- nait de transformer les tendances du drame lyrique. Les maîtres florentins, en croyant retrouver la déclamation chantée des anciennes tragédies grecques, avaient créé le récitatif dont ils ont formulé la théorie en termes que Glück n'eut pas désavoués. Mais précisément parce qu'ils avaient voulu reproduire la tragédie des anciens dans son austère simplicité, ils avaient dû accorder à l’élé- ment liltéraire une importance excessive et prédomi- nante. Monteverde, au contraire, et c'est là le trait original et caractéristique de son œuvre, selon nous, sut concilier l'intérêt politique musical. (1) Fétis, Résumé de l'histoire de la musique. — 106 — La typographie musicale en caractères mobiles ne date que des premières années du XVI° siècle. Ce fut Octave Pelrucei de Fossembrone qui en inventa le procédé et en fit l'essai dans son recueil dé chansons qu'il publia à Ve- aise, en 1503. Cette nouvelle invention ne tarda pas à se propager : avant 1541, les principales villes d'Europe et de France furent en possession d'’imprimeries de ce genre. Quantaux recueils de motels, de messes, de chan- sons et madrigaux que renferme la bibliothèque d'Arras, ils sont tous manuscrits. y L'OPÉRA EN FRANCE. PREMIÈRES TROUPES LYRIQUES À ARRAS. PÉRIODE THÉATRALE 1750-1800. ACADÉMIE DE MUSIQUE. SUJETS ARTÉSIENS PROPOSÉS POUR EN SUIVRE LES COURS. Depuis longtemps déjà le drame lyrique florissait en Italie sans être connu en France, lorsque le poète Antoine Baïf, qui avait visité Venise et y avait vu représenter des opéras, conçut le projet de nationaliser ce genre chez nous. Le poète se mit à l’œuvre, composa des drames en vers métriques, tels que ceux des anciens, considérant cette coupe comme la plus propre au chant, leur adapta uné mélopée quelcenque et les fit représenier à sa mai- son de la rue Saint-Marceau. Plus d’une fois Charles IX, et plus tard Henri II, assistèrent à ses solennités ; mais le temps était mauvais pour l’art musical et les troubles = 107 = de la Ligue né donnèrent pas au genre nouveau lé temps de s’acclimater. C'est en 1646 que le maïiire de chapelle du cardinal-évêque Alexandre Richi, l'abbé Mailly, fit re- présenter dans une des anciennes salles du palais épis- copal de Carpentras, Abékerr, roi de Mogol, tragédie lyri- que, et la cour fastueuse du prélat applaudit avec fureur le premier opéra français. L'année précédente, une troupe italienne, composée de chanteurs, cantatrices et musi- ciens, mandée par Mazarin, avait donné, le 24 décembre 1645, dans la salle du petit Bourbon, en présence de Louis XIV et de loule sa cour, une représentation de la Festa della Finta Pazza, mélodrame en cinq actes, de Jules Slrozzi ; dans celte comédie lyrique, les personnages chantaïent, dansaient, parlaient et les intermèdes se composaient d'un ballet de nègres et d'ours, d’une danse d’autruches et d'une entrée de perroquets. En 1647, on représenla. Orfeo à Euridice, dont le succès suggéra l’idée d'écrire des opéras français. En 1650, on joua l’Andro- mède, de Corneille, et en 1651, on donna un ballet de Benserade, intitulé Cassandre. L'opéra était implanté en France. Deux partis s'élevèrent alors: l’un prétendait que la musique ne pouvait s’adapter qu’à des parolesitaliennes, l'autre soutenait la possibilité de noter les paroles fran- çaises. L'abbé Perrus de Lyon, introducteur des ambassa- deurs près de Gaston, duc d'Orléans, trancha entièrement la question en composant sa Pastorale que Cambert, surintendant de la musique ile la reine-mère, mit en mu- sique. Celle pièce en cinq actes, dépourvue de danses et de machines, fut jouée à Issy, chez M de la Haye, en 1659, puis à Vincennes, devant la cour. — 108 — Cambert, le premier compositeur d’opéras français, fu] bientôt éclipsé par Lulli qui, de 1672 à 1687, émerveilla la cour et la ville. beaucoup plus, il est vrai, par la nou- veauté du spectacle que par la valeur intrinsèque de ses partitions. C'est vers la fin du siècle de Louis XIV que le théâtre s'organisa généralement en province, dans des locaux Spéciaux et en exploitations suivies. Les grandes villes d’abord, les autres ensuite, construisirent des salles de spectacles. Beaucoup, et Arras fut du nombre, abordè- rent l'opéra, dont Lulli, chef des académies concertantes de France, avait le privilège par tout le royaume. Un genre plus léger et plus gai prit alors naissance dans le développement des anciennes bouffonneries à un, deux ou trois personnages, qui ésayaient les ent'acles de nos anciens mystères, conpés eux-mêmes par des psaumes, des chants variés, des facéties. L'usage des in- termèdes fut promptement adouci et l’opéra seria, en prenant possession de la scène, loin d’en déterminer l'abolition, lui fit prendre, au contraire, une extension nouvelle et de plus grands développements. Biénlôt même, on cultiva séparément ce genre qui plaisait géné- ralement aux sptetateurs. Après Hasse el Vinci vint Pin- srelin,et avec lui l’opéra-bouffetrouva sa forme définilive. C'est en 1752, après l'audition de la Serva padrona, la Servante maitresse, ce-chef-d’œuvre de brio méridional pris à son origine comine interméde, qu'un enfant de l'Artois, Pierre-Alexandre Monsignv, né à Fauquember- gues, en 1729, entrevit la possibililé de créer en genre national l’opéra-comique français et résolut de Lenter une révolution dans l’art musical de son époque. — 109 — C’est par le don céleste de la mélodie que se distingue avant tout Monsigny (1729-1817); mais, grâce à son ex- quise sensibilité et à son profond sentiment de la vérité dramatique, ce musicien a pris rang parmi les artistes créateurs. Ne lui reprochons pas la faiblesse de son ins- trumentation, ne sourions pas s'il entreprend un peu témérairement de décrire, dans la finale d’un de ses opé- ras, et l'orage qui gronde et le galop des chevaux et les bruits de la chasse, à l’aide d’un maigre orchestre com- posé des instruments à cordes, de deux hautbois, de deux flûtes, de deux cors, de deux bassons et d’une contre-basse et s’il essaie d’imiter le fracas des éléments déchainés au moyen de ümides trémolos et de procédés qui sentent encore l'enfance de l’art. Monsigny n’est point symphoniste, et ses études incomplètes et tardives ne lui permirent point d'acquérir cette aisance, cette souplesse, cette rapidité d'exéculion qui semble la grâce du génie; mais s’il ne fut pas fécond, si la fatigue de son esprit, la faiblesse de sa vue, la crainte, peut-être, de se mesurer sans cesse avec Grétry l’arrêétèrent sou- dain, après son plus beau succès, il lui suffit d’avoir écrit le Cadi dupé (1760), On ne s'avise jamais de tout (1761), Ze Roi ét le fermier (1762), Rose et Colrs (1764), le Déserteur (1769), la Bel'e Arsène (1775) et Félix (1777), pour avoir droit. à ce titre de musicien original et créateur que nous venons lui décerner. Quelle fraicheur d'imaginalion, quelle émotion tou- chante et quels accents expressifs dans cel opéra, le Roi el le fermier, premier fruit d'une association heureuse entre deux talents de la même famille! N'est-ce paint tout un pelit poème que cetle scène pastorale où deux — 119 — jeunes filles chantent leurs printannières amours à côté d’une mère dont le cœur est agité par l'inquiétude ? Et quelle naïveté délicieuse dans cet air de Jenny: Ce queje dis est la vérité même ! Mais à quoi bon entrer dans de minutieux détails en parlant d'œuvres qui n’ont pas cessé de figurer au réper- toire et qui sont présentes à toutes les mémoires ? Qui ne connai l'air de la Belle Arsène? Qui ne s’est laissé charmer par les mélodies naturelles de Rose et Colas ? Qui n'a pas applaudi le Déserteur et Félix ou l'enfant trouvé ? Ces deux derniers ouvrages sont ceux où Monsigny a déployé au plus haut degré son entente des situations dramatiques, prodigué les antithèses de style les plus séduisantes et trouvé les inspirations les plus pathéti- ques. Son instrumentation même s’y montre moins ingé- nue et cherche à colorer des chants toujours appropriés au caractère de chaque scène et de chaque personnage. Le rôle d’Alexis, dans Le Déserteur, est tracé avec une force et une vérité jusque-là sans exemple et les péri- péties principales de la pièce sont traduites avec un na- ture] et avec une expression pénétrante qu'on ne saurait trop admirer. | Même variété d'accents.et mêmes qualités dramatiques à remarquer dans Félix, dont le ravissant quintette, si bien disposé pour les voix, le trio pathétique et l'air: | Qu'on se baite, qu'on se déchire, offrent des beautés qui sortent Monsigny de la classe des imitateurs de Pergolèse et l'élèvent au rang des musiciens qui ont une individua- lité propre et qui ont laissé des modèles d'invention dont leurs émules ont su s'inspirer à leur tour. À partir du XVIII* siécle, la Municipalité d'Arras sub- La — 111 — ventionna des troupes d’enéras. Le directeur de Soissons offrit à nos édiles, pour la saison de 1757-1758, une troupe bien moniée, avec pièces du Thédure Français, du Théâtre-ltalien et de l'Opéra-Comique, Au nombre des ac- teurs figure M. Bigotine, ayant chanté devant le roi, à Fontainebleau, et M!° Jouaut, renommée dans ses rôles d’opéra-bouffe, tels que la Servante-maïtresse et la Bohé- mienne. Dans une lettre adressée de Lille à M. Ansart. Conseiller de ville à Arras, le 25 janvier 1770, Je sieur Hébert sollicita du Magistrat l'autorisation de venir à Arras, après Pâques, avec une troupe d'opéra-comique et un corps de ballet. La troupe Sauval vint donner une re- présentation, le 10 août 1772, on joua deux opéras- bouffes : la Servante-mattresse et. le Tonnelier. Entre les deux pièces, M'° Sauval, jeune et jolie actrice, chanta des ariettes choisies du gränd-opéra, et l'artiste Sohotzwera exécuta sur le violon un concerto de s3 composition, suivi d'un air varié pour la flûte. . À l'ouverture de là saison théâtrale 1778-4779, la troupe Dumeny, de Dunkerque, se trouvait à Arras. Le tableau des acteurs comprenait les noms suivants: MM. Dumeny et M Belfort, de Lyon, 4*"* rôles. Laguillotière, d'Arras, et M°®° Montbaïlly, de Lille, 2 rôles. | Deschamps, de Valenciennes, rois et pères nobles. Becque, de Nancy, 2“ rois, rôles, 2e basse-taille. Rézicourt, financiers, paysans, 1"* basse-taille. Chénard, doublant la 1"° basse-taille. Dupuis, manteaux, grands accessoires, partage des laruettes. — 119 — MM. Chaumont, de la Haye, 1° comique et partage des laruettes. | Dumeny fils, 2° comique. Dupont, de Douai, 1* haute-contre. Montbailly, 2° haute-contre. M'e Duchaumont, 1"° chanteuse et 1°" rôle de comédie. Delaunay, doublante. Cartelle, ?° amoureuse. | Clarys, 2° soubrette et ?° amoureuse. Laguillotière, caractère. Richard cadette, de Nancy, 1"° soubrelte et duègne. Souffleur, M. Grandval. Un. chef de musique. Deux premiers violons. Deux seconds violons. Basse et cors. Deux machinistes, tailleur et perruquier. A cette époque, le tenor tel que nous le comprenons aujourd’hui, s'appelait la taille. Mais les opéras du XVIIIe siècle demandaient généralement une voix plus aiguë encore, tenant le milieu entre le soprano et le tenor, c'était le haute-contire. Les voix de haule-contre étaient excessivement rares ; toute la correspondance de Desro- siers, directeur des théâtres d'Arras et Douai, le prouve. On se trouva souvent réduit à faire chanter la partie par des femmes. Comme opposition extrême à la haute-contre se trouvait la basse-contre, notre basse ‘actuelle du grand-opéra. Ces explications font comprendre le rôle considérable attribué à la basse-taille ou barylon qui, moins difficile à rencontrer que des organes exception- nels, presque hors nature, prend dans l'opéra l’impor- — 113 — tance aujourd'hui réservée aux tenors, depuis que leurs rôles sont écrits dans un registre plus abordable pour les voix d'hommes. | Il n’en-était pas de même en 1773, et c'est avec raison que le directeur Dubourneuf le rappela dans son com- promis avec la ville: « Une bonne première chanteuse et une basse-taille, c’est la base de l'opéra. » Parmi les basses-tailles, on cherchait de préférence celles dont la voix montait assez facilement, les Caillot, disait-on alors, comme on a dit depuis les barytons Mar- tin. La première basse-taille de la troupe lyrique d’Arras touchait alors 3,000 fr., appointements qui dépassaient de 600 fr. ceux de la taille et du haute-contre. L’année 1784 ramena sur la scène d'Arras la troupe lyrique de Casimir, qui desservait en même temps les villes de Douai et d'Arras. Le fait saillant de son exploi- lation est la représentation d’Aucassin et Nico'ette, dont l'affiche, ainsi rédigée. fit sensalion : « Grand-opéra nou- veau qui n'a jamais été représenté en cette vilie; pièce ornée du plus grand spectacle, tant d’une évolution mili- taire que d’une décoralion faite exprès, suivi du Milicien, opéra en un acte, dans lequel M”* de Fois chantera une ariette à roulades de la composition de M. Paris, maître ‘ de musique de la Comédie. » Le répertoire de Grétry était fort en faveur alors. Les opéras le Jugement de Midas et la Fausse Magie signalèrent la campagne 1784-1785. C'est à celte époque que se rat- lache un passage de la vie d'Hilaire Ledru, paysan d’Oppy, prés Arras, qui devint un peintre de talent. La vue de la salle de spectacle lui donna l’idée d'entrer au théâtre. On donnait ce jour-là Annelte et Lubin, de Favart, et les Deux 8 — {14 — Avares, de Grétry. L'actrice joua si bien le rôle d’Annette qu'ella fit une impression profonde et dangereuse sur un cœur inconscient des séductions de la scène. Hilaire Le- dru chercha à se rapprocher d’eïle ; maïs l'illusion s’en- vola un jour qu'ayant pu pénétrer à la répélition, il en- tendit Annette jurer de dépit contre le souffleur et tutoyer familiérement ses camara.les | Après l'inauguralion de la nouvelle salle de spectacle, 30 novembre 1785, la troup: Declainville joua sur notre scène la Rosière de Salency, opéra-bouffe de Grétrv, et Rose et Colas, de Monsigny. Richard Cœur-de-Lion et la Curavane du Caire, opéras de Grétry, eurent les hon- neurs de la saison théâtrale 1787-1788. Chénard. comé- dien ordinaire de roi et basse-taille des Italiens, sefit anplaudir dans ! Epreuve villageoise et les Evènements im- prévus, de Grétry. En ces années mémorables où, s0:s le souffle ardent de 1789, l’ancienne société française s'écroule avec fracas et où sur ses ruines, au nom de la justice, on fonde l'égalité de tous les citovens devant la loi ; en ces années lerribles où l’œuvre de rénovation politique et sociale s'accomplit au milieu des p'us épou- vantabies orages intérieurs et en dépit de l'Europe sou- levée contre nous, en ces temps abhorrés où André Ché- nier payait de sa vie le droit de flétrir « des bourreaux, barbouilleurs de lois, » où la France se transformait en vaste place d'armes au cri de La patrie est en danger, où chacun étail prêt à marcher à la mort, le sourire des martyrs aux lèvres ou l'enthousiasme des héros au cœur, en cette crise effroyable, les suaves romances de Dalay- rac ne répondaient plus à l’état des esprits, ou si, par hasard, l’une d'elles s imposait à la mémoire d’un poële de circonstance, ce patriote en forçait le {on et en déna- — 115 — turait le caractère, Ce n'était pas, d'ailleurs, au chant Verllons au salut de l'empire, c'était aux héroïques accents de la Marseillaise qu'on conduisait nos soldats à la dé-. fense de nos frontières. Au théâtre et dans la rue, c’étaient des chants virils que demandait à entendre la nation, et celui de Rouget de Lisle, admirablement orchestré par Gossec, y éclatait tous les jours et y enflammait toutes les âmes. 0 À Arras, les réactionnaires avaient coutume de récla- mer le Chant du réveil et les révolutionnaires leur répon- daient par le Ça ira et la Marseillaise. Afin d'éviter les désordres qui en résultaient, l’assemblée municipale dé- cida, le 28 floréal an 111, qu'aucune chanson ne serait chantée au spectacle, sans que l'auteur ne l’eût signée et se plaçât à côté du chanteur. Cette obligation ralentit for. tement l’ardeur de nos chansonniers (1). Les mauvais jours de la Révolution n'arrétèrent pas les représentations lyriques sur notre scène. Le 22 mai 1793, la troupe de Dupré chanta, au bénéfice des frais de la guerre, les opéras la Mélomanie et Guillaume Tell. Un arrêté du Directoire exécutif, en date du 28 nivôse an 1v, ordonna que la Marseillaise, Ça ira, Veillons au salut de l'empire seraient chantés chaque jour avant le lever de la toile dans tous les spectacles, et la Marseil- laise chantée de nouveau entre les deux pièces; ce même arrêté défendit expressément de chanter le Réveil du peuple. | | Le 15 floréal an vir, le citoyen Georges Weismmer, entrepreneur de spectacles à Amiens, obtint le privilège de la scène d'Arras, à condition d'y faire représenter le (1) E. Lecesne, Arras sous la Révolution, t. 1n1. — 116 — grand -opéra, l’opéra-bouffe, les ballets, vaudevilles, etc., etc. Après être passé dans différentes mains, ce privilège .échut, le 3 floréal an xr, à un nommé Squels qui se qua- lifait du titre de maître musicien. Avec la Révolution de 1789, s'ouvre pour notre théä- tre lvrique une ère nouvelle. Les pastorales, les esquisses légères et les tableaux dans le goût de ceux que nous ont laissés Greuze et Walteau y sont remplacés par de fortes images, par des figures austères ou poétiques, par des scènes d'histoire et des souvenirs de l'antiquité. Aux comédies agréables, réjouissantes ou sentimentales, lout- à-coup succèdent de mâles conceptions qui rappellent le peintre vigoureux de Léonidas et de l’Enlèvement des Sa- bines. Méhul fut le David de la musique dramatique. Sous le choc des évènements considérables auxquels il assistait, il entonna le Chant du départ, de concert avec Marie-Joseph Chénier et, comprenant qu’il fallait parler une langue digne de cet âge d'émancipation politique et de souveraineté nationale, il poursuivit l'œuvre si bien commencée par son maitre, le chevalier Glück, et il eut la gloire de la parachever en modifiant le style de notre opéra-comique. [a Révolution ne fut pas une époque malheureuse pour l'opéra. Ce genre de spectacles trouva, au contraire, des succès dans les pièces de circonstances et Îles airs patriotiques. François Devienne (1759), mort à Charenton, à qui l’on doit d'innombrables compositions instrumentales et les progrès qu'accomplit en France la musique militaire pendant les dernières années du XVIII siècle, s’est ac- quis la faveur du public en faisant représenter les Visi- tandines (7 juillet 1792) au théâtre Feydeau, où il donna — 117 — aussi les Comédiens ambulants (1798\. Le sujet des Visi- tandines, habilement iraité par Picard, était à la fois gau- lois et révolutionnaire, double raison pour qu'il captivât les spectateurs de l'époque qui nous occupe; mais si cette pièce était de nalure à plaire à un public voltai- rien, les mélodies qu'y adapta Devienne convenaient tout- à-fait aux siluations imaginées par son collaborateur. Le duo de Frontin et de la lourière : Quoi, vous voulez rester dans la maison ? le-rondeau plein d’entrain de Belfort: Enfant chéri des dames, dont les deux mesures initiales ont le mérite de rappeler un air de Mozart, alors que /a Flûte magique étail encore inconnue en France, la ro- mance d'Euphémie: Dans l'Asile de l'Innocence, l'air de Frontin : Qu'on est heureux de trouver en voyage, les couplets du père Hilarion : Un soir de cet automne et le duo chanté par l’amoureux Belfort et l'ivrogne Grégoire dénotent une connaissance approfondie des lois théâtrales. Soigneusement instrumentéce; spontanée el facile à se graver dans la mémoire, la musique des Visitandines, comme celle des Comédiens ambulants, où l’on remarque le chœur développé des comédiens et le finale du premier acte, n'a guère plus de couleur que le style de Picard, elle est un peu plus bourgeoïse, maïs naturelle, et par son allure même elle enchante ceux à qui elle était des- tinée. Aussi ne protesterons-nous pas contre le long suc- cès de cet opéra ; il prouve que la multitude aimait à re- venir à la simplicité de nos vieilles chansons. Il nous fournira, en outre, l'occasion de faire remarquer que J'humecr rieuse des Français se manifestait encore aux plus mauvais jours de Ja Révolution. Sous la Terreur, on improvisait des couplets d’une ircroyable hardiesse, on frondait en dépit de la guillotine, on chansonnait les = is — bourreaux, on entonnait de gais refrains el jusqu’au théâtre on osait applaudir des comédiens à ariettes dont le ton jurait étrangement avec celui des drames à grands sentiments patriotiques. C’est grâce à celte persistance du goût national pour le chant parlé, pour la romance simple et naïve, pour les chansons spirituelles que Solié, Gaveaux et Devienne virent leurs opéras si favorablement accueillis et l’emporlèrent même quelquefois sur des compositeurs qui sont la gloire de leur art. Les artistes élaient mis à contribution pour toutes les fêtes et les cérémonies ; même sur notre scène, plus d’une actrice en vogue dut se transformer en déesse de la Raison et de la Liberté, chanter aux fêles de l’Etre su- prême, aux fêtes funèbres et entonner. à première réqui- sition, des hymnes nationaux. Le spectacle changea le 9 thermidor : l'opéra révolutionnaire avait vécu. Le Di- rectoire ramena le goût de la mythologie héroïque et l'on vit se succéder sur notre scène Psychée, Castur et Pollux, le Jugement de Paris, la Dansomanie, elc., elc. Jusqu'à la fin du règne de Louis XVI, la France se vit privée d'une de ces grandes écoles où les musiciens peu- vent acquérir une inslruction solide dans toutes les branches de leur art. A cette énoque, on ne connaissail envore chez nous que les maitrises, et il ne fallait de- mander à l’enseigrement fort circonscrit qu'on v rece- vait, ni un beau style vocal, ni une élude complète de la musique instrumentale, ni des comparaisons inslructives enlre les compositions religieuses et les théâtrales. Aussi les orchestres de nos régiments, voire ceux de nos scè- nes lvriques, élaient ils, en majeure partie, composés d’étrangers. C'est dans le but de remédier aux lacunes de l'enscignement des maïitrises el de former des artistes — 119 — capables de chanter à l'Opéra que l’on fonda, «en 1784, une école de chant et de déclamation dirigée par Gossec. Mal administrée, cette école ne produisit pas le bien qu'on en attendait. Il n’en fut pas de même de l’école municipale el graluile que l’on ouvrit à Paris, en juin 1792 ; grâce aux artistes habiles et dévoués que recrula l'administrateur Sarrette, cet établissement nouveau alimenta de bons sujels tous les corps de musique mi- lilaire des armées de la République française. Le gou- vernement comprit alors les services que l'on était en droit d’en espérer et la Convention décréta l’organisation de celle école spéciale sous le titre d’Institut national (18 brumaire an 1). Forcée ensuite de renoncer à cette appellation, elle adopta celle de Conservatvire de musique (16 thermidor an nr, et elle assura la réussite de son œuvre en maintenant Sarretle à la têle de l'institution utile qu'il avait aidé si puissamment à créer. Ce directeur actif, zélé, clairvoyant et lout à son devoir, possédait les qualités requises pour mener à bien l'œuvre délicate et difficile de la régénération des études musica'es. Aucune démarche ne lui coûla pour assurer la prospérité de no- tre première école de musique, et comme il exerçait son autorité morale sur Lous ceux qui l’approchaient, il parvint à maintenir l'accord entre des compositeurs et des pro- fesseurs d’opinions opposées. Jusqu'en 1800. le nombre de ces maîtres resta fixé à cent quinze, et chacun d'eux apporta son concours à la rédaction des Méthodes du Con- survaloire, auxquelles travaillèrent aussi des savants de l'Institut, entre autres Ginguené, Lacépède et de Pronv. Lors de la réorganisation de l'établissement, si bien dirigé par Sarrelle {mars 1800), on choisit pour inspec- — 120 — teurs des études: Gossec, Méhul, Lesueur, Chérubini, Martini et Monsigny. Tous les Préfets furent invités à présenter les sujets habitant leur département qui paraissaient les plus aptes à suivre les cours de l'Académie impériale de musique. Voici les noms de ceux qui furent proposés par le baron de la Chaise, placé alors à la tête de l'administration du Pas-de-Calais. « Arras, le 25 prairial an xui, 1° de l'Empire français. » Le Biblioihécaire d'Arras, à Monsieur le Général de brigade, Préfet du département du Pas-de-Calais, membre de la Légion-d’'Honneur. » Monsieur le Général, » J’al l'honneur de soumettre à votre approbation et vous faire connaître les personnes qui m'ont paru les plus propres à remplir vos vues pour l'examen des sujets qui se destinent à l’Académie impériale de musique, sa- voir : » M. Glachant, compositeur, professeur de musique, élève de Catédrale. | » M. George, artisle et professeur de musique. » M. Govet, professeur de musique, élève de Catédrale. » M. Achain, amateur, compositeur et élève de Calédrale. » Ces personnes méritent l'honneur de votre confiance par leurs talents et leur moralité. » Tant qu'à moi qui, depuis longtemps, ne professe plus la musique, je n’ai d’autres désirs que de profiter des occasions de vous prouver mon obéissance à vos ordres. | » Daignez, elc. » — 121 — VI LA MUSIQUE A ARRAS (1785-1884) MUSIQUE DE LA GARDE NATIONALE. MUSIQUE DES AMATEURS, DITE DU ROI DE ROME. SOCIÉTÉ PHILHARMONIQUE. — ORPHÉONISTES. SOCIÉTÉS DIVERSES. À la fin du siècle dernier, vers 1785, l’art musical était fort goûté dans nos familles artésiennes. Plusieurs ama- teurs s’élaient réunis pour faire de la musique ; on avait organisé des soirées où ils exécutaient des morceaux d'ensemble. Les arts eurent tant à souffrir dans la période révolutionnaire que la musique de chambre dut être dé- laissée à Arras comme dans toute la France. Le goût, toutefois, n’en était pas éteint. Quatre genres de musique élaient alors connus : la musique sacrée, conservée et enseignée à la maitrise; la musique dramatique, compre- nant toules les compositions exécutées sur le théâtre ; la musique de chambre ou de concerts, consistant dans les divers morceaux destinés à être exécutés dans les salons et enfin la symphonie, dont la coupe, avec des dévelop- pements plus étendus, produisait les morceaux de musi- que composés pour orchestre. Dans ce dernier genre, il existait à Arras deux musiques distinctes: la musique de la garde nationa!e et la musique des Amateurs, dite du Roi de Rome, qui devaitse fondre dans la Société Philhar- monique. — 122 — | Musique de la garde nationale. La musique de la garde nationale fut la première ins- titution musicale établie officiellement à Arras. La légion bourgeoise ayant été réorganisée par arrêlé du District du ? messidor an r1r, la formation des batail'ons fut sui- vie de la création d'une musique, qui en était comme le complément nécessaire et naturel et devait rehausser l'éclat des fêtes populaires si nomLlreuses à cetie époque. Les ressources étaient fort restreintes alors, car il n existait pas encore d'école ou Académie de musique où l'on püt recruter des sujets. Le corps de musique bour- geoise ne devait donc pas êlre nombreux dès le début. Sa tâche la plus importante consistait, sans doute, à se mon- trer dans les occasions solennelles Nous trouvons race de son concours prêté à l'autorité municipale aux jours des cérémonies extraordinaires, dans divers documents qu'on lira avec intérêt et que nous cilerons à cause de leur date. Le 19 thermidor, la Municipalité d'Arras ayant résolu de célébrer avec un grand éclat l'anniversaire du 10 août, fête décrétée par la Convention, il fut décidé, parmi les réjouissances contenues dans le programme, que la . musique se rendrait à la Maison commune à dix heu- res du malin et qu'ajrès la cérémonie, les autorités, avant défilé devant l'arbre de la Liberté, se rendraient dans la salle des réunions du Conseil municipal pour y _cntendre différents airs analogues a la Révolution, exécu- lés par la musique de la garde bourgeoise (1). (1; E. Lecesne, Arras sous la Révolution, t 115, p. 176. ° = 199 = Le 24 thermidor an v, la Municipalité ne put se dis- penser de célébrer, comme les années précédentes, l’an- niversaire du 10 août. Dans cette fête, à laquelle on. donna une solennité inaccoulumée, la musique de la garde nationale joua un grand rôle dans les divers cor- tèges qui parcoururent les rues de la ville. | Parmi les nombreuses fêtes qui avaient lieu périoili- quement à Arras, nous citerons celle de la Jeunesse, qui fut célébrée au mois de germinal an vr. Pour la clôture de la cérémonie, la musique de la garde bourgeoise exé- _ cuta, dit le compte-rendu, les airs chéris des républi- cains {1). À l'occasion de la fête des £pour, 10 floréal an var, la musique de la garde nationale, dirigée par le sieur George Weber, exécuta les morceaux choisis de son ré- pertoire, tels que l'Aymne à la nature, Où j'eut on être mieux qu'au sein de sa famille, la Marseillaise et le Chant du départ (?). Nous retrouvons la musique de la garde nationale dans les cortèges des 23 thermidor an vu et 1° vendé- miaire an vur. Cette dernière fête consista presque toule entière dans l'exécution de morceaux de musique el de chants patriotiques (3). Dans sa séance du 27 frimaire an vin, l'Administration municipale prit l'arrêté suivant : « La constilutuon du 23 frimaire, la proclamation des consuls en date du 24 el leur arrêté du même jour seront solennellement publiés aujourd’hui dans l'étendue de la ville d'Arras par les (1) (2) (8) E. Lecesne, Arras sous lu R'volulion, t. 11, p. 327, 357 et 370. — 124 — membres de l’Administration, qui seront accompagnés de leur force armée et de la musique. » L'an 1x de la République française, le 10 germinal, les membres du Conseil municipal et ceux de la Commis- sion de bienfaisance, apres l'invitation qui leur en avail élé faile, vinrent à la Mairie, à neuf heures du matin; la garde nationale et le corps des pompiers étaient réunis sur la place de la Liberté. A deux heures, le cortège se rendit à la Préfecture dans l’ordre suivant : la garde nationale, précédée des tambours et de la mu- sique, le Maire, les Adjoints, le Secrétaire en chef de la Mairie, les Commissaires de la police, etc. (1) À partir de 1804, notre musique militaire commence à faire de grands progrès. Elle avait été jusqu'alors exclu- sivement composée d’une certaine catégorie de citoyens ; à partir de celie époque, ses membres commencent à se recruter dans toutes les classes de la population. Bientôt: l'enthousiasme musical devient tel et les efforts des exé- cutants sont si habilement dirigés que dès l’année 1812 la ville organisait un concours, à l’occasion de la fête communale. En voici le programme : | « À une heure, concours de musique sur la place du Roi de Rome, auquel sont invités tous les corps de mu- sique des villes voisines. » Chaque musique exéculera trois morceaux. » Les prix offerts aux corps de musique qui, d’après la décision du jury, auront le mieux exécuté ces trois morceaux seront, savoir : _» {prix : une médaille d'or de la bu de 120 fr. (4) Mémorial de 1777 à 1896. — 195 — » 2 prix: une médaille d'argent. » 3° prix: une médaille d'argent. » Ces prix seront donnés par M. le général, baron de la Chaise, Préfet du département du Pas-de-Calais. » Avant le concours, un déjeuner sera offert, au nom de la ville, à MM. les membres de tous les corps de mu- sique (1). » | C'est à l'année 1812 que remonte l'apparilion de la première chanson de la fête d'Arras. L'air, devenu si po- pulaire dans notre ville, est tiré de l'opéra /a Vestale, de Spontini, chanté pour la première fois le 15 décembre 1807 et qui obtint un grand succès. La route est tracée maintenant; l'espoir du triomphe inspire de la confiance, double le courage et pousse irré- sistiblement au travail. Au concours de Béthune, en 1813, la musique de la garde na‘ionale obtenait une mé- daille d’or, et à son retour elle était reçue avec une cer- laine pompe et un concours de citoyens qui témoignent des encouragements que l’on donnait à l’art musical, de l'intérêt qu’on lui portait et du plaisir que causait à toute la ville le succès de nos artistes. Les poêtes eux-mêmes se mirent de la partie et l’ode suivante leur fut adressée: Au corps de musique de la garde nationale d'Arras. D'Euterpe, élèves favoris, Vous avez conquis la victoire ; Ivres de joie et ceints de gloire, Rentrez dans vos foyers chéris,. u Les chants purs de notre allégresse Ont préludé votre retour ; Que les élans de notre ivresse Vous assurent de notre amour. (1) D'Héricourt, les Sièges d'Arras. — 1% — Dans le temple de Mnémosine, Un siège bien dû vous attend, C’est celui qu’Apollon destine Au zèle; au courage, au talent. T. C. D. En 1816, MM. de Grandval, capitaine, et Hennebic- que(1), sous-lieutenant, furent désignés comme commis- saires chargés de diriger la musique de la légion, de concert avec son chef, Georges Weber. Un concours musical fut organisé par la ville le mardi (1) € GARDE NATIONALE » Arras, le 17 août 1816. » Monsieur Wartelle, major de la 1re légion de la garde nationale, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, à Monsicur Hennebique, sous-lieutenant de la garde nationale, à Arras. »y Monsieur, > J'ai l'honneur de vous faire part que le conseil de la légion vous a désigné pour second commandant de la musique de la garde na- tionale. » Je suis charmé, en mon particulier, que le conseil ait fixé son choix sur vous comme étant, par votre zèle et vos connaissances, le sujet qui puisse le plus dignement remplir cet emploi. » Je vous prie de vouloir bien vous en concerter avec M. de Grand- val, premier commandant, pour tout ce qui peut avoir rapport à la musique. » J'ai l'honneur d’être, Monsieur, votre très humble serviteur, » B. WARTELLE. » P. S. — S'il vous était possible de vous rendre demain, à sept heures du matin, chez M. de Grandval, père, où doit se réunir toute la musique, vous y trouveriez son fils qui serait bien aise de s’enten- dre avec vous. » . — 197 — de la fête communale de celte année (1); on y invita les (1) « Règlement pour le concours de musique el les jeux qui auront le u à la fête communale d'Arras. » Règlement pour le concours de musique. » Les corps de musique qui désireront prendre part au concours sont invités à faire leur entrée le jour du concours, à neuf heures du matin, une députation sera envoyée à leur rencontre et les con- duira à l'hôtel de la Mairie, où ils seront reçus pu les deux corps de musique d’Arras. » Les musiques de la ville d'Arras ne concourront pas. » L'ordre suivant lequel les corps de musique devront concourir sera déterminé par un tirage au sort qui aura lieu à la Mairie, entre tous les chefs de musique, le même jour, à onze heures. » Le concours sera ouvert par la musique de la garde nationale d'Arras et fermé par celle des Amateurs. » Chaque corps de musique devra exécuter : 1° une marche ; 2 un pas redoublé ; 3° un morceau d'harmonie ou une valse à son choix. » Les prix seront remis solennellement, après le concours, aux corps qui, d’après la décision d’un jury, auront le mieux exécuté les trois morceaux indiqués ci-dessus. » Le jury sera composé : » {° Du chef de chacune des musiques d’Arras ; » 2 D'un jury désigné par chacun des corps de musique qui pren- dront part au concours; ce jury ne pourra être choisi parmi les membres du corps de musique qui le désignera. » Dans le cas où le jury, formé comme il vient d’être dit, se trou- verait être composé d’un nombre pair de membres, il lui sera ajouté un nouveau membre. lequel sera désigné par le Maire. ‘s Le jury votera successivement au scrutin secret pour chaque prix. » Si, au premier (our, aucun corps de musique n'obtient la majo- rité absolue des suffrages, il sera fait un scrutin de halotage entre les musiques qui, au premier tour, auront obtenu les deux nombres les plus élevés de suffrages. » Si le scrutin de balctage se fait entre plus de deux musiques, la majorité relative des suffrages décidera du prix. » — 1928 — corps de musique des troupes alliées, cantonnées aux environs d'Arras. | oo Trois musiques danoïises et deux musiques anglaises s’y rendirent; uous citerons celle du contingent danois, sous les ordres du prince Frédéric de Hesse, qui avait son quartier-général à Lewarde, près de Douai, et celle du 7° régiment de fusilliers royaux anglais, cantonnésà Ayette. - En 1832, il ne manquait à notre garde nationale, pour rivaliser avec celles des villes les plus dévouées à la cause publique, qu’un corps de musique digne de la nouvelle et brillante organisation que venait de recevoir la légion citoyenne ; l'autorité s’occupa de ce soin. M. Parmentier, propriélaire, qui cultivait la musique par amour pour ce bel art, fut chargé de la formation de cette compagnie. Il en eut le commandement. Ce choix était d'un heureux augure, et MM. les amateurs qui com- posaient la musique de l’ancienne garde nationale se montrérent jaloux de se faire inscrire des premiers, non à cause de cerlains avantages dont ils jouissaient depuis longtemps, mais dans le but bien louable de marcher en lête de l'élite de nos concitoyens armés. Malheureusement, de regretlables lacunes se produi- sirent souvent dans la musique de la garde nationale par suite du départ ou de l'abstention de plusieurs de ses membres. Elles pouvaient devenir irréparables s’il ne s'était pas formé de jeunes instrumentistes pour combler les places restées vacantes. Lors de la réorganisation de la garde nalionale, en 1838, le conseil d'administration songea à fonder une école spéciale de musique militaire, et une somme de 200 fr. conslitua les premiers fonds — 129 — portés au budget de 1839. Cette école gratuite prit le nom d'école régimentaire et la direction en fut confiée au chef de musique Bertrand. Outre les leçons régle- mentaires, il y avait deux répétitions générales par se- _ maine. Les élèves admis au corps de musique devaient être habillés et équipés. En proposant une somme de 300 fr. pour leur entretien, le rapporteur du budget de 1840 s’exprimait ainsi : _& Une école gratuite est: nécessaire pour fournir aux élèves l'instruction instrumentale spéciale à la musique militaire. Déjà quinze élèves font espérer de placer la musique de la garde nationale d’Arras au rang de celles des villes voisines, si l'administration daigne seconder les efforts de MM. les chefs et professeurs en fournissant à l’école les moyens pécuniaires que le Conseïl réclame. » Une somme de 600 fr. fut comprise à ce sujet dans le budget dè 1841. | | Celte année, la musique de la garde nationale obtint, au concours de Boulogne, une médaille d’or. Son effectif ‘était alors de trente-trois exécutants : dix clarinettes, un cor, six ophicléides, un bugle, trois trompettes, deux cornels à piston, deux trombonnes, une grosse caisse, deux cymbaliers, deux carillons chinois, deux tambours, une caisse roulante. Elle avait obtenu jusqu'alors trois médailles d’or et trois médailles d’argent dans les divers concours auxquels elle avait pris part. Le conseil d'ad- ministration se composait de MM. Delaire, capitaine, président ; Bertrand, chef de musique ; Vannihuse, ser- gent; Bassez, sergent-fourrier, et Coche Henri, caporal. Désirant resserrer les liens de confraternité qui exis- taient entre tous les membres des corps de musique des 9 \ — 130 — gardes nationales et. propager les progrès qui avaient. placé l'harmonie mililaire au rang le: plus distingué, la. ville d’Arras, sur une proposition émanant des arlistes composant la musique de la garde bourgeoise, offrit. le 27 août 1843, un concours aux musiques des villes des. départements du Nord, de la Somme et du Pas-de-Calais. Celles des compagnies d'artillerie de Lille et de Béthune. et des gardes nationales de Cambrai, Lens et Bapaume répondirent à cet appel. Voici les dispositions diverses du concours : « Division des musiques par classes. » Les musiques seront divisées en deux classes : » La première comprendra les musiques appelées à jouer une ouverture et un air varié pour plusieurs ins- truments solos. » La deuxième classe, les musiques qui exécuteront une ouveriure où une grande marche militaire et un morceau à leur choix. Cependant, si elles désirent con- courir pour le prix de solo, le deuxième morceau devra être un air varié. | » Arrivée. » Le mardi 29 août, au matin, les corps de musique feront leur entrée en ville. » Des détachements de la garde nationale d'Arras, tambours et musique en têle, iront à leur rencontre et les accompagneront jusqu’à l'Hôtel-de-Ville. » Les corps de musique, pendant le trajet en ville, exécuteront des pas redoublés, et à leur arrivée sur la place d’Armes, un morceau à leur choix. qui avaient islingué, ka les artistes > ofril, le villes des de-Calais, Péthune Japauné — 131 — » Ils seront présentés à l'Administration par MM. les membres de la Commission du concours. » [ls remettront leurs contrôles nominatifs arrêtés par MM. les Maires de leurs villes. » [l leur sera donné un numéro d’ordre d'exécution obtenu par le sort dans la classe qu'ils auront choisie. » Les vins d'honneur leur seront offerts au nom de la ville d'Arras, comme témoignäge de cordiale réception. » Revue de tenue et de pompe. » À deux heures précises de l'après-midi, tous les corps de musique seront rassemblés sur la place d’Armes avec leur détachement, s’ils en ont. » Les commissaires nommés par l'Administration pro- céderont à l'inspection pour désigner celui des corps qui aura droit au prix de tenue ou de pompe. » Marche pour le concours. » Après la revue, tous les corps de musique, celui d'Arras en tête, se rendront aux Promenades sur le lieu préparé pour le concours. » Les corps de musique marcheront dans l’ordre de leur numéro d'exécution. La première classe en têle de la deuxième. » Concours à trois heures du soir. » La musique de la garde nationale d'Arras, bien qu’elle ne soit pas appelée à concourir, exécutera un morceau pour l'introduction et un pour la clôture. » Le concours déclaré ouvert par MM. les Commissaires, les musiques de deuxième classe exécuteront leurs mor- ceaux dans l’ordre de leurs numéros, puis celles de pre- mière classe dans le même ordre. — 132 — » Prir. » Sept médailles d’or seront décernées aux musiques et aux détachements qui les accompagneront, savoir : » PREMIÈRE CLASSE. » 1°" prix d'exécution : une médaille d’or de la valeur de LR NS ER AN GR SE DOUÉ. » 2° prix d'exécution : une médaille d’orde 139 fr. » DEUXIÈME CLASSE. » 1°" prix d'exécution: une médaille d'or de 120 fr. » 2° prix d'exécution : une médaille d’or de 80 fr. » Prix de solos pour les deux classes : une médaille d’or de . . . . . . … . . . 100fr. » Prix de pompe : une médaille d’or de. . 60fr. » Prix de lenue: une médaille d'ôr de . .- 60fr. » Jurys. » Les jurys chargés de décider pour les prix d’exécu- tion et pour ceux de pompe et de tenue seront composés chacun de trois membres désignés par l'Administration municipale. | » Leurs jugements seront rendus à la majorité des VOIX. » Immédiatement après le concours, le procès-verbal du jury d'exécution et celui du jury d'inspection seront remis à M. le Maire qui décernera les prix aux vain- queurs. » Le jury était composé de : MM. Maurice Colin, maire, président; Adam, colonel; Quingnart, major; Fabien; Damiens ; Daverdoing ; Delair, capitaine de musique; Traxler ; Cornille Félix ; Hoviñe Louis ; Enlard de Grand- e musiques savol a valeur 950 fr. 130 fr. (20 fr. S0 fr. 10 fr. 0 fr. IE — 133 — val Armand; Cabuil Désiré; Potier Emile ; Potier Domi- nique ; Richebé Gustave ; Develle fils, avocat. ° Sur la proposition de MM: les chefs de musique Ber- trand, de la garde nationale, Brepsant, du génie, et Léon Delmas, des 'cuirassiers, il fut décerné, pour la première classe : Le 1° prix d'exéculion, Lille. Le 2° . — + Cambrai. Pour la deuxième classe : Le {°° prix d'exécution, Béthune. Le ?° — Bapaume. Pour les deux classes réunies : 1°" prix de solo, Lille. 2 — Bapaume. En 1846, la musique de la garde nationaled'Arras prêta son concours à la Sociélé des Orphéonistes, nouvellement formée, à l'occasion de son premier concert. En 1849, elle organisa un festival de musiques mili- taires pendant la fête communale. La musique de la milice bourgeoise partagea les diffé- rentes phases de l'exislence du corps dont elle faisait partie. Elle cessa donc d'exister lors de la suppression des gardes nationales, 12 janvier 1852. Toutefois, nous la voyons reparaître au mois d'août suivant, à la grande fête musicale organisée par les soins de l'Autorité municipale, sous le nom d’ancienne musique le la garde nationale. Puis après, sous le nom de Musique Municipale, elle donna des concerts en 1860 et 1873, or- _&anisa le festival de 1874 et assisla aux concours organi- sés à Arras en 1864, 1876 et 1879. “Les principaux élé- ments qui la comrosaient, se sont fondus dans la Fanfare du Commerce. — 1834 — | Musique des Amateurs. De nombreux documents empruntés à l’Histuire d'Ar- . as sous la Révolution, donnent une idée des exécutions musicales fortuites et laissées à la bonne volonté des amateurs, à qui l'Autorité faisait quelquefois un appel chaleureux. Les succès remportés par nos armées furent célébrés à Arras, au commencement de l'an xr1 de la République, ‘par des réjouissances ‘extraordinaires. Le 1‘ vendé- miaire, le Conseil de la commune décida qu’il y aurait un concert tous les deux décadis au temple de la Raison et que tous les citoyens et citoyennes qui avaient les la- lents nécessaires, seraient invités à concourir de Lous leurs moyens pour rendre ces concerts agréables (1). En l'an v, la ville d’Arras s’étant associée à la géné- reuse pensée du gouvernement de rendre hommage aux restes militaires du général Hoche, le pacificateur de la Vendée, mort enseveli dans son triomphe, l’Administra- tion municipale convia un certain nombre de personnes, hommes:el femmes, pour exécuter des morceaux de mu- sique et chanter des cantates pendant la cérémonie fu- nébre célébrée à la cathédrale. Voici la lettre qui fut écrite aux citoyens et citoyennes Dourlens-Brunel, Wavelet, Souverain, Lavoix, Leroux, Dourlens frères, Potier, Wagon fils, Leclercq, Prévost, Fontaine, Deligny et Dhénain, lous simples amateurs : « La loi du 6 vVendémiaire an 11 veut que dans toutes les communes de la République, il soit célébré une pompe [2 () E. Lecesne, Arras sous la Révolution, t. 111, p. 51. — 135 — funèbre à l’occasion de la mort du général Hoche, le 30 de ce mois. Les regrets que les amis de la patrie doivent à ce grand homme nous donnent lieu d’espérer que ceux de nos concitoyens qui, par leur dévouement, peuvent donner à celte cérémonie la dignité dont elle est suscep- tible, voudront bien y concourir. En conséquence, nous vous invitons à vous rendre le 29 de ce mois, à trois heures de l'après-midi, chez le citoyen Georges, musi- cien, rue du Contrat-Social, et le 30 du même mois, à la répétition au local qui sera désigné par ledit Georges. » On ajoutait l’avertissement suivant pour les dames qui devaient assister à la solennité: « Les citoyennes qui as- sisteront à cette fête devront être vêtues de blanc et dé- corées d'une ceinture noire. Veuillez bien vous rendre dans les salles du département, lieu destiné à votre réu- nion (1). » D'autres personnes furent conviées en qualité de mu- siciens, c'élaient MM. Lambert, Wagon, Cosset, Glachant, Alexandre, Schmitz et Laurent. Cette même année, lors de la célébration de l’anni- versaire du 10. août, des artistes musiciens et des ama- teurs réunis enlonnèrent l'hymne à la Liberté de Voltaire: Peuple cveille-toi (2). : Dans le cortège organisé pour la fête de la souverai- neté du peuple, 30 ventôse an vir (20 mars 1799) figure un corps de musique composé d'artistes et d'amateurs, de coryphées et de chœurs, exécutant alternativement des marches et des chants, tels que: Quels accents, Quels transports, Accourons :i celle fête, Veillons au salut de (1) E. Lecesne, Arras sous la Révolution t. In. (2) E. Lecesne, Idid. t Ii, p. 293. — 136 — l'Empire, Amis laissons-là l’histoire de la-sombre antiquité, etc., etc., etc. (1) Un orchestre placé dans le temple décadaire (Saint-Jean-Baptiste), exécuta une symphonie et ensuile on chanta un hymne sur la souveraineté du peuple. Le programme nous apprend que les paroles étaient du citoyen Leducq et la musique du citoyen Glachant. La cérémonie se termina par un chœur exécuté par des amateurs et par le Chant du départ joué par l'orchestre. | Il faut arriver aux années d’apaisement qui succédèrent à tant de sanglantes agitations pour voir renaître la mu- sique parmi nous. Les familles qui la cultivaient, disper- sées par la tempête de 1793, étaient revenues prendre place à leurs foyers. Plusieurs de leurs membres avaient trouvé un asile en Allemagne, et, dans la patrie de Mozart et Haydn, ils avaient entendu ces chefs-d’œuvre de com- binaisons instrumentales tant admirés de nos jours. Ils appréciaient encore mieux l’art charmant qui avait servi à adoucir la tristesse et la rigueur de l'exil. A leur retour, groupant autour d'eux les musiciens les plus expérimen- tés, ils s'adonnèrent à l’étude de ces compositions conti- nuées de nos jours sous le nom de musique de chambre, et qui ont besoin d’instrumentistes préparés de longue dale pour leur exéculion et d’auditeurs disposés à les comprendre. Si nous ne trouvons aucune trace vers 1810 de la réu- nion en société proprement dite des ressources musicales qu'offrait alors la ville d'Arras, il n’en ést pas moins certain que la musique y était en grand honneur. Les Y\ (1) E. Lecesne, Arras sous la Révolution, t. 1, p. 347 et suivantes. 2 — 137 — salons particuliers réunissaient quelques amateurs pas- sionnés qui cultivaient particulièrement le genre classi- que. Ici, c'était le quatuor de cordes ; là, les morceaux d'harmonie ; ailleurs, les quatuors, les quintettes avec piano. EX Oa citait tout particulièrement les réunions quiavaient lieu dans les familles Dourlens-Brunel, Cornille, Develle, Polier, Hannebicque. De leur côté, les artistes ne fai- saient pas défaut et nous pouvons citer alors les Glachant, les Lambert, les Hecquet, les Potier. Une réunion d'har- monistes répétait dans un modeste local ; elle se consti- tua sous le, titre des Amateurs d'Arras et sous la prési- dence de M. Hennebicque-Legentil. Nous n'avons pu retrouver le nom de l'artiste qui, le premier, eut l’idée de réunir les éléments musicaux que renfermait alors notre ville; nous croyons, toutefois, qu'un artiste persévérant et passionné, avant fait ses premières armes à Paris, ne fut pas étranger à l'organi- sation dé cette société. Nous avons nommé Antoine Gla- chant (1). | Antoine-Charles Glachant, né à Paris le 19 mai 1770, . élait fils et élève de Jean-Pierre Glachant, violoniste et compositeur attaché à l’orchestre de l'Opéra de 1770 à 1785 (2). Lui-même était chef d'orchestre du Délassement (1) Nous devons les documents biographiques concernant A. Gla- chant à une intéressante communication que nous a faite M. Charles Glachant, son petit-fils, inspecteur-général de l’Université et gendre de M. Duruy, ancien Ministre de l'instruction publique. (2) Le supplément-de la Biographie universelle, par Albert Pou- gin, t. er, donne les détails qui suivent sur la carrière de J .-P. Gla- Chant : « I] avait aussi appartenu comme violoniste au concert spiri- — 138 — comique, petit théâtre d'élèves et de débutants pour le- quel il écrivit les deux ouvrages suivants : 1° Pharamond, drame en cinq actes, avec chœurs et chants ; 2° l’Homme à la minute, opéra comique en deux actes (1). Il y a des raisons de croire que ce dernier ouvrage a seul élé publié. À la réquisition de 1792, il partit comme volontaire, fit campagne en Belgique, tint garnison .dans plusieurs villes du Nord, sans négliger son art, et se maria à Arras, en 1795. | , L'acte de mariage, du 4 brumaire an 1v, le qualifie de capitaine-commandant la 3° compagnie du corps des mille canonniers de Paris. Il ne tarda pas à donner sa démis- sion pour se fixer à Arras et se consacra tout entier à la profession musicale. Plus tard, ce fut à lui qu'on eut re- cours lorsque la ville d'Arras, à l’imitation de Lille, vou- lut avoir une compagnie d'artillerie sédentaire. Il en fut le créateur et le premier capilaine-commandant (2). tuel. En 1791, on le retrouve en qualité de premier violon à l’or- chestre du théâtre Louvois, où l’on jouait alors l'opéra ; puis sa trace se perd (il est mort en 1792). Cet artiste a publié un certain nombre de trios pour instruments à cordes, ainsi que plusieurs recueils de petits airs pour la voix avec ou sans accompagnement. » (1) Albert Pougin, Supplément, t 1. (2) Les pièces suivantes en font foi : « Le conseil d'administration de la compagnie d'artillerie séden- taire de la ville d'Arras, sur la demande qui nous a été faite, certifie que M. Antoine-Charles Glachant, ancien officier d'artillerie, a rem- pli les fonctions de capitaine-commandant de la dite compagnie de- puis le 17 décembre 1813, époque de sa création ; que c'est à son zèle et à son activité qu'on en doit l’organisation ; que la conduite qu’il a tenue dans toutes les circonstances, notamment dans les mo- ments difficiles des journées des 28 et 29 juin dernier, lors de la — 139 — Glachant fut aussi l’un des fondateurs et l’un des mem- bres les plus actifs de la musique des Amateurs, organi- sée à Arras vers 1812, et dont les éléments se fondirent dans la Société Philharmonique. Utile correspondant da Conservatoire de Paris, il y adressa plusieurs de ses élé- ves ; l’un d'eux, Coche, enfant d'Arras, y devint profes- seur de flûte. C'est pendant la période de sa carrière de 1800 à 1824, qu'il composa à Arras même, et fit éditer à Paris (chez Janet et Cotelle), ses œuvres les plus importantes. En voici la liste d'après la Biographie universelle des musi- ciens, par Fétis (1): 1° Trois duos pour deux violons, op. 1; 2° Symphonie concertante pour deux violons, op. 2; 8° Trois duos pour deux flûtes, op. 3; &o Trois quatuors pour deux violons, alto et basse, "op. 5, Paris, Janet. Nous ajouterons à cetté liste incomplète lrois grands duos concertants, dédiés à C. Aimon, op. 8 (Janet). La bibliothèque du Conservatoire national de musique possède les trois quatuors dédiés à M. lotier, d'Arras, eL offerls en hommage à M..Pérue, inspecteur général de l'ecole royale de musique. Pendant longlemps, on y a reddition de la place, soumise au pouvoir de Sa Majesté, lui a mé- rité l’estime et la bienveillance des chefs de l’administration ; qu’en donnant sa démission au mois de septembre 1805, ila emporté avec lui les regrets de tous ses camarades. » En foi de quoi, nous lui avons délivré le présent certificat pour lui servir et valoir ce que de raison. » Fait à Arras, le 7 mars 1816. » (1) T. 1v, p. 18, 1862, — 140 — pratiqué les duos à titre d'exercices pour les élèves de la classe de violon, et ces œuvres sont encore recom- mandées dans quelques nomenclatures classiques ; mais on les trouverait difficilement, elles ne sont plus dans le commerce. | . Enfin, il faudrait mentionner, pour être complet, un opéra-comique en un acte, intitulé: les deux Dragons, joué à Arras, mais non édité, ainsi que plusieurs romances et morceaux de chant. ; | En 1823 ou 1824, Antoine Glachant vint'rejoindre à Paris, son fils, qui y était établi négociant. Il entra à l'orchestre du Théâtre-Français et y demeura jusqu’en 1830 (1). Ce fut comme le point culminant de sa carrière; ses œuvres étaient appréciées des maitres et ses quatuors furent exécutés aux soirées de Baillot. Cependant il se décida à revoir Arras, où le rappelaient de nombreux amis et le souvenir de succès moins partagés qu’à Paris. T1 y continua sa carrière d’artisle et de professeur jusqu’en 1846, époque où le progrès de l’âge et des circonstances de famille l’engagèrent à venir s'inslaller à Versailles, avec sa fille, non loin de son fils et de ses petits-enfants. Il y mourut en 1851. Ce fut un vaillant artiste et un homme de bien. À l'occasion de la naissance du fils de l’Empereur, 20 mars 1811, la ville d'Arras témoigna la joie qu'éprou- vaienl ses habitants de cet heureux évènement, en don- nant le nom de place du Roi de Rome à la Petite-Place. La musique des Amateurs voulut participer à l'allégresse générale et prit le titre de musique du Roi de Rome qu'elle (1) Fétis, art. cité. _ 14 — conserva jusqu'au jour de l’abdication de Napoléon I°", ‘4 avril 1814. Cette année, la ville de Douai ayant, à l'occasion de la fête communale, organisé un concours musical, la Société des Amaleurs d'Arras y prit part et. remporta le 1° prix, succès dû principalement aux so- listes, parmi lesquels se signala sur la flûte le président, M. Hennebicque-Legentil. À celte époque, le mercanti- . lisme n'envahissait pas encore le domaine de l’art. Les succès se constataient, non° par des primes en argent, mais par des médailles. Celle gagnée par la Société des Amateurs, en 1814, est en or, de la grandeur d’une pièce de 5 fr. en argent. Elle porte sur l’une des faces : « 1° prix remporté par la musique d'Arras, » et sur l'autre : « Fêle communale de Douai, 1814, concours de musique. » Elle a été longtemps conservée dans la fa- mille Hennebicque-Legentil qui en a, plus tard, fait don à la Société Philharmonique, à l’occasion de son demi- centenaire. | En se reportant aux moyens de transport, si difficiles à cette époque, on s’élonne que nos musiciens aient pos- sédé assez de ressources pour faire face aux dépenses que devaient nécessiter de pareilles excursions. Nous ré- poudrons à cette objection en disant que nos riches pro- priétaires se disputaient le plaisir de les transporter dans leurs équipages et leurs voitures de campagne. Car il ne faul pas l'oublier, quand nos artistes partaient pour le concours, c'élail un évènement. qui, à Arras, primait toute aulre préoccupation. Le premier grand concert donné à Arras, remonte à la fète communale de 1816. Il eut lieu à l’Hôtel-de-Ville, le mercredi 28 août, à dix heures du matin, au bénéfice de — 142 — Mademoiselle Doyen, élève: de Larnbert, enfant d'Arras, dont les nombreuses compositions: méritent. une mentio particulière. | Lambert(Georges-Joseph-Laurent), professeur de chant et compositeur, est né à Arras en 1779. Les premières leçons lui furent données par son père, puis il eut pour maître, Schorn, maître de chapelle à l’église: St-Pierre. I! n’était âgé que de 16 ans, lorsqu'il fut attaché, en qua- lité de chef d'orchestre, à uñe troupe de comédiens qui jouaient alternativement dans les villes du département. du. Nord, et pendant près de dix ans (1795 à 1804), il en remplit les fonctions. En 1805, il se trouvait à Amiens, où il écrivit plusieurs morceaux de musique pour l’ins- tallation de l’évêque. Dans la même année, il se fixa à Paris, où il se fit bientôt connaître comme professeur de chant et comme compositeur de romances agréables et de rondeaux qui eurent alors de la vogue. Parmi ses ro- mances, celles qui ont obienu beaucoup de succès sont: Qu'il est doux ce premier désir, De la pudeur à son au- rore respectez l'aimable candeur, Les adieux d'une file à. sa mère, Cécile ou l'amour, Les bords de la Loire, etc. Elles: ont été toutes publiées à Paris. Une des meilleures pro- ductions de cet artiste consiste en trois quatuors pour ” deux violons, alto et basse. Ces quatuors, dont les mélo- lodies ont du charme et dont la facture est fort bonne, méritaient plus de succès qu’ils n’en ont obtenu; mais Lambert n’était pas connu pour ce genre de musique et l'on n’a voulu voir en lui que le compositeur de ro- mances. On a aussi de cet artiste quelques morceaux de musique d'église, dont un Domine salvum fac regen à deux voix et.orgue ; un 0 salutaris à trois voix et orgue ; , enknt dr jent une menton fosseurde chinl Les premier us il eut our jise St-Pierre. aché, en qu nmédiens qu départemen (804) il et à Amiens, pour l'ins- se sad fsseur Le éables el 1] ses T0- ss SONL: can at ? Î Je à Elles pr0 pour élo- 16, — 143 — un Magnificat à quatre voix et orgue, et un chœur de vierges, Jesu corona virginum à trois voix et orgue ; enfin, un autre Magnificat à quatre voix, chœuret orches- tre, qui a été exécuté à la cathédrale, le 6 décembre 1849, par la Société Philharmonique. | Lambert avait acquis de l’aisance, on pourrait presque dire de la fortune, par un travail constant et par l'éco- nomie. Il ne fut pas moins cher aux arlistes qu'aux amis de l'humanité ; on sait que notre hospice des vieïilards le compte au nombre de ses bienfaiteurs. Il n’était pas marié ; libre de tous soins, il aimait à voyager, et dans les dix dernières années de sa vie, 1l visita toutes les parties de l'Europe, partant de Paris vers le milieu de juillet et n’y rentrant qu'en novembre. Ses excursions avaient particuliérement la musique pour objet. Il est mort à Dijon, dans les derniers JAuEse de juin 1857, à l'âge de 73 ans (1). La Sociélé des Amateurs donna un concert au profit de plusieurs de ses membres, les sieurs Gélas (2), Vels (1): Biogr. univ. des musiciens, par Fétis, p. 177. (2) Nous avons retrouvé dans les mémoires du temps une appré- ciation du talent de cet artiste : « M. Gellas, que nous connais- sons tous, puisqu'il est né dans nos murs et qu’Arras fut témoin de ses premiers pas dans la carrière des muses, chantait le rôle de. Georges Browu, dans la. Dume blanche, et déployait à nos yeux la puissance d’un talent müûri par l’expérience, talent que Marseille, Metz, Rouen et Toulouse ont tour à tour admiré et dont Paris s’est assuré la possession. Salué.dès son entrée en scène par les plus vifs applaudissemens, notre compatriote a su prouver qu'ils allaient à leur adresse, L'air: « A quel plaisir d’être soldat, » le rondeau: « Viens, gentille dame, » chantés avec un goût exquis, une rare précision et cette expression pittoresque qui fait le plus grand charme : — 144 — et autres, le jeudi 97 août 1818. L'année suivante, son chef d'orchestre, Antoine Glachant, fut chargé d'organiser la solennité musicale de la fêle communale. Au mois de juin 1895, toute la musique d'Arras, artis- tes et amateurs, eut la fantaisie d'aller célébrer une messe en musique aw village de Farbus, à l'OGRSIOR de la fête du patron de la paroisse. Cependant l’art musical était loin d’être cultivé à Arras comme dans les villes voisines. Le 11 mars 1806, Le- comte, cet artiste transcendant dont le nom vénéré est resté cher au dilettantisme douaisien, fondait une Aca- démie de musique, la première que vit le département du Nord. Cet exemple fut suivi dans toute la contrée, et de la musique, ont plongé l’auditoire daus un ravissement inexpri- mable ; aussi, les bravos, plus bruyans et plus prolongés, éclataient- ils à chaque instant. » Le lendemain, mardi, M. Gellas jouait Mazaniello. Toujours même supériorité sous le rapport du chant et des mouvemens dramatiques, toujours même transport parmi les spectateurs ; et dans cette longue série de morceaux dont se compose le rôle si difficile et si fatiguant du pêcheur-roi, pas un seul qui, parfaitement rendu, n'ait été cou- vert d’applaudissemens unanimes. » Parvenu au dernier acte, l'artiste a paru s'élever encore avec la situation, et son grand air, son duo avec Ruffino, la scène du délire nous ont montré quel pouvoir exerce sur l’âme une belle voix quand elle sait toucher les cordes du pathétique. L'artiste a surtout exprimé avec un abandon marqué ces deux vers: Mes amis, ma chaumière, C’est vous que je revois et un tonnerre d’applaudissemens de couronner ces paroles, parce que le public en sentait l'application et qu’il s’unissait à la pensée de l'acteur. » — 145 — bientôt Lille, Amiens, Boulogne (1811), Cambrai (1822) eurent leurs écoles gratuites de musique. Sous le premier Empire, Glachant adressa à l'Adminis- tration municipale d’Arras la lettre que voici: « J'ai l'honneur de vous soumettre un projet pour l’organisa- tion d’une Académie ou Institut de musique à Arras. Si, par votre aulorité, vous daignez en faciliter l'exécution, vous devancerez, je crois, les vues du gouvernement, dont le chef suprême s'occupe sans cesse à sauver les arts. Cet établissement devient pour ainsi dire nécessaire par la suppression des maitrises qui ont procuré à l'Etat ses plus grands maitres, tels que Haydn, Lesueur, Playel, etc. Par l’active bienveillance des membres du conseil, les soins infatigables des maitres et les heureuses dispo- sitions des élèves, il peut même sortir de celle institution des sujets qui, par la suite, feront honneur à la ville qui les a vus naître. Je suis heureux en vous priant de vouloir bien désigner et accorder un local gratis, sans lequel cet élablissement ne peut avoir lieu. Permettez- moi, Messieurs, de vous désigner comme les amateurs les plus.zélés MM. Wacheux, Dourlens-Brunel et Lallart, rue des Teïinturiers, pour membres du conseil. Veuillez les faire appeler, si vous approuvez ce projet, etc. » Il donna à la suite le projet de règlement suivant : « Projet d'une Académie ou Institut de musique à établir à Arras, sous les auspices de M. le Maire de la dite ville. » ARTICLE 1°". — De la formation. — Celte Académie ou ‘Institut seroit gouverné par un conseil composé de trois membres, savoir : d’un directeur et deux commissaires choisis parmi MM. les amateurs et nommés par la Mairie. 10 — 146 — .» Cet article continueroit son exécution en cas d’ab- sence définitive d'un ou de plusieurs de ses membres. » ART. 2. — Du pouvoir des membres du conseil. — Le coïseil établi, 1l nommeroit les professeurs parmi les ar- tistes de cette ville. » M. le directeur aüroit l'inspection générale. Il écou- teroit les observations relatives au bien de cet établisse- ment et y feroit droit autant qu'il seroit en son pouvoir. » MM. les commissaires seroient pour l'inspection des classes. » ART. 3. — Du nombre des professeurs. — Il y auroit quatre professeurs, savoir: un maître de musique, un sous-maître et deux autres professeurs. » Comme leur traitement ne peut avoir lieu qu'en rai- son du nombre des souscripteurs, M. le directeur fixeroit les appointements de chacun d'eux d’après la classe pour laquelle il seroit appelé. » ART. 4. — Du nombre des élèves et amateurs — Le nombre des élèves des: deux sexes et des amateurs qui : devroit souscrire pour cet [nstitut seroit fixé par le con- seil. | » Cette Académie devant être formée sous les auspices de la Mairie, elle aura le droit spécial d’y faire admettre gratis le nombre d'élèves qu'elle jugera convenable. » ART. 5. — Du prix de la souscription. — Le prix de la souscription pour les élèves et amateurs seroit de 3 fr. par mois pour l'été et de 3 fr. 50 c. pour l'hiver, depuis le 1°" octobre jusqu’au 1" avril de chaque année. » Indépendamment du prix de la souscription, chaque élève devra payer 950 c. par mois pour la location des instrumens et musiques. —" 147 — » ART. 6.— De l'emploi des fonds. — Les fonds seroient employés : 1° à la solde des professeurs ; ?° pour la lo- cation des instrumens et musique ; 3° aux achats et con- fections des ustensiles nécessaires à cet établissement. » ART. 7. — Des différens instrumens à enseigner. — Les différens instrumens à enseigner, indépendamment de la musique vocale, qui doit être la base fondamentale de cette institution, seroient : 1° le violon : 2° l’alto; 3° la basse ; 4° la guittare ; 5° la clarinette ; 6° la flûte ; 7° le hautbois ; 8° le forté-piano ; 9° le cor ; 10° le serpent ; 11° le basson. | » Dispositions générales. — Ce projet ne peut avoir son exécution sans, qu'au préalable, M. le Maire ne r’ait ap- prouvé et qu'il n'ait accordé un local gratis. Après quoi, le conseil devra s’assembler à effet de rédiger les articles d’un règlement. M. le maître de musique devra y être appellé pour l’article concernant la formation des classes. » Les professeurs entreront en activilé lorsqu'il y aura cinquante souscripteurs. [ls devront être pourvus d’une commission signée du Maire et des membres du conseil pour leur valoir ce que de raison. » Sauf meilleur avis. » | Cette demande fut alors éludée ; reproduite depuis, elle subil toujours le même sort. Pourquoi ce vœu fut-il ainsi méconnu? C'est qu'il existait malheureusement certains esprits qui semblaient avoir pris à tâche de faire naître la division parmi les artistes et qui se plaisaient à l'entretenir, une fois la première impression reçue. Que voulaient donc ces ennemis d’un art qu'ils ne compren- nent pas et qu'ils jugent selon leurs caprices ou leurs passions aveugles ? L'homme qui possède le goût des — 148 — arts, voit dans ses rivaux, des amis, des frères ; il n’est ni envieux, ni jaloux de leurs succès, au contraire, ils font sa gloire, il s’y associe de cœur et proclame un triomphe qui paraît aussi être le sien. Pourquoi fallait-il que ce bel art fut si peu encouragé ‘dans nos murs et que, sur ce point, les cités qui nous “environnent fussent bien mieux partagées que la ville d'Arras ? La cause, nous l'avons dit, mais elle fut impuissante, ‘car des âmes plus généreuses conçurent la pensée de lui imposer silence. C'était dans le but de populariser la musique au sein -de notre ville, qu'en mars 1827, cinq artistes se réunis- _saient pour fonder un cours de musique vocale et ins- trumentale. Soixante élèves y ont recu des leçons et leurs progrès ont attesté le zèle et la capacité des profes- seurs. Mais il manquait à cet établissement un grand moyen, et sans lequel il ne pouvait s'élever à la prospé- ‘rité qu'il méritait d'atteindre, la protection de l'autorité ‘communale qui lui sera accordée en 1835. Société Philharmonique. Pendant un certain temps, les sociétés de musique vé- ‘curent dans le calme et la somnolence. L’art musical : était cependant loin d’être négligé. Le succès obtenu à Douai par les Amateurs arlésiens n'avait fait que déve- lopper davantage le goût de la musique à Arras. Une -partie de la jeunesse se livrait avec ardeur à l’étude des : instruments et du chant; les uns, s'ils ne pouvaient pré- . tendre à devenir solistes, se préparaient à prendre place = 149 dans les morceaux d'ensemble ; les autres s’essayaient à. interpréter la simple et mélodieuse musique de nos opé-. ras et des romances en vogue. On comptait même parmi ‘ les jeunes femmes d’agréables talents. Dès 1820, un grand nombre d'habitants se donnaient rendez-vous pour faire de la musique dans la salle d’un café situé sur la Grand’Place, sous la direction des pro- fesseurs Plouviez, Rumeau et Lequien. Tous nourris- saient le désir de voir se réunir en une société puissante les éléments divers, civils et militaires, amateurs et artistes, qu'offrait notre ville. De nombreuses tenta- lives furent failes dans ce but; mais, ou elles n’abou- irent pas, ou elles ne donnèrent pas de résullals sé- rieux avant laissé trace de leur existence plus ou moins éphémère. Ce désir élait admirablement secondé par M. Joseph Legentil, qui personnifia si longtemps et avec tant de dé- vouement la socièlé musicale à Arras. À celle époque, des réunions fréquentes et nombreuses avaient lieu, soit: chez M. Legentil, soit dans un local plus vaste, à la salle de spectacle, par suite du nombre toujours croissant des adeptes. | | En 1825, un homme d'une haute intelligence, ami des sciences et des arts, M. le baron de Hauteclocque, alors Maire d'Arras, parvint à grouper ces nombreux éléments. Ce ne fut pas, Loutefois, sans de longues diffi- cultés que l'accord s'établit entre toutes les susceptibilités, soit d'artistes entre eux, soit d'amateurs à l'égard des artisies. Cependant, à force de persévérance et de con- cessions réciproques obtenues, notre premier Magistrat put atteindre le noble but qu'il s'était proposé. Le 9 oc- — 150 — _tobre 1826, il adressait au personnel musical de celte ville une lettre ainsi conçue : « Monsieur, » J'ai l'honneur de vous prévenir que MM. les ama- teurs de musique et MM. les artistes se réuniront à l'Hô- tel-de-Ville, le 10 de ce mois, à six heures précises du soir, pour se constituer définitivement en société. » J'ai celui de vous prier de vouloir bien assister à celte assemblée et de recevoir l'assurance de la haule considération avec laquelle j'ai l'honneur d'être, Mon- sieur, votre très humble serviteur. » Le Maire d'Arras, » Baron DE HAUTECLOCQUE. » De cette réunion sortit la Société Philharmonique. Non content d’avoir formé la Société, M. de Haute- clocque voulut lui bâtir une salle spéciale. À quelques mois de là, il faisait voter par le Conseil municipal les fonds nécessaires à la construction de la Salle des Con- certs. : Au premier appel adressé par le Maire d’Arras, soixante- cinq amateurs et artistes s’étaient fait inscrire sur le re- gistre de la Société. Voici la liste de ces membres fon- daleurs : | _Barlet Victor, amateur, violoncelle et chant. Basset Maurice, amateur, flüte. Bernard Etienne, amateur, basson. Bigourd, amateur, trombone. Bouthors, amateur, chant. Cavrois Auguste, amateur, chant. Coche Evariste, artiste, violon. Cornille Félix, amateur, clarinette et chant. Cosset, artiste rétribué, basson. Cot Auguste, amateur, violoncelle. Crassiez Adolphe, amateur, clarinette. Gronfall Laurent, artiste rétribué, ophicléile. Dalleu François, amateur, chant et allo. Debavav, amateur, violon. De Hautcclocque Léopold, maire, président. Dehée, amateur, chanteur. Delabrosse, amateur, trompette et hautbois. Dénis, amateur, chanteur. De Raulin, amateur, contre-basse. Didelot, amateur, violon. Dorlencourt Xavier-Joseph, amateur, alto. Dourlens-Aubron Xavier-Joseph, amateur, chanteur. Dourlens-Brunel, amateur, violoncelle. Duhaupas Emile, arliste rétribué, violon et chänt. Durnlessis Jules, amateur, chanteur. Duriez Henri, amateur, chanteur. Forgeois, mercier, amateur, chanteur. lFuzier Constant, amateur, chanteur. Georges, arliste rétribué, allo. Hannebicque, amateur, flûte. Héquet ainé, artiste rétribué, violon. Héquet Bruno, artiste rétribué, violon. Hourriez, amateur, chanteur. Hovine Alexandre, amateur, violon et chant. Hovine Augustin, amateur, violon el chant. Hovine Louis, amateur, violoncelle. — 152 — Lavallée, amateur, trombone. Lefebvre, amateur, clarinette et chant. Lefebvre-Flambry, amateur, violon. Lefebvre-Wandewycle, amateur, trompelle. Legenlil Joseph, amateur, cor et chant. Lequint, artiste rétribué, alto. Loire, artiste rétribué, limbales. Luez Paul, amateur, timbales et hautbois. Maniette Augustin, amateur, violon. Martin Xavier, amateur, ophicléide. Niou, amateur, violon. Pajot Alexandre, amateur, allo. Paul, artiste rétribué, viclon. | Pelletier Francois, amateur, chanteur. Petitqueux Evrard, amateur, clarinette et chant. Plouvier Augustin, artiste rétribué, violon. Pottier-Bultez Louis, artiste rétribué, contre-basse. Pottier-Desailly Désiré, amateur, flûte. Pottier-Peugnet, amateur, allo. Olivier, amateur, violon. Rumeaux, artiste rétribué, serpent. Salmon Auguste, amateur, cor. Salmon Emile, amateur, cor. Sirony, artiste rétribué, clarinette, alto. Thévenot, amateur, allo. Thomas Xavier, artiste rétribué, cor. Verniez, amateur, pianiste. Wagner, arliste rétribué, violoncelle. Wavelel, amaleur, chanteur. Les commencements de la Sociélé Philharmonique fu- rent difficiles et laborieux. Il fallut plusieurs années et uS « 159 bien des tâtonnements avant qu'elle fût assise d'une ma- nière stable et définitive et qu’elle acquit ce degré de prospérité qui devait amener de si beaux résultats. Le 10 octobre 1828, les artistes et les amateurs se réu- nirent à la Salle des Concerts, sois la présidence du ba- ron de Hauteclocque. M. le Maire invita alors les assis- lants à asseoir d’une manière régulière la durée et Île service de leurs réunions musicales, en suppléant, par un nouveau règlement, à l'insuffisance des dispositions arrêtées dans célui de 1826 Il proposa ensuite à l’asso- ciation de prendre le litre de Société Philharmonique. Dans cette réunion, M. Luez fut nommé vice-président, et MM. Hovine aîné, Hovine Augustin, Dewailly, Petit- queux, Martin, Cornille et Debavay, membres du conseil. Le nouveau règlement fut modifié successivement dans les séances des 2 octobre 1839 et 29 juillet 1842, et dé- finitivement adopté le 27 janvier 1843. Sous l’habile direction de ses chefs d'orchestre, dont : le premier fut M. Héquet aïiné, et auquel succédèrent MM. Duhaupas {1830), Bertrand (1836), Hecquet Jules (1854), Lambert (1858), Poisson (1861), la Société a donné deux cent soixante concerts, sans compter ceux dans les- quels elle prêta son concours à des artistes de passage. Le premier date du 29 décembre 1826. Le concert du 27 août 1832 fit époque dans les annales musicales d'Ar:as. On y entendit les frères Tilmant, vio- lonistes, qui eurent les honneurs de la soirée, M. Wil- lent, 1" basse du Théâtre-Italien, et M''° Dorus. La Société Philharmonique rivalise dignement avec celles des villes voisines les plus en renom, tant pour la manière supérieure avec laquelle elle exécute les mor- LEA — ceaux difficiles annoncés dans ses programmes que par le soin qu'elle apporte à relever l'éclat de ses concerts, en y faisant entendre les artistes les plus distingués. Voici les noms des principaux qui ont été entendus jus- qu'à ce jour: Cantatrices : M" Dorus, Casimir, Prévost, Loïsa Puget, Raimbaut, Nadolini, Damoreau-Cinti, Nau, Bordogny, Albertazzy, Julian, A. Lebrun, Viardot-Garcia, Debré, Heinefetter, Sabattier, Masson, Iweins-d’Hennin, Lavoix, Persiani, etc. Chanteurs : MM. Chollet, Bordogny, Marié, Roger, Ta- gliafico, Duprez, Poultier, Graziani, Ponchard, Geraldi, Lafond, Barroilhet, Massot, Portehaut, A. Dupont, Derivis fils, Chaudesaigues, etc. Violonistes : MM. Alard, Herman, Artot, Dancla, Vieux- temps. Pianistes : MM. Prudent, Lefebure Wely, Lacombe. Harpiste : M. Félix Godefroy, Violoncellistes : MM Servais, Seligmann, Triebert, Ber- trand. Flutiste : M. Dorus. Corniste : M. Verroust. La Société Philharmonique a, en outre, exécuté une quantité considérable de morceaux de musique sacrée, soit aux messes de Sainte-Cécile, soit à l'inauguralion des “églises de Saint-Nicolas et du Saint-Éacrement, soit, en- fin, à l’occasion des funérailles du cardinal de la Tour d'Auvergne. Parmi les principales exécutions, nous cilerons la Messe du sucre (1828-1829). la Messe de Nonot et le Glo- ria de Chérubini (Sainte-Cécile, 1837, Messe d'Élwart — 155 — (1839), Messe de Gounod (1879), Messe de Lesueur (1880), Septuor de Beethoven (1878), les Marches solennelles de Mendelsohn, de Meverbeer, d’Auber, de Gounod, de Chopin, la Sérénade d'Haydn, Adagio de Mozart, Sym- phonie de Beethoven, les Sept Paroles du Christ, le Ma- gnificat de Lambert. Si la Société Philharmonique.d’Arras n’a pas été appe- lée à recueillir les ovations et le triomphe des concours, on peut lui décerner la palme de la bienfaisance. Sous l'administration de ses divers présidents, MM. Luez, Parmentier, Delaire, de Grandval, Daverdoingt, Huret- Lefebvre et Guérard, elle a distribué aux établissements pauvres de notre ville près de: 180,000 fr., produit des diverses solennités organisées dans un but de charité. Ecole de musique. La pratique.de la musique, bornée dans les commen: cements à certaines classes de citoyens, tendil surtout à se généraliser et à pénétrer dans la masse inférieure. Mais il était bien difficile de s’adonner selon ses désirs - à un art qui ne coùtait pas seulement du temps, mais à la possession duquel il fallai! encore sacrifier de l'argent. [a Société Philharmonique, à qui revient la gloire d'avoir vulyarisé la musique à Arras, d'en avoir insinué le goût et l'amour jusque sous les Loits des prolétaires, d’avoir jeté les fondements solides de ce culte, qui passe main- tenant pour être inné en Artois comme en Flandre, la Société Philharmonique voulut exploiter plus eficace- ment encore le champ qu’elle avait si heureusement en- semencé. Elle voulut créer un établissement par lequel : — 156 — le goût de la musique put être salisfait et utilisé et, dès les premières années de sa création, elle fit donner par: plusieurs membres des leçons gratuites à un grand aom- bre d'enfants de notre ville. Nous extrayons les passages suivants du règlement du 4 octobre 1828 : «ART. 50. — Le produit des cotisations et des sommes que l’aulorité municipale met à la disposition de la So- ciété étant spécialement affecté à l’achat de musique et des instruments, les frais des répétitions et des concerts, ainsi que la rétribution des artistes résidants et élrangers sont prélevés sur le produit, des souscriptions et cartes d'étrangers. L’ercédant, s’il en existe, est consacré à l'instruction musicale d'un nombre proportionnel d'élèves. » ART. 51. — La présentalion de ces élèves n’est sou- mise à aucune distinction de fortune. Elle appartient ex- clusivement aux Sociélaires. Une commission de sept membres, dont le chef d'orchestre et le sous-chef font partie de droit, procède à l'examen et au choix de ces élèves, indique les instruments qu’ils doivent prendre, en conciliant, loutefois, leur inclination avec les hesoins de la Société. . oo » ART. 52. — L'enseignement de ces élèves appartient aux sociétaires professeurs. Leur traitement est fixé par le conseil. Un réglement particulier déterminera le mode de l’enseignement, le service de l'instruction et la dis- cipline des classes. » M. Esnault, membre du Conseil municipal, en 1835, se prononça en faveur de la création d’une école de mu- sique à Arras, et le Conseil accueillit favorablement une voix amie des arts qui en vénérait ef en connaissait le — 157 — culte. Le Conseil municipal prit donc acte de la propo- sition de M. Esnaull ets” JEPURRIE des moyens de répondre dignement à cetle idée. De nombreuses lacunes existant dans les archives de la Société Philharmonique, nous n'avons pu suivre l’ap- plication des mesures prises à ce sujet, mais tout porte à croire qu’elles furent promptement appliquées. Car, dans le nouveau règlement du 27 mars 1836, il est dit qu'un concert sera donné chaque année, dont le pro- duit sera consacré à l'instruction d’un nombre propor- tionné d'élèves (art. 54), el plus loin nous lisons une dé- cision du 20 juin 1836 qui maintient le traitement du chef d'orchestre, fixé par une décision antérieure à la somme de 1,000 fr., sous la condition de faire l'éducation de quatre élèves. Enfin, après de nombreux pourparlers, le Président de la Société fut invité, le 28 avril 1837, à venir confé- rer avec le Maire d’Arras, M. Dudouit, sur l'urgence d'établir une école de musique avec les fonds alloués par la ville. Dans la séance du 7 juin suivant, le Conseil chargea l'un de ses membres, M. Cabuil, de présenter un projet d’organisalion et de règlement, projet qui fut adopté à partir du 1° juillet 1837, date de l’ouverture de l'école de musique, sous la direction immédiate du conseil de là Société Philharmonique et sous les auspices de l’auto- rité municipale. La première allocation faite par la ville fut de 700 fr. Trois professeurs furent nommés, au traitement de 150 fr. C'étaient MM. Duhaupas pour le chant et le solfège, Ber- trand pour les instruments en cuivre, Bassez pour les — 158 — instruments en bois. On y adjoignit, en 1839, les frères Coche, chargés des cours de violon. L’allocation fut portée à 1,500 fr., en 1838; pour achat de matériel et augmentation du traitement des profes- seurs, qui fut porté à 200 fr. Elle a été successivement augmentée jusqu'à la somme de 6,070 fr., chiffre actuel du budget de l’école. L'amour-propre est, sans contredit, le plus puissant mobile de nos actions ; c’est à lui que nous devons les belles productions et les ouvrages remarquables que nous admirons quotidiennement. Aussi, le moyen le plus sûr d'obtenir des résultats satisfaisants dans les arts est- il de stimuler les jeunes artistes et d'établir entre eux une généreuse émulation. L'espoir d'obtenir sur leurs concurrents la prééminence doit les porter à redoubler d'efforts pour y parvenir. C'est l'avantage de l'instruction publique d'exciter parmi les jeunes gens une rivalité d'où doivent naître indispensablement des hommes de mérite et de grands biens pour la société. Imbu de cette généreuse idée, le conseil de la Société Philharmonique décida, le 9 juillet 1837, qu’un concours, suivi plus tard d'un concert d'émulation, aurait lieu en- tre les élèves de l’école de musique, à la Salle de Con- “cerls,avecune première distribution de prix, qui eut lieu le 14 août 1839, sous la présidence de M. Maurice Colin, alors Maire d'Arras. L'esprit de cet examen n'est pas basé sur la force relative des élèves entr’eux, mais bien sur la force réelle de l’élève par rapport à l'art. Chaque élève exécute un morceau étudié et un à première vue. Les classes de musique vocale sont divisées en deux sec- tions et les élèves des classes de musique vocale et ins- — 159 — trumentale sont examinés séparément et soutenus dans l'exécution de leur morceau par le professeur qui tient la partie de basse ou d'accompagnement. L'école de musique fut toujours placée sous l’adminis- tration du conseil de la Société Philharmonique jusqu'au 12 septembre 1876, époque à laquelle un arrêté de la Mairie notifia que, à partir de ce jour, elle serait admi- nistrée par une commission nommée par le Maire. La commission actuellement en fonctions devait continuer d'administrer sous la présidence de M. le Maire. Elle est encore aujourd’hui à la têle de l'école. Huit professeurs sont chargés de l'instruction: trois professeurs de solfège: MM. Poisson, prix d'harmonie au Conservatoire, classe des filles et classe supérieure des garçons ; Cronfail et Sergent, classe élémentaire ; un professeur de flûte, M. Lacassagne ; un professeur de clarinette, hautbois, basson, M. Billan, ex-sous-chef de musique au 33e de ligne ; un professeur de violoncelle et contre-basse, M. Mauger ; un professeur d'instruments de cuivre, cor, piston, etc. : M. Cronfalt ; deux profes- seurs de violon, MM. Lambert ei Poisson; un professeur de piano pour demoiselles, M"° Mangot, lauréat du Con- servatoire de Paris. - Chaque professeur est payé à raison de 200 fr. par an, pour trois heures par semaine, ce qui constitue un cours. Dans la classe d'instruments en cuivre, ce cours est com- posé de quatre ou cinq élèves ; pour le solfège, le nom- bre est illimité. Depuis 1837, l'instruction musicale a été donnée à 1,212 garçons et à 506 jeunes filles, total : 1,718 élèves. L'école compte actuellement 201 élèves : 120 garçons et 81 filles. | — 160 — = Voici la liste des principaux sujets sortis de l’école de musique d'Arras, qui ont été reçus et ont obtenu des suc- cès au Conservatoire de Paris et d’autres qui occupent aujourd’hui une position exceptionnelle : | MM. Grigny Romuald, hautbois. Danel, 1"* basse des chœurs de l'Opéra. Linof, 1°" prix de basson au Conservatoire. | Soualle, plus connu sous le nom d’Ali-ben-Soual, prix de clarinette, sous-chef de musique dans un régiment de la marine. Bécourt Faldoni, prix de cor au Conservatoire. Thibaut, prix de violon au Conservatoire, chef d'or- chestre dans un théâtre de Paris. | Duhaupas, organiste, maître de chapelle de la cathé- drale d’Arras, élève de Marmontel. Gourdin, ex-baryton à l’Opéra-Comique. Pierret, alto-répétiteur à l'Opéra: Lambert Viclor, professeur de violon, élève du Con- servatoire, dont nous avons souvent admiré le jeu hardi et gracieux, sans laisser d’être intel- ligent et méthodique. Ansart el Taffin, prix de clarinette au Conservatoire. ” Boulard et Marquette, prix de flûte au Conservatoire. Francqueville, accessit de chant au Conservatoire. Martin, sous-chef de musique au 3° régiment du génie. Hecquet Jules, dont le talent de violoniste a brillé dans un grand nombre de concerts de la Société. Hiver, prix de clarinelle au Conservatoire. M'ie Catelain, accessit de chant au Couservatoire. — 161 — Mie Vidal, Pruvost, Salèle, Taffin, pianistes ayant obtenu des médailles au Conservatoire. Sergent, violoniste, etc., etc. Un nouvel hommage vient d’être rendu à l’adminis- tration de la Société Philharmonique. Dans l'inspection générale des écoles de musique de France, ordounée par le gouvernement, celle d’Arras a obtenu un succès exceptionnel. Classée au deuxième rang, c'est-à-dire après celles de nos grandes villes, qui ont de puissantes ressources, elle a été proposée pour une subvention de l'Etat, avec le titre de Succursale du Conservatoire de Pa- ris, comme les écoles de Lille’ de Toulouse, etc. Cette proposition est la plus complète affirmation de la valeur de notre enseignement musical et le prix le plus précieux qu'en puisse recevoir la Société Philharmonique, char- gée de la haute direction des études. Honneur aux maîtres et tuteurs dévoués auxquels” cette haute distinction est due, et qui seront, dès que les crédits du budget le permettront, les vrais fondateurs du Conservatoire national de musique d’Arras. De nos jours, la Société Philharmonique compte cent vingt-six sociétaires résidants et environ trente membres correspondants. Les répétitions ont lieu le vendredi de chaque semaine, sous l’habile direction de M. Poisson, chef d'orchestre. | M. Jules Guérard, président, a pris tellement à cœur l'honorable et délicate mission qu’il a acceptée, il la comprend, il l’accomplit si largement que, sans y pen- ser, il a attiré sur son nom l'éclat de la plus enviable popularité. M. Guérard ne consacre pas seulement son temps à la Société, il lui donne encore tout le dévoue- 11 — 1062 — ment d’un cœur généreux, À ce titre, il s’est rendu digne de l'affection et de la reconnaissance publique. Société des Orphéonistes. Aussitôtaprès que la loi de 1832 eut, en quelque sorte, créé l'instruction primaire en France, des hommes émi- nents demandèrent qu'on y ajoutât l’enseignement du chant, dans le but de répandre parmi. le peuple le goût du beau et d'adoucir ses mœurs. La réalisation de cette idée fut due à Wilhem et à sa métlhorte, dont les moyers ingénieux et simples faisaient. disparaître la plupart des difficultés premières. C’est en 1833 qu’il commença à l'appliquer dans les - écoles. À la fin de l’année, il réunit les groupes qu’il avait instruits séparément afin d’avoir un ensemble d’exé- cutants. et il donna à cette. réunion le nom. d’orphéon. Depuis lors, on désigne sous ce. nom un ensemble de choristes qui exécutent des chants sans accompagnement. En 1847, l’orphéon de Paris comprenait 1,200 à 1,500 amateurs, parmi lesquels se trouvaient, non-seulement des: enfants. et des jeunes gens, mais aussi des hommes faits, donnant à l'étude de la musique les loisirs que tant. d’autres dépensent malheureusement au cabaret. Lès or- _ phéonistes exécutèrent dès lors avec beaucoup de jus- tesse et de précision, des morceaux composés expressé- ment pour eux.ou bien empruntés, soil aux maitres an- ciens, soit, aux maîtres modernes, M. Hubert remplaça. Wilbem dans la direction de l’orphéon de Paris ; il eut lui-même. pour successeur M. Gounod. De nombreuses sociétés chorales ne tardérent pas à — 163 — s'organiser en province. Un soir d'hiver de l’année 1846, quelques jeunes gens d'Arras, parmi lesquels nous cite- rons MM. Delcroix père, Fourmault, Huchette, Hecquet Jules, Brissy frères, Wavelet, Thomas frères, Létévez, ‘ s'inspirant des chanteurs pyrénéens venus à Arras, se réunirent pour étudier le chant d'ensemble. Les premiers chœurs mis à l'étude fnrent Adieu Styrie et la Chasse aux Isards, ehantés sous la direction dé MM. Garin et Hecquet. Voilà une origine qui repousse les préventions injustes qui ont pesé si longtemps sur les hommes du nord. Ces jeunes gens d’Arras, au moins, donnent tort à la critique philosophique qui veut subordonner le génie d’une pro- vince à l'influence du climat sur les instincts sociaux el le développement de sa pensée. Sans doute, le climat agit sur des organisations fébriles et maladives, mais alors c'est one cause physique. L’élat politique et moral d’un peuple influe plus directement sur les progrès que l'élé- vation moyenne de son thermomètre. Les Orphéonistes d'Arras ont prouvé que l'influence de l’atmosphère, en : matière d'enthousiasme lyrique, était un paradoxe, ils ont relegé avec autant de vaillance que d’orgueil le gant jeté dans la lice artistique et chantante. Nous verrons tout-à-l'heure qu'ils ne se sont pas contentés d'aller ga- gner des prix dans les villes de la Flandre et de la Bel- gique, mais qu’ils sont venus dans le milieu de la France, jusque sous le soleil des troubadours, chanter des airs sonores et spirituels, comme s'ils eussent été des enfants de la langue d'Oc et des Tyrtées de la poésie romaine. Peu de temps après, M. Ephrem Leroux fut nommé Président, tenant avec un talent remarquable l’emploï de tenor solo. En donnant à la jeune société l’habitude — 164 — d'une discipline rigoureuse, M. Leroux assura aux Or- phéonistes le succès de tous leurs travaux artistiques et philanthropiques. | | La Société, définitivement organisée au commence- ment de l’année 1847, tint sa première séance le 10 fé- vrier. Elle était alors composée de jeunes gens, amateurs de musique, se réunissant toutes les semaines. pour s'exercer à l'exécution de divers morceaux d’harmonie vocale, délassement d'autant plus louable que ceux qui s’y livrent, l'ont toujours fait tourher à.l’avanlage des in- digents. | | | Le 2? mai 1847, le corps de musique de la garde natio- nale et la Société des Orphéonistes, récemment inslituée, organisérent un concert au bénéfice de la caisse du bu- reau de bienfaisance. La musique de notre milice ci- toyenne, sous la direction de son chef intelligent et ha- bile, M. Bertrand, exécuta divers morceaux d'ensemble avec une rare précision et une vigueur remarquable, et le public, toujours équitable envers le talent et le bon vouloir, applaudit vivement l'ouverture de Fra Diavolo, le duo de Guillaume Tell, le trio de Norma et la Bénédic- lion des poignards des Huguenots. | La Société des Orphéonisles, composée de seize chan- teurs, chanta divers chœurs empruntés aux œuvres com- posées par M. Rolland pour les chanteurs pyrénéens. Ce premier essai réussit complétement. L'enthousiasme des auditeurs fut tel que des bis retentissants accueilli- rent la chute du dernier refrain. Nos amateurs, pleins d’une gracieuse complaisance, exécutèrent alors un troi- sième et dernier chœur que le public salua de ses bravos les plus. chaleureux. 16 — En janvier 1847, d’autres jeunes Artésiens formèrent un deuxième groupe de chanteurs pour interpréter des chœurs à quatre voix d'hommes ; on remarquait daus la jeune société MM. J. Guérard, Tricart frères, Jude H,, Lemaitre Félix et Sannier. Les premiers chœurs chantés par ce groupe furent le Chant du soir et le Désert, de Fé- licien David; en décembre 1848, les deux orphéons d'Arras confondirent leurs rangs, et sous la dénomina- tion d'Orphéonistes, devinrent et restèrent les émules des Crick-Mouils de Lille. Pendant trente années, Arras et Lille se disputèrent la suprématie sur tous les orphéons de France ; les luttes chorales que ces deux sociétés ri- vales eurent entr'elles, attirèrent l'attention de tous les dileltantes français el étrangers. Jusqu'à ce jour, Lille a vaincu Arras trois fois, lrois fois Arras a triomphé de Lille. | | | La Sociélé des Orphéonistes d'Arras est alors consli- luée sur des bases solides, son but est bien défini: pro- pager le goût des arts par l'organisation de concerts, fes- livals, concours qui, soil à Arras, soit dans les autres villes de France, soit à l'étranger, fussent exclusivemeni donnés au profit des pauvres Ce but a été grandement : rempli. : Tant de succès et de gloire n'a pas, comme d'ordinaire, desséché leur cœur ; au contraire, ils n’ont jamais oublié ces vers du vieux Béranger : Le bonheur rend l'âme si bonne, Ah ! donnez, donnez s’il vous plaît, À l’aveugle de Bagnolet. Et, si à chacune de leurs victoires pacifiques, nos rues — 166 — _se jonchent de fleurs, nos maisons se pavoisent de mille drapeaux, c’est qu’on salue tout à lu fois en eux les plus aimables chanteurs et les plus ardents apôtres de la charité. S'il fallait aujourd’hui calculer le chiffre des do- nations faites par les Orphéonistes à différentes associa- tions charitables, on atteindrait le chiffre de 142,000 fr. Voilà pourquoi les Orphéonistes ont dans leurs archi- ves une histoire intime d'hommages et de récompenses accordées à leur mission de bienfaisance, de même qu'ils portent à leur bannière les médailles dues à leur mérite artistique. L | = Comme l'artiste dramatique qui prête son concours au poêle et vient, avec son talent et son génie, réaliser, pour ainsi dire, la pensée de celui-ci, l’exécutant met à la disposition du compositeur le résultat de ses longues éiudes et, s’interposant entre le créateur et la foule, il communique, à l'aide de son instrument ou de sa voix, ces impressions tour-à-tour .gaies, suaves et mélancoli- ques qui, pendant quelques heures, font vivre d’une même âme des centaines d'auditeurs, en leur imposant les mêmes sensations. Et pourtant, le triomphe de l’exé- cutant comme celui de l'artiste dramatique est passager, . Sa vie est éphémère. Que reste-t-il de celte voix douce, de ces sons si purs qui vous ont, tout à-l'heure, si déli- cieusement ému? Ce qui reste du sillon que la rame a tracé dans l’onde ! Tout au plus un touchant souvenir. C'est ce souvenir que vientévoquer notre plume, impuis- sante à dépeindre tout le charme qu'ont procuré à un audiloire toujours nombreux, les concerts annuels des Orphéonistes de notre ville. Nous n’essayerons pas de dépeindre l'aspect enchan- =— 167 = teur de la salle ; ceux qui ont assisté à ces soirées; peu- vent seuls s’en faire une idée. | Ün chœur des Orphéonistes commence le concert. Fi- gurez-vous, — nous parlons à ceux de nos lecteurs qui n'ont pas pris part à ces fêtes, — figurez-vous cinquante à soixante amateurs, à la tenue uniforme, veranñt se ran- . ger en demi-cercle devant vous; aucun instrument ne leur sert de diapason, et lout-à-coup, de l'inlonation la plus sûre, comme si une seule âme les animait, ils com- mencent; alors, sous l'influence de leur talent, les sen- timents les plus divers animent tour-à-tour l'auditoire ; jusqu'à la fin du morceau, mêmé accord, même préci- sion, les nuances les plus délicates sont observées, et le public, ravi, reconnaît qué la voix humaine est bien le plus merveilleux des instruments. Créée en 1846, la Société des Orphéonistes fut défini- livement autorisée par décision du Ministre de la police générale en date du 5 mai 1852. Depuis lors, elle orga- nise un concert annuel au profit des pauvtes, et pendant trente-deux années, uñèe foule d'élite s’est rendue à tes fêtes qui, chaque hiver, sont CONSIAEFÉES comme les Sü- lennités artistiques de la saison. Les artistes appelés de Paris sont toujours les étoiles du jour ; on remarque seulement que, dans les rangs des * Orphéonistes, des fils ont remplacé leurs pères. Les Or- phéonistes ne chôment jamais. Loin de se reposer, à peine sont éteints les échos de leur concert annüel, qu'ils se remettent bien vite à l'œuvre et organisent des soirées charmantes auxquelles ils convient leurs familles. Ces réunions, composées tôules d'éléments locaux. avec une étoile exolique chargée de représenter le sexe des — 168 — soprani, sont fort intéressantes et préludent parfaitement au bal, qui commence vers l'heure du mystère, comme disent les poèles, gai et animé ainsi qu'aux anciens jours. Il va sans dire que l'attrait. de la bienfaisance s’y marie avec celui du plaisir. La Société a eu pour Présidents : MM. Ephrem Leroux, de la création au 15 avril 1850. Amédée Thomas, du 15avril1850 au 1°" janvier 1858. Léopold Tricart, du 1° janvier 1858 au 20 seplem- bre 1879. Hippolyte Jude, du 20 septembre 1879 à ce jour. Et pour Directeurs : MM. J. Hecquet, de la création au 25 novembre 1853. Dubaupas, du 1°" décembre 1853au 1*"novembre 1879 Sergent, du 1° janvier 1880 à ce jour. De 1856 à 1877, la Société eutrpour sous-chef M. Vic- tor Lambert qui fut, avec un talent et un dévouement incontestés, le digne lieutenant de M. Duhaupas. C’est sous leur habile direclion que les Orphéonistes ont marché de triomphe en triomphe depuis le concours de Lille, 27 juin 1852, jusqu'à celui de Compiègne, 17 juin 1877 (1). | (4) Liste des concours auxquels ont assisté les Orphéonistes et énuméraltion des prix qu’ils ont obtenus : LiLLE, 27 juin 1852 : 2e prix, 1re division française. FoNTAINEBLEAU, 19 juin 1853 : 1° prix, division d’excellence. BÉTHUNE, 16 mai 1856 : 2° prix, division d’excellence. CLERMONT, 2 août 1857 : 2e prix, division d'excellence. Duo, 1858 : 4er prix, division d'excellence. SAINT-OMER, 26 juin 1859 : 2° prix, division d'excellence. | GanD, 18 juin 1860 : 2° prix, division internationale ; 1° prix, division française. BouLoGnE-SUR-MER, 29 juillet 1861 : 4er prix, {re division. _— 169 — Ces triomphes prouvent qu’une société bien présidée, Lie, 30 juin 1862 : 4 prix, division internationale, CLERMONT, août 1863 : 1'r prix, division d’excellence ; 2° prix, division | . française. Liëce, 26 juillet 1866 : 4er prix, division d'excellence ; 1 prix, division française, AMSTERDAM, 25 juillet 4868 : 1°r prix, division internationale. Mons, 26 juin 1870 : 2° prix, division internationale. LE HAVRE, 7 août 1873: Aer prix, lecture à vue ; 2 prix, division internationale. BRUXELLES, 20 septembre 1875 : 1*r prix, division internationale. CoMPIiÈGnE, 17 juin 1877; {tr prix, lecture à vue; 1°r prix, division supérieure ; 4er prix, division d’excellerice. BouLoGne, 16 juillet 1882: 4er prix, re division ; 4°" prix d'excellence; 3e prix, lecture à vue. ORLÉANS, 8 juin 1884 ; concours d’honneur: prix unique, division d'excellence ; lecture à vue : prix ex-æquo avec les Enfants de Paris ; Section: 4er prix. Toutes les médailles sont en or. La Société possède, de plus, deux objets d'art offerts par les villes de Liège et de Boulogne. Outre ces récompenses, la Société a reçu plusieurs médailles de remerciements pour services rendus : 1853, Sa Majesté l’Impératrice. 4854, la ville d'Arras. 1855, le Préfet du Pas-de-Calais. 4856, la ville d'Arras. 1857, l’Institut des provinces de France. 1860, la ville de Calais. 1861, la ville d'Arras. 1861, le Préfet du Pas-de-Calais. 1862, la ville de Courrières. 4863, la ville de Bapaume. 1864, la ville d'Arras. 1867, la ville de Saint-Pierre-lez-Calais. 4869, la ville d’Avesnes. 4872, la ville d'Amiens. 1873, la ville de Lille, comité des orphelins de la guerre. 4874, la ville d'Arras. 4875, Madame la maréchale de Mac-Mahon. 4878, l’Union artistique d'Arras, — 170 — bien dirigée artistiquement, est une bonne forlune pour le pays. C’est un grand point pour un orphéon de conser- ver à sa tête pendant de longues années les mêmes chefs, quand ils joignent le talent au caractère ; ils deviennent . comme une sorle de drapeau témoignant l’honneur du bataillon. Les nombreuses médailles et les récompenses obtenues dans les principaux concours de la France, de la Belgique et de la Hollande disent mieux que les éloges le talent el la valeur de celte société et de ses habiles et savants directeurs. Nous ne pouvons mieux faire que rappeler ici ce pas- sage du journal l’Orphéon, au sujet du concours de Dijon, en 1858 : Le « Cette magnifique société a été l'étoile du concours : justesse d’intonatior, pureté de timbre, homogénéité des sons, netteté de prononciation, dislinetion, suavité, charme de l'émission, fini des nuances, sans incertitude et sans exagéralion. | » Telles sont les qualités que les Orphéonistes d'Arras ont fait briller de la manière la plus incontestable. » Les Orphéonistes ont brillamment soutenu, dans ces tournois de vérilables géants dans l’art musical, non- seulement l'honneur de leur société, mais encore la gloire artistique de natre vieille cité et l'ont placée en tête des villes intelligentes qui savent donner à leurs en- fants le goût de l’étude si pure de la musique. La fortune a, parfois, des revers inaltendus. L'échec de Rotterdam, en 1879, n'’élail pas fait pour décourager cette société, qui avait cucilli de si nombreuses palmes dans les luttes précédentes. C’élait une revanche à pren- dre ; elle ne se fit pas attendre. Le 17 juillet 1882, ses — 171 — soixante-deux chanteurs gagnaient les deux plus hautes récompenses du concours de Boulogne et relevaient le nom si brillamment porté d'Orphéonistes d'Arras. Tout récemment, enfin, la société, par son brillant succès au concours du 8 juin 1884, à Orléans, a définiti- vement reconquis la place qü'elle occupait jadis parmi les premières sociétés musicales de la région et, osons le dire, de la France entière. Grâce au dévouement de MM. Jude, président, et Deco- ninck, vice-président, la société, après le concours de Boulogne, reprit un nouvel essor, elle compte acluelle- ment près de six cents membres. Loin d'amener des rivalités jalouses, les concours de musique entretiennent une émulation féconde qui ne peut que resserrer les liens d'amitié unissant des nations voisines. Pénétrés de cette pensée généreuse, les Or- phéonistes d’Arras organisèrent, d'abord en 1852, puis en 1864, un concours international d'orphéons, de mu- siques d'harmonie el de fanfares, sous les auspices de l'Administration municipale. | De toutes parts, ils rencontrérent le même empresse- ment à seconder leurs généreux efforts. L'empereur lui- même voulut bien prêter son auguste protection, et le premier magistrat du département, M. le comle de Tan- lay, leur témoigna toute sa symrathie. Ces exemples trouvêrent de nombreux imitateurs. Les personnages les plus éminents, les sociétés savantes, agricoles et in- dustrielles, le commerce local, les associations ouvrières et de secours muluels offrirent spontanément des mé- . dailles et des prix destinés à récompenser les vainqueurs. Les dames elles-mêmes s’intéressèrent à cette fêle, et on — 172 — a pu admirer de superbes objets d'art, moins précieux par leur prix que par leur provenance. Tant d'attraits ne pouvaient manquer de recommander le concours des Orphéonistes d’Arras; aussi attira-t-il . dans nos murs une affluence extraordinaire de sociétés chorales et instrumentales. Quinze sociétés de chant, cinq musiques d'harmonie et sept fanfares étrangères; trente-deux sociétés d'orphéons, dix-neuf musiques d'harmonie et qualorze fanfares françaises prirent part au concours de 1864, qui dépassa toutes les fêles musi- cales qui avaient eu lieu précédemment. . Encouragés par l’admirable réussite de la solennité musicale de 1864, les Orphéonistes voulurent retremper les anciennes traditions des fêtes d'Arras dans un de ces concours d'orphéons qui sont, pour ainsi dire, passés dans les mœurs de notre énoque. Le Conseil municipal, imbu de cetle idée, que la musique est, pardessus tout, un merveilleux instrument de communications et de vi- bralions universelles, s’empressa d'accorder son concours à leur projet. | Après s'être entendu avec les présidents des diverses sociétés musicales, le Maire de la ville convia loutes les sociétés de Belgique, de Hollande, du nord, du centre et même du midi de la France à une nouvelle réunion mu- s'cale, à laquelle fut adjoint, par une heureuse innova- lion, un concours spécial pour la musique de chambre et pour les orchestres symphoniques. La fête de 1879 fut digne de ses devancières. et l'élite des sociétés belges et françaises arborèrent de nouveau leurs bannières dans la capitale de l’Artois, sous les aus- pices de la Société des Orphéonisles, devenue l'honneur jo de notre ville, et dont le mérite égala toujours la bien- faisance. | Sociétés diverses. Le goût des beaux-arts, qui s'infiltre journellement dans tous les rangs de la sociélé, tend à modifier d'une manière heureuse ce que le sentiment de l’importance pécuniaire a de choquant dans ses allures. Les personnes adonnées au négoce ne dédaignent plus les livres; les productions du burin et du pinceau trouveat des ama- teurs parmi les gens aisés. La musique surtout s'y est fait de nombreux amis. Il n’est plus de maisons où l’on ne cultive cet art éminemment civilisateur. Dans tous les rangs que la fortune a établis, on s'associe pour faire de la musique. Depuis le riche salon jusqu'aux rangs les plus simples de la société, on chante, on fait de l’har- monie, des chœurs, de la symphonie. Jamais on ne vit la musique occuper une place aussi prépondérante que celle qu’elle occupe de nos jours dans la vie de nos populations du nord. Depuis dix ans, surtout, elle a pris une extension considérable. Le peu- ple, et j'appelle de ce nom l'immense fraction des dés- hérités du sort, s'intéresse aux exéculions musicales d'une façon vraiment surprenante. Les concerts se mul- tiplient à l'infini. Les harmonies militaires, qui compo- saient à peu près seules jadis la pâture musicale du peu- ple, ne suffisent plus. Les sociélés musicales deviennent plus nombreuses de jour en jour. Nous terminerons. celle notice en énumérant celles qui se sont établies à Arras depuis 1841 : 1° L'Association musicale d'Arras, la plus ancienne — 174 — _aprés. la Société Philharmonique, est celle qui prit le tk. tre de Société du chant sacré. Elle fut instituée à Arras eù verlu d’une autorisation spéciale du Ministre de l’Inté- rieur en date du mois de février 1841 (1). Le but de cette association était de conserver et de développer le goût du chant religieux ; pour cela, il fallait ouvrir un cours gratuit; c'était, en quelque sorte, la première obligation qui ressortait de son programme; aussi s'éccupa-t-ellé immédiatement à rassembler les éléments nécessaires à cette instruction. | L'ouverture du cours gratuit du chant sacré, établi rue du Bloe, eut lieu le 10 avril suivant. Une messe du Saint-Esprit fut célébrée par M. Debray, son aumônier, en l’église de Saint-Nicolas, paroisse où s'était fondée la société. M. le Maire d'Arras présidait la séance d’ouver- ture; il prononça une courte et chaleureuse allocution. Après avoir témoigné aux sociélaires la satisfaction qu'il éprouvait de voir cette œuvre d'amélioration s'établir au (4) « J'ai l'honneur de vous transmettre, pour être soumis à l’ap- probation du gouvernement, une demande formée par un certain nombre de jeunes gens de cette ville tendant à obtenir l’autorisation d'établir à Arras une société dite du Chant sacré. » Le projet de règlement de cette société se trouve à la suite de là demande. » Cette réunion, qui doit être composée de jemnes musiciens; n'ayant aucun caractère politique, je vous prie de vouloir bien solli- citer auprès de M. le Ministre de l’Intérieur J’autorisation voulue par la loi du 10 avril 1834, pour-que cette société puisse se constituer. * » Je suis avec respect, Monsieur le Préfet, votre très humble et obéissant serviteur. > 28 janvier 184. ; » Le Maire d'Arras, . » Maurice COLIN. » — 175 — sein de natre cité, tout en faveur de l'enfance et des classes les plus intéressantes de la société, celles que la fortune a privées de ressources que réclame l'éducation, ce magistrat fit comprendre aux élèves que la musique du chant sacré, universellement appréciée, était de tous les temps, de tous les lieux; il les engagea à profiter du bienfait qui leur était offert. Au nombre des devoirs qu'ils. auraient à remplir, il plaçait l’exactilude aux le- cons, la soumission aux professeurs qui ne sauraient faillir à leur ministère, Dieu les soutiendrait après les avoir inspirés. Après la séance, M. Maurice Colin informa la société qu’elle pouvait compter sur: la protection de l'administration municipale dans toutes Les Occasions à venir. | Le. nombre des élèves était déjà de vingt-huit. Le cours de musique n’était soumis à aucüne espèce de rélribu- tion. La société se composait de cinquante: membres. M. Calmette, maître de chapelle, en fut le président. La société du chant sacré avait réellement à cœur l'accomplissement de l’œuvre qu’elle avait entreprise. Le Jeudi-saint de l’année 1847, elle exécuta à l’église de Saint-Nicolas, dite des Clarisses, un Stabat. mater et di- vers morceaux de musique adaptés à la gravité. de la cé- rémonie. L'ensemble parut satisfaisant à tout le monde: on remarqua deux solos de basse-taille chantés par M. Lombart, professeur de la société, avec une précision irréprochable. On comptait soixante exécutants, au nom- bre desquels on voyail douze jeunes gens de la maison - des. orphelins. | 2° La sociéié orphéonique des Ouvriers réunis, autorisée le 17 juillet 1854. — 176 — 3° Un arrêté du 19 octobre 1855 autorisa la société dite la Conciliante, qui avait généralement son siège à Saint-Nicolas, à s'organiser dans la ville d’Arras. 4° La société Philotechnique. 5° L’Orphéon Typographique fut établi le 8 juin 1857, dans le but de propager le goût de la musique parmi les ouvriers. [1 compte cinquante membres chanteurs et quarante-deux membres honoraires. Plus tard, l’Orphéon Typographique fut autorisé par la commission adminis- trative de la Société de Secours Mutuels à changer son nom contre celui de la Lyre Artésienne, et obtintun arrêté du Préfet, du 11 octobre 1861, qui autorisait sa consti- tution définitive. Le but de cette société était de répandre, de dévelop- per le goût de la musique vocale et de venir en aide, dans la mesure de ses forces, à l’infortune et au malheur, au moyen de concerts et soirées annuels. 6° La société de musique d'harmonie, dite des Amateurs, 13 août 1858 (1). 7° Les Mélomanes d'Arras. Cette société, fondée en | (1) « Monsieur le Maire, » J'ai l'honneur de vous transmettre ampliation de l'arrêté du 27 juillet, approuvé le 5 août courant par S. Exc. le Ministre de l’In- térieur, aux termes duquel j'ai accordé à la société de musique dite d’Amateurs, récemment fondée à Arras, l'autorisation exigée par l'article 291 du code pénal, remis en vigueur par le décret du 25 mars 1852. » Je vous prie d'assurer l'exécution de cette décision. » Je joins ici un exemplaire des statuts, revêtu de mon visa, pour être remis aux intéressés. » Agréez, etc. | » Le Préfet du Pas-de-Calais. » — 177 — 1877. était composée de trente membres, lous exécu-- tants, sous la direction de M. Etienne Bertrand. Pendant son unique année d'existence, elle remporta un succès de premier ordre contre la Chorale de Belleville (110 exé- culants) et la Chorale de Valenciennes (90 exécutants), au concours de Compiègne. | 8° La Chorale Artésienne. 9° La Fanfare du Commerce. Foudée au mois de no- vembre 1878, par M. Eugène Bernard, cette société, sous l'habile direction de M. Sergent, a marqué son passage dans tous les concours auxquels elle a assisté par d’écla- lants succès. Six mois à peine après sa fondation, elle remportait, au concours de Cambrai de 1879, une bril- lante victoire sur les sociétés concurrentes. Depuis cette époque, elle est toujours sortie triomphante des luttes auxquelles elle a pris part; témoins les concours de Lens (1881) et du Hâvre (1883) (1). 10° La Fraternelle, fondée en 1882. 11° La Fanfare des Vingt, fondée le 19 octobre 1882. Disons en terminant, qu’en dehors de l’art, ces asso- ciations sont bonnes, utiles, excellentes, puisqu'elles tendent à former le goût, à élever l'esprit et à faire de la fraternité dans la meilleure acception du mot. (1) Prix obtenus par la Fanfare du Commerce. Concours DE CAMBRAI, 1879 : er prix de lecture à vue, 2 prix d'exécution et 1'r prix de solo. Concours DE LENS, 1881 : 1er prix de lecture à vue, 4er prix d’exé- cution, 4er prix de solo, prix d’honneur partagé avec la fanfare de Lens-Liévin : une palme d’or. | Concours pu HAvRE, 1883 : 1er prix de lecture à vue, 4er prix d’exé- cution, médaille d'honneur, diplôme et inscription au procès- verbal, 4er prix de sol. 42 ÉTUDE sur LE MAGNÉTISME par . H. TRANNIN Docteur ès-Sciences Membre résidant MESDAMES, MESSIEURS, Lorsqu'il y a quelques semaines, notre éminent Prési- derit me demanda de prendre la parole à cette séance solennelle que vous voulez. bien honorer de votre pré- sence, je lui promis, hélas ! un peu à la légère, de défé- rer à son désir. Téméraire promesse, s’il en fül! Car la distinction de cet audiloire, sa compétence des choses de l'esprit, son exigence du bien-dire, étaient faites pour m'imposer un prudent silence. Ces justes considérations me vinreñt bien à l'esprit, mäis il élait trop tard: Île plaisir de développer devant vous quelques points de science, un peu d’amour-propre aussi me poussant. bref, j'acceptai et promis un discours. Le billet est souscrit; il faut le payer. Puisse votre bienveillance venir en aide à ma bonne e — 179 — volonté! Puisse aussi votre attention ne pas mettre cette bienveillance à une trop dure épreuve! Le sujet à traiter fut tout d’abord l’objet de mes préoc- cupations ; le domaine de la science est si étendu qu'il semble qu’on n'ait que l’embarras du ‘choix, quand il s’agit de prendre la plume. : De l’infiniment petit à l’infiniment grand, tout n'est-il pas du ressort de la science? La matière brute et ses propriétés mécaniques, physiques et chimiques, les corps organisés, plantes et animaux, l'homme et ses facultés intellectuelles, les sociélés, leur développement, leurs institutions, leurs fins offrent sans doute des sujets d'étude et des dissertations à l'infini. Mais quand il s’agit de choisir, les difficultés s'élèvent de toutes parts. La compétence, toujours très limitée, de l’auteur n'offre souvent que des thèses peu intéressantes, et si l’atten- tion de l’auditoire n’était à la hauteur de sa bienveillance pour écouter les choses peu nombreuses sur lesquelles l'orateur ose s’essaver, la recherche d’un sujet serait, pour le moins, aussi difficile que la mise en état du discours. | Après avoir examiné diverses questions qui me pa- raissaient plus particulièrement propres à remplir le but que je me proposais, c'est-à-dire de vous apprendre. de vous rappeler quelque chose d'utile, sans trop vous ennuver, je me décidai pour une question, peut-être un peu complexe, mais qui, je l'espère, mettra, moins que . d’autres, votre indulgence à contribution. J'ai, d’ailleurs, encore un autre motif : dans le grand embarras où j'étais, j'ai soumis à un de nos excellents collègues qui veut bien m'honorer de ses amicaux conseils, divers sujets entre - — 180 — lesquels j’hésitais et c'est ainsi que la chose se décida. Ces détails sont prolixes. me direz-vous; oui, assurément, mais je cherche à me couvrir d’un plus fort que moi, ei si je vous ennuie, nous nous en prendrons au conseiller. % * . * à On entend continuellement parler de magnétisme ani- mal, de fluide magnétique, d’attraclion, de répulsion du magnétiseur sur son sujet. Pour beaucoup de personnes, cette action est de la même espèce que celle de l’aimant sur le morceau de fer qu'on lui présente ; pour d’autres, cette action est différente. Sa nature, toutefois, comme celle de l’aimantation, est souvent l'objet des hypothèses les plus fausses et les plus hasardeuses. D'un côté comme de l’autre, les fluides, les actions à distance semblent tout expliquer; et cependant l’expli- cation est vaine. Quelle est-elle? C'est ce que nous allons chercher. | Pour cela je vais, en quelques mots, vous rappeler, d’une part, ce qu'est le magnétisme munéral, matériel, physique et, d’autre part, vous faire connaître, si vous les ignorez, les résullats que possède la science sur le magnétisme animal ou, pour me servir de l'expression propre, sur le somnambulisme. Etudions d’abord le magnétisme minéral. Comme vous le savez, on trouve dans certaines mines de fer une pierre très lourde, ayant la propriété singulière d'attirer et de retenir les petils morceaux de fer, —c’est l’aimant. Cette propriété était connue des Grecs dès l’an 600 avant notre ère et des Chinois dès une bien plus haute antiquité. Le mot aimant se dit en grec pæyanrn, du nom de la ville de Magnésie, en Lydie, près du mont Sipyle, où — 181 — l’on ramassa les premiers aimants. Du nom grec de l'ai- mant on a fait le mot magnétisme et tous ses dérivés. La découverte de l’aimant est mêlée de fables invrai- semblables. D'après Pline, un berger ayant remarqué que le fer de sa houlette cu ses souliers garnis de clous adhéraient au sol, en chercha la cause et découvrit l’ai- mant. D’autres prétendent que les Indiens l'ont connu les premiers, et c’est ainsi qu’au moyen-âge on l’appelait lapis indicus, pierre indienne. Chez les Egyptiens, l'ai- mant, qu'on supposait provenir du dieu Horus, élait chose sacrée et le fer ordinaire, au contraire, était mau- dit comme une substance provenant de Typhon. On ne s’en servait pas moins, quoiqu'il fût rare et maudil, et les monuments des plus anciennes dynasties nous mon- trent qu’on employait l’aimant dans les cérémonies reli- gieuses, le fer dans la construction des temples, l'acier dans. la gravure des hiéroglyphes et dans la confection des armes princières. Cette propriété si étrange de l'ai- mant a tovjours éveillé l'attention des chercheurs, et sans parler de l’île aimantée où Simbad le marin laissa les clous de son esquif, ou du tombeau du prophète dans la Kaaba de la Mecque, contentons-nous d'étudier les propriétés réelles de l'aimant. Elles se réduisent à peu de chose : l’aimantcommunique ses propriétés attractives au fer qui devient ainsi un aimant artificiel, beaucoup plus puissant que la pierre qui l’a excité tout d’abord. Puis, si on présente à ce fer aimanté un autre fer ai- manté également, on constate que certaines parties des barreaux s’attirent et que d’autres se repoussent. Qu'on suspende maintenant l’un de ces barreaux de telle façon qu'il soit horizontal, on remarque qu'il s'oriente à peu — 182 — près dans la direction du nord au sud. Toujours la même extrémité se tourne vers le nord, l’autre vers le sud,—c'est la boussole. La terre agit absolument comme -Si un immense aimant la traversait suivant ses pôles. Attraction à distance du fer ou répulsion, suivant le sens des pôles, et direction privilégiée par suite de l'action de la terre, — voilà les principales propriétés des aimants. On appelle magnétisme, l’ensemble de ces propriétés et leur étude. Outre ces propriétés, pour ainsi dire’ staliques et cou- nues depuis déjà longtemps, l’aimant possède. encore celle de développer des courants électriques dans les corps bons conducteurs auprès desquels on le met en mouvement; le téléphone, cet instrument merveilleux qui transmet le son, la parole à plusieurs centaines de kilomètres de disiance, repose sur cette action. L'étude de cette propriélé porte le nom d'éleclro-magnétisme. Comment s'expliquent ces actions aitractives ou ré- pulsives à distance ? Les corps aimantés exercent-ils leur pouvoir attractif ou répulsif par le fait mème .de leur élat spécial, à distance et — sans aucun intermédiaire? en d’autres termes, entre deux corps aimantés qui agissenl l'un sur l’autre, y a-t-il un milieu utile et indispensable? ces corps pourraient-ils réagir dans un espace absolument privé de toute espêcede matière? ou bien existe-t-il un agent particulier, un fluide, comme on disait ancienne- ment, qui se dégage de l'aimant el porie son action spéciale sur les corps qui l'environnent? ou encore Île magnétisme ne serait-il pas autre chose qu'un mode de mouvement des particules matérielles qui entourent et pénètrent tous les corps? En d'autres lermes, le magné- LL — 183 — tisme est-il une simple action à distance ? est-il un fluide ? ou est-il un mode de mouvement? Examinons rapidement ces trois hypothèses. | L'action à distance, et ici, Mesdames, je vous demande pardon : la chose est assez difficile à expliquer— l’action à distance serait l’aclion propre, spéciale, que deux corps exerceraient l’un par rapport à l’autre, et cela sans in- termédiaire. Nous connaissons de ces actions à distance qui-semblent s’opérer sans intermédiaire: la gravitation universelle, par exemple. Est-ce que le soleil, par son attraction continuelle, ne retient pas la terre dans son orbite ? Cette attraction s'exerce cependant à travers une distance de 153 millions de kilomètres. Est-ce que la lune ne fait pas monter le flot de la mer, joignant son aclion attractive à celle du soleil ? Où est l'intermédiaire? Les espaces interplanétaires, les espaces du ciel ne sont- ils pas absolument vides, privés de toute malière tangi- ble et résistante ? Et la lumière? ce mode de communi- calion qui nous transmet à travers des milliards de lieues les pulsations, les vibrations des mondes les plus éloi- gnés, ce mode de communication si surprenant, si gran- diose qu’il nous semble êlre une des formes les plus saisissantes de la Puissance infinie, a-t-il donc un inter-: médiaire pour s'exercer ? | L'action à distance, au premier examen, semble donc être une réalité, et cependant il n’en esl rien. Où rien n'existe, rien n’est possible. Le contraire serait une créa- lion, et la matière est passive, quelle que soit l'intensité des forces disponibles ou potentielles qu’elle accumule ; elle n’augmente pas, elle ne diminue pas, elle ne crée pas, surtout. Ecoutons, d’ailleurs, l’immortel auteur des — 184 — - principes. Newton venait de découvrir les lois de la gra- vilation universelle ; il avait, dans une analyse, j'oserai dire surhumaine, réduit les faits de la pesanteur, le phé- nomène des marées, les mouvements célestes à ce prin- cipe que tous les corps, quels qu'ils soient, s'attirent mutuellement avec une force proportionnelle à leurs masses et inversement proportionnelle aux carrés de leurs distances, et il écrivait : « Il est inconcevable que la matière brute inanimée pôt, sans la médiation de quelque autre chose qui n'est pas matériel, agir sur d'autre matière et l’affecter sans contact muluel... Et c'est pour cela que je vous prie de ne pas m attribuer la pesanteur innée. Penser que la pe- santeur soit innée, inhérente, essentielle à la matière, de telle sorte qu'un corps pût agir sur un autre à dis- tance, à travers un vide, sans l'intermédiaire de quelque substance par le moyen de laquelle leur action puisse être transmise de l’un à l’autre, c'est, pour moi, uneabsur- dité si grande que je ne crois pas que jamais un homme ayant, en matière philosophique, une faculté de penser _ compétente, puisse jamais y tomber. [a pesanteur doit être causée.par un agent agissant constamment d'après certaines lois ; mais cet agent est-il matériel ou immaté- riel ? Je l'ai laissé aux réflexions de mes lecteurs. » Ainsi allaquée par Newton et battue ensuite en bréche par toutes les découvertes subséquentes, cette hypothèse de l'action à distance sans intermédiaire, action considérée comme propriété inhérente à la matière est à jamais rejetée des théories modernes. L'explication du ma- gnétisme doit être cherchée ailleurs. Le magnétisme est-il un fluide? et d’abord qu'est-ce + — 185 — qu'un fluide? Ici, Mesdames, je suis fort embarrassé pour vous donner une définition claire et précise d’un fait, d'une chose, ou plutôt d'une conception de l'esprit sans réalité. Il n’y a pas de fluide magnétique, pas plus que de fluide électrique, lumineux, attractif ou sonore. Au sens ancien de ce mot, on entendait une émanalion produite par le corps actif, aimant ou lumiére qui, se répandant aulour de ce corps comme le parfum autour d’une fleur, aurait transporté sans support, sans inter- médiaire, les propriétés spéciales, atlractives ou lumi- neuses sur le corps passif ou récepleur. Dans le cas spécial qui nous occupe, un corps aimanté devrait émettre simultanément deux fluides, l’un attractif, l’autre répulsif, tous deux agissant en même lemps en chaque point de l'espace. Cette hypothèse ne supporte pas l'examen ; ce fluide, que serait-il, d’ailleurs? une chose matérielle, une émanation perpétuelle ; eh bien, alors! le corps perdrait de poids et l’aimant finirait par dispa- raitre à l'état de fluide magnétique. Le fluide serait-il par hasard une émanation immatérielle? Ce serait, en vérité, faire trop d'honneur aux aimants. Bien des ouvrages modernes emploient malheureuse- ment encore celte explication des phénomènes magnéti- ques el électriques et nous voyons à chaque instant re- venir ces expressions : fluide austral, fluide boréal, rési- neux, vitré, positif, négatif, et cependant personne n’y croit, et le professeur, après s'être servi de ces hypo- thèses, qu'il sait erronnées, pour apprendre à ses élèves les lois élémentaires des phénomènes magnétiques et électriques, ne manque pas de leur dire, la veille de l'examen, que ces hypothèses sont commodes pour les — 186 — explications, mais inexactes, au fond, et il a bien soin de.recommander aux candidats de ne pas s’en servir dans leurs réponses. D'ailleurs, en ce qui concerne la lumière, l'expérience a parlé et a démontré, sans conteste, que l'émission par le corps lumineux d’un fluide ou de particules lumineuses était contraire aux fails observés. Si l'action magnélique ne peut recevoir une Juste ex- plication par l'hypothèse de l’action à distance, sans in- termédiaire, et par l'hypothèse des fluides ; quel est, en définitive, con mode réel de transmission et d’action ? Abordons la troisième hypothèse, celle d’un mode de mouvement de particules matérielles qui entoureraient et pénétreraient tous les corps, même dans le vide des espaces célestes. Ici, je suis à l’aise, car bien que la question soit vaste et difficile à exposer, la très grande probabitité de l'hy- pothèse, je dirai son absolue confirmation par les décou- vertes les plus diverses, me font espérer que la lumière de vérilé qui brille pour moi d'un si vif éclat m'aidetra puissamment à vous faire partager la manière de voir admise aujourd'hui par les savants du monde entier. La pesanteur, le calorique, la lumière, l'électricité, le magnétisme sont des modes de mouvement imprimés à des particules très déliées qui entourent, pénètrent Lous les corps solides. liquides, gazeux et aussi le vide. Ces particules, appelées — éther — (j'ouvre uue parenthèse pour vous dire immédialement que l’éther qui nous oc- cupe n'a rien de commun avec l’éther des pharmaciens, qui est un liquide très fluide, fort léger et particuliére- went utile quand les nerfs ont besoin d’être rappelés au- — 187 — calme el à la modération), je disais donc que ces parli- cules, cet éther qui remplit l'univers et doni l'existence _ immédiate a été récemment démontrée par l'étude des mouvements comélaires, ces particules, dis-je, entourant el pénétrant tous les corps, sontanimées de moüvements dont la rapidité dépasse tout ce qu'on peut imaginer. De leurs chocs contre un corps. proprement dit, un solide, un liquide ou un gaz résulle une pression qui déterminera le corps à suivre une direction déterminée quand les particules choquantes seront plus nombreuses d'un côté que d’un autre. C'est ce qui arrive par exemple dans le cas de la pesanteur ou de l'attraction newton- nienne. | | Admettons, si vous le voulez bien, qu'un corps soit placé dans l’espace, à une distance infiniment grande de tout autre corps; cet objet recevra en même temps de tous les points de l’espace les chocs des particules éthérées, et comme il n’y a pas de raison.que ces particules arrivent plus abondamment d’un côté que de l'autre, le corps, frappé également de lous les côtés, restera immobile à l'endroit où nous l’aurons mis. Placons maintenant à une distance d’un mètre, par exemple, un autre corps; les particules d’éther qui remplissent l'esjace viendront aussi frapper le nouveau venu, mais vous vorez de suite que le second corps forme écran et arrête les particules d'éther qui, allant dans la direc- tion des deux centres, auraient été frapper le premier corps. Les deux faces de ces corps, qui se regardent, reçoivent, en réalilé, moins de chocs que les autres parlies; les deux corps sont poussés l'un vers l’autre. Plus leur masse serà considérable, c'est-à-dire plus — 188 — ils seront formés de molécules rapprochées, plus épais sera. l'écran; plus nombreuses seront les particules d’éther arrêtées et plus intense aussi la force qui tendra à les rapprocher. La première loi de Newton, — l’attrac- tion est proportionnelle aux masses, — est ainsi vérifiée. Les corps se rapprochant, et la surface de l'écran qu'ils produisent mutuellement l'un par rapport à l’autre aug- mente aussilôt, pour la raison bien simple qu'un objet éloigné paraît plus petit qu'un objet rapproché ; l'écran augmentant en raison inverse du carré de la distance, — une simple figure géométrique suffil à le démontrer, — le nombre des particules arrêtées croît dans la même pro- portion, la pression aussi et la tendance au rapproche- ment; c'est la seconde loi de Newton. | Vous le voyez, voilà une hypothèse très simple qui explique admirablement les faits, d’abord si complexes, de la pesanteur, de la gravitation. Comment expliquer . maintenant, à l’aide de cette même hypothèse, les faits de calorique, de lumière, d'électricité et de magnétisme? Soyez sans crainte, je serai bref. Voyons d'abord la lu- mière et le calorique. L’éther, comme toute espèce de corps, est susceptible d'entrer en vibration. Mais, me direz-vous, si ses molé- cules sont animées de celte vilesse vertigineuse à laquelle je rattachais plus haut les faits de la gravitation, com- ment peuvent-elles, en outre, être l'objet de ces mouve- ments périodiques qu’on appelle des vibrations? A cela je répondrai en vous rappelant que l'air transmet fort bien les vibrations sonores quand il est ea mouvement. L'air tranquille est une exception, et dans une chambre où on a bouché avec soin les fissures des fenêtres pour — 189 — éviter les courants d’air, voyez la fumée d’une cigarette : elle s’élève en tourbillonnant, se divise, se fend de tous les côtés, et cependant le bruit, le son se transmet très bien. Voyez ce qui se passe dans les Promenades les jours de musique: l'air, autour du kiosque, .est assurément _ bien agité ; les auditeurs se promènuent, respirent, dépla- cent l'air; le vent s'en mêle aussi, il arrive de toutes parts, il est brisé et par les feuillages et par les obstacles de toutes espèces, et malgré celte agitation conlinuelle et quelquefois violente, les sons musicaux ne sont nul- lement altérés; à peine perçoit-on une différence d'’inten- sité dans la direction opposée au vent quand il souffle très fort. Les vibrations sont donc indépendantes de l’état de mouvement, et que les parlicules de l’éther soient ani- ” mées de vitesse plus ou moins grande, cela ne les em- pêche pas de transmettre avec exaclitude les vibrations si rapides des corps chauffés ou lumineux. Ces mouve- ments vibratoires de l’éther, ces ondulations, comme on les appelle, ressemblent aux cercles qu'on produit dans l’eau quand on y jette une pierre, les cercles vont s'agran- dissant en diminuant de hauteur ; de même pour les on- dulations de l’éther : les mouvements ondulatoires qui nous arrivent à l'œil sont d'autant plus faibles qu'ils pro- viensent d’une source plus éloignée. Disons, en passant, que ja théorie des mouvements ondulaloires de l’éther, la théorie de la lumière est certainement la plus com- plète et la plus parfaite que possèdent les sciences phy- Siques. Voyons comment cette même hypothèse de l’éther nous conduira à la compréhension des phéno- ménes électriques et magnétiques. Nous avons vu que les particules qui constituent l’éther — 190 — entourent et pénètrent tous les corps. Suivant que les intervalles, les interstices qui séparent les molécules des corps sont plus ou moins grands, les mouvements de l'éther seront plus ow moins libres, plus ou moins faciles. Prenons un exemple dans la vie pratique. Voilà un sac rem- pli de fèves bien sèches; ce sac, avec son contenu, nous re- présentera le corps sur lequel nous raisonnonset les fèves figureront les molécules matérielles qui le constituent; plongeons ce sac dans l’eau, qui, pour nous, ici, repré- sente l’éther ; les fèves seront immédiatement entourées d’eau et si nous retirons le sac de l’eau, le liquide s’écou- lera aussitôt et le sac reprendra, à peu de chose près, son poids primitif. Triturons maintenant ces fèves et transformons-les en farine ; le poids n’a pas changé et'le volume non plus. Si nous plongeons alors de nouveau le sac dans l’eau, la farine se pénétrera lentement de li- quide et si, après un certain temps, nous retirons le sac de l'eau, le liquide ne s’écoulera plus, il restera comme figé dans cette masse de farine et c'est en vain qu'on cherchera à l’en retirer. D'un côté, dans le cas des fèves inlactes, nous avions ce corps que 1'éther pénètre facile- ment et qu’on appelle bon conducteur de l'électricité, et de l’autre côté, dans le cas des fèves réduites en farine, nous avions ce corps que l’éther pénètre aussi, mais dont il ne sort pas, et qu’on appelle mauvais conducteur de l'électricité. Le courant électrique n'est autre chose que le transport des particules éthèrées par un corps bon conducteur, et ce transport s'effectue sous l'influence d’un excès d'éther, d’un côté, et d’un manque d'’éther, de l’autre. Prenons encore un exemple facile à saisir. Voici un canal, à ses extrémités se trouvent deux écluses; — 191 — l’une peut donner de l’eau, l’autre en retirer. Quand ces écluses sont fermées, le niveau de l’eau dans le canal est bien horizontal et le courant est nul. En vain provoque- t-on des rides à la surface de l’eau, de petits mouvements locaux qui agitent l’eau de toutes parts ; ces mouvements se détruisent les uns les autres et ne se transforment pas en courant proprement dit. Mais si nous ouvrons à un bout du canal l’écluse de remplissage et à l’autre bout l’écluse de vidange, les niveaux changent de suite, se relevant à une extrémité et s’abaissant à l'autre. Le cou- rant s’élablit. Ainsi en électricité. La force dite électro- motrice n’est autre chose que la mise en action de diffé- rence de niveau, ou plutôt de différence de quantité ” d’éther ; l'équilibre tend alors à se rétablir, c'est le cou- rant électrique. Comme vous le voyez maintenant clai- . rement, l'électricité ne peul réellement circuler que dans les corps bons conducteurs qui n’opposent pas de résis- tance à son passage; l'électricité affecte bien les. corps mauvais conducteurs, mais lentement, comme une diffé- rence de niveau dans une rivière de vase: Le magnétisme n’est qu'une variante, qu une forme d'électricité. Les corps dits magnétiques, les aimants ont une disposition particulière de leurs moïécules qui ne se rencontre que chez eux. Cette disposition force les parti- cules éthérées qui arrivent de loutes parts à s'orienter, à suivre des directions privilégiées, absolument comme Si, pour reprendre notre exemple de tout-à-l’heure, on eùt placé dans.le sac les fèves, bien plates et impénétra- bles à l'eau, les unes contre les autres ct horizontale- ment. On voit de suile que l’eau qui pénétrera entre ces Corps ainsi placés ne pourra guêre se mouvoir qu'hori- — 192 — zontalement, entre la couche, et que les mouvements verticaux ne seront pas possibles. Tels encore les mou- ments.de l’eau qui pénètre une rame de papier. L'eau est, ici, visiblement obligée de suivre les surfaces des feuilles. Ainsi dans les aimants, les situations spéciales des molécules obligent lus courants d’éther à s'orienter et leur donnent ces propriélés particulières que nous avons vues. | | Certes, je n’ai pas la prétention de vous faire une exposition complète des modes de mouvements de l’éther; je suis assurément bien au-dessous d’une tâche si vaste et si ardue; mais je serais néanmoins fort heureux si j'ai pu vous faire voir comment tous les phénomènes de la nature, dans leur variété infinie, sont produits par une seule et même cause; simplicité admirable, bien en harmonie avec l’idée que nous essayons de nous faire de la puissance et de la majesté du principe ordonnateur de l’univers. Faire ressortir cette grande unité de cause de l'étude détaillée et de l'interprétation logique des faits, telle est la mission que doit se proposer aujour- d’hui la science. | Ainsi, vous le voyez, le magnétisme, en tant que force innée, inhérente à l’aimant et agissant à distance, est une conception maintenant reléguée dans le domaine des hypothèses à jamais rejetées. Le magnétisme, en tant que fluide, émanation directe el matérielle de l’aimant, est également une hypothèse qui n’a plus de défenseurs. Le mouvement est la seule explication plausible des faits, el sije me suis attaché, attardé même si longuement à éla- biircepoint, c'est que cette démonstration étaitindispensa- ble pour l'intelligence de ce qui va suivre. — 193 —. Poursuivons maintenant notre étude et voyons si le magnétisme animal ou somnambulisme jouit d’un mode de communication qui lui soit spécial. Allons-nous trouver dans ces phénomènes étranges, et cependant constants et soumis à des lois, un mode d'action spécial, nouveau, qui nous oblige à admettre le transport à distance de notre volonté, ou l'émanation d’un fluide lancé par le magnétiseur et reçu par le magnétisé? Non, certes, je _ m'empresse de vous le dire, nous ne-trouverons rien. de semblable, nous constaterons que les sens plus ou moins aiguisés du magnétisé sont les seuls véhicules des ordres qu’on lui donne et nous pourrons dire, comme pour les idées proprement dites : Nihil in intellectu quin prits fuerit in sensu, c'est-à-dire rien ne peut former l'objet des opérations in- tellectuelles qui n’ait auparavant passé par les sens. Mais qu'est-ce que le magnétisme animal, ou plutôt, comme je le disais en commençant, qu'est-ce que le Somnambulisme? Résumons d’abord en quelques mots l'historique de cette science nouvelle. En 1778, un médecin allemand, nommé Antoine Mes- mer, arrivait à Paris précédé d’une certaine réputation déjà, grâce à un livre rempli d'assertions étranges et d'idées mystiques qu'il avait publié à Vienne. Dans cet Ouvrage, Mesmer prélendait que tous les corps de la na- Lure sont imprégnés d’un fluide qu’il appelait magnétique et dont l'homme pouvait disposer à son gré. Ses pre- miers essais portérent sur l’action que l'aimant lui sem- blait exercer sur les malades, et c’est sur cette prétendue action que Mesmer édifia sa théorie du fluide magnéti- 13 = que ; iln’est pas douteux, cependant, que grâce à cer- tains agissements, Mesmer n arriva d'abord à provoquer des phénomènes de somnambulisme ; mais, imbu d'idées métaphysiques inexactes, il ne sut pas tirer de ses expé- riences leurs conséquences logiques ; il généralisa des résultats encore incertains et obscurs, arriva aux exagé- rations les plus étranges. C’est ainsi que Mesmer préten- dait magnétiser des objets inanimés, tels que l’eau, le verre, le papier, le bois, les métaux. Ne pouvant plus suffire à magnétiser toutes les personnes qui se présen- taient, il inventa alors son fameux baquet, grâce auquel il pouvait agir en même temps sur trente à quarante su- jets. Voici comment se faisait l'opération: au milieu d’une salle peu éclairée, on avait placé un baquet conte- nant diverses substances, de l'eau, de la limaille de fer, du soufre; du couvercle du baquet émergeaient des tiges de fer que les malades devaient saisir entre leurs mains. Mesmer, alors, s’approchait des sujets, les regardait fixe- ment, faisait sur eux des passes et des attouchements. Bientôt, et sous l'influence des accents mélodieux d’un orgue touché dans une pièce voisine, sous l'influence aussi de l’émotion et de l’imitalion, une sorte d’excita- lion nerveuse se communique de proche en proche chez toutes les personnes présentes. Les unes tombent en état de sommeil, d’autres sont extrêmement .agitées ; puis surviennent chez certaines des contorsions et des crises convulsives, crises quelquefois si violentes que Mesmer est obligé de faire emporter les plus énervées dans une. salle voisine. L'Académie des sciences de Paris s’émeut de ces faits étranges et nomme une commission chargée de faire une enquête el de présenter un rapport. Les e — 195 — ineptes jongleries qui couvraient le fond de vérité dé- couvert par Mesmer frappérent surtout la commission ; à l'inverse de Mesmer, qui généralisait trop, l'Académie’ nia tout Seul, l'illustre botaniste de Jussieu vit qu’au milieu de tout cela il y avait quelque chose de vrai et publia un contre-mémoire où il fit ses réserves. Mesmer, enfin, tomba dans le discrédit ; après avoir été admiré, on se moqua de lui et force lui fut de décamper à la hâte de Paris, n’y laissant que des dupes et des dettes. : Le marquis de Puvységur, un des disciples de Mesmer, reprit plus tard ces expériences. Frappé depuis longtemps de l'influence extraordinaire que Mesmer exerçait par son regard ou par l'imposition des mains, il abandonna le baquet et ses excentricités et découvrit, qu'en fait, le regard fixe et les passes suffisent seuls pour obtenir le sommeil magnétique. À partir de .ce moment, Puységur était entré dans la bonne voie; il guérit quelques mala- des, fait des élèves et des livres el indique les procédés qui conduisent les sujets au sommeil magnétique. Après lui et dans le second quart de notre siècle, Petetin, De- leuze, le baron Dupotet et surtout le médecin anglais Braïd perfectionnent les méthodes et cherchent à arra- cher à l’effronterie des-charlatans une science qui, sans celte entrave, aurait depuis longtemps conquis sa place au grand jour. | De tous ces travaux, et surtout des recherches effec- tuées récemment par les plus illustres physiologisies de notre époque, il résulte que le maÿnélisme animal ou Somnambulisme existe réellement, que ses symptômes Sont soumis à une succession définie et, enfin, que sa cause est due à une modificalion passagère de l'équilibre — 196 — des fonctions intellectuelles et organiques du cerveau. Examinons rapidement les principaux phénomènes de l’état magnétique, mais, auparavant mettons-nous d'ac- cord sur les termes. L'objet de ma thèse est, vous vous le rappelez, de vous démontrer que le Lerme magnétisme animal est impro- pre, qu'il n y a aucune corrélation entre le magnétisme de l’aimant et les faits du somnambulisme. Incidemment je vous ai rappelé que les effets des aimants ne sont dus qu'à des courants d’éther et j'ai maintenant à vous mon- trer que les faits du sémnambulisme ne sont provoqués que par des impressions sensorieiles et non par un fluide spécial. D'une façon générale, le mot somnambulisme remplace le mot magnétisme et si, par hasard, par habi- tude ou pour la commodité de la phrase, j emploie les mots magnétiseur et magnétisé, nous saurons à quoi nous en tenir. | Comment provoque t-on le somnambulisme ? Il y a différents modes d'opérer qui se réduisent Lovs en der- nière analyse à ceci: inculquer au patient l’idée qu'il peut et va s'endormir ; l’'amener à une sorte d'abandon de sa volouté et de son activilé intellectuelle, puis, et c'est là le point capital qui domine tous les faits, le for- cer à fixer son regard sur nn point silué un peu au-des- sus du plan horizontal el à une faible distance des veux. La convergence du regard dans ces condilions amène, je : dirai fatalement, le sommeil spécial qui nous occupe. Et ce fait n’est pas particulier à l'homme! Rien n'est plus facile que d'endormir un coq, par exemple ; il suffit de placer l'animal accroupi sur un tableau noir, puis, avec un morceau de craie, on tire une ligne blanche partant — 197 — du bee, le volalil fixe le regard sur cette ligne, bientôt les yeux se ferment, l'animal est endormi, Vous pouvez dès lors lui donner une attilude quelconque, le pincer, le piquer, il ne bouge non plus que s’il était mort. Cet élat dure environ un quart d'heure, après quoi l'animal se réveille comme en sursaut, secoue ses plumes el se sauve effaré en poussant de grands cris. Le savant médecin anglais Braid endormait ses mala- des en les forçant à regarder avec fixité la pointe bril- lante de sa lancette placée à une faible distance des veux. Praid appelait le somincil ainsi provoqué, sommeil hyp- nctique. Mais il est démontré maintenant que ie som- nambulisme et l'hypnotisme ne sont qu’une seule et même chose. Le magnétiseur de notre époque procède généralement ainsi qu'il suit: il se place vis-à-vis le pa- lient de telle façon que sa tête soit un peu plus haule que celle du sujet; puis il saisit les pouces et les presse assez fortement dans ses mains, il ordonne alors de regarder fixement ses veux, de s’abandonner et de ne penser à rien. Au bout d’un temps d'autant plus court que le pa- lient a déjà été l’objet de cesexpériences, le sujet sent ses veux se mouiller, la vision se trouble, le cerveau semble s'embarrasser, le sommeil s'imposer; une large inspira- lion annonce qu'il se passe une modification profonde dans l'être, les veux se ferment, l'homme est endormi. les fails où phénomènes de somnambulisme qui se présentent alors se divisent en deux grandes catégories: premièrement, les phénomènes purement organiques, n'affeciant que les fonctions de là vie animale -et deuxiè- mement les phénomènes psychiques, c’est-à-dire ceux qui ont trait à la fonction intellectuelle de l'individu. — 198 — Voyons d’abord la première catégorie, les phénomènes organiques. Mais avant de passer à leur description, il y a une re- marque importante à faire : l'intensité des phénomènes organiques el psychiques est intimement liée à la recep- tivité du sujet. Si le sujet est nerveux, et Surtout s’il a déjà été endormi un certain nombre de fois, s’il a, en d’autres termes, l'habitude de l’étal somnambulique, les phénomènes prennent une intensité, un développement considérable. Ce n’est pas la première fois qu'on oblient généralement tout ce que je vais vous dire, bien qu’on observe quelquefois des sujets qui, d'emblée et sous l'in- fluence de certaines névroses bien étudiées maintenant, présentent un ensemble de phénomènes des plus carac- térisés. Celle réserve une fois faile, passons à la descrip- tion des fails. Du côté des sens, on constate presque toujours de l’anes- lhésie, c’est-à-dire de l’insensibilité. Les odeurs les plus suffoquantes, l’ammoniaque, le vinaigre radical, l'acide sulfureux promenés sous les narines n'ont plus d'action, les piqûres les plus profondes ne causent aucune douleur et les dentistes ont pu enlever des dents, les chirurgiens exlirper des tumeurs et des cancers sans même réveiller le malade. On constale encore une excitabilité exception- nelle des inmuscles. Promène t-on lésèrementla mainouune plume sur un muscle, immédiatement ce muscle se rai- dit; de l'état de repos et de relâchement où il était, il passe à l'état d'aclivilé, et si on à touché ainsi les mus- cles du bras, on constate qué ce bras est raidi comme une barre de fer el reste indéfiniment dans la position qu'on lui a donnée. On arrive airsi à faire prendre au — 199 — corps des positions étranges et qui semblent, eu égard précisément à l’étrangeté de la position, être en dehors des lois de l'équilibre; mais je me hâte d'ajouter que c'estlà une illusion et que pas plus à l'état de veille qu’à celui de somnambulisme, il n’est pas possible de perdre son centre de gravité sans tomber aussilôt. Ce fait de la contracture des muscles est si intense chez certains sujets qu'il devient possible de les placer hori- zontalement, la nuque reposant sur un dossier de chaise, les talons sur une autre chaise. Le corps forme alors une sorte de pont très rigide qu’on peut courber vers le haut ou vers le bas en modifiant par des altouchements lé- gers les muscles contracturés. C’est dans la production de ces phéaomènes assez faciles à obtenir, d’ailleurs, que les magnétiseurs de profession se donnent beau jeu pour montrer aux foules plus ou moins ahuries combien est grand le pouvoir de leur prétendu fluide magnétique. : À grand renfort de passes, c’est-à-dire de mouvements de main solennels, mouvements qui semblent lancer et di- riger un fluide invisible, ils lèventles bras du sujet, voire même une parlie de son corps et déterminent les posi- lions étranges dont j'ui parlé plus haut. C'est le fluide qui opère. Non, Mesdames, ce n'est pas le fluide, c'est tout simplement l’excitabilité musculaire et sensorielle qui cause le prodige. L’épiderme devient tellement sen- sible à toutes les impressions,: excepté à la douleur ce- pendant, que le frôlement des doigts sur l'habit ou même le frôlement de l'air mis en mouvement! par les passes détermine la contraction des muscles; les sens sont ai- guisés à Lel point qu'on a constaté scientifiquement que certains sujets entendaient les battements d’une montre — 200 — . à plusieurs mêtres de distance, sentaient, distinguaient, reconnaissaient l'odeur des fleurs qu'ils ne voyaient pas. Ces trois ordres de phénomènes : l’anesthésie, c’est-à- dire l’insensibilité à la douleur, la contraction des mus- cles et l'acuité des sens, voilà à peu près ce qu'on ob- serve concernant les fonctions organiques proprement dites. | Ïl y a bien encore des faits d’automatisme purement animal, purement organique qui sont quelquefois fournis par des sujets d'éleclion. Meltez un jeu de cartes entre les mains d’un joueur de profession; endormi. il battra les cartes indéfiniment, pendant une heure; je l'ai vu! un fer à repasser dans les mains d’une ménagère, elle fera le mouvement du repassage ; une plume entre les doigts d’un écrivain prendra de suite sa place habituelle. Ce sont là des actions purement réflexes et sur lesquelles il est inutile d’insister. Les phénomènes psychiques sont autrement impor- tants. Ici nous allons assister à des choses étranges, troublantes. Lorsqu'un sujet est endormi, il devient, entre les mains des assistants et surtout de celui qui l’a endormi, une véritable machine. Levezle bras, la jambe, — bien. Levez-vous; marchez; metlez-yous à genoux; joignez les mains; relevez-voûs et vous assevez; voilà tous com- mandements aussitôt exécu!és que perçus. Le sujet, disions-nous, est parliculièrement sous la dépendance de la personne qui l'a endormi. Lui a-lelle dit, par exemple : je vous défends d’obéir à qui que ce soit, excep'é à telle personne ; je vous défends d'enten- dre ce qui se pass® aulour «lc vous, excepté mes paroles, —_ 901 — l'ordre sera ponctuellement exécuté. En vain comman- derez-vous, en vain produirez-vous les bruits les plus intenses, le sujet endormi ne bougera pas plus que s’il était mort. Le cerveau de l’endormi est, pendant le sommeil som- nambulique, absolument vide, dénué de toute idée. De- mandez au sujet: « À quoi pensez-vous? » toujours le sujel répondra : « À rien. » C'est là un fait cons'ant et qui n'a jamais élé controuvé. Il semble que le somnam- bule ne possède plus que la puissance potentielle de penser. Si vous éveillez une idée, ‘elle se présente sous forme d'image, de tableau, ou plutôt comme une chose réelle. Mais à l'inverse des images qué nous voyons en rêve et qui se succèdent les unes aux autres sous la seule influence de l’association des idées et sans provoquer gé- néralement les acles extérieurs qui les accompagnent pendant la veille, dans le somnambulisme les images sont telles qu’elles ont été suggérées; elles sont enfer- mées dans le cercle très étroit de l'idée qui.les a fait naître, mais elles ont ceci de particulier, c’est qu’elles sont accompagnées des actes extérieurs qu’elles produi- raient pendant la veille. Vous dites : « Voilà un serpent dans ce coin ! » la fi gure du sujel marque aussitôl celle crainte, cette répul- Sion que nous éprouvons tous pour l'animal maudit. « Le serpent s avance ! » le sujet recule aussitôt, sa figure ex- prime l'effroi. « Le serpent vous monte aux jambes! » et le somnambule de sauter sur les chaises: ses mains de repousser le reptile. Le serpent serait là que les choses ne seraient pas autres. Vous diles:.« Le serpent est tué, je l'ai écrasé! » Soudain le calme, le bonheur É — 202 — * reviennent dans l’âme du sujet et tous ses traits expri- ment ce nouvel état. Vous dites: « Voici une rose, — prenez-la! » Le somnambule avance la main, semble prendre la fleur délicatement entre les doigts, la porte au nez et en respire le délicieux parfum. Vous ajoutez: « Prenez garde aux épines, vous vous piquez.» Aussitôt . la douleur se peint sur le visage, le sujet pousse un cri et secoue les doigts comme si le sang en dégoutait. Mesdames, tous ces fails que je vous cile ne sont pas le produit de mon imagination; ils sont signés : Charcot, médecin en chef de l"hôpilal de la Salpétrière, Dumont- pallier, Richet, Lesrand du Saule, tous des médecins illustres, des agrégés de la Facullé de médecine de Paris, des membres de l'Instilut, ou encore : Willems Preyer, le professeur de physiologie de l'Université d'Téna, Jung, Danilewsky, Seppili pour ne D que des sommités scientifiques. À la hâte, car je crois que j'abuse de votre attention, je dois vous dire que dans l’état de somnambulJisme, la mémoire, sous toutes ses formes, est fortement surexci- tée. Le somnambule vous dira des vers qu'il n’a pas lus depuis plusieurs années et qu'il a absolument oubliés quand :il est en état de veille ; le somnambule se rappel- lera, décrira avec un luxe de détails inouïs un voyage qu'il aura fait il y a dix ans; il chantera, comme l'a constaté Charcot, l'air du deuxième acte de l’Africaine qu’il n’a enlendn qu'une fois et qui est oublié depuis beaux jours. . Passant à un autre ordre d'idées, je ne saurais trop vous meltre en garde contre les prétendus faits de luci- dité : « Quelle heure est-il à la montre qui est en mon ——— —— — 00. goussel ? Que fait telle personne que vous connaissez et qui se trouve à une lieue, dix lieues, cent lieues d'ici ? » Tous ces faits sont du domaine du charlatanisme, n’in- sistons pas. Les phénomènes dits de suggestion sont autrement sé- rieux, je dirai même inquiétants pour la morale et la res- ponsabilité humaine. Il y a dans ce domaine des faits qui paraissent constants et d’autres qui ont besoin d’être encore soumis à un examen minutieux, à une crilique sévêre. | | De plus, ces faits de suggestion ne se présentent guère qu'exceplionnellement et sur des sujets atteints de cer- laines maladies nerveuses fort étudiées dans ces derniers temps. Les phénomènes de suggestion sur la réalité desquels le doute n’est plus permis ont généralement la forme suivante : Vous inculquez au somnambule qu’il est tel person- sase, un soldat, par exemple; le somnambule vous croit et, comme on dit dans les coulisses, entre tellement bien dans la peau du bonhomme, qu'il prendra immédiate- ment l'attitude, le geste, la parole du soldat. Vous lui dites ensuite : « Vous n'êtes pas soldat, vous êles une petite fille! » Votre sujet semble s'étonner, et si vous insislez, il finira par être de votre avis, vous dira en zé- zayant : « Je veux jouer à la poupée, » vous demandera des larlines et des gâteaux pour faire la dinette. Failes- lui accroire qu'elle est pauvre vieille femme, elle baissera la Lète, se renfoncera dans les épaules, geindra et ten- dra la main pour vous demander l’aumône. Ces objec- livalions, comme on dit maintenant, sont, je le répète, — 204 — des phénomènes parfaitement observés et qui démontrent bien la puissance de la concentration de la pensée sur un objel déterminé, alors que la volonté, ce substratum le plus élevé de notre moi, ne peut plus librement s'exercer. Les phénomènes sur lesquels Les observateurs sérieux font actuellement quelques réserves sont ceux-ci: Vous diles à un somnambule : « Demain ou dans dix, quinze jours, à telle heure, vous ferez telle chose, » puis, vous réveillez votre sujet qui a oublié absolument tout ce qui s'est passé pendant le sommeil. A l'heure dite, et sans que le sujet s’en rende comrte, malgré lui, fatalement, il fera ce qu’on lui aura ordonné. Inutile de m’appesan- tir sur les conséquences qui pouriaient résuller de ces faits dans le domaine judiciaire el légal, s'ils étaient pr'ouvés. Que n’y aurait il pas encore à dire sur ce sujet! M'est- il permis d'oublier que le somnambulisme est, de son essence, fort contugieur. Les convulsionnaires de Saint- Médard ne seraient plus soumis’ à d'autre traitement, à potre époque, qu à celui qu'on fait subir, à l'hôpital de la Salpétrière, aux hystéro-épileptiques. Où n'existait qu'une nervosité pathologique, une aber- ralion plus ou moins extraordinaire des facullés intel- Jectuelles, nos pères ont vu souvent des intervertions . surnalurelles qui motivèrent, hélas ! de bien tristes me- sures. L’ignorance des siècles pesail de tout son paids sur leurs jugements. Nos pères étaient de bonne foi, c'est leur seule excuse. Pour nous, qui avons le bonheur de vivre à une époque plus éclairée, grâce à la direction ra- tionnelle dans laquelle la méthode expérimentale a enfin lancé l'esprit humain, nous serjons sans excuse si nous — 905 — envisagions encore des faits d'ordre pathologique comme des manifestations de causes occultes. À de malheureux hallucinés, ce n’est pas la place de Grève qu'il faut ; c'est la SALPÉTRIÈRE. La connaissance de la vérité nous crée des devoirs ; ne les oublions jamais. æ Le * Forcé de terminer cet interminable appel à votre bien- veillante attention, permettez-moi de condenser en deux mots tout ce que j'ai pu effleurer dans ce trop long en- trelien. | Pas plus dans le magnétisme de l’aimant que dans le somnambulisme, il n’y a de fluide magnétique. D'un côté, c’est l'éther et ses mouvements : de l’autre, c’est l’anni- hilation momentanée de la personnalité, avec surexcita- tion des sens et des facultés intellectuelles, hors la vo- lonté libre qui n’existe plus. L’aimantation est un mode de mouvement; le somnambuolisme est un état intellec- tuel dans lequel l’homme est irresponsable, n'étant plus libre. | Il me reste une seule crainte, maintenant : c’est, à force de vous parler du sommeil provoqué, d’avoir joint l'action aux paroles. Si j'ai produit ce phénomène par un trop long discours, laissez-moi au moins croire que c'était un sommeil ordinaire et que le rève valait bien le dis- cours. En tous cas, etcomme dans la comédie espagnole, vous pardonnerez les fautes de l’auteur en faveur de ses bonnes intentions. | 2 e———————— LAURÉATS DES CONCOURS 5 0<—— POÉSIE MÉDAILLE D'ARGENT M. Etienne Gorranp, à Marseille. DE +— BEAUX-ARTS PRIX DE 500 FRANCS M. Zacharie BAToN, artiste peintre. SUJETS MIS AU CONCOURS POUR 1885. hop — HISTOIRE ET ARCHÉOLOGIE. Histoire d’une Ville, d’une Localité importante ou d’une Abbaye du département du Pas-de-Calais, Description d'Arras, vu à vol d'oiseau, à une époque au choix des concurrents. | Cartes de l’Artois du XI: siècle au XVII, avec les divi- sions politiques, religieuses, administratives et judiciaires. LITTÉRATURE. Une pièce de deux cents vers, au moins, sur un sujet laissé au choix des concurrents. Une composition en prose, se rattachant, autant que pos- sible, à ur sujet d'intérêt local. BEAUX-ARTS. Histoire de l’art ou de l’une de ses parties dans l’Artois. Biographies d’artistes artésiens. — 908 — SCIENCES. Une question de science pure ou appliquée. Statistique industrielle du Pas-de-Calais, avec carte à Pappui. | Il est entendu que chacun de ces sujets emporte séparé- ment un prix, dans le cas où les travaux présentés seraient jugés dignes de cette distinction, et sans qu’un sujet puisse nuire à un autre. | Des médailles, dont l'importance sera proportionnée au mérite des travaux, seront décernées aux lauréats. En dehors du concours, l’Académie recevra tous les ouvra- ges inédits (Lettres, Sciences et Arts] qui lui seront adressés. Toutefois, elle verra avec plaisir les concurrents s'occuper surtout de questions qui intéressent le département du Pas- de-Calais. 0 Elle accordera des médailles, dont la valeur pourra varier, à ceux de ces ouvrages qui lui paraitront dignes d’une récompense. CONDITIONS GÉNÉRALES. Les ouvrages envoyés à ces Concours devront être adressés (francs de port) au Secrétaire-général de l’Académie, et de- vront lui être parvenus avant le 1° juin 1884. Ils porteront, en tête, une épigraphe ou devise qui sera reproduite sur un billet cacheté, contenant le nom et l’adresse de l’auteur. Ces billets ne seront ouverts que s'ils appartienneut à des ou- vrages méritant un prix, une mention honorable ou un en- couragement ; les autres seront brülés. Les concurrents ne doivent se faire connaître ni directe- ment, niindirectement. - — 209 — Les ouvrages imprimés ou déjà présentés à d’autres So- ciétés ne seront pas admis. Les membres de l’Académie, résidants et honoraires, ne peuvent pas concourir. L'Académie ne rendra aucun des ouvrages qui lui auront été adressés. | N.-B. — Les pièces envoyées pour le concours de poésie devront désormais être accompagnées d’une déclaration attestant que ces pièces n’ont pas été envoyées à d’autres Concours qu’à celui de l’Académie d'Arras. BEAUX-ARTS. {Fondation d’un Membre de l’Académie). Sculpture, dont le sujet est laissé au choix des artistes. N.-B. — Pour le concours des beaux-arts, les artistes de- vront appartenir, par leur résidence, au département du Pas- de-Calais. L'Académie ne se reconnait pas responsable des accidents qui pourraient arriver aux tableaux ou autres objets d’art, qui seront, d’ailleurs, envoyés et retirés aux frais des Concurrents. Fait et arrêté, en séance, le 8 août 1884. Le Secrétaire-général, | Le Chancelier, L'abbé E. VAN DRIVAL. E. TRANNOY. 14 II Séance publique du 26 Février 1685, Scie Google II Séance publique du 26 Février 1685, DISCOURS DE RÉCEPTION | de M. Emm. PETIT Président du Tribunal civil d'Arras DE LA PROPRIÉTÉ LITTÉRAIÏRE MESSIEURS, de ne sais ce que vous attendez de moi, mais ce qué jé n ignore pas, c'est lé senliment auquel vous avëz obéi lorsque vous m'avez ouveït les portes de voire savante Compagnie. Vous âvez vu en moi le successeur des mä- gistrats éminents qui ont jeté au milieu de vous l'éclat qu'ils répandaient dans leurs fonctions judiciairés. Loïn de me troubler, cetté pensée me soutient et me fortifie parce qu’ils seront comme des forts avancés derrière les- quels j'abriterai mä faiblesse et mon insuffisance. Héri- lier de leur titre, j’hérite ces charges qu'ils portaient al- lègrement et qui péseront comme un lourd fardeau sur mes épaules; mais vous m avez prouvé que j ai aussi re- cueilli une partie des sympathies qu'ils avaient’ su sé concilier. Si jé ne vous rénids pas, comme éux, lhé pañt — 214 de l'honneur qu'ils tenaient de vous, vous saurez au. moins combien vos suffrages m'ont été précieux. Vous parler de ces collègues dont la place est si grande dans le monde des lettres de notre cité, ce serait vous entretenir de choses qui vous sont familières et qui, pour- tant, présenteraient pour vous un intérêt Loujours nou- veau ; ce serait pour moi un sujet fécond, aux horizons étendus, aux aperçus variés. Pour captiver votre attention, il me suffirait d'esquisser leur vie, de rappeler leurs travaux ; mais quelque tenté que je puisse être d’exploi- ter une mine aussi riche, j'ai le devoir d’y renoncer. L'un d'eux, celui sur le compte duquel j'aurais le plus à dire, devait m'écouter aujourd'hui: les derniers effets d’un mal, heureusement conjuré, après nous avoir causé à tous les plus douloureuses inquiétudes, le retiennent loin de nous; mais il est présent par le cœur et par la pensée, et ses sentiments de modestie bien connus me commandent une réserve que je saurai garder; mon si- lence même sera pour lui un témoignage de mon affec- tueuse vénération et de ma sincère reconnaissance. Il me permettra cependant de rappeler ici quil à voulu être l’un de mes parrains près de vous; il m'a présenté à votre acceptation, avec le collègue éminent, tout à la fois historien, littérateur et poète, que vous avez placé à votre tête, et le savant qui, depuis tant d'années, résu- me vos travaux et pour lequel l'origine des langues orientales elles-mêmes n’a plus de secrets. J'avais ainsi les trois signatures de toule confiance exigées par les Sociétés les plus sagement administrées et vous m'avez fait bon accueil. N'ont-ils pas craint, certain jour, que je ne fisse faillite à leurs engagements ? S'il en était ainsi, — 215 — je les prie de me pardonner ; mais n'avaient-ils pas cau- tionné trop facilement un débiteur peu solvable, en le jugeant avec le cœur plutôt que suivant les règles, moins séduisantes, peut-être, mais aussi plus pratiques et plus sûres de la prudence ordinaire en pareille matière. Plus leur confiance a été grande. plus grande aussi doit être ma gratitude, et jose espérer qu'ils sont bien convaincus que je ne la leur marchande pas. J'étais leur ami, je. crois pouvoir le dire avec orgueil, et il ne me coûte pas de rester leur obligé. Jamais je n’acquitterai ma dette envers vous tous, mais mes efforts tendront à en diminuer l'étendue et je compte sur votre indulgence pour me traiter comme un débiteur malheureux et de bonne foi. Jl est une autre dette pour le paiement de laquelle les ‘ressources ne me manqueraient pas, puisque j'aurais à parler de mon prédécesseur ; mais, ici encore, je dois mettre un frein au désir que j'aurais de m’appesantir sur un sujet trop fertile : M. Brégeaud, quoique n'étant plus des vôtres, ne se désintéresse pas de vos séances ; il les suit avec une sympathique curiosité, et il ne me pardon- nerait.pas d'arrêter longtemps votre attention sur lui. J'aurais, d'ailleurs, beaucoup à faire pour parcourir, même à grands traits, les phases de son existence déjà Jongue et Jaborieusement remplie. Contemporain de Jean- Baptiste Dumas, dont la France déplorait la perte il y a quelques semaines, voué aux mêmes travaux, il a eu les mèmes débuts : comme lui il a fait ses premières armes dans une officine de pharmacie, et s'il est resté sur un théâtre moins élevé, il est devenu comme lui le profes- seur écouté d'une école de hautes études et le représen- — U6 — tant autorisé de la science dans l’Académie de sa ville. Il était votre doyen, et après quarante années d’une ac- tive collaboration, il s’est séparé de vous parce qu’il ne: croyait plus pouvoir vous donner le même concours. En se retirant, il à cédé à un scrupule respectable, mais as- surément exagéré. Chacun de vous sent le vide pénible que son absence laisse dans vos séances et les regrets unanimes qui l’accompagnent dans sa retraite sont le plus bel éloge qui puisse être.fait de lui. Ainsi dépourvu au sein même de l'abondance, j'avais pensé trouver la matière de cet entretien dans un de ces faits historiques dont les témoins abondent autour de vous et que rappellent les splendides monuments dont votre ville est remplie. Sans même sortir de ce Palais. si admirable par la pureté de ses lignes et qui vous sert habituellement de sanctuaire, j'avais espéré découvrir quelque trésor encore inconnu au milieu des richesses déposées dans ses immenses galeries; mais à chaque pas que j'y faisais, il me semblait voir l’un de vous se dres- sant devant moi pour défendre un terrain déjà conquis. : C'était un salutaire avertissement donné à mon iuexpé- rience el à ma témérité; et, comme on ne dépouïlle ja- mais le vieil homme, par l'entraînement d’un esprit ha- bitué à s’occuper de la défense des intérêls d'autrui, j'ai élé amené à rechercher ce que la loi a fait pour la con- servalion de ces conquêles de ] intelligence et de l'étude. Je touchiais ainsi à une question qui a beaucoup occupé et divisé les auteurs, juristes, économistes ou litiérateurs, celle de la propriété littéraire. Elle m'a paru n’être pas absolument en dehors du cercle de vos occupations ordi- aaires, et J'ai cru que vous voudriez bien me-permettre — 217 — de venir, non pas la traiter devant vous, mais jeter un coup-d’œil rapide sur les épreuves par lesquelles elle a passé avant d'arriver à la législation encore bien incom- plète et presque rudimentaire qui la régit aujourd’hui. C'est qu’en effet, Messieurs, malgré l’assertion d’un écrivain trop habitué, peut-être, à résoudre la question par un mot spiriluel et qui croit avoir proclamé une vé- rité indiscutable en disant que la propriété littéraire est une propriété ; la propriété littéraire, ou plutôt le droit des auteurs, n’est pas encore une propriété dans le sens exact et juridique du mot. Il ne s’agit pas, bien entendu, de la propriété d’un livre ou d’un manuscrit ; ce sont des corps certains, des objets matériels dont le propriétaire, quel qu'il soit, a la faculté d’user et de disposer comme pourrait le faire le propriétaire d’un champ ou d’un animal. Son droit est absolu et perpétuel, il doit durer autant que la chose elle-même et il le transmet, soit à ses héritiers, soit à ses cessionnaires avec le même caractère que le temps et ies années ne font que confirmer. | _ C’est un droit naturel aussi ancien que la société, qui a toujours reçu son application pour les écrits comme pour toutes les choses corporelles ; et, certes, les anciens nous fournissent des exemples bien frappants du prix qu’un livre avait pour eux Epris du beau sous toutes ses for- mes, admirateurs de la litlérature et des beaux-arts, doués de ce goût exquis dont ils nous ont transmis la tradition, puisqu'aujourd’hui encore on les cojiie partout, ils étaient plus jaloux, peul-être, de posséder une belle édition que certains amateurs de nos jours ne le sont de posséder un tableau ou ‘une statue de nos grands maîtres. — 218 — Aristote payait trois talents attiques (un peu plus de 16,000 fr.) quelques ouvrages de philosophie. = Ptolémée Evergèle empruntait un exemplaire des œu- vres des grands tragiques et laissait en gage quinze ta- lents (environ 81,000 fr.) ; le jour de la restitution venu, il abandonnait le gage el conservait les ouvrages. Je n’entends pas me faire ‘le défenseur de ce dernier procédé, mais il témoigne de l’admiration qu'avaient les anciens pour les œuvres liltéraires. | Aujourd’hui comme autrefois, lorsque l'écrivain a li- vré son œuvre, il n'aura plus la faculté de la ressaisir, de la supprimer ou de l’ensevelir dans l'oubli. Devenu propriétaire du livre, l'acheteur le communiquera, le ré- pandra dans le public comme bon lui semblera ; mais à - côté et en dehors de ce droit que l’auteur a transmis en s’en dépouillant, il en est un autre qu'il s’est réservé, c'est ce droit purement personnel el immatériel qu'on appelle ici droit de copie, ailleurs droit de reproduction, c'est-à-dire la faculté de multiplier ou de restreindre à son gré le nombre des exemplaires. Ce droit est une création de la société moderne. Il n'aurait pu, d'ailleurs, avoir aucune utilité avant la découverte des moyens de reproduction mécaniques et rapides. À Rome, on n'était pas tendre aux plagiaires. Juvénal les appelait des voleurs d'enfants, la littérature les flé- trissait, la loi même les frappait sévèrement; mais alors seulement qu'ils avaient porté alleinle à la réputation d'un écrivain en publiant ses ouvrages sous le nom d'un autre. La reproduclion élait autorisée ; pour la rendre licite il suffisait de faire connaître l’auteur. Le travail de copie était, en effet, long et pénible et il formait à lui seul presque toute la valeur du livre. — 219 — L'imprimerie devait opérer une véritable révolution ; comme toutes les grandes choses, elle était née sous la pression de son temps. Après plusieurs siècles, pendant lesquels on n'avait entendu que le bruit des armes, le jour du réveil était venu. Fatiguée de vivre dans un élat de torpeur intellectuelle, la société avait des aspirations plus nobles, et le XVI° siècle la trouvait violemment agitée du culte des lettres. C'était la renaissance. Aux esprits ainsi remués par le désir de s’éclairer et d'apprendre, il fallait des satisfaclions, et les ressources du moment étaient impuissantes à les procurer. Heureusement la science, délaissée partout ailleurs, avait trouvé un refuge dans les monastères et les moines y avaient conservé pieusement les trésors du passé. On allait y.puiser à pleines mains; mais ces trésors étaient dispersés, il fallait les réunir, les reconstituer, et pour y encourager, il était urgent de faire appel à l'intérêt per- sonnel. Les dépenses qu’entrainait la publication d’un ouvrage auraient arrêté les imprimeurs s'ils n’eussent été assurés qu'aucun concurrent ne pourrait aussi l'imprimer et le vendre. Un monopole était donc nécessaire. el il apparut bientôt sous la forme de ce qu'on appela le privilège en librairie, qui n’était que la permission d'imprimer et de - vendre exclusivement pendant un certain temps. Ce pri- vilège était accordé par le Roi, qui le concédait arbitraire- ment à un favori, el pourtant nous verrons qu'il a été le germe du droit reconnu plus tard aux auteurs. Mais pour l'obtenir. cetté reconnaissance, quelles luttes il faudra livrer! quelles épreuves il sera nécessaire de traverser ! — 220 — Si les libraires privilégiés faisaient seuls fortune, l’im- primerie était, du moins, à la disposition de tous. Grâce à elle, d'autres publications vont apparaitre, elles éma- nent d'écrivains imbus d'idées nouvelles qui semblent dangereuses au pouvoir du moment; l’esprit de contrôle et d'examen a pénétré la société, les idées anciennes sont discutées, la vérité d'hier pourra n'être plus la vérité de demain et il importe d'arrêter la lecture du livre qui se fait l'organe de pareilles tendances. T1 ne suffira plus de dénier tout droit à l’auleur, de favoriser les ouvrages agréables, il faudra encore que ceux dont on redoute la critique n'aient pas la possibilité de paraître, et la cen- sure naquit. : Confiée d'abord à l’Université, elle ne tarda pas à tom- ber entre les mains du Roi; créée pour les ouvrages traitant de sujets nettement spécifiés, elle fut bientôt appliquée à lous les écrits. Quels qu'ils soient, ils ne pourront être imprimés qu'après autorisation ; une dé- claration du 10 septembre 1563, dont les termes sont aussi généraux que possible, dispose que : « devront su- bir l'examen, les compositions de quelque nature qu’elles soient, » et elle ajoute: « sous peine d’être pendu et étranglé » | | Je passe, Messieurs, sur ces châtiments d'un autre âge et j'arrive à l'époque où surgit enfin l'idée de la pro- priéié littéraire, c’est-à-dire au X VIIL® siècle. Chose étrange ! elle est invoquée pour la premiére fois dans un procès engagé entre les libraires de Paris et les libraires de province. Dans un mémoire en faveur des premiers, Louis d’Héricourt soutient qu'ils sont proprié- taires, non par le fait du privilège que le Roi leur accorde, — 2 — mais par l'acquisition du manuscrit dont l’auteur leur transmet la propriété: « Un manuscrit, dit-il, est, en la personne de l’auteur, un bien qui lui est réellement pro- pre, il n’est pas plus permis de l’en dépouiller que de son argent, de ses meubles ou même d'une terre parce que c’est le fruit d’un travail qui lui est propre. » L'imprimeur de celte courageuse déclaration dut cher- cher un refuge dans l'exil, mais l’idée était lancée, elle s’appuyait sur la justice et elle allait grandir et fruclifier.… Bientôt elle se dégagera de l'incertitude dont l'entourent encore des préjugés séculaires. Produite tout d'abord en faveur des libraires, elle se relournera contre eux et, en 1761, à l'expiration du privilège accordé à l'éditeur Bar- bier, les pelites-filles de la Fontaine obtiendront un pri- vilège personnel « par la raison que l'ouvrage de leur aïeul leur appartient par droit d’hérédité. » Quatorze ans plus tard, par un arrêt de 1777, « le Roi reconnaît que le privilège en librairie est une grâce fon- dée en justice et qui a pour objet de récompenser le lra- vail de l’auteur ou d'assurer au libraire le rembourse- ment de ses avances en l’indemnisant de ses frais. » Il y est même dit que « l’auteur peut obtenir pour lui et ses hoirs, à perpéluité, le privilège d'éditer et de vendre. » Nous avons peine à comprendre aujourd'hui ce que peut être une grâce fondée en justice ; mais c'était le lan- gage du temps, il correspondait, d’ailleurs, à l’organisa- tion du pouvoir, puisque tout dépendait du bon plaisir du Roi. Les auteurs pouvaient donc être affranchis de la ty- rannie des libraires, mais, comme l’arrêt le disait, c'était par une grâce qu’on avait la facullé de leur accorder ou — 222 — de leur refuser. C’était trop peu pour l'écrivain pénétré de sa dignité et de la grandeur de sa mission. Ce qu'il pouvait demander, ce qu’on réelamait pour lui c'était un droit indépendant de la faveur du Roi. Ce droit, il ne l'avait pas encore obtenu en 1789. Il semble que le premier acte de la Révolution devait être de le reconnaître ; il aurait dû figurer au frontispice de la déclaration des droits de l’homme. Non-seulement on ne l'y trouva pas, mais les quelques concessions faites par la royauté disparurent dans la célèbre nuit du 4 août. Ce n’est pas que les hommes du nouveau régime fus- sent hostiles aux écrivains ; ils n'avaient pas pour l’aris- tocratie de l'intelligence l’aversion qu’ils témoignaient à l'aristocratie de naissance, mais, pour eux, le mot de privilège semblait résumer tous les abus du passé, et comme il servait à désigner la faculté de reproduction réservée aux auteurs, elle fut emportée par le vent qui soufflait alors. Son nom seul l'avait perdue. C'était un spectacle étrange de voir la Révolution si rude aux écrivains; elle était fille de leurs œuvres et, comme le disait Vergniaud, elle devenait parricidé en les sacrifiant. Elle subissait cette loi inévilable qui, dans les grandes crises, entraine toujours l'homme au-delà du but qu'il voulait atteindre. Quatre ans s’écoulérent avant qu’elle songeât à répa- rer cette faute et, pour rappeler l'attention sur la pro- priété littéraire, if fallut un procès qui eut un grand re- tenlissement. La justice fut impuissanie contre un libraire de Metz qui vendait une édition contrefaite de l'Histoire naturelle de Buffon, et la Convention, émue de ce défaut absolu de toute protection pour une gloire nationale, — 923 — rendit, le 10 juillet 1793, un décret qui fut pendant longtemps et qui, sous certains rapports, est encore au- jourd’hui la loi qui règle le droit des auteurs. Lakanal, rapporteur de ce décret, s’exprimait ainsi: « De toutes les propriétés, la moins susceptible de contestation, celle dont l'accroissement ne peut ni blesser l'égalité républi- caine, ni donner d’ombrage à la liberté, c’est, sans con- tredit, celle des productions. du génie, et si quelque chose doit étonner, c’est qu'il ait fallu reconnaître cette pro- priélé el assurer son libre exercice par une loi positive ; c'est qu'une aussi grande Révolution que la nôtre ait été nécessaire pour nous ramener sur ce point, comme sur tant d’autres, aux simples éléments de la justice la plus commune. » La conclusion, elle semble forcée, n'est-ce pas, Mes- sieurs; la loi à laquelle cet exposé sert de préface, va consacrer comme un droit nouveau, mais indéniable dans son principe, la propriété littéraire. Eh! bien, Messieurs, il n'en est rien. La propriété, en effet, est un droit ab- solu, exclusif et essentiellement perpétuel. Or, que fait le décret ? Il accorde, il est vrai, à l’auteur le droit ex- clusif de vendre, faire vendre ou distribuer ses ouvrages, mais ce droit il ne passera à ses héritiers ou cession- naires que pour une période de dix années après sa mort. Soyons juste, pourlan!, et reconnaissons que le décret de 1793 a marqué un progrès sérieux. Désormais l’auteur ne jouira plus de ses œuvres en vertu d'une concession bénévole du pouvoir, il n’aura aucune faveur à solliciter, il puisera son droit dans son travail même et pour en faire assurer l'exécution, il lui suffira d’établir que l’œu- vre litigieuse est bien de lui. Il ne relèvera plus que de la loi et de la justice de son pays. — 224 — _ A partir de ce jour, une lutte énergique s'engage entre partisans el adversaires de‘la propriété avec Lous ses at- . tributs et tous ses effets, et nous devons avouer que si elle n’a pas encore cessé, elle n’est pas restée stérile. Tous les dix ou quinze ans nous la voyons portée devant le pouvoir législatif, et si les principes n’ont pas triom- phé jusqu’à ce jour, chaque fois, du moins, une conces- sion à été faite aux champions de la revendication. Ea 1810, un nouveau décret porta à vingt ans la jouis- sance de la veuve et des enfants de l’auteur. En 1814, la proclamation de la liberté de la presse par la charte devait produire une nouvelle agitation. Des commissions composées de publicistes et d'hommes de lettres furent successivement nommées en 1825 et 1336, mais elles n’aboutirent à aucun résultat. En 1839, M. Salvandy ne fut pas plus heureux ; un projet présenté par lui et adopté par la Chambre des pairs échoua devant la Chambre des députés. Le 8 avril 1854, une loi fut vo- tée qui étendait à trente ans la jouissance de la veuve et des enfants. Ce petit succès ne fit qu'encourager les dé- fenseurs du droit de propriété, et le 28 décembre 1861, ils faisaient nommer une nouvelle commission qui était présidée par M. Waleski et qui rédigea un rapport par lequel elle affirmait le droit de propriété littéraire. Son projet ne fut même pas discuté ; mais les études furent reprises : elles ne durèrent pas moins de deux ans et elles aboutirent à la loi du 14 juillet 1866 qui est, en quelque sorte, actuellement la charte du droit des au- teurs; charte révisable assurément et destinée, je l’es- père, à une révision prochaine, puisqu'elle a reculé en- core devant l'affirmation du principe de la propriété. — 225 — Ce principe avait, d’ailleurs, été énergiquement dé- fendu au cours de sa préparation, et si ses parlisans ne parvinrent pas à le faire admettre, il fut au moins con-. venu qu'il serait réservé. M. Jules Simon, président de la commission, disait, en effet: « Le premier mérite, à mes yeux, de l’article 1°", c'est qu'il ne touche pas la question de principe ; il a, en effet, été entendu par nous tous, dans la commission, que la question générale res- tait dans la situation où elle était avant le projet de loi et que nous, partisans de la propriété, nous nous en Fé- férons, comme auparavant, au travail de M. Waleski. » A cette époque, donc, on se borna encore à une nouvelle extension du droit de jouissance. Elle fut fixée à cin- quante ans et accordée au conjoint el: aux héritiers, quels qu'ils soient. Vous remarquerez, Messieurs, cette dérogation au droit commun : le conjoint est appelé en première ligne, même avant les enfants, tandis que le code civil le relé- gue après les parents, au douzième degré. C'était une loi de généreuse inspiration et, dans la discussion, un orateur a dit qu’elle « place l’homme et la femme dans une sphère idéale où tous les devoirs doivent être consacrés par la même rémunération. » Quoiqu'il en soit, c'est sous son empire que nous vi- vons actuellement, et ce qui vous frappera sans doute particulièrement, c'esi qu'après un siècle de réclama- tions et d'efforts on n’est arrivé qu'à une transaction passagère laissant la solution délinitive à l'avenir. C’est que la loi française, qui reconnaît la propriété de la lettre de change, ne reconnaît pas encore la propriété littéraire. Je serais bien embarrassé de vous donner l’explications. 45 — 926 — à d'une pareille lacune si je ne la trouvais dans des préju- gés anciens, dont la tradition s’est transmise à travers les générations el qui, chose étonnante ! ont été entrete- aus par les littérateurs et les poètes les plus autorisés. Pascal, voulant fustiger des prétentions qui lui parais- saient peu justifiées, disait : « Certains auteurs, parlant de leurs ouvrages, disent : mon livre, mon commentaire, .mon histoire ; ils sentent leurs bourgeois qui ont pignon sur rue et toujours un chez moi à la bouche ; ils feraient mieux de dire notre livre, notre commentaire, notre histoire, vu que d'ordinaire il y a en cela plus du bien d'autrui que du leur. » Voltaire comparait le livre au feu de nos foyers : « On va prendre ce feu chez son voisin, on l’allume chez soi, on le communique à d’ autres et il appar lient à tous. » Boileau ne pouvait souffrir ° Ces auteurs renommés Qui, dégoûtés de gloire et d'argent affamés, Mettent leur Apollon aux gages d’un libraire Et font d’un art divin un métier mercenaire. | De nos jours encore, un des plus charmants esprits de notre siècle, ce jeune poète dont la mélancolie n’excluait ni la verve ni l'esprit, Alfred de Musset, croyait trouver la note vraie du sujet dans ces vers très connus et sou- vent répétés : Rien n'appartient à rien, tout appartient à tous, C’est imiter quelqu’un que de planter des choux. Chez tous vous retrouverez la même pensée noble et généreuse, on sent qu'une sorte de souffle divin les. ani- me, l'amour de la gloire et du bien public. — 227 — De pareils sentiments, servis par de tels hommes, de- vaient avoir leur reflet dans les lois. Le législateur, sub- jugué, céda à l'entrainement sans s'inspirer suffisamment des idées économiques et pratiques qui doivent surtout le diriger. no C’est, qu’en effet, à part certaines doctrines dont l'écho ne doit pas arriver jusqu’à vous et qui trouve- ront leur condamnation dans la liberté même qui leur est donnée de se produire ouverlement, on a toujours considéré la propriété comme étant la base essentielle de toute société civilisée ; elle répond à un besoin impé- rieux de l'humanité et elle est fondée sur le travail, tout le monde s’accorde à le reconnaître. Or, le travail affecte bien des formes différentes, souvent même il consistera dans le fait d'une occupation purement matérielle. La terre ou l’añimal dont on s’est emparé par l'adresse, par la ruse ou même par la force, deviendra la propriété de son possesseur, la civilisation et les nécessités sociales le veulent ainsi; et le produit du travail intellectuel, cette chose que l’homme a créée, qu'il a fait sortir du néant, qu'il a animée de son génie, il n’en est pas le propriétaire. Pour lui contester ce droit, on a prétendu qu’il sy a rien de personnel dans son œuvre, qu’elle est composée de deux choses qui appartiennent au fonds commun et qui, par suile, ne peuvent devenir les élé- ments d’une propriélé individuelle : l’idée et le langage. Point de doute, Messieurs, en ce qui concerne l’idée et le langage : solidaires l’un de l’autre, ils appartiennent à l'humanité comme la langue appartient à la nation. Plus que tous les héros dont on a fait des demi-dieux, Denis Papin a mérité l’admiration universelle en révélant l'élasticité de la vapeur; il est la première cause de ces — 228 — découvertes qui ont, en quelque sorte, rapproché. les deux pôles et réuni les deux mondes, et pourtant, il aura pour toute récompense, la gloire et la reconnais- sance publique : pourquoi ? Parce qu'il n’a fait que déga- ger une idée des ténèbres qui l’eatouraient. Mise en lu- mière par tout autre, elle aurait été exactement la même, elle est immuable dans son essence. Mais il y a autre chose dans un écrit, quel qu'il soit: c’est le style. Et certes, il est bien personnel à l’homme ; si personnel qu'un profond penseur a pu dire qu'il est l'homme lui-même. C'est une vérité que nous procla- mons chaque jour sans presque nous en douter. Quel est celui de nous qui n’a pas maintes fois jugé les hommes uniquement par leur style? Le style, c'est ce je ne sais quoi qui nous séduit, nous subjugue et nous enchaîne, qui, non-seulement, nous fait aimer un homme que nous n'avons jamais vu, mais nous entraîne à sa suite et fait de nous ses disciples. C’est la forme ; cette forme dont Beaumarchais se moquail avec son esprit habituel, par la bouche de Brid'Oison, mais dont on a dit avec plus de vérité: « Qu'elle est une force, et une force telle, que lorsqu'un orateur se lève, il remplit de crainte ses adversaires et ses amis d'espérance. » . Cette forme, nous l’admirons souvent, nous subissons son empire, toujours, mais jamais nous ne la trouvons la même chez deux auteurs différents, fussent-ils tous deux les organes également convaincus et éclairés d’une même cause. Elle n’est donc pas un des éléments du fonds commun, elle est bien propre à l'écrivain et elle doit, par suite, rester sa chose. | ù Qu'elle soit utile à l'intérêt général qui n’est que la réunion de tous les intérêts particuliers, qui songerait à — 229 — le contester dans notre chère France, si grande par ses arts, scs sciences et ses lettres, dont les rayons éclairent le monde. | Je ne m'arrêterai pas davantage à l’argument suivant lequel la propriété littéraire serait un obstacle à la pro- pagalion des écrits et à la diffusion des lumières. Est-ce que la propriété immobilière a jamais entravé les travaux publics ? Elle n’a empêché ni la création des- canaux, des chemins de fer et des voies de communica- tion de loute nature qui sillonnent nos régions et y ré- pandent la richesse, ni l’établissement des forteresses qui gardent nos frontières et protègent notre territoire. La loi sur l'exproprialion également proteclrice de l'in- térêt public et de celui des particuliers sauvegarde les droits de tous. Pourquoi ne recevrait-elle pas son appli- cation. en ce qui concerne la propriété littéraire ? Rien ne justifie donc une exception que tous les prin- cipes condamnent ; je n'hésite même pas à dire qu'elle est préjudiciable à la société. Sans doute, actuellement, l’auteur ne tient son droit que de la loi, et il lui suffira de la respecter pour être lui-même assuré de sa protection. S'il est accusé de l'avoir violée, il aura pour juges des magistrats indépen- dants. Sous leur égide, les écrits paraîtront et cireuleront librement et ils offriront à leur auteur d'autant plus d'avantages qu’ils seront plus attachants pour le lecteur. Aussi, et grâce à Dieu, nous ne voyons: plus les grands génies à la dévotion de Mécènes, dont les goûts et les caprices guidaient leurs inspiralions ; nous ne sommes plus au temps où Corneille, dans un langage qui con- trastait avec celui qu'il plaçait dans la bouche des per- sonnages de ses tragédies, se reconnaissait l'homme lige — 230 — des puissants du jour, et aucun Ministre ne dirait, comme Richelieu, de Balzac : « Se croit-il assez grand seigneur pour ne pas dédier ses œuvres? » . Mais le rôle de l’écrivain ne doit pas se borner à char- mer le lecteur, à former son goût et à orner son esprit : il n’a même pas rempli sa mission, lorsqu'après lui avoir fait connaître le passé, il l'a comparé au présent, en lui donnant tous les moyens de juger les hommes ou les événements de son temps en même temps que ceux qui appartiennent désormais à l'histoire; il doit chercher à devancer son siècle et à pousser les esprits en avant. C’est'la loi du progrès, et chaque étape faite par la civi- lisalion est due aux aspirations d’un écrivain qui n'a pas craint de se faire l'apôtre d’une idée nouvelle. Plus que tout autre, celui-là a droit à la gratitude des générations qu’il a ainsi éclairées et, par suite, à la protection de la loi. Or, cetle protection elle lui fait complètement défaut. Il se sera brisé contre les préjugés de son époque, il se sera fait conspuer par ce tyran qu’on.appelle la mode, et le jour de la réparation venu, au moment où ses idées triomphant enfin, chacun recherchera ses œuvres, les droits que la loi lui a parcimonieusement escomplés se- ront éteints et, comme les filles de Milton, ses enfants ou ses successeurs seront peut-être réduits à mendier à la porte des théâtres. Assurément de mesquines considérations pécuniaires n’arrêteront pas-les auteurs. Ils obéissent à des senti- ments plus élevés; apôtres convaincusd'’une noble cause, ils n’hésileront pas à lui sacrifier et leur fortune et même l'avenir de leur famille; mais la loi de leur pays n'aura pas payé sa delle envers eux et elle aura ainsi manqué aux devoirs de la justice. — 231 — La loi française méritera-t-elle longtemps encore un pareil reproche, auquel échappe déjà la loi mexicaine? J'espère que non, puisqu'il lui suffira pour cela d'appliquer le droit commun aux écrivains. C’est donc un progrès fa- cile à réaliser et, sans doute, ilne se fera plus longtemps attendre. Je compte sur ce mouvement des esprits qui ne se ralentit pas, sur le sentiment des véritables intérêts de la société et surtout sur les principes de vérité et de justice qui finissent toujours par triompher. J'ai bien longtemps fatigué votre attention et je suis profondément touché de la bienveillance que vous voulez bien me témoigner. J'espère que vous serez au moins indulgents pour le sujet que j'ai choisi. En ouvrant vos rangs à un collègue qui n'avait de litre à cet insigne honneur que sa qualité de magistrat, vous avez dû l’autoriser à vous entretenir d’une question de législation. | Nouveau venu dans cette famille des lettres pour lu- quelle chacun de vous réserve la primeur de ses travaux, appelé désormais à participer à la distribution des tré- sors que vous accumulez chaque jour par pur amour de la science, j'aurais dû, peut-être, m'inspirer surtout des principes de désintéressement qui sont l’honneur de votre Compagnie et me rallier à la doctrine des écrivains qui entendaient ne retirer de leur génie que des satisfac- tions purement intellectuelles ou morales. Mais s'il est beau de voir les auteurs animés de pareils sentiments, la loi a le devoir de se préoccuper d’autres intérêls el de les sauvegarder tous. Quant à moi, vous me rendrez cette justice que je suis dégagé de tout inté- rêt personnel, je ne saurais être en cause dans ung qués-- tion concernant la propriété littéraire. DISCOURS de M. Ed. LECESNE Président en réponse au Discours précédent. MONSIEUR, C'est une vérilable fête pour notre Compagnie de voir entrer dans ses rangs un homme qui, par lui-même et par sa position, ne peut manquer de lui donner un nou- veau lustre. A ce double titre, vous éliez désigné à nos suffrages ; et, en nous emparant de vous, nous n’avons fait que nous approprier un domaine utile, pour parler déjà la langue juridique, comme nous serons obligé de Je faire lout-à-l heure. Il y a toujours grand avantage pour une Société, quelle qu’elle soit, à posséder des Mem- bres qui la rehaussent dans l'opinion publique. Sous ce rapport, l'Académie d'Arras n a pas à craindre de passer au creusel : l'analyse de toutes ses parties n'y présenterait que des éléments de choix; mais il importe de ne pas laisser l'or pur se changer en un plomb vil, el c'est pour cela que nous sommes heureux quand nous jouvons — 233 — nous assimiler des principes qui maintiennent et forti- fient notre composition. Personne plus que vous n’était capable de remplir ce rôle. Votre connaissance approfondie de la jurisprudence qui vous a porté, jeune encore, à un posle élevé dans la magistrature, votre talent de parole, dont vous avez donné des preuves nombreuses dans les fonctions du ministère public, cet esprit à la fois si fin et si solide qui vous distingue, tout vous recommandait à nos préfé- _rences. Ne nous dites donc pas que votre bagage est bien mince; votre valeur intrinsèque y ajoute un excédanl considérable : comme le poète que vous citez, vous buvez dans votre verre ; il y en a tant qui boivent dans le verre des autres! Vous avez un autre mérite pour notre Société, vous représentez une tradition. Jadis, les premiers Présidents et les Procureurs généraux du Conseil d’Artois avaient leur place marquée à l’Académie d’Arras: les Enlart de Grandval, les Foacier de Ruzé, les deux Briois ont tenu à honneur de s'asseoir dans ces ‘fauteuils, où toutes les illustrations locales étaient fières également de siéger. De nos jours, les Présidents du tribunal d'Arras ont tous élé comptés parmi nos Membres : MM. Tellier de Sars et Cornille ont fourni chez nous une longue carriére, dont le souvenir ne s'’effacera pas de longlemps, et votre ho- norable devancier, dont vous failes un si juste éloge, est encore une des notabililés de notre Compagnie. Vous êtes le digne continuateur de ces ancêtres qui ont laissé des exemples, non-sculement dans lesannales judiciaires, Mais encore dans les fastes de notre pays. L'Académie, EN consacrant vos litres, comme les leurs, n’a fait que — 934 — suivre une bonne habitude, dont il y a lieu de croire que nos successeurs ne se départiront pas. On ne saurait, en effet, avoir trop de reconnaissance ‘pour ces Magistrats de province qui dispensent la justice d'une manière si féconde en heureux résultats. Leur si- tuation a toujours été entourée du respect des popula- tions, et quelquefois, une large influence personnelle est venue s'ajouter à l'autorité de leurs charges Les grands Baillis d'Arras étaient, dans leur temps, de véritables puissances. Entre les mains des Flahaut et dés le Mer- chier, leur: juridiction, qui d’ailleurs s’étendait bien au-delà des limites d’un arrondissement actuel, s’exer- çait avec un prestige qui lui donnait la plus haute consi- dération. On a beaucoup regretté, pour Arras, la perte de ces nombreux sièges de judicature qui en faisaient une espèce de métropole, et il faut reconnaitre que si celte ville a gagné, comme le reste de la nation, à l'or- ganisalion moderne des tribunaux, son importance en à élé considérablement diminuée. Il y aurait un travail cu- rieux à faire sur la magistrature artésienne avant et de- puis la Révolution, et ce sujet serait de nature à tenter une intelligence ouverte aux études sérieuses. Vous avez hésité à traiter dans votre discours une matière à peu près semblable, nous vous engageons fortement à réali- ser ce projet, en lui donnant tous les développements qu'il comporte. Le portrait si exact que vous tracez de celui que vous remplacez parmi nous, quoique le genre de sa spécialité soit tout-à-fait étranger à la vôtre, montre ce que vous _ pourriez faire dans un cadre où vous vous trouveriez plus à l’aise En quelques coups de crayon vous repré- — 235 — sentez M. Brégeaut tel qu’il doit l’être. Travail et persé- vérance, voilà les principaux caractères de cette longué existence qui a, pour ainsi dire, triomphé du temps. À le voir, chaque jour, dans son officine, s’occupant, comme il le fait depuis plus d'un demi-siècle, des de- voirs de son état, on le prendrait pour un de ces vieux chercheurs des anciens âges qui ont été les plécurseurs de la chimie moderne. Lui-même, comme vous le faites très bien remarquer, est entré dans celle voie alors que bien peu d’investigateurs s’y étaient aventurés, et, s’il ne lui a pas été donné de s’avancer aussi loin que l’illus- tre savant que vous nommez, dans une sphère restreinte, il a cultivé avec fruit cette branche si importante des connaissances humaines. Il en est une autre où il a su trouver un succés incon- testable: c’est la botanique. Non-seulement il en a connu toutes les théories, mais il y est devenu un maître, car il a formé de nombreux élèves qui ont tiré le plus grand profit de ses leçons. Comme professeur à l'Ecole .. Mé- decine d'Arras, il a rendu de véritables services à l'ins- truction de la jeunesse en lui enseignant la connaissance des plantes, annexe indispensable de la connaissance médicale. C’est également lui qui a eu le mérite d'établir le premier jardin botanique qui ait existé dans cette ville, idée qui avait germé dés le temps du Directoire, mais qui n’a pu être accomplie que par une lenacité telle que la sienne. L'Académie d’Arras ne pouvait manquer de récompen- ser les efforts de cet infatigable pionnier de la science : elle l’a appelé dans son sein à un âge où d'autres voient encore leurs travaux méconnus. C’est ce qui lui a permis — 936 — d’y faire un plus long séjour qu'aucun Membre de cette Compagnie. Pendant plus de cinquante ans il a été ins- crit comme Membre litulaire, et quand l’âge lui a imposé une retraite bien légitime, nous lui avons, avec empres- sement, conféré l'honorariat qui, nous l’espérons, n’est pas près de finir. Aujourd’hui, M. Brégeaut et notre Aca- démie se trouvent dans la situation de ces vieux époux qui font chambre à part, mais qui ne divorcent pas. __ Après avoir, comme vous, rendu l'hommage qu’il mé- ritait au vénérable doyen de cette Académie, et je pour- rais dire de toutes les Académies de France, si M. Che- vreul n'existait pas, j'arrive au discours que vous venez de prononcer et je rencontre tout d'abord les excuses que vous croyez devoir nous faire pour le retard que vous avez mis à le composer. Ce retard, nous en som- mes convaincus, a été indépendant de votre volonté: dans les devoirs judiciaires qui vous sont imposés, on n'est pas toujours maître de ses moments et, loin de vous considérer comme un débiteur récalcitrant, nous nous déclarons des créanciers amplement satisfaits. En effet, que pourrions-nous désirer de mieux que le mor- ceau délicat que vous venez de nous offrir ? Le sujet que _vous avez choisi est déjà une preuve de ce tact que vous apportez en toutes choses. Suivant le conseil du poêle, vous avez pris une matière bien appropriée à vos | moyens : Sumite materiam vestris, qui scribitis, æœquam Viribus....…., et vous l’avez traitée avec une ampleur et une élégance tout académiques. C’est ainsi que les magistrats de l'an- — 937 — cien régime, les d’Aguesseau, les Joly de Fleury, sans oublier ceux du Conseil d'Artois, savaient embellir les discussions les plus ardues et unissaient à la maturité du ‘ fond, les agréments de la forme. | La question de droit que vous avez examinée présente un intérêt saisissant, et pour poursuivre la formule re- çue, je dirai qu'elle est pleine d'actualité. Qu'il y a-L-il, en effet, de plus intéressant et de plus actuel que de savoir si la pensée, en général, constitue une propriété, et si, dans notre siècle, où l’on fait argent de tout, une œuvre littéraire doit rester improductive ? La propriété et la litté- rature, tels sont donc les points essentiels de votre dis- sertation. L'une est la base des sociétés, la marque dis- _tinctive de la civilisation : c'est pour cela que les Barba- res de tous les temps l'ont attaquée; l’autre est la plus belle émanation de l'intelligence, le flambeau qui illu- mine le monde: c'est par elle que l'homme ne périt pas tout entier et que l'humanité marche en avant. Toutes les deux géminées ont formé la propriété litléraire. Cette propriété, qui à été contestée de nos jours,. vous avez voulu la venger, vous avez voulu prouver qu'elle s’ap- puie sur les raisons les plus fortes et les plus respecta- bles. Vous avez fait plus : vous avez soutenu qu’elle doit être perpétuelle et absolue comme toute autre pro- priété : c'est là, si je ne me trompe, le résumé de votre savante dissertation. À cet égard, il faut que je l'avoue, je n’ai qu'un re- gret, c'est d’être de votre avis. Vous devez me trouver l'esprit bien mal fait quand vous m entendez dire que j'aimerais mieux la guerre que la paix, el.de vous à moi, ce serait contraire à toutes nos habitudes; mais en cette — 938 — occasion, un peu de dissentiment ne me répugnerait pas. La contradiction a souvent fait l'agrément des réceptions académiques, et s’il ne me serait pas possible de la por- ter à ce‘degré de charme dont nous avons eu quelques exemples sur‘un théâtre plus élevé que le nôtre, j'aurais aimé à rompre une lance avec vous, quoique je fusse certain que la lutte tournerait à mon désavantage. Ne pouvant donc vous combaltre, je vous suivrai pas à pas, me bornant à vous présenter quelques timides .objec- tions et à faire quelques réserves sans grande consé- quence. + La propriété littéraire est la plus légitime de toutes les propriétés : d'elle, au moins, on ne peut pas dire que c'est le vol. Je me trompe, on l'a presque dit. Quelques- uns ont prétendu qu'aucune idée ne nous appartient ex- clusivement, que toutes font parlie d’un fonds commun, et que, quand on les en tire, on n’inveute rien, on ne fait qu'emprunter au trésor public. Ces paradoxes se ré- futent d'eux-mêmes. Ce fonds commun n’est qu’un amas de ténèbres où tout resterait plongé, comme dans le chaos, si des hommes mieux doués que les autres n’en tiraient la lumière. Et les produits extraits de cet amal- game informe n'appartieadraient pas en propre à ces habiles ouvriers qui ont su pétrir, si je puis m’exprimer ainsi, la matière intellectuelle ! Ce serait le plus révol- tant de tous les dénis de justice. Quoil lorsque Dante déroule à nos regards les peintures si frappantes de sa Divine Comédie, lorsque Corneille nous montre en traits saisissants le (id parlagé entre l’amour et le devoir, on viendrait dire qu'ils se sont approprié le bien de tous, qu'en définitive la notion du paradis et de Fenfer n’a | 939 — rien de bien nouveau, comme c’est une vérité vulgaire qu'il est difficile de contenter son pére.et sa maitresse. Mais donner à ces idées un corps et une âme qui frappent l'imagination et les gravent dans le souvenir, c'est faire œuvre de génie, et le génie n’est pas du communisme. Vous avez retracé avec beaucoup d’exactitude l’histo- rique de la propriété liltéraire ; je ne referai pas ce que vous avez si bien fait: tout ce que je pourrais dire après vous serail de trop, et je sais que Ce que l’on dit de trop est fade et rebutant, Je me borne à constater avec vous que la propriété die téraire, toute légitime qu'elle soit, a mis bien du temps à être reconnue. Si nous en croyons les légendes, Homère, le plus ancien et le plus grand des littérateurs, n'aurait pas tiré grand profit de ses droits d'auteur. Je me le re- présente aveugle et mendiant, chantant sur une lyre éraillée ses poèmes sublimes, où ceux qui l’écoutaient ne voyaient que des amusementis et qui lui valaient tout au plus quelques menues pièces de monnaie, absolument comme les ménestrels et les troubadours, qui allaient de château en château, répétant, pour un faible salaire, leurs romans et leurs chansons de geste. Les poètes tra- giques ne paraissent pas avoir été mieux traités, s'il est vrai que Du plus habile chantre un bouc était le prix. On peut dire, en général, que pendant toute l'antiquité, les œuvres littéraires ont été bien maigrement récom- pensées. Les Horace et les Virgile eux-mêmes ne vivaient — 240 — \ que de la générosité de quelques Mécènes, et si leurs écrils les menaient à la gloire, ils ne les menaiïent pas à la fortune ; car il ne faut pas-compter dans nos apprécia- tions ces palriciens el ces sénateurs, tels que Pline, Sé- nèque, Cicéron, Tacite, Salluste qui écrivaient par délas- sement et non par mélier. Dans des temps plus rapprochés de nous, on trouve toujours les auteurs dans une situation bien précaire, par rapport au produit de leurs compositions. Faut-il rappe- ler la détresse de ce malheureux poète Gringoire, si pit- toresquement racontée par Victor Hugo dans sa Notre- Dame de Paris? Et, pour citer un exemple pris dans les annales artésiennes, je mentionnerai un fait qui s’est passé en 1491, lors des réjouissances qui eurent lieu à l’occasion de la réhabilitation de Colart de Beauffort. L'échevinage voulant, à cette occasion, favoriser l’essor des beaux esprits à Arras, instilua un concours littéraire où les vainqueurs reçurent, les uns une paire d’oisons, les autres une paire de chapons, à’peu près comme chez les Grecs. Il faut en conclure que les auteurs n’avaient pas beaucoup gagné dans l’estime publique depuis plus de deux mille ans. | | St on interroge le grand siècle, celui où, soi-disant, les lettres ont été le plus en honneur, on trouve que les profits des écrivains y élaient encore bien minces. A part. Molière, qui dut sa fortune à son entreprise théâ- trale plutôt qu'à ses immortels ouvrages, et les hauts personnages tels que Bossuet, Fénelon, la Rochefoucauld, Pascal, qui n'écrivirent point en vue du lucre, les autres vécurent assez mesquinement, el la res angusta domi se fit, pour eux, bien souvent sentir. Le plus clair de leurs — 241 — revenus consistait dans les pensions qu'ils recevaient de la munificence royale, aussi c’élail à qui Serait le mieux renté de tous les beaux esprits. On sait la gêne extrême dans laquelle vécut et mourut Corneille, Lafontaine fut le commensal, d’abord de M”* de la Sablière et ensuite de la famille Herwart, Boileau et Racine ne s'élevèrent jamais au-dessus d’une position modeste. Il est vrai qu’à cette époque le trafic littéraire commence à se produire : Un livre aimé du ciel et chéri des lecteurs Est souvent, chez Barbin, entouré d’acheteurs. Mais ce trafic profite moins aux auteurs qu'aux libraires, et ces écrits, qui ont enrichi tant d’éditeurs, étaient à peu près stériles pour ceux qui les avaient composés. C'est ainsi que La Bruyère donnait, en riant, pour dot à la fille, encore enfant, de son libraire, son beau livre des Caractères: il ne se doutait pas du cadeau qu’il lui faisait. Les auteurs étaient encore heureux quand des plagiaires ne venaient pas s'approprier le fruit de leur travail. Con- tre ces frelons, les lois étaient muettes, et le fabuliste élait réduit à se croiser les bras, en disant : Je me tais et ne veux leur causer nul ennui, Ce ne sont pas là mes affaires. Voltaire fut le premier qui sut tirer parti, pécuniaire- menti parlant, des productions de sa plume. Malgré la Contrefaçon, dont il se plaint amèrement, il fit la loi à ses éditeurs et conclut avec eux des trailés en bonne forme qui lui assuraient de gros bénéfices. Il faut ajouter | 16 — 949 — que Voltaire s’entendait parfaitement à gérer sa fortune et que la richesse lui vint, non-seulement de ses écrits, mais encore d’un patrimoine habilement administré. Il en est de même de Beaumarchais, qui eut plus d’un point de ressemblance avec Voltaire : ses pièces de théâtre lui rapportèrent beaucoup, maisil gagna bien davantage par ses entreprises commerciales qui, pourtant, finirent par le ruiner. Buffon et Montesquieu sont encore des excep- tions. Quant aux autres écrivains de ce temps, ils restent à la merci des libraires. J.-J. Rousseau se considère comme un mercenaire à leurs gages: il est vrai que c’est ce qui nous à valu la Nouvelle Héloïse et les Confessions. Diderot fut obligé de vendre sa bibliothèque, ne trouvant plus dans un travail continu de quoi soutenir son exis- tence. D'Alembert resta pauvre malgré le succès de l’En- cyclopédie, et J.-B. Rousseau en était réduit, comme on sait, à vivre le matin de l'église et le soir de l'Opéra. La meilleure défense qu'avaient alors les auteurs con- tre les libraires qui les exploitaient et les plagiaires qui les pillaient, était encore le privilège, c’est-à-dire l’omni- potence du gouvernement. Quoique ce bon plaisir fût exclusif du droit de propriété et s’exerçàt souvent au profit du favoritisme, il n'en fut pas moins d’un grand secours contre la piraterie littéraire. Si d'indignes para- sites vinrent quelquefois manger le festin que d’autres avaient préparé, le plus communément le privilège assu- rait le sort des auteurs et les mettait à l'abri des spolia- tions. | Le privilège marchait de front avec la censure. Ce mot sonne assez mal aux oreilles ; pouftant il n’est pas aussi terrible qu il en a l’air. Je ne veux pas me poser en apo- sus logiste de la censure, je ferai seulement remarquer que ce n’est pas elle, mais les Parlements Qui menaient tristement les plaisants à la Grève et ordonnaient de brûler l’Emile par la main du bour- reau. Pour elle, son action consistait dans une force plu- tôt préventive que répressive, et quand elle était exercée par des hommes tels que Malesherbes, la prévention de- venait le plus souvent une protection. Voilà dans quel état se trouvaient les choses lorsque le grand mouvement de 89 vint remettre tout en ques- tion. Censure et privilège sombrèrent dans le naufrage de la nuit du 4 août, el ce ne fut que sous la Convention, où le bien se rencontre souvent à côté du mal, que les auteurs virent leurs droits solennellement proclamés. A propos d'un procès, auquel donna lieu la reproduction des œuvres de Buffon, la célèbre Assemblée admit le principe de la propriété exclusive, pour les écrivains, pendant toute leur vie, et pendant dix «ns après leur mort, pour leurs héritiers ou ayants-droit. Ge délai fut porté ensuite à vingt ans, puis à trente et il s’élend ac- tuellement jusqu’à cinquante ans. S Vous voudriez qu’on allâl plus loin; vous demandez que cette propriété si légitime soit perpétuelle comme toutes les propriétés : je le désire ainsi que vous. Il ne se comprend pas, en effet, qu'on ne soit pas proprié- taire de la chose qu'on a créée et, si on est réellement propriétaire, on doit l’être d’une manière incommutable. À cette raison de droit vient s'ajouter une considération d'équité bien faite pour toucher des cœurs généreux. La propriété qui résulte de la pensée est supérieure à celle — 944 — qui résulte d’un acte tout matériel. Quoi ! parce que vous avez assez d'argent pour acheter un immeuble ou même parce que vous avez assez d’audace pour l’usurper, il vous appartiendra à perpétuité, à vous et à vos descen:- dants, et ce qu’il y a de plus respectable, au bout d’un certain temps, vos héritiers seront obligés de s’en des- saisir et tomberont peut-être dans la misère, dont le bé- néfice de vos œuvres les aurait préservés! Ces argu- ments semblent invincibles. Pourtant ils ne sont pas sans réplique, et ce qui le prouve, c’est que toutes les fois que le législateur a examiné la question, malgré la pente qui le portait de plus en plus vers une solution radicale, il s’est loujours arrêté à des demi-satisfactions. Moi aussi, quoique faisant des vœux pour que le grand progrès que vous réclamez puisse s’accomplir, jy mets certaines restrictions que je vous demande la permission de vous soumettre. Et d’abord, il ne faut plus parler aujourd’hui de la protection due aux écrivains : ils savent parfaitement se protèger eux-mêmes. Tout le monde connaît ces fortunes inouïes qui, tout à-coup, portent un romancier ou un dramaturge au comble du luxe et de l'abondance. Com- parez la petite maison de campagne d’Horace, où il disait à ses amis : Vile potabis modicis sabinumi Cantharis.. à ces demeures somptueuses de nos écrivains en vogue, où le champagne coule à pleins bords. Je ne leur en fais pas un crime: ils ont raison de profiter des circonstances, et puisque, dans le siècle où nous vivons, lout se règle sur la mesure de l'offre et de la demande, il est na- — 245 — C3 turel qu’ils vendent leur marchandise le plus cher pos- sible. Mais, enfin, il faut reconnaître qu ils sont plutôt des tyrans que des esclaves: si on en doutait, la puis- sante association organisée par le baron Taylor viendrait témoigner de la rigidité avec laquelle sont perçus les droits d'auteur. Cette objection écartée, voyons si la propriété des œu- vres de l'esprit est identiquement la même que toutes les autres. À mon avis, sa supériorité même la rend toute différente. En effet, la propriété ordinaire est susceptible de détention, comme disent les jurisconsultes. Dans le droit ancien, on ne la comprenait pas sans la saisine et la dessaisine. C'est peut-être pour cela que les Romains _ n'ont jamais admis qu’une œuvre littéraire pût donner matière à possession, et pour eux, Sans possession, ii n’y avait pas de propriélé. Les droits des auteurs sont donc bien difficilement assimilables aux droits mobiliers el im- mobiliers. Sous un autre point de vue, n’est-il pas évident que la pensée, une fois émise, n'appartient plus complètement à celui dont elle émane? Elle entre dans le grand courant intellectuel, chacun peut y puiser comme à une fontaine qui répand la fécondité et la vie. Rien de pareil dans la propriété en général : elle est particulière, elle suppose une exploitation exclusive, un dominus rei qui peut en faire ce que bon lui semble : c'est ce que la science du droil a exprimé par ces termes énergiques: Jus utendi etabutendi. Comment supposer rien de DREMOORS la ques- tion qui nous occupe ? Enfin, la propriété, telle que nous l'entendons, peut - se diviser à l'infini: dans les mains des héritiers surtout, — 246 — = elle est destinée à s'éparpiller en une multitude de par-- celles. Appliquez-donc ces principes à la propriété lilté- raire et indiquez de quelle manière une tragédie de Ra- cine sera partageable. C’est ce qui faisait dire à Napoléon, dans la discussion du décret de 1810 au Conseil d'Etat: « La perpétuité de la propriété dans la famille des auleurs aurait des inconvénients. Une propriété littéraire est une propriété incorporelle qui, se trouvant, dans la suite des. temps et par le cours des successions, divisée en une quantité d'individus, finirait, en quelque sorte, par ne plus exister pour personne; car, comment un grand nombre de propriétaires, souvent éloignés les uns des autres, et qui, après quelques générations, se connaissent à peine, pourront-ils s'entendre et contribuer pour réim- primer l'ouvrage de leur auteur commun ? Cependant, s’ils n’y parviennent pas et qu'eux seuls aient le droit de le publier, les meilleurs livres disparaïilront insensible- ment de la circulation. » Celle opinion a été adoptée par des hommes d’une autorité incontestable : M. le duc de Broglie, à la Chambre des Pairs, et M. Renouard, qui, avant d’être Conseiller à la Cour de cassation, avait écrit un lraité sur le sujet que nous examinons, ont émis les mêmes idées. En Angleterre, la question a élé longue- ment débattue par le Parlement, et après une lulte bril- lante, un homme dont la réputalion comme historien est universelle, Macaulay, fit décider que si la propriété des œuvres de l'esprit est incontestable, elle ne saurait être perpétuelle. C'est qu'ici le dioit des auteurs se heurte contre un ‘droit plus puissant, ceiui de la socicté. La pleine pro- prièté comprend, comme nous venons de le dire, la libre — 2947 — disposition de la chose : or, la libre disposition va jus- qu'à l’anéantissement. Peut-on admettre que, lorsqu'une grande pensée aura été lancée dans le monde, au moyen des livres, il suffira du caprice de celui qui l’a émise pour en priver l'humanité ? Et qu'on ne dise pas que ces hypothèses sont chimériques. Ne sait-on pas combien influent sur nos décisions l'incertitude, la crainte, la colère, le désenchantement ? Un des héros de la Révolu- tion, revenu de ses illusions, ne s'est-il pas écrié: Si 7e tenais la vérité dans ma main, je ne l'ouvrirais pas pour la donner aux hommes ? Que Descartes, au lieu de fuir en Hollande, devant les attaques des immobilisies de son temps, ait cédé à leurs obsessions, le Discours sur la mé- thode disparaissait. Dans les dernières années de sa vie, Gresset, égaré par les scrupules d’une piété mal enten- due, voulait détruire son Vert- Vert et sa Chartreuse, c’est- _à-dire des modèles de grâce poétique, et on prétend qu'il n'en fut détourné que par l'intervention de l'évé- que d'Amiens. Je reconnais que chez les auteurs, ces sacrifices seront probablement fort rares : il y a en eux un sentiment de paternité qui les portera presque toujours à épargner leurs enfants ; mais ne peut-il pas se faire que, sur leurs hériliers ou ayants-droit, les préjugés trouvent plus de prise? Supposez que les descendants de Molière où de Pascal soupconnent dans Tartufe ou dans les Provinciales quelque danger pour la religion, ils se croiront peut-être tenus en conscience d'anéantir les plus belles produc- tions de l'esprit humain. Et pour prendre les choses de moins haut, n’avons-nous pas vu, même autour de nous, certaines personnes acheter, pour les détruire, des ou- — 248 — vrages se référant à une période où leurs ancêtres s'étaient montrés sous un jour sinistre? Elles on! bien fait dans l'intérêt de leurs familles, elles ont mal fait dans l'intérêt de l’histoire, dont Tacite a dit: Hoc prœcipuum munis annalium reor, ne virlutes sileantur, ut que pravis faclis dictisque ex posteritate et infaimid melus sit. Il y a donc, suivant moi, un grand inconvénient à ce que la propriété littéraire soit absolue. Si on veut la rendre personnelle au profit des auteurs, il faut, au nréa- lable, sauvegarder les droits de tous. Pour cela, il im- porte de faire ses conditions avec elle. Tout en admettant ses titres et en les déclarant imprescriptibles, il faut po- ser des réserves en faveur de l'Etat. Ces réserves, quelles seront-elles ? J'avoue qu'il est assez difficile de le dire et que tout ce qui a élé proposé à cet égard laisse beaucoup à désirer. Ainsi, un jurisconsulle éminent, M. Dalloz, a pensé qu on pourrait appliquer à la propriété littéraire le principe de l’expropriation pour cause d'utilité publi- que, et que, du moment que les héritiers ou ayants-droit des auleurs auraient reçu uñe juste et préalable indemnité, leur propriété devrait tomber dans le domaine universel. Je n'ai pas à me prononcer sur ce système ni sur d’au- ires qu'il serait fastidieux d'examiner devant un audi- toire dont j ai, sans doute, depuis longlemps déjà faligué l'attention ; mais je crois pouvoir affirmer que, tanl qu’on n’aura pas trouvé les bases d’une transaction entre des intérêts si opposés, la perpétuité pourra difficilement être concédée à la propriété lilléraire. : Nous sommes parvenu au terme de cette discussion, dont j'ai essayé de démontrer les conséquences. Il ne me reste plus, Monsieur, qu'à vous introduire parmi nous. Prenez-y place, nous vous accueillons avec d'au- tant plus de plaisir qu'après le discours que vous venez de prononcer nous vous connaissons mieux. Au commen- : cement de ce discours vous poussez ce cri de désespoir : Qu'’attendez-vous de moi ? Après vous avoir écouté, tout le monde ici conviendra que nous devons le prendre pour un gage d'espérance. Nous attendons beaucoup de vous, et nous comptons bien que notre altente ne sera pas déçue. Vous pouvez coopérer très utilement à nos travaux, laissez-nous croire que vous ne refuserez pas votre concours à notre Compagnie el que vous n’y siégerez pas uniquement pour la forme, ad pompam et osientationem, comme disaient les jurisconsultes ro- mains, mais en athlète, décidé à descendre dans l'arène. Vos fonctions judiciaires ne doivent pas absorber lous vos moments. On prétend que les procès deviennent plus rares : peut-être le jour est-il proche où Thémis pourra serrer ses balances. Maïs sans attendre cet âge d'or, il est permis d’entrevoir pour vous quelques loisirs et d’en solliciter pour nous le bénéfice. Alors, vous nous communiquerez vos appréciations sur des points ‘de droit ou d'économie politique, dont l’étude convient parfuitement à vos aplitudes, et nous pourrons dire, en empruntant le grand langage de Corneille : Vous promettez beaucoup, vous donnez plus encore. DISCOURS DE RÉCEPTION de M. l'Abbé DERAMECOURT Professeur d'Histoire au Petit-Séminaire d'Arras ———+ #3 —— MESSIEURS, Puisque c'est l'Histoire qui a plaidé ma cause devant : votre indulgent tribunal, vous trouverez naturel que je lui offre mes premiers hommages d’Académicien ; si je désespère de justifier jamais votre candidat, ne faut-il pas que j essaie au moins de juslifier sa candidature ? Je serais, du reste, malavisé de faire aujourd'hui ma cour à une autre des neuf Sœurs. Tandis que chacun de vous est le bienvenu de plusieurs d’entre elles, Clio seule m'a vu quelqueïois au dernier rang de son cortège, et une fidélité déjà vieille est l'unique titre qui me puisse méri- ter ses faveurs. Encore ce mérite est-il restreint, puisque mes hommages ne sont pas désintéressés. Car elle n’est pas ingrate pour ceux qui la servent, celle muse, un peu sévère, et les enfants de tous les âges qu'elle réunit à son foyer, pour parler comme Châteaubriand, s'amusent =) plus encore qu'ils ne s’instruisent de ses récits, de son langage, de ses manières et de ses vêtements. Les hom- mes les plus graves s’y laissent prendre, et vous mêmes, Messieurs, lui formez une cour, je puis dire une cou- ronne, dont elle a lieu d’être satisfaite. Il était, entre autres, le fidèle tenant des études his- toriques, cet homme aimable et instruit dont vous m'a- vez imposé la tâche de vous parler aujourd’hui, et c'est à ce point de vue, secondaire, pourtant, dans sa longue vie, que je dois me placer, pour ne pas me sentir absolu- ment effrayé en m'asseyant dans son fauteuil. On dit que le talent meurt souvent sans postérité. Mon prédécesseur élait d'une famille où nul ne subit cette loi. Il a eu le bonheur de léguer à ses fils le trésor de son intelligence, en même temps que celui de ses vertus, et si l'Eglise et le Cloître sont amplement pourvus dans son héritage, le siècle n'est pas moins bien partagé. C'est à l'héritier de son nom qu'il apparlenait, ce sem- ble, de faire revivre devant vous la dynastie académique dont il est issu et qui remonte à la fondation de volre Société. Sa modestie filiale a décliné cet honneur et je soupçonne même qu’il n’est pas étranger au fardeau qui m'incombe. À côlé de mon insuffisante esquisse, il ne peut au moins m'empêcher de vous montrer la copie heureuse et vivante de votre collègue disparu, et vous pourrez vous consoler d'entendre mal parler du père, en Songeant que vous possédez le fils. Entre les qualités et même entre les mots que nos contemporains n'ont pas répudiés, la fidélité occupe en- core un des premiers rangs. Nous ne voulons plus être appelés vertueux, parait-il, mais nous aimons loujours à — 252 — passer pour fidèles. La fidélité a marqué son empreinte au débul même de la vie de M. Laroche. Il avait moins de trente-cinq ans quand, arrivé au poste élevé de Con- seiller à la Cour d'Amiens, il déposa sa simarre au pied du trône brisé des Bourbons, à qui seuls il voulut enga- ger sa parole de magistrat. Inutile d'ajouter que sa vie entière fut la confirmation de cet héroïque début. Son inflexible fermeté de principes n’excluait cependant pas une grande tolérance pour les personnes. La bonté était la parure naturelle de son esprit, et l’on trouva toujours, dans son commerce, cette sympathique politesse qui distingue, entre tous, les dernierssurvivants de l’ancienne sociélé française. Race d'élite, vraiment, dont les repré- sentants deviennent rares et qui, dans notre ville, em- porlerait avec elle la fleur de l'esprit français et l'aménité des vieilles mœurs, si vous ne leur aviez ouvert, dans vos rangs, un asile où elles peuvent se maintenir et se perpéluer. Ce ne sont pas seulement ces nobles traditions de cour- toisie que M. Laroche cultiva avec vous pendant les an- nées trop courtes de son passage à l’Académie d'Arras: son esprit ouvert, sa plume facile, sa parole compétente abordérent souvent les questions qui s’agitent dans votre ‘ docte assemblée. Tout en étant de ceux « qui ne se ser- vent de la parole que pour la pensée et de la pensée que pour la vérité et la vertu, » il ne recula devant aucune de ses tâches académiques, quand elles avaient pour but l'honneur et le bien de votre Société. Depuis son discours de réception, qu'il prononça dans la séance du 27 août 1856, jusqu’à son allocution sur la tombe de M. Thellier de Sars, en 1868, il composa, tour — 953 — à lour, trois rapports étendus sur le concours d'histoire et trois études fort intéressantes sur un Episode de la vie de Le Bon, une Notice consacrée à M. Harduin et la Ven- geance de Louis XI. | Ce sont ensuite des collègues regretiés, comme M. Raf- feneau de Lile et d’autres, dont l’Académie est fière à juste litre, qu'il admet dans vos rangs, avec une vraie distinction. Enfin, quand l'estime générale l'appelle à présider vos assemblées, non content de promouvoir le travail collectif, il donne l’exemple des travaux person- - nels, et ses discours d'ouverture, pour vos séances solen- nelles, montrent out ensemble la variété de ses aperçus et la souplesse de son talent. Les morts le trouvent aussi fidèle que les vivants. Quand disparaissent M. Crespel-Dellisse, M. Harbaville, M. Broy et M. Thellier de Sars, nous le voyons encore dispenser, d’une main pieuse et toujours sûre d'elle- même, les couronnes .sur les tombes, comme il ofirait les palmes aux candidats de vos élections et de vos con- Cours. Je ne dirai point que dans tous ces travaux, M. Laro- che se soit tenu constamment sur les hauteurs d'où le génie lance des éclairs; pour n'être pas ébloui moi- même, j'aime mieux le placer à mi-côte, et à la vue de ses qualités fortes et sages, mélangées de bon ton et de grâce sympalhique, je répète vo'ontiers la vieille défini- tion de l’orateur, qui est aussi celle de l'écrivain, et qu'il Vérifia complétement: Vir bonus dicendi peritus. [l est cépendant une succession plus honorable aux Yeux d'un prêtre que celle d’un homme de cœur et que celle d'un homme d'esprit: c’est celle d'un homme de foi. À une époque où l'instruction publique n’était pas sans danger, où la vie publique subissait de funestes in- fluences, où la vie intellectuelle elle-même était entourée de préjugés et de sophismes, M. Laroche conserva in- tacts le dépôt de ses croyances et la noble franchise de ses pratiques religieuses. Aussi, grâce aux clartés de cette foi, sans ombre et sans éclipse, comme toute sa vie pa- raît illuminée et féconde! Les fruits s’y inêlent aux fleurs, du printemps aux abords de l'hiver : fruits de bons exem- ples, fruils de bons conseils et fruits de bonnes œuvres. Dès 1853, il est à Tournai, où l’a conduit sa sollicitude paternelle, le Secrétaire d'une fervente Conférence de St- Vincent de Paul et ses rapports montrent qu'il avait, dans sa plénitude, la triple puissance de la charité : la tête, le cœur et la main d'un véritable ami des pauvres. À mesure qu'il avance dans le champ de la vie, à Tournai comme à Arras, à Arras comme à Duisans, sa gerbe de bonnes œuvres se grossit et, en marchant sous ce poids béni, il monle vers des régions plus sereines. Au flambeau de la vérité, même quand l'ombre maté- rielle s’épaissit autour de ses yeux malades, comme pour lui permettre plus de recueillement intérieur, sa foi s’éclaire et s’épure : quand le couteau du sacrifice vient s’enfoncer dans son cœur de père et d’époux, l'espérance qui le soulient prend son essor au-delà des tombeaux, et lorsque le foyer de la famille achève de se vider, par des morts volontaires ou des séparations douloureuses, sa charité le remplit, en accueillant le pauvre, le religieux mendiant et surtout l’orphelin. : C'est ainsi qu'il s’achemine vers le terme de sa longue existence, en donnant l'exemple de toutes les vertus de — 255 — là vie publique et de la vie privée, montrant l'usage que l’on peut faire de son temps et de ses facultés, à la ville aussi bien qu’au village. C'est ainsi qu’il meurt, d’une mort édifiante, laissant après lui la mémoire immaculée d'un noble citoyen, d’un savant laborieux et d'un géné- reux chrétien. Mais il faudrait plus de loisir et plus de place pour tra- cer le tableau de cette vie. En inaugurant l’histoire de vos fauteuils, qui permet à chacun d'étudier à l'aise la galerie de ses ancêtres académiques, vous diminuez mes regrels, puisque vous ne m obligez à abandonner mon . modèle qu'avec espoir de retour. Quand je me relourne maintenant vers l'étude de l'Histoire, qui fut son étude favorile, je ne le quitte ce- pendant pas tout-à-fait. Un jour, lorsqu'il admettait dans vos rangs un de ces hommes qui passent maitres dès leur début, inspiré, sans doute, par son sujet, M. Laroche a déterminé en quelques mots les principes de la critique historique. ” «La sincérité, disait-il, en répondant au discours de réception de M. Paris, est l’une des qualités de l'hislo- rien. L'amour de la justice est le premier de ses de- voirs ; il doit remplir le ministère du magistrat. Tenant la balance d’une main ferme et impartiale, il scrute Îles intentions, dévoile les causes cachées des événements, les secrets ressorts des actions des hommes et altribue à chacun sa part de responsabilité. » Tel est, en effet, Le rôle de la critique, si on l'envisage Surtout dans ses applications à l’histoire religieuse. Entre toules les sciences qui ont fait, dans notre siè- cle, des progrès incontestés, l'histoire, il fant l'avouer, — 956 — ne s'est pas tenue au premier rang. La faute en est à ceux qui, par leur légèreté, leur ignorance ou leur parti- pris, ont négligé les traditions des maîtres. Depuis Baro- pius et Muratori, en Ilalie, depuis Mabillon, Sirmond et les incomparables Bollandistes, en France et en Belgi- que, ces règles ont été, tout à la fois, formulées et sui- vies ; il suffit de les. reprendre, et notre grande école historique des Chartes les remet glorieusement en hon- neur. Au moment où, d'après un maître de l’école française, « l’on voit renaître et se progager des systèmes que le bon sens des générations précédentes a plusieurs fois condamnés (1), » au moment surtout où la voix de Léon XIIT signale avec autorité « le mal meurtrier qui consiste à rendre l’histoire esclave de l'esprit de parti et des passions mobiles des hommes (2), » il parait-oppor- tun de rappeler brièvement quelles sont ces grandes lois pour les appliquer chacun selon sa mesure. Dés l'abord, le mot de critique effarouche les esprits timorés ; «elle leur apparaît instinctivement, c'est un Bollandiste qui le remarque, comme l’ennemie de toutes les douces et saintes croyances, s’avançant, allière et impitoyable, à travers les ruines accumulées sous son marteau destructeur et ne laissant, dans les intelligences qui l’ont accueillie, que le vide affreux du scepti- cisme (3). » Si ce tableau était vrai, il y aurait, en effet, de quoi s’effrayer; mais-c’est là une prévention ridicule (1) Tardif, Notions élémentaires de critique historique, p. 8. (2\ Lettre de S S. Léon XIII aux cardinaux de Luca, Pitra, etc., 18 août 1883. (3) P. Ch. de Smedt, Principes de critique historique. — 257 — et que les ennemis de l'Eglise prêtent même trop volon- tiers à ses défenseurs. En réalité; la critique doit se pré- senter à nous sous les traits que vous connaissez bien, d'un magistral équitable, intègre et bon, chargé d'ins-. truire une affaire délicale et importante et de préparer un jugement qui sauvegarde tout à la fois son honneur, l'intérêt d'autrui, les droits imprescriptibles de la justice et de la vérité. Pour atteindre ce but, il faut que l'historien apporte d’abord un jugement sain, une indépendance absolue qui le lienne également éloigné des préjugés et des passions, une connaissance sérieuse des travaux faits sur la ma- tière, une juste mesure entre le scepticisme et la crédulité. Quand. comparaissent les témoins à charge et à dé- charge, il doit vérifier leurs noms, contrôler leurs litres et qualités, écouter avec soin leurs déposilions, les met- tre, au besoin, en opposition les uns avec les autres’et se tenir en garde contre leurs passions et leurs intérêts. Avec une égale patience, il interrogera toutes les piè- ces écrites qui ont trait à son affaire, déterminant soi- greusement leur degré d'authenticité et d'intégrité, avec leur date et leur provenance. S il le faut et s’il le peut, nous le verrons enfin étudier même le théâtre des événements qu'il doit apprécier, reconstituer les faits avec toutes leurs circonstances, évoquer aussi la voix souvent confuse de la tradition orale ct, tout en se prémunissant contre ses exagérations, lui accorder d'autant plus de confiance, qu’elle se rap- porte à un fait plus éclatant, qu'elle est admise par les gens sages et qu'elle n'a soulevé aucune objection de la _ part de ceux qui avaient intérêt à la contredire. 17 — 258 — Telle est, autant qu’on la peut rapprocher des règles de la procédure, l'instruction à laquelle doit se livrer l'historien, avant de composer la trame de ses récits. Ne craignez pas, Messieurs, que je développe mainte- nant chacune de ces fonctions de la critique: en cher- chant à faire éviter les délits historiques, j'en commet- trais certainement un d’un autre genre, celui de mettre votre patience à une trop longue épreuve. Je préfère être incomplet, m'arrêter à deux ou trois réflexions et me faire absoudre en me taisant. On peut affirmer, avec Descartes, qu'en fait de bon sens, « chacun pense en être si bien pourvu, que ceux mêmes qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n’ont pas coutume d'en désirer plus qu'ils n’en ont (1). » Or, le bon sens, dit M. Tardif, est l’enne- mi-né du paradoxe. Les historiens, les jeunes surtout, qui cherchent volontiers les idées neuves, sont exposés à sortir du domaine de la science, pour se perdre dans les nuages de l'imagination. En revanche, défions-aous dela routine et ne vouons de culte à aucune idole : si Dieu nous à donné l'esprit bon, ce que nous croyons tous, ayons soin de le bien appliquer, sans aucune pré- cipitation et en dehors de toute prévention. Quand nous aurons examiné tous les côtés d’une ques- tion avec loyauté et indépendance, nous trouverons sü- rement le bon chemin, säns plus nous préoccuper d’ou- vrir des voies inexplorées que de courir le long des sen- tiers battus. Le nombre des Christophe Colomb de l'His- toire est restreint, et tel a cru découvrir un monde nou- (1) Discours sur la Mêthode, 1re partie, — 959 — veau qui n’a même pas trouvé une île inconnue. Aussi, tout en supposant que les auteurs ne cherchent pas à nous induire en erreur, devons-nous remonter le plus souvent possible aux vraies sources, je veux dire aux textes. Les textes et autres documents originaux sont les véritables armes de l'historien, pour se frayer une voie sûre jusqu à la vérité. Or, dans l’histoire locale surtout, moins explorée que l’histoire générale, ces textes et ces documents seront souvent des manuscrits qui se présen- teront à vous sous un aspect triste, avec l'expression de la misère ou de la mort. Registres poudreux, feuilles déchirées, vieilles peaux jaunes et sales, tout couverts d’une encre pâlie, d’hiéro- glyphes à demi-effacés et apparemment indéchiffrables; l'ignorant les dédaigne, la femme de charge les repousse et le marchand les achète au poids des chiffons ! Pour- tant, sur ces débris informes, c’est l'écriture de nos pé- res qu’on peut lire et les trésors qu’ils renferment, ce sont les actes les plus authentiques de leur vie privée et de leur vie publique. Les bandelettes qui les enveloppent portent les sceaux de nos rois, de nos comtes, de nos évêques, de nos échevins, de nos abbayes, de nos confré- ries et de nos chapitres, ils cachent, sous leurs liens, plus de vérités historiques que tous les modernes impri- més qui s’étalent aux vitrines des libraires. Ces liasses de manuscrits, dont on faisait jadis des gargousses et qu on retrouve parfois chez l'épicier, ils contiennent tout le passé d’une corporation, d’un monastère, d’une collé- giale ou d’une paroisse. Apprenez à lire ces caractères vieillis et qui vous paraissent étranges, — les maîtres ne vous manqueront pas, ils sont ici, et leur bienveil- — 260 — lance est à la hauteur de leur savoir, — et à mesure que vous les déchiffrerez, vous sentirez la vieille France, le vieil Artois, le vieil Arras frémir et se réveiller sous vos yeux. Vous sortirez de là, malpropres peut-être, mais plus instruils et meilleurs. Vous serez aussi plus fiers, méprisant à bon droit tout livre historique dont l’auteur n'aura pas eu le courage ou le talent de remonter aux sources el vous pourrez prendre rang parmi les défen-. seurs de la vérité. | . Les textes manuscrits et les documents originaux, col- ligés par des mains sûres et qu'on ne saurait trop multi- plier, ne sont pourtant pas les seuls matériaux que l'his- torien puisse employer avec fruit et sécurité. À côté des acles publics et privés, qu’on doit dépouiller d’abord, viendront se placer tous les monuments figurés. Je veux dire les inscriptions et les médailles, les mon- naies, les sceaux et les armoiries, les édifices religieux et profanes, les peintures et les sculptures, les armes et les bijoux, les instruments de travail el les ustensiles de ménage, les vitraux et les minialures, tout ce qu'on ap- pelle, en un mot, de-ce large et vieux nom d’archéolo- gie, viendra apporter à l’histoire son précieux contingent. C’est là que j'aime à saluer, comme des auxiliaires d’au- tant plus méritants que leur travail est plus ingrat, ces hardis pionniers de notre sol, ces infatigables explora- teurs de nos musées, ces voyageurs intrépides que l'amour de la science conduit, au besoin, jusqu'au fond de la Hongrie, ces chercheurs que rien n'arrête, que rien ne déconcerte, pas même les plaisanteries des paresseux et des sots, et dont le travail arrive toujours à remporter une victoire sur. l'erreur ou sur l'ignorance. — 2961 — Depuis qu’à Rome, l’illustre Jean-Baptiste de Rossi a trouvé, dans les hynogées, l’histoire des trois premiers siècles de notre ère, qu'à Paris, M. Taine a fait jaillir des pièces inédites le nouveau et formidable procès du jacobinisme, qu'ici même, le passé d’Arras est sorti de vos fouilles, de vos explorations, du dépôt de vos Archi- ves et des manuscrits de votre Bibliothèque, quel est, parmi les plus modestes travailleurs, celui qui ne se sen- tirait encouragé à poursuivre, à travers les aridités ren- dues fécondes et les conjectures justifiées, un sujet de revendication et de juslice historique? Les écrivains catholiques seront d'autant plus disposés à entrer dans celte voie, Messieurs, que, pour eux, l'in- térêt de leur mére, l'Eglise, sera souvent en cause. Oh! l'Eglise n'a rien à perdre, tant s’en faut, à ce que brille dans tout son éclat le flambeau de la vérité. Léon XIII a mieux fait que l'affirmer, il le prouve en ouvrant, avec une munifivence inconnue jusqu ici, les archives du Va- lican aux investigalions des savants. « Puisque l'ennemi puise surtout ses traits dans l’histoire, dit-il. il faut que l'Eglise combalte à armes égales, et là où plus violente est l’allaque, qu’elle redouble J’efforts pour repousser plus vaillamment l'assaut. » On dira peut-être, et c’est par cette objection que je termine, que ces révélations deviendront parfois un acte d'accusation contre des noms honorables et des causes respectées. Léon XII a dû prévoir ce cas, et il poursuit : « La première loi de l’histoire est de ne pas oser mentir, la seconde de ne pas craindre de dire vrai ; en outre, que l'historien ne doit prêter au soupçon ni de flatterie ni d’animosité. » Soyons donc absolument sincères, puisque la vérité le réclame, que notre caractère l'impose, que — 962 — le bien même dé notre divine cliente lé commande. Quoi ! nous vivons dans la pleine lumière religieuse, nous crovons, d’une foi invincible, à Dieu, à Jésus-Christ, à l'Eglise, et lorsque la raison, l'Ecriture, la tradition, toutes les sciences élèvent une voix de plus en plus écla- tante à la gloire de nos doctrines, nous prendrions om- brage de tel ou tel fait historique qui n'irait pas à je ne sais quelle étroite thèse de justification quand même! En vérité, ce serait le cas de crier au scandale devant cette pu- sillanimilé et de répéter le mot du Maitre aux pêcheurs tremblants : « Hommes de peu de foi, pourquoi avez- vous des doutes (1)? » | Et maintenant, Messieurs, que j'ai payé ma dette à cette règle de votré Société, qui impose à tout récipien- daire, même aux dépens de son prédécesseur, même à ses propres dépens, de faire sa preuve académique en même temps que son entrée, permeltez-moi de vous re- mercier, et avec vous, ceux à qui je crois devoir surtout altribuer la faveur de mon élection. L'enseignement, à tous ses degrés et dans toutes ses branches, compte, à Arras, d'intelligents et zélés profes- seurs ; il vous apparterait de rendre, une fois de plus, justice à leur dévouement et de récompenser leurs ser- vices. Déjà le personnel laïque de cet enseignement compte avec salisfaction plus d'une de ses illustrations dans vos rangs ; l'équité vous a paru réclamer qu'un pro- fesseur ecclésiastique vint s’y asseoir à son tour : c'est un de ces actes d'intelligence et de générosité dont vous êles coutumiers, puisque, de l’aveu de tous, les préju- gés n'ont pas accès duns votre cénacle. (1) Voir M. Léon Gautier, La Science. _— 263 — Vous ne trouverez pas mauvais encore que dans les motifs de votre largesse, je fasse la part de mes confrères et de mes élèves. Le Petit Séminaire qui, depuis vingt ans, à produit, sans s’appauvrir, deux évêques, plusieurs vicaires-généraux, de doctes théologiens, des prédica- teurs de renom, des écrivains de race, un certain nom- bre de chefs d'institution et de professeurs remarquables, — je ne parle que des ecclésiastiques, — ne pouvait manquer d'attirer votre clairvoyante attention: puisque je lui suis redevable, en partie, de vos suffrages, je les lui renvoie d'un cœur reconnaissant, ou plutôt je les offre, comme mon hommage filial, à l'évêque aimable et aimé, mon premier supérieur, qui daigne aujourd'hui, — en compagnie des chefs éminents de l’administration et de l'armée, — s'associer à cette brillante fête. Et ces élèves, représentés ici par leurs aînés, si je n'ose dire avec Cornélie que ce sont nos joyaux, il m'est au moins permis de les considérer comme notre meil- leur ouvrage. A voir le bonheur avec lequel ils ont ac- cueilli la distinction dont vous avez honoré un de leurs maitres, chacun de nous a compris, une fois de plus, la bonté de leur cœur et la place importante que les choses de l’esprit Liennent dans leur estime. Cette réunion aca- démique, où il est donné à quelques-uns d’entre eux de voir ceux qu’ils regardent, à bon droit, comme l'élite in- tellectuelle de notre ville, leur permettra également de recueillir de votre bouche des lecons de haute valeur et d’une incontestable utilité. Puissent-ils en tirer profit pour le bien de l'Eglise d'Arras, le développement des bonnes études dans notre maison et peut-être l’honneut futur de l’Académie | DISCOURS de M. WICQUOT, Membre résidant, en réponse au Discours précédent. MoNSIEUR, Il ne m'était jamais venu à l'esprit que l’honneur de vous répondre dans cette Séance publique dût m'être ré- servé. J'espère n être pas suspect d'artifice oratoire en ajoutant que j'ai trouvé je ne sais quoi de piquant et d'agréable à ces caprices de l'imprévu qui ont voulu que le vieil universitaire, professeur de philosophie, souhai- tât aujourd'hui la bienvenue à l’éloquent professeur d'histoire du Petit-Séminaire d’Arras. Depuis longtemps, l’Académie était désireuse de vous compter parmi ses Membres, el vous n'êtes assurément pas, Monsieur, dans la situation de ces personnages des poèmes homériques, que l’on commençait par introduire au foyer domestique et à qui l'on offrait tout d'abord . l'eau pure des libalions et la coupe d'or pleine d’un vin généreux, avant de songer à s'enquérir à. quel hôte on avait affaire. : — 265 Non, les rôles sont jei nettement définis. _ Vous nous remerciez avec une parfaite courtoisie de notre tardive et cordiale hospitalité ; de notre côté, nous avons été heureux de vous l’offrir, bien persuadés, n'en déplaise à votre modestie, qu'il nous eût été difficile de trouver, autour de nous, quelqu'un qui fût plus digne de succéder à notre vénéré collègue, M. Laroche. Qui, mieux que vous, aurait relracé l’émouvant tableau de sa longue et honorable vie qui fut, avant tout, celle d'un grand chrétien? Qui, mieux qu'un prêtre, initié à tous les secrets et à toutes les rigueurs de la loi divine du renoncement et du sacrifice, aurait compris et mis en relief le noble carac- tère de ce magistrat qui, à 12 fleur de l’âge, au début d'une carrière brillante et pleine de promesses, la brisa volontairement, avec une résignation toute chevaleres- que, pour demeurer fidèle à son serment jusqu’à la tombe ; de ce père vraiment héroïque qui, à maintes re- prises, malgré les angoisses et les déchirements de son cœur, offrit à l'Eglise et au Cloître ses enfants bien-aimés et put certainement se dire en fermant les yeux, comme Consolalion suprême et comme espérance, qu'il avait lout donné à son Roi et à Dieu ? M. Laroche lui-même, que vous nous avez montré à Tournai, puis à Arras et'à Duisans, l’ami constant et dé- Voué de Lous les deshérilés de ce monde, en admettant quil eût pu connaitre son successeur, ne se füt-il pas réjoui à la pensée que son fauteuil académique serait oc- Cupé par un émule, dévoré du même zéle que lui, qui, chaque semaine, discrètement et à la tombée de la nuit, Sait S'arracher aux-douceurs de son cabinet de travail el — 266 — s’en va, dans des conférences familières, prodiguer, tan- tôt aux apprentis, tantôt aux ouvriers de notre ville, les trésors de sa science et de sa charité ? Si, n’insistant pas sur les qualités du cœur, qui vous sont communes, et me rappelant ce mot charmant de Voltaire : « Rien n’est plus aimable qu'un homme ver- tueux qui a de l'esprit, » je voulais signaler encore les affinités qui existent entre vous et M. Laroche, comme écrivains ; avec quelle facilité je démontrerais publique- ment, à votre grande confusion, qu'il vous était bien su- perflu de juslifier votre candidature, quand nous avions tant de raisons qui légitimaient notre choix! Mais, à votre tour, vous me reptocheriez, Monsieur, je le soupçonne. de prolonger ce parallèle, de ne point aborder assez vite le terrain historique et de trop oublier Clio, votre muse favorite, qu’en débutant vous avez in- voquée. | Je m'empresse donc de déclarer qu’elle a des droits incontestables à votre culte affectueux. Depuis quinze ans, en effet, elle n’a cessé de guider votre plume et de fournir à votre esprit ses plus fécondes inspiralions. Aussi, vos œuvres sont-elles déjà nombreuses et variées et semblent-elles toucher aux points les plus divers du vaste domaine de l’histoire. Ici, c’est le récit du pélerinage douloureux et volon- taire, à travers le monde, d’un pieux et pauvre paysan de l’Artois, que la cour de Rome, au milieu de cérémo- nies et de fêtes magnifiques, dont vous avez voulu voir et décrire vous-même toules les splendeurs, a récem- ment canonisé. Ai-je besoin de rappeler le mérite et-le charme du nar- rateur ! — 967 — Le prompt succès de vos dix mille éxemplaires, épui- sés à leur apparition, me dispense de toute louange et vaut, certes, beaucoup mieux. | Quelques jours après, c'est encore la vie d’un autre enfant de l’Artois, devenu Evêque d'Arras, que vous àvez écrite sous l’empire d’une profonde douleur et d’une piété toute filiale. Avec quelle saisissante vérilé vous nous avez dépeint celte belle âme, où rayonnait surtout du plus doux éclat une exquise et souveraine bonté! En quels termes touchants et d'une pénétrante tris- tesse, vous avez parlé de sa mort si calme et si sereine, de ses funérailles imposantes qui eurent toute la pompe d'un deuil publie, avec tou!es les tristesses d’un deuil de famille ! Cel éloquent hommage rendu par vous à la mémoire . de celui que le diocèse appelait son père, que tout Arras aimait et vénérait, que l’Académie était fière d’avoir comme Président d'honneur, esi empreint d’une émotion vraie et communicative qui en décèle la source: il est sorti tout entier de votre cœur. Cependant, la composilion de ces deux biographies, le séjour enchanteur de Rome ne purent, un instant, vous distraire de votre tâche de prédilection. C'était pour vous bien moins une trève qu’un aliment à votre infatigable ardeur ; car vous êtes, Monsieur, comme vous l'avez dit de Mgr Meignan, dont vous avez analysé scrupuleuse- ment, en philosophe et en théologien, tous les savants ouvrages, un de ceux qui, sachant multiplier les heures, se reposent d'une étude par une autre étude, et vous Continuiez sans cesse et sans relâche l'Histoire du diocèse d'Arras. | — 968 — Qui se douterait, qu'à côté de ce livre si grave et si sévère, à fleuri, si j ose parler ainsi, une touchante et poétique légende qui en fut peut-être l'inspiratrice ? Les sceptiques de nos jours répudient trop volontiers la légende qui, j en conviens. est un peu fille de la poé- sie. [ls la frappent de discrédit et ne songent pas, aprés avoir, sans pilié, brisé le vase, à recueillir la précieuse liqueur qu'il contenait. | Or donc, il y a quarante ans, un petit enfant élaitélevé par une vénérable aïeule, morte centenaire, en 1869, dans un ancienne ferme, dont les caves discrètes avaient. souvent servi d'asile aux prêtres proscrits pendant la Terreur et où l’on disait nuitamment la messe des per- sécutés. Près du fauteuil de cetle bonne grand’mère, l'oreille attentive et le cœur ému, il l'avait entendue maintes fois répéter la narration des tristes événements de cette époque. | Plus tard, cet enfant devint prêtre. Toujours épris d’un goût très vif pour l'histoire, il entreprit de fréquents voyages, se mit à fouiller avec patience dans les Archives nationales de Paris, dans les dépôts du Pas-de Calais, du Nord, de la Somme, de la Belgique, de l’Allemagne et de l'Angleterre, se livra aux recherches les plus oné- reuses, ne recula devant aucun obstacle et fit paraitre, enfin, l'Histoire du diocèse d'Arras, de Boulogne et de Si- Omer pendant la Révolution, où se retrouvent, de son aveu même, plusieurs de ses poignants et vivaces sou- venirs d'enfance. | Les critiques les plus compétents et les plus fins de l’Académie d'Arras et de la presse saluèrent aussitôt celte publication de leurs éloges unanimes. | — 969 — Ils sont encore si présents à la mémoire de tous et si flatteurs pour vous, Monsieur, qu'il serait doublement maladroit de ma part de les rappeler ici, en présence de ceux mêmes qui les ont décernés el de celui qui les a reçus. Rien de plus naturel, assurément, Monsieur, que vous ayez mis, avant tout, au service de l’Église la fleur et la force de votre talent. Cela ne pouvait vous suffire et vous avez compris qu'il serait équitable d'en consacrer une partie à l’histoire de la France. Charlemagne, qui, après dix siècles écoulés, fascine et séduit encore les poëtes et les historiens contemporains, s'est aussi présenté à vous. Redoulant, sans doute, de regarder cetle colossale fi- gure sous toutes ses faces, vous vous êtes contenté mo-. destement de l’envisager comme prince chrétien, puis- sant protecteur de l'Eglise. Nous avons vu de rechef et non pas sans cn Char- lemagne, enfant, ue par sa mère à la science religieuse et préparé ainsi à sa providentielle mission ; puis, guer- rier redoutable, écraser les Lombards, délivrer Rome et consolider la puissance temporelle des Papes. Quelques années après, il vole en Saxe, venge ses missionnaires traitreusement massacrés, comprime trente révoltes et parvient enfin à implanter dans ces contrées barbares la civilisation avec la foi chrétienne. Mais ce n’est pas seu- lement au loin que s’exerce celte sainte et féconde in- fluence : à l'intérieur du royaume, les conciles délibé- rent en paix, les monastères sont fervents et laborieux, les écoles s'élèvent de toutes parts florissantes, les nobles respectent la justice, le peuple heureux bénit la religion; aussi, la nation consternée pleure-l-elle la mort du pieux — 270 — Charlemagne, comme quatre eos RES tard on plau- rera celle de saint Louis. Décrire, comme vous l’avez fait, celte brillante épe- que, c'élait, d'avance, être assuré de captiver vos lec- teurs et de flatter noblement un des côtés de notre amour-propre national. eu Mais vous n'avez pas oublié que notre pays aimait: aussi l'odeur de la poudre et que le fracas des batailles a toujours été cher aux descendants de Brennus. Vous avez écrit alors l'Histoire de la défense nationale en France, depuis l'invasion romaine jusqu'au traité de Francfort. Dans un important volume, rempli tout à la fois, chose rare, d'érudition et de verve, vous avez fait reparaître sous nos yeux ces hordes de barbares, les Huns, les Ara- bes, les Normands, puis les Anglais, les Russes, les Alle- mands qui, pendant quatorze siècles et à diverses inter- valles, se ruérent sur la Gaule, devenue la France, comme sur une proie, el d'autre part, la Frante tont entière se ralliant, frémissante, autour du commun dra- peau, soit qu’il porlât dans ses plis le mot: Royauté, Em- pire ou République, pour tenter de repousser par d’ éner- giques efforts l’envahisseur de la patrie. Aussi, est-ce avec amour, ce sont vos propres expres- sions, que vous avez toujours salué les noms de tous les héros qui s'immortalisèrent dans ces guerres de l’indé- . pendance. Quelques-unes de vos appréciations sur les causes de nos malheurs et sur les remèdes à y apporter trouveront .peut être des contradicteurs, mais nul ne méconnaitra qu’un souffle généreux ciroule constamment dans ces pages sanglantes, mais glorieuses de notre histoire. — 971 — Le souvenir de nos récents désastres attriste encore votre âme, sans la décourager, et le dernier mot qui s’en échappe est un mot de patriotique espérance. Bientôt, vous le croyez fermement, bientôt l'heure de la France, que Shakespeare lui-même appelle le soldat de Dieu, pourra sonner encore. Il serait impossible, en lisant vos ouvrages, dont je n'ai pu donner qu'une pâle analyse, de ne pas voir im- médiatement qu'aucune des règles de cet art, que vous maniez si bien, ne vous est étrangère. Vous avez bien voulu les rappeler dans leur ensemble avec la plus grande clarté et nous redire, sans voile au- cun, tous les. secreis de la méthode. On ne saurait vrai- ment trop vous en remercier. Pour mon compte, je me suis complu à écouter la voix du maître; il a surtout parlé des trésors de nos archives et de nos bibliothèques, si dédaignés par les profanes, avec la déférence, la cha- leur ei l'onction d'un gourmet délicat qui sait le l'E des choses qu il savoure chaque jour. Tous les archivistes de France auraient certainement, tressailli d'aise, s'il leur avait été donné de vous en- tendre. . | _.. Pourtant, Monsieur, veuillez me le pardonner, c'est précisément sur ce point que je crois devoir formuler quelques réserves. Je reconnais que vous avez mille fois raison d'accorder aux documents et aux lextes une plus large part. Mais ne croyez-vous pas qu'il y aurait un réel. danger à la leur donner tout entière et à ne plus per- mettre à la philosophie d'intervenir un peu à son taur? Car, enfin, sous tous les texles se cache une idée : derrière tous.les faits il y a un homme. Comment les at- — 272 — teindre et les saisir si l'historien n’est, en même temps, phsychologue et moraliste, et à ce titre, capable de faire jaillir de ces parchemins mystérieux et muets la lumière et la vie ? Et je n'entends pas par là, je désire le bien préciser, qu’on veuille exiger de lui une philosophie de l’histoire, recherchant les causes, déduisant les conséquences et posant finalement les lois des sociétés humaines. Non, je m'en tiens strictement aux sources mêmes et aux règles fondamentales de la critique historique. Je le suppose en possession de tous les matériaux possibles, recueillis avec le plus grard soin, triés, contrôlés, dis- cutés avec la plus sévère méthode, en un mot, marqués au coin d'une indiscutable authenticité. | Il a sous les yeux ou à sa portée: armes, ustensiles, meubles, vêtements, ornements de toute espèce, figures peintes ou sculptées, édifices conservés ou en ruines, monnaies, médailles, inscriptions, charles, diplômes, correspondances officielles, instructions secrètes, jour- naux du lemps..., je crois n'avoir rien oublié. Qu'en fera-t-il ? Comment s'orienter dans celte forêt de notions partiéulières, particulariuin sylva, comme dit le philosophe Bacon? Quelle œuvre vraiment digne du nom d'histoire produira-t-il, sans demander alors à la philo-. sophie, ce juge impartial et sagace, d'évoquer devant son tribunal tous les personnages qui doivent entrer en scène et d'arracher à leur âme ses plus impénétrables secrets ? Nul'ement dédaisneuse des réalités sensibles et des actes visibles, la philosophie poursuivra, au profit même de l'historien, la pensée initiale, mettra à nu le jeu des passions, découvrira les plus fugitifs mobiles de la vo- _ — 2173 — lonté, écoutera les plus légers tressaillements de la conscience et fera ainsi revivre une époque disparue, se ranimer el palpiter tout un monde évanoui. Je ne crois vraiment pas que la revendication soit trop présomptueuse ; puisque je me borne simplement à sou-- baiter que l’histoire et la philosophie, loin de se fuir et de s’isoler, contractent entre elles une union de plus en plus étroite. Toutes deux, en effet, n'ont-elles pas la haute et sainte mission de mettre l’homme en face de la vérité, pour la lui faire aimer et respecter ? Cette assertion perdrait, sans nul doute, de sa force à me rester personnelle. Aussi, permettez-moi de l'appuyer du témoignage décisif d’un disciple préféré "de Michelet, auteur d'un chef-d'œuvre, sa magistrale /Jisloire romaine, et choisi par l’Académie française, il y a quelques mois à peine, comme l'héritier légitime du populaire et libéral historien Mignet. M. Victor Daruy, vous l’avez tous reconnu, à la fin d’un de ses cours à l’Ecole Polytechnique, tenant à aflir- mer le mutuel concours que se prêtent l’histoire et la philosophie, en recucillant à l'en vi, dans les âges écoulés, des leçons profitables à l’âge présent, parlait ainsi à son auditoire d'élite : « L'histoire est le trésor de l'expérience uuiverselle, car dans le présent, ce qu’il y a de plus, c’est loujours du passé, et du passé le plus lointain. Chacun de nous porte en soi l'humanité tout entière. Ecoutez-bien, et vous entendrez au fond de votre âme, dans vos opinions et dans vos croyances, le sourd retentissement des siè- cles. Ce n’est pas tout ; l'histoire complète et étend ces principes primitifs de la morale individuelle gravés en 18 — 274 — nous, qu'ultérieurement la raison dégage, et enfin, de concert avec la philosophie, elle enseigne à tous l’aus- tère doctrine du devoir. » Sous la double et salutaire tutelle de l’histoire et de la “philosophie, qui n'ont qu’un but unique, le progrès mo- ral, cherchons donc sans cesse la lumière, cherchons le jour. Mais ne croyons pas qu'on ne le voie que du côté où se lèvera l'aurore de demain! On raconte qu'à la mort d’un roi de Perse, les candi- dats au trône. loin de se déchirer entre eux, selon l'usage, s'entendirent pour réserver la couronne à celui qui, le premier, verrait le soleil, le grand dieu du pays. sortir de l'aube matinale. Tous tendirent leurs regards à lorient; un seul se tourna en arrière et, avant tous les autres, il aperçut le premier rayon qui, passant par- dessus les brumes épaisses de l’horizon oriental, frappait au zénith et rejaillissait à l'occident. Faisons comme lui, et pour mieux voir en avant, re- . gardons en arrière. III Leotures faites dans les Séances hebdomadaires. ARRAS ET SA BANLIEUE VUS A VOL D'OISEAU . AU XVII* SIÈCLE PAR M. C. LE GENTIL Membre résidant, Là Atrebatum que potens, urbs antiquissima ; plena Divitiis, inhians lucris et fanore gaudens, : Auxilium Comiti tanto studiosius addit, Quod caput ef princeps Flandrensis et unica regni Sedes existat, (Willhelmi Armorici Philippidos). Depuis trois ans, l’Académie a inscrit au nombre des sujets des Concours pour la section d'Histoire etd’Archéo- logie : « La description d'Arras, vu à vol d'oiseau, à une époque au choix des concurrents. » J'ai contribué au choix de ce sujet, à sa conservation au programme et j'en ferais presque mon med culpa; car nul ne l'a traité. | Pourquoi ? Trop de préoccupation du plus beau chapitre, peut- être, du plus admirable roman du siècle, Paris vu à vol d'oiseau, dans Nütre-Dame de Paris, aurait-il fait croire — 278 — qu'entreprendre un travail analogue serait se vouer au ridicule ? | Ou bien se serait-on dédaigneusement figuré que le panorama d'Arras n'avait jamais valu le moindre coup- d'œil ? Autant il y aurait eu d'exagéralion dans la crainte, au- tant le dédain se trouverait immérité. | Sans doute, il faut respecter les génies et les maitres, conserver vis-à-vis d'eux les distances et ne point avoir la prétention soltement téméraire d’escalader les som- mets qu ils dominent... Mais il faut aussi se persuader qu'ils n'ont ni frayé la voie pour qu’on la déserte, ui fait la lumière pour que l'on s’en détourne. Que seraient devenus et que deviendraient les arts et les lettres, si prosatenrs, poètes, historiens, statuaires, peintfes, architectes, musiciens, s'étaient condamnés el se condamnaient à i’inaction, par déférence pour le talent de leurs devanciers! Indulgente en raison même de sa force, la Science se plaît à répéter les belles paroles : Sinite parvulos venire ad me et à tendre à l'obole du pauvre la main qui reçoit le sicle du riche. Quarit à notre vieil Arras, urbs antiquissima, succes- sivement appelé Vemotocenna (1), Nemetacum (2), Origia- cum ou Metacum (3), Atrebatum (4), qui, pour ne point probablement devoir sa fondation à Hercule, ainsi que (1) Hirtius Pansa, Commentaires de César, liv. vi, de bella Gallico. (2) Itinéraire d’Antonin ; Table de Peutinger. (3) Ptolémée. | (4) Auteurs du IT: siècle. sise — 279 — l’a soutenu Villanovanus, « homme savant, » s’il en fut, au dire de Bauduin (1), n’en a pas moins élé capitale de l’Atrébatie avant Jules César, et de toutes les Flandres, au temps de ses Comtes. .… Cuput et princeps Flandrensis ct unica regni Sedes. capitale dont la perle rendit les Flamands'si inconsola- bles, que pendant longtemps son nom resta leur cri de guerre, afin de les exciter à la reconquérir : François crient Montjoye et Normans Dexvie, Flamens crient Arras et Angevins Valie. Quant à notre vieil Arras, disons-nous, quoique depuis Louis XI surtout, il ait déchu de son ancienne grandeur, jamais il n’est, principalement avant 89, tombé au niveau des villes vulgaires et insignifiantes. Les souvenirs conservés de son antiquilé, ses monu- ments, ses places, sa topographie valaient assurément une étude; et sans déroger, on pouvait la tenter. Et c’est ainsi que l’Académie en avait jugé en propo- sant ce sujet au concours. Cela étant, je vais essayer de combler la lacune en ré- pondant à l'appel du programme. On sera d'autant moins sévère, j'en ai la confiance, qu’il s'agira, non de viser à une couronne académique, mais d'une simple lecture, intra privatas parieles. (1) Chronique d’Arthois.—Thèse reprise par Béhin.— Mémoires de la Société royale d'Arras, t. 1e, Pour ce faire, je me reporterai au 1° novembre de l'an de grâce 1685. Ce choix du jour de la Toussaint a sa rai- son d’être, on le verra plus tard. Conquis en 1640 par Richelieu, sauvé en 1654 par Turenne, Arras est et reste définitivement français. Les souvenirs de la domination espagnole ont disparu. Louis XIV a fait oublier Louis XI, que l’on se garde d’ap- peler encore « le Rov bossu » et plus n’est besoin d’im- primer la fleur de lys sur la joue qe bourgeois, tous l'ont gravée dans le cœur. Muni de l'autorisation de « Monsieur l’Eschevin sep- mainier, » car ne franchit pas qui veut les 330 marches de la tour échevinale, j'arrive d'abord à la loge des Argus de jour et de nuit, auxquels est confiée la « cloche à l’ef- froy. » Là, vérification faite du laissez-rasser par les suc- cesseurs de ceux qui L'an mil cincq cent cinquante quatre, Par un second jour de juillet, Firent en ce lieu le premier guet (1); licence m'est octroyée d’entrer dans la galerie extérieure régnant autour de ce réduit. (4) Inscription de la loge du guet, maintenant au musée — 281 — La première impression qu’à cette altitude éprouve quiconque ne se tronvant ni charpentier, ni maçon de son slil, n’est point professionnellement habitué à une sorte de suspension entre ciel et terre, est l'éblouisse- ment, sui generis, nommé vertige des hauts lieux, qui, semblant attirer vers le vide, imprime un mouvement instinctif de recul, brouille et confond tout, au point d'empêcher de rien distinguer. Cette impression s’effaçant, et la perception commen- çant à revenir, mon regard ne rencontre, pour ainsi dire, * qu’uneforêtdeclochers, tours, flèches, aiguilles, tourelles, clochetons, pinacles, contreforts, lanternes, bretèques, poivrières, échaugueltes, pignons aigus, dentelés, échan- crés, épis et girouettes, justifiant parfaitement la qualifi- cation de « ville aux clochers » donnée à Arras par lous les voyageurs d’alors et juslifiée elle-même par les cin- quante trois églises ou chapelles qu'il renferme. Sanctuaires aux clochers desquels s’ajoule un nombre au moins don- ble de tours murales (1), tourelles féodales et colombiers mitrés de leurs Lloits coniques et élancés. (1) Du « plan des Ville et Cité d'Arras telles qu’elles étoient avant les fortifications et la suppression des portes Triperesse, de Bronne, Aigerue et St-Nicolas, » déposé aux archives municipales de la ville, il résulte : 1v Que pour Arras Viile, il y avait au mur d'enceinte, quarante tours, savoir : trois de la porte St-Nicolas à la porte Ronville, huit de la porte Ronville à la porte d'Hagerue, quatre de la porte d'Ha- gerue à la porte de Cité, quatre de la porte de Cité à la porte Méau- lens, cinq de la porte Méaulens à la porte St-Michel, six de la porte St-Michel à la porte St-Nicolas. 2° Que pour Arras Cité, il y avait au mur d'enceinte, 8 tours, sa- voir : de la porte Maïitre-Adam à la porte Baudimont. une; de la — 282 — Ce qui me frappe ensuite est, que conformément au dicton populaire: Eh ! bay, bay par la vau, Çont chez clocquez d’Arrau ; Bay un peu pu d’côté Ç'ont c’est clocquez d’Chité (1). _ Arras se compose de deux localités complétement dis- tinctes (?). porte Baudimont à la porte d'Amiens, trois ; de la porte d'Amiens à Ja porte de Bronnes, deux ; de la porte de Bronnes au Claquedent : inclusivement, deux. Ce qui fournit un total de quarante-huit tours défensives des cour- tines. Tours auxquelles il faut ajouter les tours défensives des portes, Savoir : 10 Pour Arras Ville, porte St-Nicolas, quatre; porte Ronville, huit; porte de Cité, une ; porte Méaulens, deux ; porte St-Michel, deux au moins. 2° Pour Àrras Cité, porte de Bronnes, deux; porte Baudimont, quatre (Voir le plan d'Arras de 1590); porte Maître-Adam, une; porte Triperesse, deux. | Ce qui forme un total de vingt-six tours, lesquelles ajoutées aux quarante-huit tours des courtines, donnent un total général de _soixante-quatorze tours. Chiffre qui devrait même être porté à soixante-dix-neuf, si l’on suivait les indications du plan de Gnichardin, ajoutant : 4o pour Ar- ras Ville, une tour de plus entre les portes St-Nicolas et Ronville ; une entre la porte d’Hagerue et la porte de Cité ; deux entre la porte de Cité etla porte Méaulens. 2° Pour Arras Cité, une tour de plus entre la porte d'Amiens et la porte Baudimont, (1) Manuscrit du Père Ignace. (2) Anciens plans des archives départementales ; de 1590, publié par l’Académie d'Arras ; de Guichardin ; relief d'Arras aux Invalides; portrait des Ville et Cité d'Arras en 1597, etc., etc. — 983 — 4rras Cité, domaine de l'Eglise et de l’Evêque sous la suzerainelé du Roi de France. . Arras Ville, domaine de Saint-Vaast et des Comtes de Flandres, puis des Comtes d'Artois. Quoique moins éloignées l’une de l’autre qu’au temps où la Ville s’arrêtait aux rues des Gauguiers, des Agaches et des Teinturiers et où la terrée de Cité n’était point bà- tie, ces deux localités se trouvent encore séparées par une bande de terrain très appréciable que forme l’un des fossés de leurs défenses respectives, fossé au fond du- quel court la branche du Crinchon, fluviuli crientionis, dite Burien, Borriana, que commande la grosse tour Bar- bacane ou du Claquedent. Moins étendue que la Ville dont elle est de beaucoup l’ainée, Ja Cité affecte une forme pentagonale. La Ville offre, elle, la figure, soit d’un carré aux angles abattus, soit d’une sorte de cercle ; d’où la dénomination de Ro- tunda villa, suivant certain étymologisle. _ Arras Cité a pour ceinture ur mur d'enceinte crénelé, bastionné, muni de quelques tours, mais éventré du côté de la Ville, depuis la surprise de 1492. Il est percé par les portes d'Amiens et Baudimont, pri- mitivement Bauduinmont, Balduini montis, -_ Voloirs et pitié me semont Ka Robert de Bauduinmont Prenge congié ains kils m’anuite (1). du nom du redouté comte Bauduin Bras-de-Fer, le terri- ble batailleur qui, perpétuellement en guerre, couchait (1) Congié de Baude Fastoul. — 984 — toujours cuirassé et armé, semper loricatus et armatus, près de son grand destrier. On y voit de plus les an- ciennes portes Maître-Adam, maintenant bouchée; Tri- peresse, à demi ruinée, vu son inutilité, la portion d’en- ceinte faisant face à la Ville ayant été abatlue; et la porte appelée indifféremment de Bronnes — de l'expression celtique Bronn — en raison de sa proximité des hautes fontaines, ou de la Vigne, à cause du voisinage d’un vi- gnoble suburbain. Porte par laquelle lu tradition veut que _soit entré saint Noeel prenant possession de sa ville épis- copale Creditur 1lla fuisse dedit cui Vinea nomen (1). el signalant sa mission divine en guérissant, in ipsd porté, un aveugle et un boîteux qui, dit Alcuin, le glori- fièrent avec enthousiasme : « /ic luminis claritate ditatus, ille pedum velocilate lætatus. » Sauf celles de Maitre-Adam, qui s'ouvrait sous un don- jon, et d'Amiens, de construction récente, ces portes étaient flanquées de tours cylindriques, suivant la mé- thode du moyen-âge. Arras Ville se trouve protégé par une haute courtine littéralement festonnée de tours généralement rondes. Cette fortification, due aux travaux successifs, peut-être de Robert de Jérusalein, et assurément de Philippe d’Al- sace, Philippe-le-Bel, Philipne de Valois et Louis XI, est “elle-même défendue par les portes forteresses Saint- Nicolas (?), actuellement murée, Ronville (3), Méaulens, (1) Meyer, Ursus. (2j Le Gentil, la porte St-Nicolas, Statistique monumentale du Pas-de-Calais. | (3) Le Gentil, la porte Ronville. — 985 — dont, en 1597, faillit s'emparer Henri IV ; comptant, Îa première, quatre tours: la deuxième, vraie bastille, huit; la troisième, deux ; par le bastion St-Michel, substitué à l’ancienne porte du même nom (1), par la porte de Cité, — pratiquée sous un énorme arrondissement, — sur la- quelle, en 1477, les bourgeois mirent la malemcontreuse inscription : Quand les rats mingeront les cats Le Roi sera seigneur d'Arras ; | : Quand la mer, qui est grande et lée, Sera à la Saint Jean gelée, On verra par dessus la glace Sortir ceux d’Arras de leur place (2). que Louis XI leur fit chèrement payer; sans parler de la _porte Hagerue, jadis livrée par Grisart et maintenant condamnée ; de la porte Puignel, dont il ne reste plus trace et par laquelle on arrivait, soit à la pierre, soit à l’orme, situés « inter Molindinum de Puniel et Omundi pratum (3), » où devaient, — ce que rappela saint Louis à Vincennes, — siéger « in medid villd etnon alibi » les juges du faubourg de la Vigne. | | Toutes ces tours, surmontées de toits aigus et girouettés, hérissent formidablement ce système défensif et lui pré- tent le plus imposant caractère. Ville et Cité ont ae choses communes. (1) Le Gentil, la porte St-Michel. (2) L'Hermite de Soliers, Cabinet de Louis XI. :— C'est sur cette porte que fut ultérieurement élevé le miraculeux Calvaire d’Arras.— Proyart, le Calvaire d'Arras. — Le Gentil, Documents inédits sur le Calvaire d'Arras. (3) Cartulaire de Guimann. —_ 986 — D'abord la grande artère diamétrale qui, empruntant en partie le trajet de l’ancienne voie romaine, Strata, part de la porte Ronville pour aboutir, presqu'en ligne droite, à la porte Baudimont, après avoir passé sous la porle de Cité et enjambé le fossé Burien. Puis cette particularité que, de même que toute la Cité semble accroupie au pied de sa majestueuse cathédrale, toute la Ville est dominée par l'immense église Abbatiale de Saint-Vaast ; de sorte que la Croix plane sur ces deux localités, de mème qu’autrefois sur le chaos soufflait l’es- prit de Dieu, Spiritus Der ferebatur super aquas ! Cette autre particularité, qu’autant l’enclos du grand Cloître, fermé par quatre portes, constitue, au milieu de la Gité, la cité particulière de l'Evêque et du Chapitre, au- tant l’enclos de Saint-Vaast, crée au centre de la Ville, la ville de l'Abbaye, mère et noyau de tout ce qui rayonne alentour. | | Enfin leurs vestiges antiques : gallo-romains, s’accu- sant en Cité par la surélévation des terrains qui longent les rues d'Amiens et de la Paix, bâlies dans le fossé de l'ancien Oppidum ; romains, non moins sensibles en Ville par suile de la surélévation de l'emplacement du Castrum de Valentinien, parfaitement conservé dans les enclos de la Cour le Comte, de l'Abbaye, de la Prison Châtelaine et du couvent des Récollets. ° Et maintenant que ce coup-d’œil général et comparatif a fait reconnaître les lieux, il va devenir plus facile de les détailler. II Je commence par la Ville. Comme topographie, on remarque que quatre rues principales la sillonnent, deux allant de lorient à l'occi- dent, dénommées, l’une St-Jean-en-Ronville, Ernestale, St-Aubert, St-Jean en-Lestrée, l’autre des Trois- Visages, de l'Abbaye, Méaulens ; deux courant du midi au septentrion, appelées, la première Héronval, de la Pomme -d Or, St- Géry, du Miroir de Venise et aux Ours, après avoir franchi la Halle Echevinale ; la seconde des Gauguiers, des Aga- ches, des Teinturiers. Topographiquement encore, on remarque, en regard de la façade principale de la Halle Echevinale, une vaste place rectangulaire, reliée à une autre place de forme si- milaire, mais immense, forum spaliosum et eximiè pul- chrum, par la large rue de la Taillerie (1). Ces constatalions faites, j'examine les monuments pu- blics ou privés émergeant le plus du fouillis de cons- - tructions au-dessus desquelles, sauf la flèche de St-Vaast, émine mon observatoire, et débute par les places, trop extraordinaires pour que l'œil s’en détache sans les avoir analysées. Comme la rue qui leur sert de trait-d’union, elles sont (1) Le Gentil, Notice sur les Petite et Grand’Places d'Arras. — 288 — bordées de hautes maisons offrant toutes, à la partie su- périeure, des pignons aigus, à vive arêle, à gradins ou découpés ; à la partie inférieure, des arcatures formant une galerie non interrompue et permettant de faire à couvert le tour de l’ensemble, de même que si l’on se promenait dans un cloître. Ces pignons sont en bois ou en maçonnerie (1). Geux en bois, avec étage en surplomb, que soutien- nent des poutrelles ouvrées, sont supportés par des po- teäux de chêne. Ceux en maçonnerie reposent sur des arcades de grès en plein-cintre ou en anse de panier qui retombent sur des colonnes monolithes, également en grès. | Leur plus ancien et plus important spécimen est sis presqu'à l’un des angles de la plus vaste de ces places, l'édifice ogivique, à fenêtres d'église, à deux pignons den- telés, entre lesquels se hisse une tourelle crénelée et dont les lourdes colonnes se couronnent de chapiteaux romans ; près de lui, allégeant sa masse, s’élance hardi- ment une svelte tourelle. A l'angle correspondant, où jadis se dressaient mena- çantes, les tours du grand Chastel de Louis XI (2), se voient : le couvent et la chapelle des Carmes déchaussés ; en face et dans la place, le vieil Arbre de Beaumelz, siège de la première des baronnies de St-Vaast; .un peu plus loin, la bizarre Cage de Grès où, suivant la tradition popu- laire, on grillait les sorcières, ce pourquoi, les enfants continuent à l1 charger de projectiles et de malédictions; (1) Voir le tableau de M. Colin, daté de 1666. (2, Le Gentil, le Vieil Arras. — 289 — à proximité, sorte de Palladium arrageoïis, .la fameuse pierre Polléne, fichée dès le début du XIe siécle, au lieu où s’opéra l'heureuse délivrancé de la comtesse Ogine, dont cette pierre représentait grossièrement le buste. Dans l’autre place, à laquelle les nombreux et multi- colores étalages des marchands donnent l'aspect d’un caravansérail, s'élèvent : | La sombre M&ison Rouge, bâtisse de briques et d’archi- tecture milita’re, flanquée de deux tours montant de fond et de deux tourelles en encorbellement, coiffées toutes quatre de loits coniques (1);. proche de l’un de ses hauts pignons, toujours prêt-à pendre son homme, allonge le bras, le gibet manchot de la Gouvernance. Gardienne du miraculeusement incombustible cierge Cereus est Atrebas, quo non illustrior alter Ardet, el absumi non tamen igne potest et de ses deux précieuses custôdes, dues, l’une à la comtesse Mahaut, l’autre à Sackespée, l’incomparable Pyramide de la Ste-Chandelle, « anno dominicæ incarna- tionis MCC erecta (2), » avec ses multiples étages en re- trait, peuplés de tout un monde de statues, sa flèche ajourée et à crossettes surmontée d'un ange buccinateur, placé là comme pour publier, en même temps que la sainteté du lieu, les beautés de cette merveille de pierre, l’un des plus élégants morceaux que l'art gothique ait (1) Tableau de M. Colin, 1666. (2) Inscription en lettres onciales au-dessus de la porte d'entrée de la Pyramide. 19 — 290 — jamais produit (1); pyramide rendue peut-être plus aé- rienne encore par le dôme classique et assez lourd de la chapelle qui s’y relie. | Et du haut de son escalier hexagonal, la monumen- tale Croix de Grès de Messieurs de St-Vaast qui montre son collier de fer à usage de carcan. Entre la Maison Rouge et la chapelle de la Ste-Chandelle rampent, verdies, déjetées, moussues, &es échoppes ou hobettes des changeurs, rappelant les argentariorum ta- bernz du Forum romain. Sur presque toute l'étendue d'un bout de cette place se développent la facade gothique de la Halle Echevinale, avec ses arcatures inférieures où a!ternent l'ogive et le plein-cintre, ses fenêtres rosacées, ses niches finement ciselées du premier étage, au centre duquel s'accroche une riche bretèque, son loil aigu, crêté, ourlé d’une den- telle de pierre, coupé d’une triple rangée de lucarnes, disposées en quinconce ; et le Puvillon renaissance, non moins somptueux, avec son bel escalier extérieur à dou- ble rampe et à double dôme, son rez-de-chaussée en grès, en marbre, en pierres bossuées et vermiculées, ses colonnes corinthiennes cannelées, ses ouvertures croi- sées et ses entablements à frises et à mascarons; bâti- ments derrière lesquels, à côlé de la splendide salle dite de Charles-Quint, s'élève fièrement le Beffroy (1463-1554), carré à sa base, octogonal dans ses trois étages supé- rieurs, ornés de contreforts, de clochelons. de galeries ajourées, et surmonté d’une couronne supportant le lion (4) Voir le tableau de M. Colin, 1666 ; — les dessins de Verly, de David et de Posteau ; — Gazet; — le père Fatou ; - Hennebert ; — Terninck ; — Proyart ; — de Linas ; — Wattelet ; — Cavrois. — 994 — héraldique symbolisant la force de la Ville, Atrebatum polens ! (1) : | A gauche de la Petite-Place, se distinguent d'abord l'antique chapelle de la Batterie, ainsi nommée à cause des rixes fréquentes dont elle fut loujours le témoin et que sous le vocable des saintes Probe et Germaine, cer- tains prétendent avoir servi de paroisse, antérieurement à la construction de Sl-Géry. Plus loin, au beau milieu du réseau de ruelles situées entre la place et la rue aux Ours, réseau si embrouillé qu'on pourrait le croire tricoté par Dédale lui-même, l'énigmatique construction dite chapelle des Templiers, que flanque une haute tour cylin- drique (2). Au-delà, l’église Ste-Croix, édifice surbaissé, “irrégulier, datant presqu'entièrement de l'an 1000, placé d’abord sous l’'invocation de saint Marcoul ou Maclou, Marculphus, Machutus ; la chapelle de l’hospice St-Jacques, dont la confrérie conserve religieusement les portraits de ses Mayeurs; le logis derrière lequel règne une re- _marquable galerie rectangulaire, genre renaissance, à ar- catures et colonnes moulurées, en pierre de liais, à plate- forme de goût italien, surmontée, à chaque angle, d’un pavillon décoré de carialides très ornementales. Plus’ bas, l’abbaye des dames du Vivier ; le monastère de celles de la Thieuloye; la tourelle les Archers du Petit-Serment:; l'église de la Chapetette au jardin, sancta Maria in horto, primitivement chapelle bâlie dans les courtils de l'Abbaye en faveur des religieux malades, in viridario ad recrea: () Voir le grand dessin du secrétariat de l'Evêché ; — Colin et Godin, Statistique départementale. (2) Plan en relief d'Arras, aux Invalides.—Le Gentil, le Vieil Arras, — 999 — tionem infirmorum fratrum, érigée, l’an 1148, en église paroissiale; où, l’an 1160 fut, sub oculis omnium, dit Gui- mann, rappelée à la vie une petite noyée, « sine voce, sine sensu, rigidam atque frigidam, » que sa mère avait couru porter sur l'autel de la Vierge, en demandant sa résurrection, et où « l’an de grasse mil deux cens quatre vins et dix » s’élablit le siège « d’une sossiété et com- paignie en lonneur Dieu et Medame saincte Märie. » Derrière la Grand’Place s'aperçoit la tour à guérite du refuge des dames nobles d’Avesnes. À droite et à gauche du rang de la Petite-Place, offrant en regard du beffroi, l’obscure et boueuse entrée de la Cour de la Baleine, diminutif de la Cour des Miracles de Paris, s'élèvent, dans les rues avoisinantes, le couvent des Dominicains et son importante chapelle, sous laquelle est une cave des morts, ullima domus predicatorum Atreba- tensium, et les pignons et tour à flèche compliquée de l'église St-Nicolas-sur-les-Fossés (1); plus à droite, l'église St-Jean en-Ronville, construite, dit-on, sur le plan de Notre-Dame de Cité, mi-partie romane, mi-partic gothi- que, exhaussant dans les airs un comble d'une altitude exceplionnelle ; le couvent des Carmes chaussés ; celui des Récollets dont, à certains endroits, les fondations de sa chapelle atteignent à une profondeur de trente toises. L'église St-Géry, cathédrale au pelit pied de la Ville, dont la croisée couvre l’ancienne rue reliant jadis la Vaulteleite de la Petite-Place à la placelle St-Géry, dont l’abside s’en- (1) Voir l’Entrée de la Reine à Arras, en 1667, par Van der Meulen musée du Louvre. — Le Gentil, les églises St-Nicolas-sur-les-Fossés en Arras villr, — 993 — | fonce au centre de l'hôtel d'Egmont, dont la tour et les cloches ont été tout à la fois religieuses et échevinales, avant la construction du beffroi, témoin cette inscription de l’une d'elles : _Dulci pulsa sono, tibi Gaugerice patrono Servio, jure pari Ville teneor famulari. et qui abrita sous l’une de ses dalles la dépouille mor- telle indignement outragée du grand Gosson, malheu- reuse victime expiatoire des troublés de 1578 (1). Dans le périmètre compris entre la Petite-Place, la rue St Géry et le rempart, jusqu'à la montée du Saumon, se remarquent no'amment l'hôtel des Comies de Horn; les tourelles cylindriques de l'hôtel bâti sur les substruc- tions toujours existantes du refuge des Cheviliers du Tem- ple. La courelle carrée de l'hôtel limitrophe ; la tourelle hexagonale de la dépendance de l’hôtel de Séchelles, où aurait été cachée, dil-on, par St-Preuil, la belle meunière dont l'enlèvement ro.nanesque est si complaisamment traité dans les Mémoires de d'Artagnan, et où fut si scan- daleusement séquestrée, trois années durant, Madame de Monldejeu. Les tourelles de deux logis voisins et des hôtels de Longueval et d Epinoy; le vaste refuge d'Anchin, de stvle renaissance. Les trois immenses pignons à qua- tre rangées de fenêtres croisées de l'hotel de la Marche, dont le dernier se flanque d'une tour à cinq étages, à la- quelle une tourelle soudée et une double plate-forme lerminale douneut la silhouette de la fameuse et léyon- (1) Pontus Payen ; Vallerand Obert; Nicolas Lédé. — Lecesne, Histoire d'Arras. — Le Gentil, Mémoires de l'Académie, — 294 — daire Tour de Nesle : l’Adtel des Comtes d'Egmont ; la mai- son lui faisant face, dont les deux quartiers sont réunis par une charmante galerie du XVI° siècle. Tournant le dos à ce quartier St-Germain de la Ville et continuant mes investigations, je suis frappé par le col- lège et l’église des Jésuites à la haut: fléche, cantonnée de quatre autres ; le monastère des Capucins aux jardins éta- gés en ampbhithéâtre dans le genre de ceux de St-Eloy ; l'église St-Etienne, dont le lourd clocher surgit pénible- ment du centre de la nef médiane à l'instar de ceux des basiliques carlovingiennes. L’antique prison du Chastelain renfermant encore une tour romaine et des pans de murs de grès presque cyclopéens ; le vieux manoir de la. Cour le Comte, avec ses geôles, où fut probablement incarcé- rée Jeanne d'Arc, sa tour des archives, sa « Chambre d’Ar- thois » aux verrières exécutées d'aprés les cartons de l’'émule des Van Evyck, voire même de Memling, par le douaisien Jehan -Bellegambe ; Chambre près de laquelle se trouve, en parlie couverte, l’ignoble ruelle, rendez- vous noclurne toujours obscène et parfois sanglant des. filles perdues et des bretteurs de la Ville. L'église de la Madeleine ceinte d’un funébre cordon de têtes de morts, en souvenir du cimetière sur lequel avait été bâtie sa nef centrale, primitivement chapelle des Comtes d’Artois et offrant une flèche analogue à celle des Jésuites ; l'église St-Aubert à la tour tronquée, marquant et l’ancienne li- mite extrême de la Ville vers la Cité et l'endroit où saint Omer recouvra miraculeusement la vue. L’hospice St-Jean — dù à Philippe d'Alsace et à sa femme — dans lequel on entre par un admirable porche décoré de toutes Îles _ richesses architecturales et sculpturales de l'époque — 295 — 7. (1178); derrière le Wez d'Amain, le refuge St-Eloy, anté- rieurement hôtel de Chaulnes, presque tout en grès, à la porte ogivale lourdement surbaissée (XIIT° siècle). à l'ar- chitecture quasi militaire, et dont’le haut pignon (1551), surmontant le mur d'enceinte de la Ville, parait comman- der le Crinchon, surveiller la tour Barbacane et menacer la Cité. La maison renaissance et à tourelle (1583), plan- tée à l'entrée de ce refuge, ainsi qu'un hallebardier de garde ; une autre maison renaissance à façade curieuse- ment et finement fouillée, située rue St-Jean-en-Lestrée. L'église St-Maurice et sa tour trapue, dont le carillon peut presque rivaliser avec celui de l’Abbaye; les deux énor- mes pignons à pas de moineaux de l’hospice Chariot, au rez-de-chaussée de grès et au moyen étage comportant une série non interrompue de dix fenêtres ogiviques, que séparent seulement d’étroits piliers (1); le bel Aôtel des Princes de Montmorency. Les chapelles des Onze-Mille. Vier- ges, St-Haihieu et du Tripot, près de laquelle se voient, la grande salle de la confrérie des Ardenits et la salle SEMI de la confrérie des bouchers. Mon œil enfin se repose sur l’Abbaye Royale de St- Vaast, Castrum Nobiliacum, «la première du pays d'Arthois, cé- lèbre monastère et le plus fameux des Pays-Bas. » . Dans cet immense eñclos, jadis fortifié, dont, en cer- taines parties, les murs d'enceinte ont gardé leur carac- tère défensif et dont une forte tour continue à protéger l'entrée principale, ce qui broche sur le lout est incon- testablement la magnifique Eglise Abbatiale, digne mau- (4) Plan en relief d'Arras, aux Invalides, — 296 — solée du royal bienfaiteur de ce monastère, le mérovin- gien Thierry III (1). A triple nef et transept, cette Eglise, par ses neuf cha- pelles s’irradiant autour du chœur, ses galeries aériennes, ses contreforts à pinacles projetant leurs arcs-boutants ajourés contre le mur du grand comble, au-dessus des nefs latérales, son porche encadré de voussures chargées de niches, de statues, de dais et enrichi d’un tympan symboliquement historié, sa tour à trois étages, surmon- tée d’une flèche s'élevant infiniment au-dessus du lion du beffroi, en signe perpétuellement parlant et ostensible que, seigneur tréfoncier d'Arras Ville, St-Vaast lomine son échevinage, flèche dont Locrius disait: « Primum hujus urbis miraculum, in qu nescias an artificium mari- mè internum, an altitudinem, an sinuosæ zyramidis gra- tiam prius admireris, » par ses mausolées funéraires, son splendide jubé de marbre, haut de 105 pieds (2) et « sem- blable à un arc de triomphe, » ses incomparables stalles, « auxquelles y est représenté l'Ancien et le Nouveau Testament de nostre sauveur et rédempteur Jésus- Christ (3), » ses portails d'albâtre, ses éblouissantes verrières, son lutrin sans pareil, acheté vers 1400 par Esidius de Hées (4) et exhibant toule une ménagerie d'ours et d'oursons, ses richissimes tentures de haule- (1) Plan en relief d'Arras, aux Invalides ; dessins de Posteau. (2) Le Gentil, le Vieil Arras. (3) Lefebvre d’Aubrometz, Epitaphier ; éloge de dom Caverel. (4) a Comparal ursos analogii, » Nécrologe de St-Vaast. — Voir la description dans La Martinière et le curieux manuscrit de M, l’abbé Goudemets. 00 lisse, son célèbre Crucifix (1), etc., cette Eglise Abba- tiale, dis-je, écrase toules celles de la Ville. : Non loin d'elle se trouve la collégiale de St-Pierre, où saint Hadulphe fut inhumé au commencement du VIII: siècle et que saint Aubert aurait, suivant le plan crucia- lement tracé par la baguette de l'ange: « Viri præful- gidi, virgam manu tenentis, » élevée à l’endroit. où l’on déposa certaines reliques du catéchiste de Clovis: A cette antique construction romane, décorée de mosaïques, est soudée une autre chapelle au portail également roman, brut, sans ornementation, plus antique encore, Notre- Dame en Chdtel, « Nostra domina in Castro, » bâtie peut- être sur l'emplacement de l'oratoire primitif de saint Vaast, modestement fait, au ranport d'Alcuin, de poutres et de solives, « paupere sumptu id est ligneis trabeis. » Chapelle dans laquelle le premier Abbé Hatta fut consa- cré par saint Vindicien, en l'an 525, dans laquelle encore la tradition veut qu'ait étéspécialement révérée une image miraculeuse de la Vierge, debout « dans un batteau comme celle de Boulogne. » Plus loin s’aperçoivent St Jacques, existant au temps de Guimann, et St-Roch, d’érection nouvelle. Impossible de relever ici en détail les multiples bâti- ments, cours, Jardins, préaux, promenoirs, allées, flé- gards composant l’ensemble compliqué de l'Abbaye; mais il faut mentionner le grand cloitre des moines, leur ré- fectoire chauffé par une monumentale cheminée « haulte de 24 pieds et large de 14 1/2 ou environ (2), » le « Logis de l'Ours, » ainsi que l’écrivait Gérard Robert. En mé- (4) Le Gentil, le Vieil Arras. (2) Le Gentil, le Vicil Arras. | — 298 — moire, en effet, de celui qui, menaçant d’abord, s'était ensuite constitué garde du corps de St-Vaast:. Hœærebat lateri custos, semper que paratus, Ceu canis ulcisci, si vis illata fuisset, l'Abbaye entretient un ours plus immortel que ne le fu- rent les lions de l'hôtel de St-Paul (1), et comme eux re- _cevant de royales visites : Hinc est quod statuam Divi, pictam que figuram. Effigies ursi comitatur more recepto Et .quod cœnobium vivus non deserit ursus (2). Enfin, mention aussi faite de l’élégante Croir dite de St- Bernard, sise en dehoïs de l’enclos. au point précis où cet illustre Abbé vénéra le saint Cierge (3), je quitte la Ville pour regarder la Cité. III Le spectacle est complétement changé. Si Ville et Cité offrent des similitudes particulières précédemment observées, leur dissemblance n'en est pas moins frappante. Autant l'aspect du domaine de St-Vaast est bien celui d'une ville, autant ce même aspect du domaine de l'Evé- que est bien celui de la campagne. (1) Terninck et de Cardevacque, Monwments de St- Vaast. (2) Meyer, Ursus — adde, Vedaslias ; il y est dit : Hujus adhuc ursi manet æternum que mancbit Gloria, dum vivet tuus Ursus, Meiere, musa Dum mea, dum Divi stabit domus alta Vedasti. (3) Manuscrit du Père Constantim. — Loriquet, Bulletin de la Comméssion des Antiquités départementales. — 999 — En Ville, sauf quelques jardins particuliers ou conven- tuels et certains préaux de confréries ou de corporations, points verts plus ou moins perdus dans un entassement de maisons, à peine séparées par un lacis de rues étroites — à peu d’exceptions près — et de ruelles torlueuses, on ne voit qu'une cohue de toits se pressant, se poussant, grimpant les uns sur les autres el s’enchevélrant à l'envi. En Cité, au contraire, l’œil ne rencontre qu'arbres et lapis de verdure que coupent de rares voies de communication, larges et presque reclilignes; une partie notable de cette campagne ressemble même à un véritable bois: c’est la haute futaie de l'Evêché ; dernier morceau de l’immense pare Brulud, lequel bien que partagé en deux, au XIT° siècle, propter pericula guerrarum, gardait encore, au XIV°, des cerfs el des biches, cervos et bichias, ainsi que l’affirme le cartulaire épiscopal. : Presqu’au centre de ces vergers, se distingue le Clottre du Chapitre, « Clausirum magnum, » que l’évêque Robert qualifiait de monastère, « in monasterio nosiro, » grand enclos éntouré de trenie-six maisons canoniales, munies de portes de fer solidement verrouillées (1), maisons dont la décanale, possédant un gracieux oratoire go- lhique. est fortifiée d'une haute tour carrée et d'un mur de grès crénclé (2), maisons enfin dans chacune des- quelles, à propos des crimes ou délits qui sy commet- a (4) Le Père Ignace. (2) Plan en relief d'Arras, aux Invalides. — 300 — tent, chaque chanoine est haut justicier(1), indépendam- ment de la juridiction collective que le Chapitre éxerce dans l'étendue du Cloitre pour les faits de même nature; aussi y voit-on un lieu plaidoyable, curiu pulielorum, des prisons et un pilori (2). À l'extrémité de la rue des Morts, partie nlégnnte du Cloîlre, est l'antique maison où séjournèrent sainte Bri- gitte, que saint Denis y favorisa de son apparition, et le terrible Louis XI {3); à l’un des angles de ce Cloitre ré- gnent, contre leur chapelle particulière, les bdtiments de l’Evéché, remontant au XIII° siècle (4), en face desquels fu- rent prononcées et la condamnation impopulaire des vaul- dois d'Arras : Les traïtours remplis de grande envie De convoitise et de venin couvers, Ont fait régner ne sait quelle vaulderie Pour cuider prendre à tort et à travers Les biens d’anilciens notables et expers, Avec leurs corps, leurs femmes et chevanche Et mettre à mort disque d’estat divers. et la juste réhabilitation de plusieurs d’entre eux, en tête desquels figurait Payen de Beauffort, Chevalier, sei- (1) Cette juridirtion, qui peut paraître exorbitante, est positive- ment attestée par Desmazures, Procureur général au Conseil d’Ar- tois, dans son important ouvrage sur la Coutume générale de cette province. L (2) Proyart. — Cavrois, Mémoires de l'Académie d'Arras. (3) Proyart. — Paris, Louis XI à Arras.” (4) Voir le plan en relief d’Arras, aux Invalides, 7 — 301 — gneur de Ransart, de la Herlière et « l’une des anchiennes bannières d’Arthois (1). » Sur la place même sont la Pierre des morts ; l’Arbre de £t-Léger. Au milieu, là où fut d’abord un comlech drui- dique, puis un lemple romain, transformé par saint Dio- gène en église, dont, parmi les ronces et les broussailles, lustra ac latibula ferarum, saint Vaast retrouva l’autel mutilé et les ruines abandonnées, s'élève: majestueuse- ment la magnifique et renommée Cathédrale de Nôtre- Dame, « tenue pour l’une des merveilles de la chrétien- neté » (2): romane de l’abside au transept inclusivement et datant, pour cette partie, de 1030 ; gothique du XIIT° siècle, pour les nefs, le grand porche et ses deux tours jumelles, dont l’une mesure quarante toises d’ Done et dont l'autre reste inachevée. Impossible encore ici d’ énumérer en détail les gale- ries, contreforts, arcs-boutants, clochetons, tourelles, ro- saces, pyramides, colonnettes, verrières de cette basili- que ayant intérieurement 348 pieds de longueur, 216 de largeur à la croisée et 110 de hauteur ; l’exubérance or- nementale de son porche latéral s'ouvrant entre deux tours; du grand porche à triple entrée ; la série desnom- breuses gargouilles à figures grimaçantes, de goules, de damnés, de tarasques semblant visser aux murs du grand comble sa carapace de plomb (3). Je me borne à signaler son St Christophe colossal, de 40 pieds de hauteur, sa (1) Mémoires de du Clercq. — Un livre se fait actuellement sur la Vaulderie d’Arras. (2) Voir le plan en relief d'Arras, aux Invalides. (3) Terninck ; Debray. — 30? — Transfiguration, d'égale importance, rappelant, par leurs proportions, les œuvres gigantesques de Phidias ; ses puissantes orgues, l'autel de Notre-Dame de l'Aurore, où eut lieu l'apport miraculeux de la sainte Chandelle, en 1105 : l'autel des Reliques, où est, entre autres richesses, exposée la fameuse châsse renfermant la sainie Manne (1), dont en sa continuation de la Chronique d’Eusèbe, saint Jérôme dit: « Anno 371 apud Atrebatas lana e cælo plu- viæ mirla defluxit; » ses pierres funéraires de Princes, d’Evêques, de grands Seigneurs ; ses belles cryptes pein- tes à fresque ; et à ajouter, qu'est, accolé à la nef de l’épi- tre, le vaste Cloitre quadrangulaire aux processions, am- bitus prosessionis, où se voit la tombe de Thomas d’Ar- genteuil, prévôt du Chapitre, assassiné dans la cathédrale, en 12%. Près du bras de croix gauche de Notre-Dame, est, orné de sa jolie flèche à crossettes, St-Nicolas-en-l'Atre, in Atrio ; la place ou terrée du Cloître, ayant été cimetière jusqu’en 1292. Au-delà du Cloitre se trouve St-Nicaise, ouvrant sur le cimetière dumême nom, où le virulent frère Thomas Connècte fulmina contre les coiffures féminines, dites hennins, « de la longueur d’une aulne ou environ, aiguz comme clochers, desquels dépendoient par derrière de longs crespes à riches franges comme estendars, » des sermons dont le succès fut tel que les enfants couraient sus aux matrones ou jouvencelles ainsi encornées (1420). Succès transitoire, néanmoins, car le frère Thomas parti, les belles, ajoute le chroniqueur, « relevèrent leurs cor- (1) Proyart, Mémoires de l’Académie. — Le Gentil, Le Vieil Arras. — 303 — nes et firent comme les lymaçons. lesquels quand ils en- tendent quelque bruit retirent et ressèrent lout belle- ment leurs cornes, mais les bruits passés, ils les retirent plus grandes que devant ; ainsi firent fes dames, car les hennins et atours ne furent jamais plus grans, plus pom- peux et plus superbes qu'après le partement de frère Thomas; » à l'entrée de ce champ des morts se présente la chapelle St-Liévin (1), et au milieu de son sol bossué de tombes et couvert d'un taillis de croix noires, non loin du grand Calvaire de Grès à gradins circulaires de l'Evêque Richardot, se voit la chapelle de Nôtre Dame d'heureux Trépas. | A droite de ce cimetière s'étend l’enclos trianguiaire des dames de la Paix, avec ses bâtiments claustraux, sa chapelle conventuelle où la reine Marie-Thérèse commu- nia, le 11 mai 1673; et celle de Nôtre-Dame de Lorette. A gauche se rencontrent les monastères des Trinitaires et des Clarisses, Ste-Arne, chanelle Echevinale de la Gité, et le refuge des dames nobles d’Estrun (2). La rue Baudimont offre un pan, avec remarquable baie, du mur d'enceinte de la Cité sous Louis XI(3); la Halle des Echevins, reconnaissable à sa galerie couverte empiétant sur la voie publique, sa bretèque armoriée, son haut pi- gnon et son petit beffroi ; le Séminaire ; les maisons con- ventuelles des Brigitines, des Ursulines ; le refuge de Cer- camps, celui d’A rrouaise, bâli, d’après plusieurs, sur l'em- (4) Bulletin de la Commission des Antiquités départementales, communication de M. le Gentil. (2) Cavrois, le Refuge d'Etrun. (3) Le Gentil, Le Vieul Arras. 604 placement d’un temple d'Isis; et l'antique Hôtel-Dieu, dont la première chapelle romane, sous le vocable de St-Gilles, datant, comme Nôtre-Dame, du commencement du XI siècle, se distingue par une très curieuse façade en bri- ques, à porte cintrée donnant sur un double. perron de grès (1) et dont la seconde chapelle gothique (1596) longe un cloitre à voûtes ogivales. IV : Portant maintenant les yeux ertràa muros, un nouveau tour de galerie me fait découvrir dans la banlieue ou à sa proximité : La place où, montée sur le bûcher à la suite d'erreur judiciaire, une jeune fille, préservée du‘feu par l'inler- cession de la Vierge, en descendit sans même sentir le roussi, porte la chronique d'Anchin, « Nec etiam odor incendii remansit in ed, » pour aller triomphalement Spectantis populi, magnä comitante catervä rendre, dans la cathédrale, grâce à ‘la « benoîte Marie » de cet insigne miracle. La tour crénelée des tard advisez, commandant toutes les prairies environnantes ; la Croix de Grès de Demencourt, Dominicæ curtis ; l'église de Ste- Catherine ; la chapelle St-Quillien ; V'église de St-Nicolas sur sa butte escarpée ; le chastelet de Bove, baronnie de (1) Mémoires de l'Académie d'Arras, 1832; lithographie de M. Gautier. — 905 — St-Vaast (1); la Croix de fer de la première Prévété St- Michel, dont l’église, fortifiée, reçut le dépôt momentané du chef de l’apôtre saint Jacques, lorsqu’à propos de cette insigne relique s’émut, en 1166, entre le Comte de Flan- dre et l'Abbaye un différend que put seule apaiser l’in- tervention combinée de l’Archevêque de Reims, du Grand Maître du Temple et du Pape; l’abbaye d'Avesnes, con- servant, par ses trois tours et ses larges fossés défensifs, un reste de l'aspect de la forteresse de Bellemotle, castrum Bellomotiœum, à laquelle elle s’est substituée ; forteresse qui, en 1414, résista viclorieusement aux furieuses atla- ques du duc d’Armagnac, « arx Bellæ motlæ ubi præci- pua dimicatio fuit, semper invicla permansit ; » où mou- rut, en 1405, Marguerite de Flandre, femme de Philippe- le-Hardi, et qui, lorsqu'elle était simple manoir, appar- tenait au sire Baude le Normant, dont parle en son Con- gié notre trouvère Adam de la Halle : Bien doi avoir en remembranche Deux frères en qui j'ai fianche, Signeur Baude et signeur Robert après avoir appartenu à Jakemon Eslurion, parent de Symon Esturion, que le même poëte déclare Le milleur et le plus vaillant D’Arras, et tout le plus loial e e e Large en ostel, preu au cheval Compaignon liet et libéral. (4) Communication à l’Académie d'Arras par M. Paris. | y — 306 — Les cense et fontaine de Razincourt, dépendances de l’an- cien château de ce nom, baronnie de St-Vaast: le chas- tel de la Brayelle, autre baronnie de St-Vaast, flanqué de quatre tours de grès baignant dans l’eau (1); la célèbre Fontaine à Mouquerons, rendez-vous bruyant des désœu- vrés de la Ville et de la garnison (?) ; la nouvelle Prévôté St-Michel, à peine terminée (3), que le grand Prieur Dom Chasse reconstruisit, « in gratiam et solatium frairum suorum infirmorum convalescentium (4), sous les auspices de l'Abbé commendataire, l’éminentissime Cardinal de Bouillon ; la cense d’Hervaing, Herbini curtis, alignant sept tours, -- juste autant que le château des Darda- nelles, — avant l'incendie de 1414, reprise, avec l’om- breuse Longuinière, cum Longobragio, dans le diplôme d’'Hincmar (870); et conservant toujours sa chapelle St- Antoine et son quartier « du seigneur Abbé; » Noire- Dame du Bois, — siège d’une importante confrérie et lieu de nombreux pélerinages (5), — où appendit un ex- voto, dom Sarrazin, après son ambassade d'Espagne; ses croix stationales, son calvaire, sa cellule de l'ermite qui, au commencement du siècle était un Chevalier du St- Sépulcre, portant d'argent à deux clefs d'or en sautoir, (1) Bulletin des Antiquités déparlementules, communication de M. le Gentil. (2) L’une des six grandes fontaines d'Artois; Hennebert, Intro- duction. (3) Le Gentil, Notice sur la Prévôté St-Michel, Mémoires de l’Aca- démie d'Arras. (4) Pierre commémorative de l'érection de la Prévôté, conservée. (5) Le Gentil, Nôtre-Dame du Bots, Bulletin des Antiquités ie tementales du Pas-de-Calais. = 307 — abaissé sous un chef aux armes du St-Sépuicre (1). Cons- truite au milieu des quatorze cents mesures défrichées de l'antique forét de Moffluines, Mofflinense nemus, où se tenaient, dit-on, les sabbats nocturnes et diaboliques de la vaulderie d’Arras ; l'immense ferme de la Court-au- Bois, avec sa chapelle, son « ostel Abbatial » et son inter- minable pourtour muraillé. L’enclos des dames de la Thieuloye, réputé aussi étendu que Bapaume ; les empla- cements des anciens monastères des Trinitaires, des Ursu- lines, des Carmes, des Corleliers et de celui des Domini- cains, ces favoris de l’héroïque Robert II d'Artois, dont ils allérent pieusement, sur le champ de bataille de Courtrai, relever le corps criblé de plus de trente bles- sures, « triginla vel amplius sauciatus vulneribus (2); » la révérée chapelle de Nütre-Dame de Bonnes-Nou- velles, dont Louis XI vénéra la statue miraculeuse par lui gratitiée d’un cierge de 15? livres, poids de sa royale personne (3). L'église Si-Sauveur, dont celle de St-Nicolas- sur-les-Fossés n'était d'abord que « le secours; » les ruines de l’église St- Vincent ; celles de la vieille Comman- derie du Temple, où campa Charles VI lors du siège de 1414 ; les restes de la maladrerie du Grand-Val, citée par Baude Fastoul : _ Cil de Beauvais et du grand Val Dient que j'ai trop demouré. les vestiges du faubourg de la Vigne, où s’élevaient les chapelles St-Fiacre, St-Eloy et la maison du seigneur de (1) Epitaphier de M. le marquis d'Havrincourt. (2) Cont. de la Chronique de Nangis. (3) Le père Proville. Manuscrit. — 308 — Habarcg, avec ses deux hauts pignons découpés, sa tour carrée à quatre étages, couronnée d’un toit cantonné de quatre aiguilles, sa fenestration renaissance, ses lucarnes en maçonnerie, ses portes crénelées dans le genre de celle de l'abbaye d'Estrun et sa motte seigneuriale circu- lairement entourée d'eau ; le tout occupant le quart du faubourg, dont les inaisons en bois à auvents et galeries extérieures, étaient d'un effet très pittoresque (1). Enfin, l'éminence des Hoschettes sur laquelle se dres- saient autrefois les triples et sinistres fourches patibu- laires de la justice épiscopale. Ce Montfaucon de la Uilé, autour duquel tournoyaient bruyamment tous les corbeaux des environs quand ils y trouvaient pâture, élait réputé lieu maudit dont le soir se détournait en se signant le passant attardé, afin de ne pas y voir se balancer quelque nouvelle carcasse à demi- rongée ou ne pas entendre s'y entrechoquer des restes de squelettes cliquetants. Une fois l'année, pourtant, tout ce qui pendillait au gibet, proprement repeint en rouge, ayant été décroché et précipité dans la substruction qui lui servait de char- nier, les hauteurs des Hoschettes se couvraient d'une partiedela population arrageoise, qui, vaffluant à la brume par les portes d'Amiens et Baudimont, venait y ouïr la sonnerie de toutesles cloches d'Arras, des villages d’alen- . tour et notamment Salvaltor; cette cloche de Notre-Dame si correcte de forme, qu'après sa coulée, les fondeurs s'étaient, nouveaux Pygmalions, agenouillés devant elle, (1) Vue à vol d’aiseau du faubourg de la Vigne, Archives départe- mentales — 309 — à la vue deses belles proportions; si puissamment sonore qu'aucune autre ne pouvait lui être comparée. Or, ce jour était précisément celui de la Toussaint, vi- gile du Jour des Morts. Aussi, la tradition s’élant perpétuée, vois-je, mainte- nant que le soleil disparaît à l'horizon, la foule dégorger de ces deux portes et couronner le plateau. Au premier coup de cinq heures, frappé de la tour échevinale, Salvator et la maitresse cloche de St-Vaast, en posseseion du droit de donner le signal à la Cité et à la Ville. se mettent simullanément en branle, et aussitôt, leur répondent à toute volée, les cloches des onze paroisses d'Arras, de ses vingt-trois communautés religieuses, de ses chapelles, maisons de refuges ou hospitalières et des localités suburbaines (1). Segnius irritant animos demissa per aurem, Quam quæ sunt oculis subjecta fidelibus a dit Horace ; en principe cela est vrai, mais une exCcep- Lion doit être faite pour une telle musique. Si, effectivement, il est difficile de se défendre d’un fris- son à l'audition d'une symphonie savamment orchestrée ou d’un morceau d'orgue magistralement exécuté, com- bien, a fortiori, doit-on être remué par les voix de plus de deux cents cloches, dont les ondulations sonores, ébran- (1) Vo:r dans l’Almanach commercial d'Arras, publié par M. Prisey, pour l’année 1862, l'article de M. le chanoine Proyart sur « Les clo- _ches de la ville d'Arras. » Il y est parlé de cct usage attesté à l’auteur de l’article par un témoin oculaire et auriculaire, M Gosse de Gorre (mort Président de Chambre à la Cour de Douai), ainsi que nous l'a déclaré M. Proyart lui-même. — 310 - lant l'atmosphère, font entrer en vibration tout ce qui vous entoure, et dont l’ensemble, dans lequel se perdent les dissonnances particulières, produit une harmonie grandiose, saisissante, qu'il faut ouïr pour la soupcenner. Ces voix de bronze retentissantes, élevées, creuses, claires, graves, argentines, stridentes, sépulcrales, telle- ment fondues dans une résonnance générale qu'elles n’en forment plus qu'une, sônt dominées par celles de la grosse clochéde St-Vaast, de la cloche Anne de Nôtre- Dame, couvertes elles-mêmes par les mugissements de Salvator; par intervalles, on distingue les carillons de l'Abbaye, de St-Maurice et de la Madeleine, faisant en- tendre les lugubres lamentations du Miserere, du Dies iræ el du De profundis. Encore une fois, cette incomparable musique, qui tou- cha le dur Louis XI lui-même, lorsqu’en 1463, elle salua son entrée en Ville, est profondément émouvante. Mais voilà qu'au moment où je suis. tout oreilles, un spectacle non moins émouvant vient frapper mes regards. Les églises et chapelles s’illuminent pour l'Office des morts ; sur tous les points de la Ville et de la Cité, les fenêtres et les rosaces de ces sanctuaires. semblent des bouches de fournaises incandescentes, au milieu des- quelles s’embrasent, semblables à deux immenses foyers, Nôtre-Dame et l’église de l'Abbaye. Un Grec du temps d'Homère se croirait à Lemnos, alors qu’à la veille de la guerre des Titans, le monde cyclopéen fabriquait dans ses forges en feu les carreaux de Jupiter. | En même temps, au cimetière St-Nicaise s’allument des milliers de bougies, parmi lesquelles se détachent, — 311 — s’agitent et s’entrecroisent une foule d’ombres à l'aspect fantastique (1). En ce moment de nuit, la sonnerie des cloches, les feux de la Ville et de la Cité, qui seraient presque noires si la lune, à demi-voilée, n’accrochait de cà et de là, aux parties saillantes des grands édifices, cerlains reflets pro- filant sur le ciel les silhouettes agrandies des clochers. tours et pignons dont on ne distingue plus que les mas- ses, ce qui s'entend et se voit du haut du beffroi est ab- solument intraduisible. | Et si cela durait, j y resterais sans me lasser, peul- êlre, autant que dans un bosquet enchanté demeura la nonne d'Alsace qui, suivant la légende, s’oublia trois siècles à écouter le chant du rossignol. | Mais les cloches se taisent, les feux pâlissants s’élei- gnent, la lune disparait derrière les nuages; et, descendu de la tour échevinale, je me trouve dans la rue Vinocq au moment où le sacristain de St-Géry la parcourt en psalmodiant son funèbre et lugubre appel : Réveillez-vous, gens qui dormez, = Priez Dieu pour les trépassés. Tel était notre Arras il y a deux cents ans. Quel est-il, aujourd'hui, qu'ont été remplacés, les égli- ses par des chantiers, les abbayes par des usines et les (1, Cet usage d'allumer dans les cimetières des bougies sur les tombes existe encore maintenant. — 312 — clochers qui chantent par des cheminées qui fument ? Toutes choses qui, grâce à l’heureuse association de l'utile et de l’agréable, constituent manifestement d'im-. portantes améliorations de l'architecture et de la salu- brité publique. Quel sera-t-il dans deux siècles, si Di talem avertite casum ! de nouveaux et aussi merveilleux progrès, que ne désa- vouerait, certes pas, Erostrale, de si encourageante mé- moire, venaient, suppression faite du palais de St-Vaast, de la cathédrale et de St-Jean-Baptiste, souvenirs im- portuns et vestiges encombrants d’un passé démodé, agrandir et embellir nos horizons d'histoire, d'esthétique et d'archéologie. ef QUELQUES MOTS SUR LE FEU mL — Lecture faite PAR M. GOSSART Membre résidant. Aucun phénomène, dans la nature, n’impressionne les êtres vivants, en général, et l’homme en particulier, au- tant que le feu. Les anciens rangeaient le feu parmi les éléments ; de nos jours, un poète pourrait dire, sans trop risquer, que le feu résulte de l’action des élé- ments en fureur. | Les chimistes modernes ont donné à cela le nom de combustion. Dans la grande majorité des cas, le feu, à la surface de notre globe, résulte de la combinaison de l’oxigène répandu dans l'atmosphère en laquelle nous sommes plongés, avec un autre corps simple ou composé, de telle sorte que l’on avait appelé combustion la combi- naison de l'oxigène avec dégagement de chaleur et de lumière. Mais Lavoisier étendit la signification de ce mot, à toute combinaison d’oxigène, qu'il y eût ou non dégage- — 314 — ment de lumière. Pour Lavoisier, donc, la respiration ani- male est une combustion ; quand ce corps détruit les matières colorantes, quand il durcit les huiles sic- calives et les essences, quand il purifie les eaux infectées ; ce sont des combustions. On la définissait ainsi : la combinaison de l’oxigène, corps comburant, avec un combustible. Depuis lors, la thermochimie nous a appris ce que Lavoisier et les chimistes de son temps avaient déjà pressenti : c'est que la chaleur dégagée est proportion- nelle à la quantité d'oxigène absorbé, mais que cetle chaleur ne peut être mesurée quand le phénomène est très lent. Celte théorie, ainsi limitée, ne peut néanmoins süp- porter un inslant l'examen, car il y à d’autres corps que . l'oxigène qui produisent le phénomène du feu. On obtient le phénomène du feu quand on projette certains métaux, notamment l'anlimoine, dans l'air ou l'oxigène, mais on obtient du feu aussi violent quand on projette ces mêmes mélaux divisés dans du gaz chlore. Le feu est très violent quand on projelte des fragments de phosphore dans le chlore, dans le bronze, ou dans la vapeur d’iode. Le cuivre brûle viclemment daus le soufre fondu. Quand l’oxigène se combine avec un corps quelconque, il est toujours L. comburant ; l’autre est le combustible. Quand le chlore ou le soufre se combinent avec un mélal, ils sont comburants, el le métal est le combustible. Mais quand le phosphore brûle avec le brome, ou bien l'hydrogène avec le chlore, il est assez difficile de dire quel est le combustible et le comburant ; il en est de même dans la combinaison vivlente du mercure avec le. — 315 — sodium. Une expérience inédite qui m'est propre, prouve que le phosphore brûle dans l'hydrogène en émettant une lueur ; quel est, dans ce cas. le combustible ? Les successeurs de l’époque de Lavoisier, Bersélius et son école. admeltaient aussi la théorie des comburants et des combustibles ; ayant soumis lous les composés alors connus à l’action de forts courants électriques, ils’ obtinrent la décomposition de presque tous ; l’oxigène toujours se rend au pôle posilif et le potassium au pôle négalif, les intermédiaires se placent en échelons entre ces deux-là, l’oxigène étant placé en haut, tous les corps sont électro-négatifs par rapport à ceux placés en-dessous d'eux et électro-positifs par rapport à ceux placés en-dessus ; on appelait cela l'échelle électro-chimique, et il fut admis que le corps électro-négatif est comburant, tandis que le corps rangé en dessous est le combustible, et on appliqua ce principe conventionnel à la nomen- clature chimique. = En admetllant avec Lavoisier que la combustion est chaude ou froide, en admettant aussi que les corps autres que l'oxigène peuvent donner lieu à des combustions, on arrive à pouvoir dire que toute combinaison chimique est une combustion ; dès lors, l'expression devient inu- tile ; d'autant plus que le feu, c'est-à-dire la chaleur et la lumière, se manifestent alors qu'iln”y a pas de combi-. naison ; par exemple, l'étincelle du briquet, la chaleur produite par le frottement, l'énorme chaleur produite par la résistance au courant électrique, sont des exem- ples de feu produit sans combinaisons. La dissociation, c'est-à-dire le contraire de la combi- naison, peut aussi produire de la chaleur ; les combinai- _— 36 — sons d'oxigène avec le chlore, de l’iode avec l'azote, se dissocient violemment au moindre choc, en produisant chaleur et lumière ; il en est de même de tous les com- posés fulminants, à commencer par la poudre à cänon. La fermentation du sucre produit la chaleur. ‘En résumé, toute espèce d'action produit de la cha- ‘leur. Il existe une loi physique étudiée et formulée par Tindall, prouvant que la force et la chaleur ne font qu'un. L'action morale elle-même développe de la chaleur physiologique ; chacun sail qu’une pensée intense nous réchauffe singulièrement ; on voit donc bien que la théorie du feu n’a pas de limites. Revenons aux actions chimiques ; une des plus grandes conquêtes de l’homme, c'est d'être parvenu à régle- menter le feu dans une cerlaine mesure ; le plus souvent, en réglant la température du milieu. Il s’en faut de beau- coup que tous les corps s’enflamment dans les mêmes conditions, cependant le phosphore prend feu dans le brome à froid, aussi dans le chlore et aussi dans l'air un peu chauffé ; le biphosphure d'hydrogène et le sili- ciure d'hydrogène brülent avec éclal au contact de l'air froid, le suliure de carbone s’enflamme à l'air vers 60°, le fer et le cuivre brülent vivement au contact de l'air, lorsqu'ils sont très divisés. L'hydrogène lui-même, qui, pour s’enflammer dans l’air, demande la chaleur rouge, prend feu à froid quand on le projette sur l’air condensé par l'éponge de platine. La pureté des corps influence singulièrement aussi l’inlensité des combustions : nous savons que le fer, par exemple, étiré en fil, ne brûle pas . dans le mélange d'oxigène el d'azote, c'est-à-dire dans l'air, mais chauffé au rouge sombre et plongé dans l'oxi- — 317 — gène pur, il y brûle avec une lumière très brillante, el produit une chaleur capable de le fondre et de le volati- liser. On avait vainement, pendant longtemps, tenté de réa- liser la combinaison directe de l'hydrogène et du carbone, la découverte en est due à Berthelot. Il faut chauffer le charbon à un degré excessif par un courant électrique en présence de l’hydrogène ; en d’autres termes, en faisant passer de l'hydrogène sur l'arc électrique produit avec des électrades de charbon, on obtient ainsi le gaz acety- lène, point de départ d’une immense quantité de com- binaisons. | En 1840, M. Schœænbein, chimiste à Bâle, en respirant l'air d'un flacon contenant des fragments de phosphore humide, perçut une odeur particulière due à un gaz logé dans le flacon ; il prit cela pour un composé d'oxigène el de phosphore, il lui donna le nom d'ozone (de Oëu, je sens); une étude plus attentive fit connaître que l'ozone n'est que de l’oxigène condensé, avant plus d'énergie par conséquent ; agissant sur nos muqueuses nasales et produisant une sensation, l'odeur. L'ozone se forme dans certaines actions chimiques et par l’étincelle électrique sur l'oxigène, alors ce gaz se condense et n'occupe que la moitié du volume primitif, son action est excessivement énergique, Lelle même, qu'on n'a jamais pu l’accumuler ; il se combine directement à l'azote, au mercure à froid, à l'argent, aux matières organiques qu'il brûle. Par cela même il constitue un excellent désinfectant, parce qu'il brûle les gaz infects et les microbes, la chaleur le détruit. Il prend naissance dans la nature, dans une foule de circonstances dont les causes sont, pour la plupart, — 418 — inconnues ; aussitôt formé il entre en action et dispa- rait, et sans cesse il s'en forme. Abondant dans: l'air il provoque des maladies inflammatoires. S'il pouvait s’'accumuler il détruirait tout, et le monde ne serait pas comme il est actuellement, tandis que, répandu: en petite quantité il ne produit que des effets pour ainsi. dire inaperçus. | a Un merveilleux instrument, le spectroscope, permet de lire dans les astres en combustion. On a constaté dans le soleil, ou plus exactement les soleils, l'existence de certains corps connus sur la terre, par exemple, le ier, le chrome, l'hydrogène, etc.; dès lors il est permis de penser que la lumière si intense et la chaleur émise, sont dues au feu résultant de combinaisons chimiques ; examiné au lélescope, le soleil parait comme un immense incendie. Toutes les matières, amenées au contact par le fait de leur attraction, doivent se combiner, brüler, se dissocier, pour brû'er encore. En effet, on voit dans le soleil comme d'immenses scories, à côté de tourbil- lons de feu, la masse étant énorme, l'attraction, c’est-à- dire la pesanteur, y est proportionnelle ; les gaz doivent y être très denses, ct par conséquent posséder une force de combinaison considérable. Rien ne nous empêche de penser qu'il se forme incessamment sur un point des combustions, et des réductions sur un autre, et toujours ainsi à perpétuité avec les mêmes matières. Il se passe des choses analogues sur la terre ; ainsi, par exemple, quand on projette de l’eau sur un feu violent, ce corps se décompose en ses éléments qui se recombinent peu après. La combustion du charbon, soit directement par le feu, soit indirectement par les fermentations, con- EP — 319 — vertit ce charbon en acide carbonique, lequel acide carbonique se dissocie par les forces naturelles, le carbone retourne aux choses organiques el l'oxigène redevient libre, pour se recombiner encore. Ces pensées m'ont été suggérées par les publications de M. Flammarion, qui assimile ce qui se passe là haut aux choses d'ici-bas, quand, par exemple, une maison brûle et que le feu s’éteint faute d'aliments ; il nous dit que le soleil qui nous éclaire et nous chauffe est comme un brasier immense où tous les corps en action, une fois consumés, doivent s'éteindre, alors la terre ne rece- vant plus ni chaleur ni lumière, toute la vie y cessera, mais cela n’arrivera que dans trente millions d'années. D'ici-là hous aurons tous le temps de faire fortune ; mais je préfère mon hypothèse à la sienne, elle est plus con- solante, et répond mieux aux idées que nous nous faisons. CARTULAIRE & COMPTES de L'HOPITAL-St-JEAN-EN-L'ESTRÉE D’ARRAS XII-XIVe SIÈCLES. ht —— L'Académie d'Arras m'a fait l'honneur de me deman- der, pour l'insérer dans ses Mémoires, un travail projeté et même commencé, il y a cinq à six ans, sur le Cartulaire de Saint-Jean-en-l’Estrée et quelques comptes de cet hôpital et des Maisons-Dieu d'Hesdin et de Gosnay, fondées dans les premières années du XIV® siècle. Je me suis empressé d'accéder à ce désir, heureux de saisir celte occasion de renouer avec mes savants et bienveil- lants collègues, des relations trop Lôt interrompues, et dont je garde toujours le meilleur souvenir. a Mais le temps qui m'était donné ne me permeltait pas de mener à bonne fin, pour cette année, un travail de cette étendue. Le présent volume n’en contiendra donc qu’une partie : l'analyse et les principales chartes du cartulaire ; le volume des Mémoires pour l’année 1886, 21 — 322 — — si Dieu nous prête vie, — contiendra les comptes par analyses et extraits, de Saint-Jean-en l’Estrée d'Arras, d’Hesdin et de Gosnay, une table, une étude qui, n'ayant pu être l'introduction de cel ensemble, en formera la conclusion. oo Dans une lecture faite en 1878, à l’Académie, j'avais signalé l'intérêt de ces decuments pour la connaissance du régime intérieur des maisons hospitalières, à une époque déjà lointaine et sur laquelle les renseignements sont peu abondants, soit qu'on ne les ait pas en- core Lirés de l'oubli, soit que les titres aient été détruits par les ravages du temps, la négligence ou la malveil- lance des hommes. Je n’y reviendrai pas pour le mo- _mwent, me conlentant de reproduire le passage de ma communication relatif au cartulaire qui va cesser d être inédit : .. « À Arras, je dois tout d’abord vous signaler un cartu- laire qui, jusqu’à présent, ne figure pas dans l'inventaire des archives de l'hôpital Saint-Jean. C'est un trés gros volume in-4°, dont la partie la plus ancienne a été écrite en l’année 1393. À la suite, on a copié quelques chartes des premières années du XV° siècle, puis on a ajouté des cahiers de papier contenant divers documents. La plus ancienne charte est de 1183, la plus récente, de 1427 ; elles sont au nombre de 116, je les ai analysées et j'ai transcrit les plus importantes. Toutés ces pièces sont relatives aux propriélés de l'hôpital, et beaucoup d’entre = 993 = elles offrent un intérêt réel pour l'étude du droit, de l'agriculture, de la topographie, du régime des popula- tions rurales aux environs d'Arras; nous y trouvons, sur les maîtres et maîtresses de l'hôpital, sur les pilances et distributions fondées en faveur des malades, de curieux détails. Du reste, conime dans tous les cartulaires, on trouve des renseignements un peu sur tous les sujets, — ce qui fait leur utilité aux yeux des historiens, des érudits et des archéologues ; — celui de Saint-Jean-en- l’Estrée contient des chartes de Philippe d'Alsace et Fer- rand, comtes de Flandres, des bulles d’Honorius II, Grégoire IX et Jean XXII, des chartes des comtes d'Ar- tois, des abbés de Saint-Vaast, des évêques d'Arras, sur- tout de nombreux actes passés devant divers échevi- nages. » Telle est, d’une manière sommaire, la raison d’être de la publication de ce carlulaire. Quant au système adopté, il consiste dans l'analyse de toutes les pièces du volume, la reproduction intégrale de celles qui, à un point de vue quelconque, m'ont paru mériter d'être transcriles, un extrait de quelques autres, dont tout l’in- térêt consistait, leur analyse fuite, à donner des noms d'échevins ou autres personnages, quelque détail topo- graphique ou une forme particulière de rédaction. Les copies ont été collalionnées aux originaux, autant quil m'a été possible de les retrouver, l’ordre chronologique rétabli, bicn qu'il n'ait pas été rigoureusement suivi par — 324 — les rédacteurs du cartulaire, et j'ai pensé devoir donner à leur place, c’est-à-dire au commencement, quatre actes anciens qu’ils ont négligés. Au lieu de placer au bas des pages, sous forme de no- tes, la traduction des noms de lieux et l'identification de quelques noms de personnes, ce qui eût amené la répé- tilion des mêmes no!es, j'ai renvoyé ces détails à la table, que l’on tâchera de faire comp'ête et précise, — dans la limile de mes ressources el de mes facullés, — ce qui veul dire aussi peu défectueuse que cela me sera possi- ble : les bonnes tables sont le complément nécessaire des publicalions de textes anciens el le meilleur auxiliaire des travailleurs. Aussi recevrai-je avec reconnaissance les observations et les indications que voudront bien m'adresser mes collègues de l’Académie : à travers ces noms de lieux et ces documents artésiens, dont la con- naissance leur est familière, je ne pourrais trouvér de meilleurs guides. Jules-Marie RICHARD. CARTULAIRE de L'HOPITAL St-JEAN-EN-L'ESTRÉE D'ARRAS. ae + In nomine gloriosissime et iudividue Trinitatis ac beatissime Virginis Marie, Sanctorumque Johannis Bap- liste et Johannis Evangeliste ac omnium Sanctorum et Sanclarum curie Paradvsi, Amen. Iste Liber qui nuncupatur registrum seu cartularius est de domo et pertinet ad domum hospilalis Sancti Johan- nis in Slrata Alrebatensi (1), et in eo continentur ac (1) Avant de porter définitivement le nom de Suint-Jean-en- l'Estrée, l'hôpital Saint-Jean d'Arras est désigné dans les chartes du cartulaire sous les noms suivants : S. Johunnis de portu S. Sal- vutoris Atrebatensis en 1181, 1191, 1270; — S. J. ad portum S. Nicolui Alrchalensis 1188; — S. J. suprr pontem S. Auberti apud Attrebatirm 120%3 — S. J, super Crinchon 1908 ; — S. J. in strala aute Crincienem 1921. Le nom de S.-J. en ’Estrée avec ses variantes de l’Eslrée, en la rue qu’on dist l'Estrée (1331) n’appa- rait qu’en 1212 dans le cartulaire et devient bientôt après seul en usage. 11 faut remarquer que la première donation faite par les fonda- teurs de l’hôpital comprenait {otum fosetum quod inter porlam Sancti Sulvataris et portam Rolundam est, — 326 — registrata sunt et transcripta privilegia, carte et alie lit- tere necessarie ad opus et commodum dicti hospitalis fideliter atque juste, prout jacent, texlualiter de verbo ad verbum, in autenticis principalibus originalibus tam gal- licis quam latinis, in verbis composilis et formalis, exis- tentibus in archivis dicti hospitalis sanis et inlegris, bene sigillatis et servatis, carentibus omni vicio et sus- picione, ut per eorum inspectionem apparebat evidenter, anno Domini M° CCC° nonagesimo tertio. Et per reperto- rium quod et in fine hujus libri per singula folia nume- rat] poterit quelibet carta, privilegium seu littera qua fuerit opus faciliter reperiri ad numerum ibidem desi- gnatum et sciri in quod querilur recurrendo per desi- gnationem numeri dicti repertorii ad numerum textus hujus libri. Quorum quidem privilegiorum, cartarum et litterarum tenores sunt tales. | (Cartul. fo 1). — 997 — Notice relatant les noms et les dons des JOneREUs et pre- miers bienfaiteurs de l' hôpital. In nomine Sancte et individue Trinilatis. Facta prio- rum apud posteros oblivionis nubilo muitociens atterun- tur, que si scriberentur, auctoritate scripli rediviva et nova semper teneri possent et inconcussa reservari. Quia licet dona fidelium, que ex devotione et caritate dantur, nullo oblivionis silentio apud hominum sepeliantur, sepe tamen ex fluxili temporum curriculo quedam mulari videmus, que bona bonorum Dominum acta sunt inten- tione. Quam ob rem, non indignum aut oliosum, immo perulile ac necessarium arbilramur benefaciores domus Sancti Johannis, causa sancte hospitalitatis edificate, in presenti carla notari, et que quantaque beneficia bene- factorum quilibet prefate domui contuleril consequenter enumerari, ut et presentibus et futuris quibus litteras istas videre contigerit, opera corum sancta in apertum productia in memoriam boni exempli eternaliler elucescant. Quo- rum omniun Philippus princeps et dominns nobilissimus Flandrie et Veromandie comes, sicuti primus extitit in donis, ita primo inseratur scripto, qui hanc domum pro salute anime sue el conjugis sue comitisse Isabel, ins- tinctu officialis sui Sawalonis funda vit, ettotum fosetum, quod inter portam Sancti Salvatoris et porlam Rotundam est, usui domus assignavit, Lante etiam libertatis privile- gio, ut nullus legis lator aut secularis justicie executor, nec aliquis in calore furoris sui, cuicumque malefactori — 228 — infra terminum loci illius tanquam in templum Christi fugienti manus violentas injicere debeat aut audeat. Pre terea pro animabus parenlum suorum omniumque pre- decessorum reddilibus ducentarum librarum hoc hospi- tale quolibel anno in perpetum ditavit, et centum libras Bapalmis a lraverso suo, centum quidem libras apud Altrebatum ad tabulas cambitorum accipi disposuit. Hujus rei testes sunt, Gerardus de Mecinis notarius et sigillarius curie, Robertus Attrebalensis advocatus, Hel- linus senescallus comitis, Michael constabularius, Wal- terus de Atrebato, Gillebertus de Aria, Sawalo Hucadeu. _ Preterea clarissima comitissa Isabel pro animabus paren- tum suorum et pro anima comitisse Atheledis de Pero- nia quinque modios de frumento et quinque modios de avena Atrebatensis mensure ad opus pauperum dedit qui in hac domo in nomine Christi recipiuntur, singulis annis apud Peroniam recipiendos. Hujus eliam dati testes sunt barones prevocati {1). Notum eliam volumus esse tam presentibus quam futuris quod Sawalo Huchedeu (2) et Rogerus magister domus hoc (1) Les statues en pierre des fondateurs Philippe d'Alsace et Isa- belle de Vermaridois ornaient le portail de l'hôpital. « On les voyait encore au commencement du siècle dernier » (Dict, histor. et archéol. du Pus-de-Uulais, Arras, 1, 74) La bibliothèque des ducs de Bourgogne à Bruxelles (/iecueil d'Antoine de Succu, fo 70. vo) en possède un dessin fait par Antoine de Succa, le 4 janvier 1602 : les statues sont surmontées de dais et paraissent être du XV: siècle. (2; Sauvalon Hucquedieu Huchedieu, Hucdieu, etc, est l’un des plus riches bourgeois d'Arras a cette époque."Le moine Guimann, son conutemporan, le cite à diverses reprises comme propriétaire de plusieurs maisons devant un cens à l'abbaye de Saint-Vaast. Les autres habitants d'Arras mentionnés dans cet acte appartiennent, — 399 — cum Willelmo de Dohennies et uxore sua effecerunt quod fraternitatem in hac domo susceperunt, et totam posses- sionem suam apud Ballioi pro amore Dei et Sancti Johannis Evangeliste huic domui donaverunt. Sed nec sub silentio transeundum est quod eadem terra apud Balliol octoginta et vuterre sextariorum capax es! in seminalione, undecim etiam orli et dimidium huic terre attinent, de tribus vero ortis et dimidio qui vulgo vocantur cortilia redduntur v solidi et nr denarii, et xr sextarii et dimidium de fru- mento et vis capones, de octo vero ortis et dimidio in relevationibus quisque dat xir denarios, de aliis veroin arbitrio magistri domus consistit. Inglebertus Loucart et uxor sua Juliana ad opus päuperum etiam dederunt ter- ram quatuor sextariorum capacem in seminatione cum toto terragio, excepta tertia parte decimalionis. Alelmus Piedargent. pro anima sua et pro anima uxoris sue, terram ri sexlariorum ad usus domus donavit. [nglebertus etiam Boutellier dedit domum unam de qua singulis annis decem solvuntur solidi: Robertus etiam de Belrem, pro remuneratione celestis premii, domum suam libere dedit sancto hospitali, scabinis de Atrebato presentibus quorum primus esl Banduinus de Castello, secundus Svmon Faverel, tertius Henricus Juvenis, Sauvalo etiam Hucadeu affuit et Johannes conversus de domo. Baudui- nus Papin suam domum, testibus Bauduino scilicet de pour la plupart, à des familles célèbres dans l’histoire d'Arras au moien-âce, les Faverel, maires héréditaires d'Arras, les Louchart, les Pied-d’Argent, ete. On trouve dans Guimann Alelmus Pes argenti demeurant entre la chapelle Ste-Croix et la chapelle Notre-Dame et Wullerus de Atrcbato entre le four qui est devant St-Maurice et le _ Crinchon, | | | = 330 — Castello, Johanne Divite. Willelmus etiam Deucarnir, et Matildis uxor sua ur solidos singulis annis dederunt pro animabus suis, ad luminaria coram infirmis luceñtia, tes- tibus Pauduino de Castello et Bauduino Li Cortois. Facta sunt bec omnia anno incarnationis Domini M° Ce LXXIX® regnante Ludovico rege Francorum, Frumondo episcopo Alrebati existente, fratre Rogero eamdem domum magis- trante. | | (Arch. de l'hôpital S. Jean. — Orig. parchemin. Scel en morceaux appendu à las de parchemin et enfermé dans un vieux sachet de soie. Fin du XIF° siecle.) ° 3 4184. — Charte de Philippe, comte de Flandre et de Ver- mandois, et d'Elizabeth, sa femme, rappelant et cunfir- mant la donation qu’ils avaient faite à l'hépilal d'une rente annuelle de 100 1. sur les changeurs d'Arras, 100 1. sur le péage de Bapaume, 5 muids de blé et autant d'avoine sur les revenus de Péronne. + In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti, Amen. Ego Philippus Flandrensis et Viromandie comes, et Elizabeth uxor mea, notum esse volumus tam presentibus quam futuris quod pro animabus nostris el omnium antecesso- rum nostrorum dedimus in elemosinam hospitali Sancti Jobannis de porta Sancti Salvatoris Atrebatensis ducen- tas libras Flandrensis monete annuatim percipiendas, centum ex labuljs nummulariorum Atrebatens. el toli- dem ex traverso de Bapalmis, quinque modios tritici et to- tidem avene ad mensuram Attrebat. recipiendos .singu- lis ananis de redditibus Perone. Ut igitur hujus elemosine nosire concessio rata et inconvulsa pjermaneat in perpe- — 331 — tuum, presentis cartule paginam sigillorum nostrorum auctoritate et testium subnotalione muniri precepimus. S. Gerardi de Mecinis notarii etsigillarii nostri. S. Roberti Attrebatensis advocati. S. Hellini senescalli nostri. S. Mi- cahellis constabularii. S. Walteri de Athebato. S. Gille- berti de Aria. S. Sawalonis Hukedeu. Actum anno ab In- carnatione Domini M° C° LXXX° [°. Datum Atrebati in camera abbatis Sancti Vedasti. (Arch. de S. Jean, orig. — Sceaux du comte et de la comtesse de Flandre pendus à las de soie verte et rouge). III 4181, 25 mars. — Confirmalion par le pape Alexandre III des donations du comte de Flandre. Alexander episcopus, servus servorum Dei, dilectis fi- his rectori et fratribus hospitalis Sancti Johannis de porta Sancti Salvatoris Attrebatensis, salutem et apostolicam benedictionem. Justis petentiumdesideriis dignum est nos facilem prebere consensum et vota que a rationis tramite non discordant effectu prosequente complere. Éapropter, dilecti in Domino filii, vesiris justis postulalionibus grato concurrentes assensu ducentas libras Flandren. monete annuatim percipiendas, centum ex tabulis nummulario- rum Attrebat. et totidem ex traverso de Baçalmis, quin- que modios tritici et tolidem avene ad mensuram Alire- bat. recipiendas singulis annis, de redditibus Perone, que omnia dilectus filius noster nobilis vir Philippus co- mes Flandren. et nobilis mulier Elizabeth uxor ejus, fun- datores ipsius hospitalis, ad sustentationem pauperum in eo manentium divini amoris intuitu contulerunt, sicut — 332 — legitime ac pacifice possidetis, vobis et eidem hospitali auctoritale apostolica confirmamus et presentis scripti patrocinio communimus. Statuentes ut nulli omnino ho- miuum liceat hanc paginam nostre confirmationis infrin- gere, vel ei ausu temcerario contraire. Si quis autem hoc attentare presumpserit, indignationem omnipotentis Dei et beatorum Petri et Pauli apostolorum ejus se noverit incursurum. Datum Tusclan. var kl. aprilis. (Arch. de St-Jean, orig.) | IV 41481. — Confirmation par Willaume, archevéque de Reums, cardinal au titre de Sainte-Sabine et légat du Saint-Siège, des donations du comte de Flandre. Willelmus Dei gratir Remorum archiepiscopus, Sancte Romane Ecclesie et Sancte Sabine cardin., aposiolice se- dis legalus, dilectis filiis rectori et fratribus hospitalis Sancti Johannis de porta Sancti Salvatoris Attrebatensis, in perpetuam rei memoriam. Justis petentium desideriis dignum est nos facilem prebere consensum, et vota que a rationis tramile non discordant eftectu prosequente complere. Eipropter, dilceti in Domino fili, veslris jusl's postulationibus grato concurrentes assensu ducentas li- bras Flandren. monete anpuatim percipiendas, centum ex labulis nummulariorum Atlrebat. et lotidem ex tra- verso (le Bapalmis, quinque modios tritici et Lotidem avene ad mensuram Attrebat. recipiendos singuiis annis de reddilibus Perone, que ommia dilectus filius noster nobilis vir Philippus Flandren. comes et nobilis mulier :Élizabeth uxor ejus, fundatores ipsius hospitalis, ad sus- — 333 — tentationem pauperum in eo manentium divini amorisin- tuitu contulerit, sicut legitime pacifice possidetis, vobis et eidem hospitali auctoritate nostra confirmamus et pre- sentis scriphi palrocinio cum sigilli nostri munimine communimus. Statuentes et sub analhemale prohi- bentes ne quis huic nostre confirmationis pagine in ali- quo contraire presumat. Salva in omnibus aposlolice sedis auctoritate. Actum anno ab Incarnatione Domini M° Ce LXXX° [o. Datum per manum Alexandri cancella-. rii noslri. (Arch de S. Jean, orig. — Scel pendant à las de soie verte et rouge). \' 41483. — Vente par Willaume de Biache à l'hôpital d'une terre et d'une dime à Etaing, et par Pierre de Chérisy et Wautier Corbes de ce qu'ils avaient en ladite dime. Sciant universi presentes el futuri quod Wiilelmus de Biare {1) et uxor ipsius et pueri sui vendiderunt fratribus hospitalis Beati Johannis ad portam Sancti Nicholaïi Atre- balensis siti, decimam et lerram et quicquid possidebant apud Stohem (2). sub domino comite Flandrensi Philippo. JÎlem Petrus de Cherisiaco et Walterius Corbes ibidem in eadem decima partem babebant et Lotum quod ibi habe- bant predictis fratribus prenominati hospitalis vendide- runt. De qua scilicel terra et decima Willelmus, et pue- ri, et Petrus, et Walterius prescripli debebant homagium et legionem domino comiti Flandrensi. Homagium illud et legionem reddidit dominus comes Deo et hospitali (4) Biache, canton de Vitry. (2) Etaing, canton de Vitry. — 334 — Beati Johannis pro anima sua et parentum et omnium antecessorum suorum. Item Willelmus et uxor et pueri, et Petrus, et Walterius totum quod vendiderant ibidem hospitali reliquerunt super altare quod est 4n hospitali. Preterea domini sacerdotes qui conventioni isti interfue- runt, scilicet capellanus hospitalis, Johannes de Sancto Nicholao, Nicholaus de Sancto Gaugerico, anathematis vinculo obligaverunt omnes qui de conventiorie ista domui prenominale amplius contrairent. Et ut conventio ista el venditio stabilis et inconcussa teneretur in perpe- tuum, dominus comes preséntem cartam sigilli sui auc- Loritate communivit et testium subnotalione muniri pre- cepit. S. Gerardi de Mecinis notarii sui et sigillarii. S. Roterti advocati Attrebatensis. S. Hellini senescalli sui, S. Michaelis constabularii. S. Walteri de Attrebato. S. Gilleberti de Aria. S. Petri de Muaisnilio. S. Sauwa- lonis Huchedeu. Actum anno Dominice Incarnationis M° C LXXXII°. | (Cartul., f 35, ve). VI 4186. — Charte de Philippe, comte de Flandre et de Ver- mandois, réglant les termes auxquels se toucheront, sur le change d'arras et le péage de Bapaume, les 200 I. que lui et sa femme Elisabeth avaient données à L'hôpital; les 5 muids de froment et 5 muids d'avoine qu'ils avaient aussi donnés seront perçus chaque année à Athies. + Ta nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti, Amen. Ego Philippus Flandrensis et Veromandie comes, notum fieri volo tam presentibus quam futuris quod elemosinam il- lam cc librarum, quam hospitali Sancti Johannis Atreba- — 335 — tensis ego et uxor mea Elysabeth concessimus pro salute nostra et antecessorum nostrorum, sicut autenlicum scriptum nostrum testatur quod inde habet prefatum hospitale, his terminis statui in perpetuum persolven- dam : centum libre ex tabulis nummulariorum Attreba- tens. sic persolvantur : in natali Domini xxv lib., in Pascha xxv lib., in nativitate Sancti Johannis Bapliste xxv lib., in die Sancti Remigii xxv lib.; centum etiam libre ex traverso Bappalmensi eodem modo eisdem lerminis per- solventur. Quinque etiam modii tritici et totidem avene modo Atrebat. in die S. Remigii Athies persolvantur. Nulli igitur ministrorum meorum vel successorum meo- rum ultra predictos terminos liceat predictos redditus retinere. Üt igilur hoc ralum inconcussumque perma- neat, tam presentis scriplo pagine quam meiimpressione sigilli immo et subscriptarum testimonio personarum munire decrévi. S. Gerardi de Mecinis prepositi Insulis. S. Roberti advocati Atrebat.. S. Hellini senescalli nosiri, S. Michaelis constabularii. S. Gilleberti de Aria. S Petri de Maisnilio. Actum anno Domini M° Co LXXX VF. (Cartul., fo 34). : | VII 4186. -— Confirmation par Roger, évéquesie Cambrai, de la donation faite à l'hôpital par Nicolas de Vraucourt de sa dîime de Lagnicourt. In nomine Domini, Rogerus, divina miseratione Came- racensis episcopus, tam presentibus quam futuris in per- peluum. Vivacis beneficio scripti rei geste perpelualur memoria et versutorum ne emergant in posterum litigia preciduntur. Presenli eapropter memoriali in omnium — 336 — noticiam diffundi volumus quod Nicholaus de Evrau- court {1), nobilis homo, Sancto ductus Spiritu, decimam quamdam quam upud Legnecurt (2?) tenebat hospitali Beati Johannis Atrebaü sito, pro sua suorumque anima- bus, sub elemosine litulo libere contulit nostris in mani- bus resignatam. Nos quoque eam dicte domui, ut eadem de cetero bona pace gaudeat, misericorditer confirmamus. Hanc igitur hujus pie donalionis paginam ratam manere volentes, in ejus conservatores divinam diffundentes benedictionem et in ejus detractores eterni penam pro- mulgantes anathematis, eam sigilli nostri patrocinio et sufficienti testium subscriptione duximus communire. S. Walleri archidiaconi. S. Walcheri dicti Bavacensis decani. S. Egidii de Condelto. S. Franconis decani. S. Johannis decani de Vals. S. Walteri capellani, Actum anno Verbi Incarnati M° Co LXXXVI°, presulatus vero nostri [IX°. (Cartul. fo 40). VIII 4191. -- Confirmation par Philippe Auguste des donations des comies de Flandre. In nomine Sancte et Individue Trinitatis, Amen. Phi- lippus, Dei gracia Francorum Rex. Notum sit omnibus presentibus pariter et futuris qaod Philippus quondam comes Flandrie et Elisabeth uxor sua, pro animabus suis et antecessorum suorum, dederunt in elemosinam hospi- tali Sancli Johannis de porta Sancti Salvatoris Attreba- (4) Vraucourt, commune de Vaulx-Vraucourt. (2) Lagnicourt, canton de Marquion. — 337 — tensis ducentas libras Flandrensis monele annuatim percipiendas, centum videlicet ex tabulis nummulario- rum Attrebatensium el totidem ex traverso de Bapalmis, et quinque modios frumenti et totidem avene ad mensu- ram Attrebatensem recipiendos singulis annis de reddi- tibus Perone. Nos autem predicte elemosine benignum favorem et assensum prebuimus pietalis intuitu, quod ut perpetuam obtineat stabililatem, sigilli nostri auctoritate et regii nominis karactere inferius annotalo presentem paginam precepimus confirmari. Actum Attrebati anno ab Incarnatione Domini M° C° nonagesimo primo, regni nostri anno tertio decimo, astantibus in palatio nostro quorum nomina supposita sunt et signa. Dapifero nullo. Signum Guidonis buticularii. Signum Mathei camerarii. Constabulario nullo. Data vacante (Monogramme) cancellaria. fArch. de S. Jean. — Orig. parchemin. Scel pendu à las de soie rouge.) IX 4203, novembre. — Acte pur lequel Jean doyen, Evrard chantre, et Barthélemy chanoine d'Arras, nommés arbi- tres par une bulle du pape Innocent III (14 décembre 1202), dans le différend entre l'hôpital d'Arras et Eliza- beth Corbes, au sujet d’une dîme à Lagnicourt, attestent que celle-ci a renoncé à ses prétentions, du consentement de ses enfants, à condition d'être reçue sœur dudit hôpi- lal, ce qui lui a été accordé. Johannes decanus, Everardus cantor, el magister Bar- tholomeus canonicus Atlrebatensis, universis Chrisu fide- libus presens scriplum iaspecturis, salutem in Domino. 22 — 338 — Novezit universitas vestra nos in hunc modum manda- tum apostolicumsuscepisse. Innocentius episcopus,servus servorum Dei, dilectis filiis decano, cantori et magistro B. canonico Atrebatensi, salutem et apostolicam benedic- tionem. Querelam dilecti filii rectoris hospitalis Sancti Johannis Atrebatensis recepimus continentem quod J, Corbes laycus et Elizabeth mater ejus, Cameracensis dyocesis, cum super quadam decima ad hospitale ipsum de jure spectante indebite molestare non cessant, propter quod idem rector nostram audientiam appellavit. Quo circa discretioni vestre per apostolica scripta mandamus, quatinus parlibus convocatis et auditis, hinc inde propo- sitis causam super hiis appellatione remola fine debito terminetis, facientes quod decreveritis per censuran ecclesiasticam firmiter observari. Tesles autem qui nomi- nati fuerant si se gratia vel timore subtraxerint per dis- trictionem eamdenm cessante appellalione cogatis veritatis testimonium perhibere, nullis litteris veritati et justicie prejudicantibus a sede apostolica impetratis. Quod si non omnes hiis exequendis potueritis interesse, duo vestrum ea nichilominus exequantur. Datum Laterani, 11 idus decembris, pontificatus nostri anno quinto. Hujus igitur auctoritate mandali, partibus ad nostram presen- tiam evocatis, memorata Elisabeth, assentientibus Jacobo et Aelide liberis suis, prelibate cause coram nobis renun- tiavit, ea videlicet conditione, ut rector et fratres hospi- talis Sancti Johannis ipsam Elyzabeth reciperent in sororem. Rector autem et fratres hospitalis prenomi- nali, dictorum Elyzabeth et liberorum suorum devo- tionem attendentes, ipsorum pelitioni gratum assen- sum: prebuerunt. Elyzabeth igitur et pueri sui coram — 339 — nobis quicquid juris in predicta decima habebant vel Haberé d'ebebant, diéto hospitali quittum pénitus élima veruünt, fideïn interponéntes quod contra omñes qui dé cetéro dièto hospitali supra ipsa decima sé duxerint opponehdos, eidem domui bona fidé préstabunt consilium et juvamen. Ne autém quo in nostra presentià lau- dabilitér gestum ést, procéssu temmpôris in côntén- tionis scrupuülum relabatur, ad pélitionem païtium pr'esens scriptum ex inde conféctum fieri et sigillorum nostrorum fecimus appensione robôrari, ômnes qui eidem téméré présümpserint contraire auctoritate apos- tolica éxcommunicationis vinculo innotänies. Actum añno Verbi Incarnati M° CC° IIT° mérisé novembris. (Cartul: fo 40 vo), X 4204, septembre. — Leitre de Guy archevéque de Reims dux évéques de Soissons, Léon, Amiens, Tournay, Té: rouanne, Cambray, et à l'évêque élu d'Arras (1) léür récommandant l'hôpital S. Jéan d'Arras ét accordant 10 jours d'indulgence à ceux qui feront aumône à cetté maison. Guido, Dei gratia Remensis archiepiscopus, Apostolice Sedis legatus, venerabilibus fratribus et amicis karissi- mis, N. Suession., R. Landun., Th. Ambianen., G. Tor- nacen.; L. Morinen., J. Camerac. eadem gratia episcopis (1) Nivelon, évêque de Soissons; Renaud, évêque de Laon; Thibaud, évèque d'Amiens ; Goswin, évèque de Tournay ; Lambert, évèque de Térouanhe; Jean, évêque de Cambrai; Raoul de Neuville, évêque élu d’Arräs,. — 340 — et R. Attrebaten. electo, et dilectis in Christo filiis, abbatibus, prioribus, decanis, presbiteris, ceterisque ec- clesiarum prelatis, in eisdem episcopatibus constitutis, in Domino salutem. Quum inter varios humane fragilitatis eventus non est facile habitantibus super terram incursus evadere delictorum, proposita sunt nobis in medium opera caritalis quibus tanto uberius Dominum possimus habere prôpitium quanto ea devolius in necessitatibus expenderimus proximorum. Proinde cum domus hospi- talis beati Johannis super pontem Sancti Auberti, apud Attrebatum, tantis habundet caritatis operibus ut in ea- nec lectus infirmo, nec panis famelico, nec cuicumque petenti beneficium humanitatis subsidium denegetur, et ad id exequendum proprie non supoetant facultates, vestris et aliorum Christi fidelium elemosinis desiderant misericorditer adjuvari, unde caritatem vestram rogamus attentius, monemus et exhortamur in Domino, quatinus nuncios ejusdem domus latores presentium cum ad vos venerint fidelium elemosinas pelituri, ipsos in ecclesiis vestris sine contradictione vel exactione qualibet benigne recipiatis et recipi faciatis, vobis aut decanis et presbi- teris firmiter injungimus quatinus verbum pro eadem domo predicelis divinum, plebes vestras monitis salu- taribus inducentes, ut ad pauperum predicte domus sus- tentationem, elemosinas suas et grala Deo subsidia lar- giantur. Inhibemus quoquenealios predicatoresquam con- versos vel clericos speciales ejusdem domus recipiatis. Nos verode Dei misericordia etgloriose Virginis Marie omnium- que Sanctorum meritis confisi, omnibus qui prefate domui suas transmiserint elemosinas, decem dies de injunctis sibi penitentiis, peccata oblita, offensas patrum et matrum — 341 — “sine violenta manuum injectione, divina dispensatione misericorditer relaxamus. Datum anno Verbi Incarnati M° CC° quarto, mense septembri. Durent per annum. (Arch. de S. Jean. — Orig.) XI 4207, 7 septembre. — Jugement de Ponce, archidiacre, et Henri de Vitry, official d'Arras, sur un différend entre l'hôpital et Agnès, veuve de Nicolas de Vraucourt, au sujet de la dime de Lagnicourt. P. divina permissione Attrebaten. archidiaconus et H. de Viteriaco domini Attrebat. episcopi officialis, omnibus presentem paginam inspecturis, salutem in salutis Auc- tore. Sciant presentes pariter et futuri quod cum Agnes mulier relicta Nicholai de Everaldi Curte hospitale Sancti JohannisdeAttrebatocoramnobistraxissetin causam super medielate decime quam dicti hospitalis fratres habebant in territorio de Laignicourt, quam ipsa Agnes repetebat ab eis, tandem partibus diligenter audilis, et merilis cause plenius intellectis, nos de domini Attrebat. epis- copi et prudentum virorum consilio, per deffinitivam sen- tenliam, dictam domum ab impetitione supradicte mulie- ris absolvimus, ei perpeltuum super eadem decima silen- tium imponentes, quia nobis constabat ad plenum sepe- dictam Agnem decimam illam fide interposila et jura- mento corporaliter prestito premisse domui werpuisse penitus et quittasse. Et hoc nobis constitit per testes omni exceptione majores, et prelerea de assensu bone memorie domini Rogeri quondam venerabilis Camera- cencis episcopi, sicut in-ejusdem autentico quod inspexi- — 349 — ton too prefalo fuisse collatam. “Huic igitur difinitioni et prola- tioni finitive interfuerunt W. prepositus et magistri L. de Henin, Barth. et R. de Duaco canonici Atrebat. In cujus rei memoriam, nos, ad predictorum fratrum instantiam, presens scriptum inde factum sigillorum nostrorum ra M° GC VII, septimo idus nb (Cartul., fo 39, ve). XII 1207, 7 septembre. — Confirmation par Raoul, évéque d'Arras, du jugement précédent. (Cartul., f 40). XII 4208. — Donation par Eude, abbé, et par le couvent de Si- _ Vaast aux frères de l'hépital Saint-Jean du tréfonds de la terre sur laquelle s'élèvent leurs maisons, moyennant un cens annuel de 14 sous, monnaiîe d'Arras, payable à Noël, et l'élection de l’un d'eux comme homme vivant et mourant, à la mort duquel ils payeront 14 $. de relief. Ego Odo, Dei permissione Beati Vedasti de Alrebato diclus abbas, totusque ejusdem conventus, omnibus ad quos litiere iste pervenerint. Fieri volumus manifestum quod nos ad petitionem fratrum hospitalis Sancti Johan- nis Atrebat. super Crinchon constituti, volentes utilitati pauperum qui ibidem cotidie recipiuntur in posterum providere, eamque que super censibus nostris requiren- dis inter nos et dictos fratres posset oriri, cupientes amo- — 943 — vere discordiam, unanimi consensu concessimus fratri- bus hospitalis jam dicti terram illam supra quam edifi- catum est ipsum hospitale, cum mansionibus quas ad pre- sens tenet ibidem, cujus hospitalis el earumdem mansio- num fundus ad ecclesiam nostram dignoscitur pertinere sub annuo censu quatuordecim solidorum monete Atre- baten. ecclesie nostre in Natali Domini solvendorum in perpetuum possidendam. Hoc tamen duximus exprimen- dum quod sepedicti fratres tenentur ex se ipsis unum eligere quem maluerunt, quo decedente, pro relevamento ecclesie nostre quatuordecim solidi persolventur, salvo tamen censu illius anni quo moricontigerit fratrem illum, illoque ut dictum est defuncto, iterum alium eligent suc- cessive in cujus similiter decessu relevamentum nobis solvetur eo modo qui superius est expressus, et ita in perpetuum personam nominatim electam habebunt, qua in fata concedente quatuordecim solidi pro relevamento nobis solventur, censu nichilominus persoluto, videlicet quatuordecim solidi sicut superius est expressum. Nolu- mus etiam sub silentio preterire quod sepe nominati fra- tres in his que ad jus nostrum infra Atrebatum spectare noscuntur terram aliquam nullatenus possunt acquirere, nisi de capituli nostri communi licentia et assensu. Ut igilur preassignata concessio perpeluam in posterum ob- tineat firmitalem, excommunicavimus omnes illos qui ei se temere duxerint opponendos, presensque chirogra- phum ob hoc fieri fecimus et sigillorum nostrorum ap- pensionibus roborari. Actum anno dominice Incarnationis M° CC° VIII, mense. (Cartul , fo 45), — 944 — XIV 4212, novembre. — Confirmation par Wautier de Remy de la vente faite par Jean Papellart, d'Etaing, son homme, à l'hôpital S. Jean de 18 mencaudées de terre sises à Etaing ; 1 renonce pour lui, pour Hugues, son fils aîné, et ses successeurs à tous droits sur ladite terre que l'hôpital possédera comme libre aleu. Ego Walterus de Remi, notum facio presentibus et fu- turis quod Johannes Papellars de Estohaïign, homo meus, de assensu meo et Sarre uxoris sue et Arnulfi primoge- niti sui, vendidit decem et octo mencaldatas terre jacentes in territorio de Estohaign quas de me tenebat in feodum hospilali Sancti Johannis in Strata Atrebatensi, ab eodem hospitali sine omni servitio et exactione quiele et pacifice perpeluo possidendas. Sciendum autem quod dicta Sarra, uxor ipsius Johannis, coram domino Atrebatensi episcopo, me presente, confessa est se in memoratis decem et octo meucaldatis dotalicium nullum habere, hoc addito quod tam ipsa quam predictus À. filius suus in manu ejusdem domini episcopi fidem dedil, quod neque nomine dotalici neque alia occasione hospitale jam dictum super premis- sis xvr11 mencaldatis per se aut alios ullatenus de cetero molestabunt, sed potius cum ipso Johanne bona fide ga- randient contra omnes. Ego eliam eamdem terram cum omni dominio quod in illa prius habueram ab omni jure tam feodali quam quolibet alio penitus absolutam, in ma- au prefali domini episcopi ad opus sepedicti hospitalis in perpetuam elemosinan contuli et werpivi, quam idem dominus episcopus fratribus hospitalis ejusdem reddidit libere et quiete in perpetuum possidendam. Ad hec in — 345 — presentia ipsius episcopi firmiter promisi quod si quis post modum compareret qui in prelaxatis xvitr mencal- datis aliquid reclamaret, ego et heredes mei, scilicet Hugo primogenitus meus aliique successores nostri, do- mum jam dictam Sancti Johannis quo ad hoc liberam redderemus penitus et indempnen, de quo etiam firmi- ter observando terram quam in dyocesi domini Atreba- tensis habeo ipsius justitie supposui et spontanee obli- gavi ad majorem securilaltem. Et Walterus li Ailes, Ste- phanus Nevares de Sailly, Willelmus de Atrio de Vy, Eustacius de Portis, et Hugo li Vavasseurs, homines mei et pares ipsius Johannis indicaverunt hanc vendilionem bene et legitime esse faciam. Has autem octodecim men- caldatas terre, domus Sancti Johannis tanquam liberum allodium possidebil. Hec igitur venditio recognila fuit . tam a me quam ab ipso J. Papelart coram domino Attre- batensi, presentibus Johanne Meawine el Balduino de Castello baillivis ejusdem domini et Gerardo Sequerece et multis aliis. Quod ut stabile sit et firmum, presentem cartam sigilli mei munimine roboravi. Actum anno Do- mini M° C(° XII° mense novembris. (Cartul., f° 36, vo). XV 4245, janvier. — Confirmation par le méme, d'une seconde vente de 18 mencaudées de terre à Elaing faite par Jean Pappelart, aux mêmes condilions. (Cart. fo 37). XVI 4245, janvier. — Confirmation de ces deux ventes par l'évéque d'Arras. (Cart. fo 37 vo). — 346 — XVII 4248, 27 janvier. — Bulle d’Honorius III prenant sous sa protection les biens des frères de l'hôpital, et defen- dant de prélever des dîmes sur la nourriture de leurs animaux. Honorius, episcopus, servus servorum Dei, dilectis filiis magistro et fratibus Sancti Johannis de Atrebato, salutem et apostolicam benedictionem. Cum a nobis petitur quod justum est et honestum, tam vigor equitatis quam ordo, exigit rationis ut id per sollicitudinem offcii nostri ad debitum perducatur effectum, Eapropter, dilecti in Do- mino fil, vestris justis postulationibus grato concurren- tes assensu, personas vestras cum omnibus bonis vestris que impresenliarum possidetis, aut in futurum justis modis prestante Domino poteritis adipisci, sub beaii Petri et nostra protectione suscipimus et presentis. scripti patracinio communimus, districtius inhibentes ne quis de vestrorum animalium anutrimentis a vobis decimas exigere vel extorquere presumat. Nulli ergo omnino hominum liceat hanc paginam nostre protectionis et inhibitionis infringere vel ei ausu temerario contraire. Si quis autem hoc attemptare presumpserit, indignatio- nem omnipotentis Dei et beatorum Petri et Pauli apos- tolorum ejus se noverit incursurum. Datum Laterani VI° kl. febr., pontif. nostri anno sccundo. (Cart. fo 41). — 341 — XVIII 4220, 40 mai. — Bulle d'Honorius LIT confirmant les donations faites à l'hôpital. Honorius, episcopus, servus servorum Dei, dilectis fiis magistro et fratribus hospitalis Sancti Johannis Atrebalensis, salutem et apostolicam benedictionem. Sacrosancta Romana ecclesia devolos et humiles filios ex assuete pielatis officio propensius diligere consuevit, el ne pravorum hominum molestiis agitentur, eos tan- quam pia mater sue protectionis munimine confovere. Éapropter, dilecti in Domino filii, vesuris justis postula- tionibus grato concurrentes assensu, personas vestras el domum in qua divino estis obsequio mancipati cum omnibus bonis que impresentiarum rationabiliter possi- detis, aut in futurum justis modis prestante Domino poteritis adipisci, sub beati Petri et nostra protectione suscipimus. Specialiter autem centum solidos in scachario Brugensi, et quinque modiorum frumenti et totidem avene redditus apud Peronam ad mensuram Attrebati annis singulis obtinendos, et de Stohan et de Balloil curtes, possessiones et alia bona vestra, sicut ea omnia juste ac pacifice possidetis, vobis et per vos eidem domui vestre auctoritale apostolica confirmamus et pre- sentis scripti patrocinio communimus. Nulli ergo omnino hominum liceat hanc paginam nostre protectionis et confirmationis infringere vel ei ausu temerario contraire. Si qui autem hoc attemplare presumpserit, indignationem omnipotentis Dei et beatorum Petri et Pauli apostolorum ejus se noverit incursurum. Datum Viterbii VI id. maii, pontificatus nostri anno quarto. (Arch. de S. Jean. — Original). — 348 — XIX 4224, mai. — Donation par Alard de Croisilles chevalier et A. sa femme, de 12 mencauds de froment et 59 men- cauds d'avoine à percevoir annuellement au terroir de Saint-Léger, sous certaines conditions. Ego Alardus miles et dominus de Croisilles et A. karissima uxor mea, notum facimus presentes litteras inspecturis quod, cum unam modiatam terre in territorio Sancti Leodegarii (1) consistertem juxta crucem Evrardi acquisierimus a Thessone Rosei, et eam concesserimus Bartholomeo Bebet, Assoni Augraret, Johanni de Hame- laincourt, Gontero de Sancto Leodegario et Petro carni- fici de Croisilles heredilarie obtinendam, hac scilicet pactione quod ad roiam frumenti sexaginta et duodecim mencaldos frumenti ad Atrebatensem mensuram censua- liter reddere nobis debent infra festum Omnium Sancto- rum, et ad roiam avene triginta et sex mencaldos avene ad eumdem terminum et ad eamdem mensuram. Ila ordinavimus de conseneu karissimi primogenili et here- dis nostri Johannis, pro remedio animarum nostrarum, ac antecessorum seu ellam successorum noslrorum salute, quod quatuor ecclesie videlicet de Primiaco, de Pratis Duacens., de Braella et de Fonte Beate Marie prope Valencen. (2), nec non et domus hospitalis Sancti Jobannis Atrebat. in strata ante Crincionum in perpetuum reci- pient et habebunt de censu predicio ad roiam frumenti (1) Saint-Léger, canton de Croisilles. (2) Les églises de Premy, N.-D. des Prés, Fontenelle et La Brayelle. — 349 — sexaginta mencaldos frumenti Atrebat. et ad roïam avene triginta mencaldos avene Atrebat., ita quod quelibet ecclesiarum illarum et etiam dicta domus duodecim men- caldos frumenti Atrebat. el sex avene congruis prout dictum est temporibus obtinebit. In singulis autem eccle- siis et in domo memorata, anniversarium nostrum sin- gulis annis fiet post decessum nostrum, et terlia pars totius redditus antedicti in qualibet ecclesia et in dicto hospitali per annos singulos convertetur ad communem pitantiam et refectionem sororum et pauperum languen- tium hospitalis supradicti ea die qua rostrum anniversa- rium contigerit celebrari. Retinuimus vero nobis et here- dibus nostris introitus et exitus de Lerra predicta, et per hoc efficaciter procurare debemus, nos el nostri heredes, quod predicta elemosina singulis, sicut dictum est, eccle- siis et dicto hospitali assignata sine diminutione vel mora eisdem solvatur temporibus constitutis. Ut autem ele- mosina prenominata sit firmior in futurum et ex hoc amplius proficiat ad nostram salutem, paginam presen- tem conscribi et nostrorum impressionibus sigillorum fecimus communiri. Actum anno Domini M° GG° XX[° mense maio. (Cart. fo 41 vo). XX 4224, décembre. — Jugement de Ponce, évéque d'Arras, déclarant que les hôtes de l'hôpital, à Bailleul, ne sont pas obligés d'aller au four de Jacques de Bailleul, cheva- lier, comme il voulait les y contraindre. P. divina patientia Attrebatensis episcopus, omnibus ad quos presentes littere pervenerint, salutem in omni sa- lutari. Noverit universitas vestra quod cum magister et — 350 — fratres hospitalis Sänèti Johannis in Attrébato Jacob de Baïlleul militem traxissent coram nobis in causafn, de ipso super hoc conquerentes, quod hospités suos quo habent apud Bailleul in furno ipsius militis invitos fur- nare minus rationabiliter compellebat, tandem auditis confessionibus partium, testibus dicti hospitalis diligen:. ter examinatis et publicatis depositionibus ecrumdem, juris ordine per omnia conservato, habito prudentum vi- rorum consilio, per deflinitivam sententiam judicavimus non: teneri prefatos hospites in furno jam dicti mililis, sed: eos posse in quocumque volunt licile ac libere fur- gare. Quod ut khec suam obtineat firmitatem, préseñtes: litteras fieri fecimus sigilli nostri appensione muniri. Ac: tum anno Domini Dominice Incärnationis Mo GGo XXIIIT°, ménse decembri. (Gartul., fo 83; vo). XXI 4926, 44 mai. — Bulle d'Honorius III confirmant les pos- - sessions et dîmes de l'hôpital. Hônôïius episcopus, servus servorum Dei, dilectis fi- lis, magistro et fratribus hospitalis pauperum Sancti do: * hannis de Atrebato, salutem et apostolicam benëedittio- nem. Solet annuere sedes apostolica piis votis et honestis petentium precibus favorem benevolum impértiri. Ba- propter, dilecti in Domino filii, vestris justis postulatio- nibus grato concurrentes assensu, personas vestras el hospitale in quo divino vacätis obsequio cüm omnibus bonis que impresentiarum rationabiliter possidet, aut in futurum prestante Domino justis modis poterit adipisci sub beati Petri et nostra protectione suscipimus. Specia- = 351 — liter aatein de Stoharn, de: Noïele, de Kersonetes, de Lei: gnecort, de Remi, de Duri, de Strepignies, de Vi, de Haucort et de Saudemont (1) decimas, nec non terras, possessiones, redditus et alia bona vestra, sicut ea omnia juste, canonice et pacifice possidetis, vobis et per vos hospital vestro auctoritate apostolica confirmamus et presentis seripti patrocinio communimus, auctoritate pre- sentium inhibentes, ne quis a vobis de novalibus, ortis et vestrorum animalium nutrimentis, decimas exigeré vel extorquere presumai. Nulli ergo omnino hominum liceat hanc paginam nostre protectionis confirmationis et inhibitionis infringere, vel ei ausu lemerario contraire. Si quis autem hoc attemptare presumpserit, indignalio- nem omnipotentis Dei et beatorum Petri et Pauli aposto- lorum ejus, se noverit incursurum. Datum Laterani 11 idus maii, pontificatus nostri anno decimo. (Arch. de S. Jean, original, et cartul., f° 39). XXII 4227, 4 juillet. — Donalion par Ferrand, comte de Flan- dre et de Hainaut, et Jeanne, sa femme, à l'hôpital S. Jean, de l’eau d'Etaing, moyennant deux chapons de rente annuelle à Noël. Ferrandus, Flandrie et Hainonie comes, el Johanna uxor ejus, omnibus presentes litteras inspecturis salutem. No- verint universi quod nos domui Sancti Johannis de Sto- haign.concessimus liberaliter et benigne aquam quam (1) Etaing, Noyelles-sous-Bellonne, « Cressonettes » (XVe siècle), Lagnicourt, Remy, Dury, Eterpigny, Vis-en-Artois, Haucourt, Sau- demont. — 352 — CS incluserunt pauperes dicte domus infra mansum suum, perpetuo possidendam, pro salute animarum nostrarum et predecessorum nostrorum ac deinceps suCCessOrum. Et pro majori firmitate retentionis dicte aque nobis de- bent solvere apud sclusam duos capones annuatim in Nativitate Domini. In cujus rei testimonium presentibus litteris sigilla nostra apposuimus. Actum Insulis anno Domini M° GC° XX VII° dominica post octavas Nativitatis beati Johannis Baptiste. (Cartul., fo 36), XXIII 4228, 9 novembre. — Confirmation par Grégoire IX des donations faitesà l'hôpital par Philippe, comte de Flandre. Gregorius episcopus, servus servorum Dei, dilectis fi- lis magistro et fratribus hospitalis pauperum Sancti Jo- hannis in Attrebato, salutem et apostolicam benedictio- nem. Justis petentium desideriis dignum est nos facilem prebere consensum, et vota que a rationis tramite non discordant effectu prosequente complere. Eapropter, di- lecti in Domino fii, vestris justis postulationibus grato concurrentes assensu, personas vestras et locum in quo divino estis obsequio mancipati, cum omnibus bonis que impresentiarum rationabiliter possidet aut in futurum justis modis prestante Domino poterit adipisci, sub beati Petri et nostra proteclione suscipimus. Specialiter autem aanuum redditum ducentarum librarum parisiens. a bone memorie Philippo comite Flandrie hospitali vestro pia hberalitate concessum, curtem de Stohain cum pertinen- tiis suis ac alia bona hospitalis ipsius, sicut ea omnia , OS — juste ac pacifice possidetis, vobis et per vos ipsi hospi- tali, auctoritate apostolica confirmamus, et presentis scripti patrocinio communimus. Nulli ergo omnino ho- minum liveat hanc paginam nostre proteclionis et confir- mationis infringere vel ei ausu temerario contraire. Si quis autem hoc attemptare presumpserit, indignationem omnipotentis Dei et beatorum Petri et Pauli apostolorum ejus se noverit incursurum. Datum Perusii v id. novem- bris, pontificalus nostri anno secundo. (Arch. de S. Jean, original, et cartulaire, f° 35). XXIV 4232, 144 mars. — Notification par P., doyen de l'église d'Arras, de la vente faite à l'hôpital S. Jean, par les ma- la‘lreries du Grand- Val et du Petit- Val, de 3 mencaudées de terre sises au terroir de Bailleul. Universis presentes litteras inspecturis, P. decanus Attrebatensis ecclesie, salutem in Domino. Noverit uni- versitas vestra quod cum Robertus Faber de Bailleul et Maria uxor ejus lahorarent in extremis, divine pietalis intuitu, et ob remedium animarum suarum, tres mencal- datas terre site in territorio de Bailleul domibus lepro- sorum de Grandi Valle, de Parva Valle (1) et hospitali Sancti Johannis de Stirata in Attrebato, scilicet cuilibet (1) Les maladreries du Grand-Val et du Petit-Val « situées à une demi-lieue d’Arras, sur la route de Bapaume, du côté de Beau- rains. » (Chanoine Proyart, Notice sur les élablissements de bien- faisance de la ville d'Arras, ap. Mémoires de l’Acadèmie d'Arras, 4846). Leurs biens furent réunis à ceux de l’hôpital S. Jean, en 1698. 3 — 354 — domui unam mencaldatam, legaverint, et domus. hospi- talis Sancti Johannis predicli, scilicet rector et fratres, gato dictis domibus leprosorum facto, pro tredecim libris par. parym plus vel minus, bene ac legitime emerunt ab eisderm, et in manu nostra ad opus dicti hospitalis resi- gnaverunt spontanei, bona fide promittentes quod de ce- tero per se nec per successores suos, coram judice secu- lari vel ecclesiastico contra fratres predictos aliquid re- clamabunt, el quidquid juris habebant in dicta Lerra do- mui hospitalis ante dicti liberaliter quittaverunt coram nobis. Et nos tunc, ad petitiesem et inslantiam fratrum domorum leprosorum prediclorum, rectorem et fratres hospitalis investivimus supradictos. Ut autein hec ven- ditio rata sit et firma, presentem paginam sigilli nostri appensione dignum duximus roborandam. Actum anno dominice Incarnationis M° CC° XXX° primo, mense mar- cio,, dominica qua cantatur Oculi mer. (Cartu]., fe 84). XXV 4233, 26 avril. — Accord entre l'hôpital et Sarra, veuve de Jean Papelart, au sujet des terres d'EÆtuing. B. Scolasticus et B. dictus Canis, canonici Beate Marie Atrebatensis. judices a domino papa delegati, universis presentes litteras iaspecturis, saluten in Domino. Noverit universilas. vestra quod eum Sarra Papelarde, relicta Jo- hannis Papelart de Estohain. magistrum et fratres hospi- tatis Sancti “ohannis in Strata Attrebat. inquietaret supra quinquaginta et octo mencaldatis terre sitis in lerritorio — 355 — de Estohain coram justitia seculari, nomine dotalicii, quam terram Johannes dictus Papelars, quondam maritus dictée Sarre, prefatis magistro et fralribus dicti hospitalis dum viveret et ipsa Sarra insimul vendiderant et werpe- _-verant cum eorum heredibus, eoram domino de quo terra tenebatur predicla, et coram judicatoribus ipsius terre et multis aliis bonis viris ad opus dictorum magis- tri et fratrum hospitalis prefati, prout in cartis quas ipsi magister et fratres oblinent super hoc confectis evidenter apparet, fide et juramento interposilis a predictis J. Pa- pelart et S. uxore ejus de non reclamando terram predic- tam a magistro et fratribus memoralis. Et ipsi magister et fratres dictam Sarram supra indebita vexatione eorum de terra prefata quam eisdem inferebat, ut diclum est, coram nobis, terlio collega nostro videlicel ecclesie nos- tre decano absente et legitime excusalo, auctoritate apos- tolica traxissent in causam, petentes a nobis humiliter ut sepediclam Sarram ad observationem fidei sue quam dederat de non reclamando terram predictam per censu- ram ecclesiasticam compelleremus. Tandem post muluas verborum altercationes habitas inter partes predictas, amicabilis compositio intervenit, ila quod dicta Sarra co- ram nobis personaliter constitula quicquid juris in pre- dictis quinquaginta et octo mencaldalis terre.nomine do- talicii seu alia ratione habchat vel habere poterat, ma- gistro et fratribus predictis quiltavit, in viduilate sua, spontanea voluntate liberaliter et benigne fidem et jura- mentum corporaliler interponens quod ipsa Sarra Pape- Jarde antedictos magistrum et fratres hospitalis Sancti Johannis in Strata Attrebat. supra dicta terra nomine dotalicii seu alia ratione de çcetero non molestabit coram — 356 — ecclesiastico judice vel civili nec faciet molestari, verum etiam terram prediclam eisdem magistro et fratribus contra omnes garandiet bona fide. In cujus rei testimo- nium ad petitionem parlium, presentes litteras fieri feci- mus sigillorum nostrorum appensivnibus roborates. Huic quittationi presentes fuerunt coram nobisdominus Adam de Gardino, dominus Johannes dictus Aniles, capellani beate Marie Attrebat., Johannes de Meaulens vicarius ecclesie predicte, Egidius de Cameraco clericus, Gerardus li Feruns, Willelmus de Fampoux et multi alii. Actum anno Verbi Incarnati M° CC° XXX° terlio, mense aprili, in crastino beati Marchi evangeliste. (Cartul., © 38, vo). XXVI 1246, août.— Vente pardevant Pierre, dit Pilate, de Remy, par Simon de Dury, dit l'Aigle, son homme, à l'hôpital S. Jean, de 6 mencaudées de terre sises au terroir de Dury, pour lesquelles ledit hôpital payera chaque année audit Pierre 6 d. p. à Noël. Universis presentes litteras inspecturis, ego Petrus dictus Pilate de Remy rei geste noliliam cum salute. Noverint universi tam presentes quam posteri, quod in mea presentia constitutus Symon de Dury dictus Aquila, homo meus, recognovit se vendidisse magistro et fratibus hospitalis Sancti Johannis Attrebatensis in Strata VI mencaldatas terre, parum plus vel parum minus, site in lerritorio de Dury contigue chalcheie de Villiers versus Dury, quam terram de me lenebat in feodum. Preaictus vero Symon et Liegurdis ejus uxor, per se el per advoca- tum et eorum heredes, in presentia mea et hominum — 357 — meorum constituti, qui homines pares erant ipsius Symo- nis, omne jus quod in dicta terra habebant vel habere poterant bene legitimeque werpierunt et quittaverunt ab ipsis magistro el fratribus usque in perpetuum possi- dendam. In hoc autem facto expresse renunciantes excep- tioni non numerate pecunie, et omni legum aut decreto- rum auxilio, et beneficio minoris etatis et in integrum restitutionis, et fori privilegio, et conditioni, et omni alii exceptioni. Hanc autem venditionem gratam et ratam babui et concessi, hoc addito quod dicti magister et fra- tres michi et heredibus meis de annuali redditu in sex denariis par. in Nativitate Domini reddendis tenebuntur. Prefatam vero terram ego Pelrus tanquam dominus, et heredes mei contra omnes qui legi et juri stare voluerint per dictos sex denarios tenebuntur warandire. Ut autem omnia hec predicta rata et perpetua utantur stabilitate, presentem carlam ad petitionem predictorum Symonis et Liegurdis et eorum heredum prefatis magistro et fra- tribus dicti hospitalis tradidimus sigilli nostri munimine roboratam. Aclum anno Domini M° CC° LXVI° mense augusti. (Cart., fo 50, ve, et 123 dans un vidimus de la cour d'Arras). XXVIT 4270, 11 janvier. — Assignation par Robert, comte d’Ar- lois, sur le péage de Bapaume, des 200 livres dunnées par Philippe, comte de Flandre. | Robertus comes Attrebatensis, universis presentes lit- teras inspecturis, salutem in Domino. Notum facimus quod cum hospitale Sancti Johannis de porta Sancti Salvatoris Attrebatensis haberet et perciperet ex labulis. — 358 — nummulariorum Atrebat. centum libras par. annuatim, ex donatione eidem hospitali olim facta a bone memorie Philippo Flandrie et Viromandie quondam comite et Elizabeth ejus uxore, biis terminis videlicet in Pascha xxv libr., in nativitale Beati Johannis Bauliste xxv Ib, in festo Beali Remigii xxv Ib. et in festo Nativitatis Domini xxv 1b., nec non alias centum libras annui redditus in nostro traverso de Bapalmis, cumque utilius esset hospitali predicto dictas ducentas libras reddituales in uno loco quam in diversis habere, nos volentes et cupientes utilitatem ipsius hospitalis et commodum eidem hospitali, ad requisitionem fratrum ipsius, dictas cenlum libras annui redditus quas antlea percipiebant Atrebali ex tabulis nummulariorum assedimus, conces- sinus et assignavimus percipiendas ir perpetuum ab ipso hospitali diclis terminis in .predicto traverso nostro de Bapalmis una cum aliis centum libris predictis lali modo et conditione appositis quod Egidius de Corcellis receptor noster habebit et percipiet in dicto traverso, quandiu vixerit, tantummodo de eisdem centum libris prelibatis terminis XXX libras parisiensium, quas ipse Egidius tenebit a nobis in homagium quandiu vitam duxerit corporalem. Et post ejus decessum dicte XXX libre ad dictum hospitale libere revertentur. Et promittimus bona fide pro nobis, heredibus et successoribus nostris quod adversus translationem, assessionem et assignalio- nem hujusmodi in futurum non veniemus nullo jure, In cujus rei leslimonium et perpeluam memoriam pre- sentes lilteras nostri sipilli fecimus impressione muniri. Datum Parisius anno Domini millesimo ducentesimo sexagesimo nono die veneris ante Cathedram Sancti Petri. (Arch. de S. Jean, origin. — Cart., fo 34, ve). — 559 — AXVIII 1285, 23 septembre. — Charte du maire et des échevins d'Arras, réduisant le personnel trop nombreux de l'ho- pilal à 45 hommes et 50 femmes. Universis presentes litteras inspecturis, maior et sca- bini ville Attrebatensis, salutem. Noveritis quod cum ab antiquo bone memorie domini Attrebatenses ob remedium animarum suarum et successorum suorum ad opus pauperum et infirmorum, sub spe retribulionis eterne, domum Sancli Johannis in strata Attrebat. funda- verint eamque dotaverint honorifice bonis temporalibus competenter pro necessitatibus infirmorum ac adminis- trantium eisdem, el pluries hactenus acciderit quod plurimorum precum instanlia oportuna, nec non carnalis affectus quorumdam, domum predictam viris et mulie- ribus onerassent, adeo quod vix ad talium sustentatio- rem bona domus predicte sufficerent, convertebanturque in usus contrarios, et infirmi ac pauperes fraudabantur, habilo respectu ad Eum in cujus honore predicta bona pro pauperibus ut dictum est fuerint applicata, habito bonorum et prudentum consilio, abusus et errores hujus- modi ad viam debitam reducentes, laliter ordinamus, quod amodo nullus homo vel femina per nos vel succes- sores nostros in predicla domo ponatur, vel sub expec- tatione futuri temporis locus in illa domo alicui conce- datur, donec numerus existentium presentaliter in domo predicta virorum scilicét ad quindecim, et mulierum ad triginla, deveniat, et ex tunc nisi per mortem vel alias Jocus ibi vacans fuerit de numero supradicté, nullus vel — 360 — nulla valeant ibi poni, qui viri bonorum temporalium dicte domus curam habebunt, et mulieres ibi servient pauperi- busetinfirmis,sineadjectione personealterius.Ordinamus etiam quod nullus vel nulla de moderno tempore ibi existentes vel pro fuluro, si contingat eum exire, panem suum vendere valeat ali, vel alium aut aliam ponere loco sui, nec aliquid de hiis que secum apportaverit, vestibus corporis exceptis, tantummodo valeat reportare, sed totum in domo predicta ad usus pauperum remane- bit. Statuimus insuper quod amodo pauperes et infirmi secundum domus potentiam hospilentur et recipientur, et quod bona predicla in usus hujusmodi fideliter con- nectentur, nec non et quod persone inutiles videlicet servientes et ancille expellentur, et quod, ad disposilio- nem et mandalum nositrum et successorum nostrorum in scabinatu, per morantes in domo bona administrentur predicta et necessitales pauperum gubernentur. Hec autem premissa omnia et singula a nobis ut dictum est statuta et ordinata tenemur et promittimus nos et suc- cessores nostros fideliter in perpetuum observure, et contra per nos vel per alios non venire, nos et succes- sores nostros ad hec ssecialiter obligantes et supnplican- tes domino nostro R. comiti Atirebatensi ac teucntibus locum suum in lerris ipsius, ut salva aucloritale et jure domini nostri predicti in predictis omnia premissa et singula per suas patentes lilleras approbare velint et etiam confirmare. In cujus rei testimonium presentibus litteris sigillum quo ad presens utimur ad causas duxi- mus apponendum. Datum anno Domini M° CC' LXXX° V°, die dominica post fesium Beati Mathei apostoli. (Archives du Pas-de-Calais, A. 31). — 361 — XXIX 4290, mars. — Arrentement à Pierre de Hannescamps età Marie sa femme, bourgeois d'Arras, d'une maison sise .en la « rue Dame Marien Le Logeresse, » que l'hôpital possédait jar moitié avec ledit Pierre, pour 20 sous de rente annuelle et xerpétuelle. Sachent ous qui sont et qui a venir sont que li frere et li seurs de le maison del hospital Saint Jehan en l'Estree d’Arraz par le gre el l’ollroy des eschevin d'Arraz, ont donné a rente bien et loyaument et heri- taulement a tous jours a Pieron de Hanoncamp et a Marien se femme, bourgoys d’Arraz, le moitié d’une maison qu'il avoient contre le dit Pieron. qui siet en le rue dame Maryen le Joyeresse derrière le maison Robert le Maistre, ensi comme elle siet et s'estent devant et derriere en toutes appendanches, par ensi que lidis devant Pieres et Maroie se femme en doivent rendre et paier cascun an as freres et as sereurs del hospital Saint Jehan devant dit, xx soulz parisis de rente a paier a rT termes en l'an ensi con paie rente, et a prendre sour toute le maison devant dite. Et avec tout chou li devant dis Pieres et Maroie se femme doivent paier v soulz de parisis de rente par an que toute li maisons doit de le premiere rente, et leur ont enconvent a warandir le partie devant dite a le loy de le ville quille et delivre de tous enramens parmi cens et rentes que devant sont dites. Et est assavoir que Emme au Grenon, seur du devant dit hospital, de par qui le moitié de le maison devant dite leur est venue doit tenir les xx soulz de rente — 362 — devant dis tout le cours de se vie. Et est assavoir que li dis devant Pieres et Maroïe se femme ne puent ne doi- vent le maison devant dite acroistre de plus rente que devant est dit. Ce fu fait lan del Incarnacion M CCITITF et IX el mois de march. Cist eschevin en ont lettres, Symons Wagons, Jaquemes Li Gornus, et Tibaus Casteles. | (Cart., fo 89, vo). XXX 4297, octobre.— Notification par les échevins d’'Achicourt, d'un accord entre le prévôt de l'abbaye de S. Vaast et l'hôpital S. Jean, sur les droits de relief, les entrées et les issues audit lieu. Sachent eschevin de Hees qui sont et qui a venir sont que comme debas fust entre homme religieux, dont Gillon Lotin, prevost de S. Vaast d’Arras, adont mainte- nant le maison de Hees et les appartenances (1) pour Je dite eglise de Saint Vaast d'une part, et chiaus de le maison Saint Jehan en l'Estrée d'autre part, sur chou que li prevos devantdis et si devanchier avoient demandé a avoir relief a merchi de pieces de terre qui estoient tenues de chiaus de S. Jehan de le maison de Hees de sous rentiers que chil de $. Jehan avoient fait de ces terres. Et chil de S. Jehan vouloient avoir les entrées et les issues et le morlemain de ces sous rentiers, quant il - eskeoit six deniers de le mencaudée, et li prevos dessus (4) Hadis villa est Sancti Vedasti. In hoc habet S. Vedastus ecclesiam, allare, domum dominicatam, ..…. (Guimann, Cartul. de S. Vaast). — 363 — dis leur debatoil a avoir et disoit que a lui appartenoient ces droitures pour chou que li treffons estoit tenus de lui. Il est assavoir que les parties dessus dites, auls ad- vises et conseillies sur chou, se sont amieblement acordé a chou que li relief de merchi, que li prevos devant dis demandoit a avoir des sous renliers que chil de S. Jehan avoient fais de le terre qu'il tenoient de le maison de Hees, ne sera deus ne paies ne al une partie ne al autre, mais chil de S. Jehan aront dore en avant le morte- main vi deniers de le mencaudée et Sains Was ara les en- trées et les issues vi deniers de le mencaudée au vendre et al acater, et le relief a merchi du tout en tout ensanle quant celui ert defsli que chil de $S. Jehan aront mis pour leur maison en toutes les pieces de terre vivant et morant, ensi con l’a fait anchienement. De quels pieces de terre chil qui chi apres seront nommé lenoient adont comme sous rentiers, Ysabiaus Alande de le rue dou Temple 111 mencaudées et une boistelée, Jehans li Fla- mens 111 mencaudées et 11 boistelées, li femme Symon de Hees de le nœve rue 11 mencaudées et une boistelée, li femme Jakemon du Boys manans au ries une men- caudée, Maroie Viviene de rue dou Temple demie men- caudée et Phelippes li Chevaliers demie mencaudée, pau plus pau moins, tous mauvais ois hors. Et pour ce que cis acors el ceste ordonnance fust dore en avant tenue et wardée heritaulement a tous jours, les parlies devant dites s’acorderent a çou que cisl troi escript cirograffe en fuissent fait dont li prevost devant dit aroit l'un pour l’eglise de $. Vaast, el:chil de S Jehan pour leur maison un, et l’eschevin de Hees un. Ce fu fail l'an de grace M CC III“ et XVII, el moys d’octembre. À chou furent — 364 — comme eschevin de Hees, Crestiens dou Laucoi, Phelippes de Hees, Colars de Hees, Henvins de Gouy et Jehans Brecians. (Cartul., fo 94). XXXI 4297, décembre. — Notification par Jean de Monchi, bailli d'Arras, que Jean Mulet, clerc, a quitté à l'hôpital S. Jean tous les profits de 8 mencaudées et quartier et demi de terre qui fut à Ysabel sa sœur « ou terroir du Maisnil le Bouchel ou Val devant celi ville, » lesquels profils ul devait avoir su vie durant. L'hôpital devra payer audit Jean 54 s. p. de rente viagère et, après son décès, 6 mencauds de blé de rente viagère à Jean son fils; donner une pitance de la valeur de 4 mencauds de Llé la veille de la Trinité et autant le jour du décès de la dite Ysubel et faire célébrer messe pour son &me à chacun de ces deux jours à perpétuité. A tous chiaus qui ces presentes lettres verront u orront, Jehans de Monchi baillius d'Arras, salut. Sachent tout que Jehans Mules clers est venus pardevant nous el a recognut que il de se boine volenté a quittiet et quitte encore boinement as freres et as sereurs de le maison del hospital de Saint Jehan en l’Estree d'Arraz tous les preus el les pourfis de wit mencaudees et quartier et demi de terre, pau plus pau moins, qui fu Ysabel Mulete se sereur les quelz pourfis il devoit recevoir se vie si comme il dist, li quelle Lerre siet ou terroir du Maisnil le Bouchel ou val devant celi ville tout en une pieche, parmi cinc- quante et quatre soulz de parisis de rente par an que ilen doivent rendre et paier tout le cours de se vie a cascune — 365 — feste Saint Remi et parmi six mencaus de blé tel que de le disme du Mesnil, que il doivent rendre et paier a Jehan fil celui Jehan Mulet apres le deces du pere tout le cours de se vie a cascune feste Saint Remy, et parmi chou aussi que li devant dit frere et sereurs doivent donner apres le deces de celui Jehan le pere as freres et as se- reurs de le dite maison, cascun an a tous jours a cascune vegile de le Trinité, une pitanche de le value de quatre mencaus de blé heritaulement, et quatre mencaus de blé cascun an u jour du trepas de le dite Ysabel, et parmi chou que il feront dire pour l’ame de li en cascun de ces deux jours une messe ou lieu du devant dit Jehan sen frere. Et a promis li dis Jehans que parmi les conve- nances dessus dites il jamais a nul jour encontre ceste quiltance par lui ne par autrui de riens il ne venra ne riens il ne dira. Et se il de riens y venoit u disoit u fai- soit venir u dire, par quoy li devant dit frere et sereurs u li uns d'iaus u leur commans y avoient cous ou da- mages, en quelconque maniere que ce fust, il leur seroit tenus a rendre et a restorer sour le dit del un d'iaus u de leur commant, sans autre prœuve el sans riens dire encontre avoec le quittanche devant dite. Et à ce tenir fermement il en a obligiet lui et le sien partout u con le puist trouver envers toutes justices. Et en renon- che a tout chou qui li porroit aidier et valoir, et as de- vant dis freres et sereurs, u al un d'iaus u a leur commant ouire. Et pour chou que ce soit ferme cose et estaule nous avons ces presenles lettres scellees du scel de le baillie d'Arras, sauf le droit le conte d'Artois et l’autrui. Ce fu fait en l'an de grace M CC ITIT et XVII el mois de decembre. (Cart., fo 118, ve). — 366 — XXXII 1298, juin. — Vente par Roger Corel et Marie Bonnevie sa femme, à André Bonnevie, frère de la dite Marie, de 3 mencaudées sises « as Rouves-Sains », venant de Pierre Bonnevie leur tayon, et chargées d'une rente envers l'hôpital. Sachent tout chil qui eest escript verront ou or- ront que Rogiers Coriaus et Maroie Boinevie se femme ont vendu werpi et clamé quitté bien et loyaulment, et heritaulement a tous jours, et par droit pris dont il se tiennent a bien puiet, a Andrieu Boinevie frere le devant dite Marieu x1 mencaudees de terre, pau plus pau moins, gisans as Rouves-Sains qui furent signeur Pieron Boinevie leur taion, si comme elle gist dedens les bones entre le terre Adam de Castel et le terre Willaume Bougier, lequelle terre devant dite il ont enconvent a varandir au devant dit Andrieu sour eulx et sour tout le leur u qu'il l'aient et as us et as coustumes du lieu, parmi Lxx soulz de parisis de rente a heritage par an que li terre devant dite doit a Saint Jehan en l’Estree, de le quelle rente devant dite chius Andrieus en doit reprendre xLvIt s. de parisis sour les lieux qui chi apres sont nomines. Cest assayoir sour le terre Saint Vast, con dit a le perriere - Saint Vast xvrrr s., sour le terre Richart le Blanc qui siet d'encoste xv s. et sour le terre Jehan le Vakier le jouene xv S. de parisis de rente a heritage pur an. À ce werp et a ce vendage fu maistre Hues adont maistres de le mai- son Saint Jehan en l'Estree et si y furent comme rentier de celi maison Philippes li Chevaliers, Sainte du Bos fem- — 367 — me Jehan Alaut con dist del Hostel, Maroie qui fu femme maistre Ansel Vivien. Et chist en ont fait recort a Jehan Je Flament et a Ysabel Alaude, et si y fu Raous Boinevie comme baus pour les enfans celui Rogier qui sont desaa- giet. Ce fu fait lan del Incarnacion M CC IIIF* et XVIII, el moys de juing. (Cartnl., fo 90). XXXIII 1298, octobre. — Notification par Jean de Monchi, bailli d'Arras, qu'Agnès Bougière a reconnu devoir à l'hôpital 4 mencauds de blé de rente annuelle pour 4 mencaudées sises à Saint-Léger. À tous ceulx qui ces presentes lettres verront et orront, Jehan de Moachi baillieux d'Arras, salut. Sachent tout que comme il soit ensi que Agnes Bougiere doive quatre mencaus de blé de rente cascun an a le maison Saint Je- han a Arras tel blé que de le commune disme de Saint Ligier, de quoy en est assennée sour quatre mencaudées de terre que elle a u terroir de Saint Ligier qui sient au lieu con dit au buisson Saint Jehan, et debas ait esté de chou que le dite Agnes disoit qu'ele ne devoit mie le blé devant dit livrer a Arras. Il est assavoir qu'ele a recogaut en droil pardevant nous que ele les quatre mencaus de lé de rente devant dit doil livrer a Arras cascun ana sen coust an jour de le feste Saint Remy la ou li confrere de le di.e maison u leur commans vaura le miex en lieu u charete puist kariier. Et ou tesmoingnage de chou, nous avons ces lettres scelees dou scel de ledite baillie d'Arras, sauf le droit mons. d’Artoys et l’autrui. Che fu — 368 — fait en lan del Incarnation Notre Seigneur M CC IIII" et XVIII el mois d’octembre. (Cartul., f 83). XXXIV 4299, juillet. — Arrentement pardevant les échevins de Bouvigny, à Maroie, la bou/angère, de 5 boitelées de terre apparlenant à l'hôpital, sises au terroir d'Aix, pour 425. p. de rente. Sachent tout cil qui sont et qui avenir sont que Maroie li boulenghiere de Bouvegnies (1) a pris a rente a heri- tage, au maistre, as freres et as sereurs de le maison S. Jehan en l’Estrée d'Arras v boistelées de terre, pau plus pau moins, seans u terroir de Ays (2), tout si comme celle terre siet et s’estent dedens les arr corps et le moilon, parmi xit s. p. de rente par an a heritage, que celle Maroie et si hoir apres li doivent rendre et sont tenu a palier cascun an heritaulement puis ore en avant a cascun S. Remy, cest assavoir au maistre, as freres et sereurs de ledite maison u a leur commant u a le per- sonne qui cest escrit ara, x1 s. x d. p par an en le ville de Bouvegnies pour le rente des v boistelées de terre devant dites, et as hoirs Jaquemon le Fevre de Ays J1 d. p. par an aportes en le ville de Ays Et pour ceste rente devant dite seurement rendre et paier as freres et sereurs de ledite maison ensi que dit est cascun an he- rilaulement, celle Maroie en a fait certain et especial about nonmeement et especialement sour demie men- (1) Bouvigny, canton d'Houdain. (2) Aix-en-Gobhelle, canton de Lens. — 869 — caudée de terre pau plus pau moins que elle a gisant ou terroir de Bouvegnies seant au markais salant, le quelle terre elle tient del abbesse d'Estroem {1}, et se il estoit ensi que li dite Maroie u si hoir estoient defalant de paier les x1t s. de rente dessus dis et li dit frere et se- reurs se traioient a leur about, li dite Maroie et si hoir porroient acater leur about de xx s. p. et li dit frere et sereurs trairoient a leur v boistelées de terre devant dis. Ce fu fait en l’an de grace M CC III" et XIX el mois de juille. À chou furent comme eschevin de Bouvegnies Jehans Rikiers, Tibaus li Rikes, Colars Bulars qui warde le contre partie. | (Cartul., fo 118). XXXV 1304, février. — Vente par Colard de Nœux, d'Arras, eb Isabeau Cosselte, sa femme, à demoiselle Ade de . Hénin, sœur de l'hôpital, au nom dudit hôpital, de 3 mencaudées et demie buistelée de terre au terroir d'Agny, sur lesquelles elle avait un viage. (Cart. fo 95 vo). XXXVI 1304, mars. — Donation à l'hôpital par Ade de Hénin, consœur dudit hôpitrl, de 3 mencaudées et demie boistelée et 2 verges de terre au terroir d'Agny, moyennant une rente de « six mencauds de blé à dix deniers près du meilleur de cascune mencaudée au blé, et trois men- cauds d'avoine seke el saisnaule, et loial paiement de _ cascune mencaudée au march » sa vie durant et à ses hoirs pendant les trois années qui suivront son décès. (Cart. f" 85). | (1) Abbaye d’Etrun, ordre de Saint-Benoît. — 970 — XXXVHI. 4305, février. — Arrentement à Gilles d'Ays, parmentier, bourgeois d'Arras, et à Péronne sa femme, d'une « place de terre vuide » sise en la rue St-Maurice à Arras pour 6 s. p. de rente annuelle. (Cart. fo 88 vo). XXXVIIT. 4305, mai.— Notification par les échevins d'Hénin de la vente faite par Grard Pideriel, le moçon d’Hénin, dè 25.6 d.p., un pain et un chapon de rente qu'il avail sur le « mes » de Jehan Daulle rue des Chaufjours à Hénin, à Colurt Frékin, confrère de l'hôpital S. Jean. (Cart. fo 116). XXXIX. 4910, 27 juin. Donation à l’hôpilal par Marote Lou- charde, veuve de Robert Crespin de 16 mentaudèes et 27 verges de terre aux terroirs de Uarency et de Villers-en- Oreillemont, pour fondation de 4 pitances et de 4 mésses de Requiem en l'octave des qualre nalaur. e . e . . e. . . e 0 Q e e. . e ‘. ë . C'est assavoir que li dite dame Marote a volut et or- donné, et veult et encore ordonne que pour le don que ele a fait de le dite tere, ensi que deseure est devisé, que tout le pourfit et li bien qui croisteront et isteront de toute le terre devant dite depuis le deches de le dite dame Marotain Loucharde soient departi et distribué en pitanches bien et loyalement, nn fois en l'an, a cascun | octave de cascun xs nataus as povres malades el as po- ne vres femmes gisans d'enfant qui seront en le dite maison Saint Jeban, et as freres et as sereurs de le dite maison . Saint Jehan en l’Estrée, et a faire ent en le milleur ma- niere que on verra que boiu sera pour Dieu et pour au- mosne. Et veut encore et ordonne Ji dite dame Marate que li frere el li sereurs de le maison dessus dite facent dire à leur coust rr11 messes de Requiem apres sen deces, a cascun oclave des rr11 nataux dessus dis une messe de Requiem, et faire prier pour les ames dudit seigneur Ro- bert et de le dite dame Marotain et de leurs anchisseurs. Et encore vuet et ordonne li dite dame Marote, et pour le condition du don dessus dit aemplir, que li freres et li sereurs de le dite maison S. Jehan en l’Estrée facent dire en leur coust depuis ore en avant 11117 messes en l'an a cascun oclave des 111 natans, c’est assavoir 11 messes du Saint Esperit et r1 messes de Requiem cascun an, tant longhement comme li dite dame Marole ara le vieel corps. Et apres sen deches, toutes les 11 messes seront de Requiem et ensi que deseure est devisé. Et a encon- vent loyalment li dite dame et par son loyal creant que ele jamais a nul jour le don dessus dit par li ne par au- trui de riens ele n'empeschera ne empeschier ne fera, sauves et bien gardées toutes ordonnances dessus dites. À toutes ces coses dessus diles furent present et appellé comme franc aloïier qui le terre devant dite jugierent. Cest assavoir messires Robers prestres cures de Villers en Oreillemont, Andrieus Descouvres et Henris du Mes. Et chist en ont fait recors a leur compaingnons frans aloïiers. Ce fut fait en l’an de grace MCCC et X le darrain samedi de juing. Et ce sont li nom de chiaus a quion a 970 a fait le recort, cest assavoir a Jaquemon de Plenai, a Huon Porkeveche et a Henry Lordel. (Cartul., fe 87). XL 4311, février.— Notification par les échevins d'Hénin que Colart Frékin, confrère de l'hôpital S. Jean, a donné audit hôpital 2 mencauds de blé, 25. 6 d. p., un pain el un chapon de rente, pour étre distribués en pitance aux frères, sœurs el malades, à condition de faire dire pour lui 3 messes de Requiem. (Cart. f° 116). XLI 43141, avril. — Notification par les échevins de Monchy-le- Preux de l'arrentement fait par l'hôpital à Jean Gellée pour 6 boisseaux de blé de rente annuelle à la Toussaint, de 7 boistelées de terre sises à Monchy. (Cart. fo 137 vo). XLII 4312, janvier. — Arrentement par les exéculeurs testa- mentaires de feu Willaume de Boulonnois, notaire en la cour d'Arras, à Willaume Maledenrée et à Jeanne, sa femme, de 6 mencaudées de terre tenues de Jeanne, dame de Bailleul. (Cart. to 46), XLIII 14313, dernière semaine d'avril. —Confirmation par Jean, écuyer, sire de Bailleul, mari de Jeanne, dame de Bail- leul, de l'arrentement fait à Willaume Maledenrée, son homme, par les exécuteurs testamentaires de feu Wil- laume de Boulonnois, de 11 mencauds de blé de rente … à héritage « rendans al ospital de S. Jehan en l’Estrée d'Arras, » (Cart. fo 47). — 373 — XLIV 4315, 25 juin.— Vente à l'hopital de ? mencaudées sises au terroir d'Ecoust (1), au lieu dit le Campigneulle, par Pierre Godeffroy et Ysabeau sa femme, qui les ont ensuite | prises à rente. (Cart. f» 108). XLV 4315, 25 juin. — Vente à l'hopital par Hauwin de Moiri et Ade sa femme, de 5 mencaudées sises au terroir de Beugnastre, au lieu dit «le Buisson as Fées », tenues du Seigneur de Sapignies à «1x1 deniers d’entrée le sart et 11 deniers d'’issue, si ia 11 sars »: lesdits vendeurs les ont reprises à renie perpétuelle pour «1x mencaus de. blé, cascun mencaut à vis deniers près du meilleur du markiet d'Arras, à prendre priserie cascun an u markiet d'Arras en karete el en beve, la u il ara vunr mencaus de blé u plus, et a paier cascun an à la feste S. Andrieu à Arras partout la u li maistres et li frère dudit hospital vauront avoir, la u karete pourra tourner ». (Cart. fo 409 we). XLVI 4315, octobre. — Notification par Jean de Hartencourt, bailli de Bapaume, de l'arrentement fait par lui à Colart Le Renier, Jacquemart et Jean Dantan de Loiebœuf et à leurs hoirs, de 6 mencaudées et demie de terre sises à Loie- bœuf (2) pour 12 mencauds de blé de rente annuelle à la S. Remy. (Cart. fo 138 vo). (4) Ecoust-Saint-Mein, canton de Croisilles. ” (2) Lesbœuf, département de la Somme. | — 374 — XLVII. 4315, novembre. — Arrentement fait par Hue de Boves, maître de l'hôpital, à Jean Venisse et à ses hoirs, d'une mencaudée sise au terroir de Frémicourt « au camp que on dist de Karité », pour un mencaud et demi de blé à la S. Rémi. À tous chiaus qui ces presentes lettres verront ou orront, Hues de Boves adont dis maistres del hospital Saint Jehan en l’Estrée d'Arras, li frère, les sœurs et li malades dudit hospital, salut en Notre Seigneur. Sachent tout que nous avons donné a rente perpetuelement et héritablement a tous jours a Jehan Venisse une mencau- dée de terre seant el terroir de Fremiercourt, au camp que on dist de Karité, tenant a ung les a le terre Bascot et al autre les a le terre Saint Remy. S'en doit li dis Jeban rendre et paier chascun an Arras a nous ou a no command, partout la ou nous le volrons avoir et recevoir, a sen coust et a ses voitures et a ses prieux, ung men- caud et demi de blé a le mesure d'Arras et a quutre de- niers pres du meilleur du marchiet d'Arras, chascun men- caud au jour Saint Remi premier jour d'octobre. Et en a li dis Jehans mis en about et asseurement espscial deux mencaudées de terre que on dist le camp Drienart qui sont de ceile meisme tenure et de cel membre en tel maniere que se il u si hoir ou si successeur, que ja n'aviengne, estoient en deffaulle de paier le mencaut et demi de blé devant dit chascun an ensi que dit est, nous porrions traire à le mencaudée de terre et as aultres 11 mencaudées devant dites, et deveriemes parfaitement goir comme de — 375 — no propre héritage. Et en tel maniere nous promettons ladite mencaudée de terre acensser et a garandir audit Jehan, a ses hoirs et a ses successeurs a tous jours héri- tablement. Et el tesmongnage des choses devant dites nous avons bailliet a cellui Jehan ces presentes lettres scellées de no scel. Ce fu fait l'an de grace M CCC et XV, el mois de novembre. (Cart. fo 138 vo). | XLVEII. 4316, février.— Donation à l'hôpital par Maroie Loucharde, veuve de Robert Crespin, de diverses rentes sur plusieurs maisons d'Arras. (Car. fo 86). XLIX. 14316, novembre. — Vente par Pierre de Marseille et Mar- guerile La Normande, sa femme, à demoiselle Ade de Hénin, de 4 mencaudées de terre sises à Beaurain, au lieu dit le Grant Camp, par devant Gobert Priiere bailli d'Arras, Jean Crespin, fils de feu Baude Crespin, maître Jean de Lens, Colart de Ransart, etc. (Cart. fv 43 vo). L. 1319, 22 avril. — Procès-verbal d'un bornage fait à Etaing entre l'hôpital et Roger Le Roy. (Cart. fo 81). LI. 1319, 18 octobre. — Bulle de Jean XXII prenant sous sa protection les biens de l'hôpital. Datum Avinion. XV° kal. novembr. Pontificatus nostri anno quarto. (Cart. fo 79). — 316 — LII 1320, février. — Arrentement par l'hôpital à Jacques Le _ Vaasseur et à Ysabeau, sa femme, de 5 mencaudées et demie de francs aleux au terroir d'Agny, à charge de Payer « cascun an à Arras par tout la u li dit maistres, freres et sereurs le vauront avoir, mais que kareite y puist torner, dedens le jour de le feste de Toussains, six mencaus de blé a le mesure d’Arras et à xvid. prés. du milleur du marquiet d’Arras, cascun mencaud a prendre le prisie en karetie ou en beve la u il ara vi mencaus de blé ou plus. » (Cart fo 96). LITI 4320, 20 décembre. — Fondation par Mahaut, comtesse d'Artois, de 10 lits garnis à l'hôpital, et d'une chapelle- nie dont elle se réserve la collation. Nos Mathildis, comitissa Atrebatensis et Burgondie, Palatina, ac domina Salinensis. Notum facimus universis presentes lilteras inspecturis quod nos, provida delibera- tione previa, ob carissimi geritoris nostri bone memorie domini Roberti quondam Atrebalensis comitis, nostre, liberorumque nostrorum remedium animarum, in hos- pitali Sancti Johannis dicti de Lestrée Atrebatensis, de- cem lectos munitos de culcitris, pulvinaribus plumeis, lintheaminibus et cooperturis decentibus pro decem in- firmis pauperibus ibidem in omnibus sibi necessariis sus- tentandis et relevandis, ultra numerum pauperum el lectorum ad pauperes ibidem consuetum constiluimus ; de dictis decem lectis et decem pauperibus dictum hos- — 371 — pitale, hospitalitatem et caritatem, volumus, ordinamus et constituimus in perpetuum augmentari, lectos ipsos munitos secundum quorum similitudinem et decenliam ipsos manuleneri volumus transmittentes [tem in eodem hospitali fundamus, inslauramus et consliluimus quan- dam capellaniam perpeluam, cujus collationem nobis, heredibus et successoribus nostris ac causam habituris, super hoc a nobis retinuimus et retinemus per presentes specialiter et expresse, quotienscumque et quandocum- que vacaverit in fulurum, ordinanles ac disponentes quod semper quotiens vacaverit persone ydonee in sacerdotio jam constitute vel infra annum constiluende conferatur, que per se vel per alium ydoneum sacerdotem quater singulis ebdomadis in perpeluum missam celebret, ila quod pro defeclu cujuslibet misse penam sex denariorum rectori dicli hospitalis solvendorum:et alteri presbitero qui defectum hujusmodi suppleat dandorum committat, toliens quotiens defic et in premissis. Pro quibusquidem decem leclis lolidemque pauperibus sic in perpetuum manutenendis, alendis et relevandis de suis infirmitati- bus, augmentato quo ad hoc numero leclorum et paupe- rum dicti hospilalis, ac pro dicta capellania, nos. pro nobis, heredibus et successoribus nostris in perpetuum dedimus, cessimus, concessimus, tradidimus vel quasi et deliberavimvs penilus et in perpetuum Deo et dicto hospilali, ad opus quo sujra, res et bona infrascripta que ad dictum carissinum genilorem nostrum quondam et ad nos postea el forefaclis annotatis inferius devene- runt. Videlicet terras quas quondam dictus Aubergon in baillivia nostra de Bappalmis tenebat et forefecil seu commisit, sub estimatione quatuor librarum el duodecim — 378 — denariorum peris. annui et perpetui redditus. Item, ter- ras quas quondam tenebat et commisit Eustachius Dier- viller, sub estimatione octo librarum et decem solidorum par. annui et perpetui redditus. Ilem, terras quas olim commisit Gilletus dictus Clare, sub estimatione quatuor librarum quatuordecim solidorum et trium denariorum paris. annui et perpetui redditus. Ilem; terras quas olim commisit Johanna de Porta de Vaulz, sub estimatione septuaginta duorum solidorum paris. annui et perpetui redditus. Îtem, terras quas olim commiserunt Willermus de Erviller et Colinus ejus frater, sub estimatione septua- ginta septem solidorum et sex denariorum paris. annui et perpelui redditus. Item, terras quas olim commisit Othonianus d'Inchy, sub eslimalione quinquaginta qua- tuor solidorum paris. annui et perpetui redditus. Item, terras quas olim commisit domicella Margareta d’Oysies, sub estimatione quindecim librorum, decem et seplem solidorum trium denariorum paris annui et perpelui redditus. Que omnia sila sunt in baillivia de Bappalmis. Quarum tlerrarum prediclarum a nobis sic donatarum universalis estimatio seu valor est in summa quadraginlta quatuor libre, novem solidi et duo denarii paris. annui et perpelui redditus, valentes ad parvos turonenses quin- quaginta quinque libras et undecim solides et quinque denarios cum obolo. De quibusquidem terris et earum emolumentis, capellanus qui pro tempore fuerit in dicta capellania duodecim libras paris. quolibet anno pro dic- tis oneribus dicte capellanie supportandis percipiet et habebit, residuumque totum cedet penilus et in perpe- luum hospitali, rectori, fratribus et sororibus ejusdem hospitalis pro dictis decem lectis manutenendis et obser- = 70 vandis, ac decem pauperibus infirmis ibidem cubandis et exinde sustentandis et pascendis, quemadmodum su- perius est expressum. Quas quidem terras nos, pro no- bis heredibus et successoribus nostris, fn perpetuum per presentes lilteras omnino admortizamus, liberamus, quittamus et a nobis abdicamus ab omnibus feodis, re- trofeodis, homagiis, fidelitalibus, servitutibus, dominio ulili et derecto vel quasi, et omnibus aliis paribus et consuetudinibus que et quas nos habebamus in prediclis terris vel parle earumdem, constituentes et decernenies : ipas terras omnes et singulas ex nunc in perpetuum ei- dem hospitali, rectori et fratribus qui pro tempore fuec- runt in eodem admortizatas, omnino franchas, liberas et inmunes, prout superius est expressum, hoc salvo quod decimas et census ad quos terre ipse tenentur salvere teneantur. Devestientes nos modo, causa et nomine qui- bus supra de predictis terris omnibus et singulis, et dic- tum hospitale inveslivimus et in vacuam possessionem misimus per presentes, promittentes bona fide, pro no- bis et pro quibus supra, et sub obligalione heredum et bonorum nostrorum, dictas Lerras omnes et siugulus ad- mortizatas, franchas, liberas etimmunes ut supra, e‘dem hospitali, rectori et fratribus ac capellano ejusdem qui pro tempore fuerint garantizare, pacificare et deffendere semper contra omnes et ubique in judicio et extra, re- nuntiantes bona fide in hoc facto exceptioni deceptionis, circunventionis et a”tioni in factum, et omni beneficio reslitutionis in inlecram ex quacumque causa compe- tenti vel compelitira, hoc lamen salvo quod in premissis omnibus et singulis gardiam nostram specialem et imme- diatam ac omnimodam jurisdictionem, et justitiam altam — 880 — et bassam, nobis et nostris heredibus et successoribus in perpetuum relinemus. Ceterum damus baillivo nostro de Bappalmis specialiter in mandatis quatinus diclos re- ligiosos vel eorum mandatum, vice loco et auctoritate _nostri, de nremissis terris sic eisdem donalis et concessis in possessionem corporalem inducat et inductos deffen- dat efficaciter contra omnes. In cujus rei testimonium presentes litleras fecimus sigilli nostri munimine robo- rari. Datum et actum Parisius anno Domini M° CCC° XX°_ die vicesima mensis decembris. (Cartul., fo 42). LIV 4322, 24 janvier.— Notification par Pierre du Quesnoy, baili de Madame de Jeumont, pour sa seigneurie de Chérisy au bailliage de Bapaume, de la vente faite par Jean Gode et Pasque Ployebien sa femme, bourgeois d'Arras, à l'hôpital S. Jean en l'Estrée de 3 mencaudées et demie de terre sises au terroir de Chérisy. (Cart. fv 125 vo). LV 4322, janvier.— Notification par Jeanne de Neuville, fille de feu Ridel de Neuville, chevalier, qu'elle a reçu comme homme vivant et mourant Robert Le Capelier, confrère de l'hôpital, vour 2 mencaudées de terre et demie bois- telée que ledit hôpital tient d'elle à Ecoust. (Curt fo 109). LVI 4322. — Vidimus par l'official d'Arras du jugement de P. évéque d'Arras, (décembre 1224), sur le fournage de Bailleul. (Cart. fe 97). — 381 — LVII 4322, 28 décembre. — Jugement d’Enguerran de Mas- taing, Lailli d'Arras, Jean Le Fevre, sous-prévôt du cha- pire d'Arras, Jean de Haloy et Pierre de Puteaux, arbi- tres choisis entre l'abbaye de St-Vaast d’une part, et le chapitre de Cambrai et l'hôpital S. Jean d'autre part, sur la dîime de certaines terres sises à Remy, Jean de Mer- catel élant procureur du chapitre et de l'hôpital, et Englebert Louchart, prévôt de St-Vaast, procureur de la dite abbaye. (Cart. fo 45 vo). LVIII 1325, septembre. — Donation à l'hôpital par Jean de . Denier, confrère dudit hôpital, de 2 mencaudées de francs alleux au terroir de Wailly dont il se réserve la jouissance sa vie durant. Sachent tout aloiiet qui sont et qui a venir sont qui ces presentes lettres verront ou orront que Jehans de Denier, a cel tamps confreres del hospital S. Jehan en l'Estrée d'Arras, a donné pour Dieu et en aumosne, werpi et clamé quitte bien et a loy, heritaulement a tous jours, al hospital dessus dit deux mencaudées de terre de frans allæs seans el terroir de Wailli, tenans au lcrroir de Daienville (1), joignans a le terre Symon de Harna- ville, et joignans a le terre Margot Blanquete, le quelle terre li dis Jehans avoit acatée a Wicart de Leschace ja- dis bourgoys d'Arras, ensi que les dites 11 mencaudées ({) Dainville, canton d'Arras. = 89 — de terre siéent entre les rr11 corps et le moilon, et par tel condicion que li dis Jehans de Denier en doit avoir et recevoir tous les pourfis tant longuement qu'il ara vie el corps, en quelconques estat ou abit que il soit. Et est assa voir que les dites 11 mencaudées de terre s’aequitient en le disme en paiant 111 gerbes de cascun cent. Et en fu mis et est mis en vesture pour ledit hospital Ernous de le Fosse adont confreres du dit hospital. Ce fut fait l'an de grace M CCC et XXV el mois de seplembre. À chou furent present comme aloïiet, messires Ernous cures de Daienville, Jehans de Bailloes et Picres de Bethune. (Cartul., f° 120, vo). LIX. | 4330, avril. —Arrentement par l'hôpital à Marie La Blaïere et à Sauvale de Chérisy, son mari, bourgecis d'Arras, de à boistelées de terre au terroir et dimage de Chérisy, pour 5 mencauds de blé « à dix deniers près du meil- leur du marquiet d’Arraz pris en sas et a le mesure d'Arraz. » (Cart. f 406). LX. 4331, 22 janvier. — Autorisation accordée par le maire et des échevins d'Arras à l'hôpilal S. Jean de clore par une porte une ruelle sise entre ledit hôpital et la maison de Jeanne La Caudrelière, devant le Welz dame Enmain, moyennant un chapon de rente annuelle à Noël. A tous chiaus qui ces presentes lettres verront ou . orront maires et eschevins d'Arras, salut. Comme entre l’hospital de Saint Jehan del Estrée d’Arras et le maison Jehanain le Caudreliere devant le wes dame Emmain — 383 — fast une ruele alans del arestier doudit hospital tout selonc ledit hospital jusques a une porte dudit hospital, en le quelle ruelle nus n'avoit issue que li dis hospitaulx, et en le quele ruele nous pour le dite ville aviens le conissance et le jugement, et en icelle ruele fuissent portées plenté d'ordures et de vilenies faites, qui moult empechoient et grevoient audit hospital et moult déplai- soient a grant plenté de gent qui passoient par devant, et moult peust on faire en icelle de vilains fais. Pour quoy supplierent li frere et les sereurs dudit hospital a nous esquevins et xxI1 pour le corps de le ville, pour tant que a le ville toukoit et pooit toukier, que nous vausissons souffrir que le dicte ruelle il peussent clore et meltre .a leur aaises en retenant dore en avant le Crinchon et le rivage encontre aeus de gres souffissam- ment et a moitiet contre leurs voisins, par quoy il ne grevast au courant ne desous ne deseure. Sachent tout que nous, en ce consideré et rewardé tout ce qui y fai- soit a reswarder et a considerer, et par le consel des quatre des hiretages, descendant a leur supplication en tant qu'il touke et peut toukier a notre dicte ville, avons acordé et acordons a demourer a perpeluité audit hos- pital le dicte ruele en le maniere que dit est pour clore, edifiier et mettre du tout a leur aaises, si comme il ver- ront que boin leur sera, del arrestier dudit hospital mouvant jusques a le maison de le dicte Jehanain le Caudrelliere, et par derriere encontre ledit hospital, en faisant en le clozure de devant porte u huys par lequele on porra:aler en le dicte ruele toutes les fois que li ville yatoit a faire, et en faisant r'huys joingnant de le maison de le dicte Caudreliere par quoi elle puist entrer en sa — 384 — | maison par sen huys qui est devers le dicte ruele. Et doit li dis hospilaus rechevoir se goutiere tant comine se maison est longhe au les devers li dis hospitaus. Et par einsi que dit est li dis hospitaus rendcera a no dite ville dore en avant cascun an, perpetuelment a tous jours, 1 capon de rente au terme du Noel a prendre sour le dicte ruele et sour tous les edifices et les aaises qui sus seront. Et si doivent cil dou dit hospital, tant com- me dure li dite ruelle, retenir le courant du Crinchon souffisanment et ailleurs u il appartenra a eaus, et tant comme 1l doivent estre tenu par raison comme dessus est dit, par quoy li cours del auwe par leur deffaute ne soit empechiez desous ne deseure. Ou tesmoing de ce nous avons bailliet au dit hospital ces presentes lettres scelées de no scel as causes. Ce fu fait u jour Suint Viachan en l'an de grace M CCG XXX el moys de janvier. (Cart. fo 68). LXI 4331, 13 mars. — Autorisation accordée par Gilles Maille dit Flamand de Caule, de clore ladite ruelle sur laquelle il a justice el seigneurie comme sur la grande rue de l'Estrée, moyennant un chapon et 12 d. de rente. Jou Gilles Maille dis Flamens de Cule (1), fai savoir a tous chiauz qui-ces presentces lettres verront ou orront que comme, de le partie du maistre, confreres et sereurs del hospital Saint Jehan seant a Arras en le rue con dist (1) De Chaulnes. Cette famille possédait à Arras une maison for- tifiée, sise sur la place actuelle du Wetz-d’Amain, et avait un € pou- voir » sur les lieux voisins (Voir d’Héricourt et Godin, Les Rues d'Arras, 11, 429). — 385 — l'Estrée, m'’ait donné a entendre que en le ruelle qui est entre le dit hospital et le maison Jehane le Caudreliere, entre les murs dudit hospital et le Crinchon, liquele est tenue de mi et y ai justice et signourie autel: que en le grant rue de l’Estrée, tant de dehoneslés y sont faites, ordures et fumier jeté, que li capelle, dortoirs, refretoirs et enfremerie dudit hospital sont corrompu, et que pour les dites causes li dis maïstre, confrere et sereurs se sont trait par devers les gouverneurs de le comlé d’Artoys, commis et deputes par especial de men chier et redouté seigneur le conte d’Arloys, a presenl duc de Bourgoin- gne, dont je tieng le dile justice et seignourie en fief, et ont empelré a eaus que ledile ruelle puissent enclore, sauf le droit de chiaus as quelx il peut tokier et appar- tenir; et pour chou m'’aient requis que a chou me wæille acorder, en faisant a mi recompensacion des damages que jou poroie avoir par le closure devant dite; jou Gilles. dessus nommes qui, pour le honneur de Dieu principa- lement, volroic moult le santé des habilans et repairans ou dit lieu par ensi qu'il ne me peust estre torné a negli- gence ne a preJudice en temps à venir, me sui acordes que le dite ruelle soit close par ensi que li dit maistre, confrere et sereurs dudit hospilal de commun acort ont promis bien et loyalment a paiier a mi, men commant, a chiaus qui de mi aront cause, a tous jours perpetuel- ment, cascun an jour de Noel un capon et douze den. par. de rente, outre le rente qui m'est deue sur ledit hospital, a prendre ledite rente et le capon et douze de- niers sur le lieu dessus esclairchi et non ailleurs. Ce sauf que se li dit maistres, confrere et sereurs edifioient où- dit lieu, ce faire porront si comme et quant il leur plaira, 95 - — 386 — et se gn deffaute estoient de paier ledite rente en teut ou ea partis, jou, mes commans ou chiaus qui de mi ara cause, poroit oster les huys, les fenestres dudit edifice, . et se il ni avoit que mur ou palis seulement, abattre le poroie mes commans ou chilz qui de mi aroit cause en tele maniere que ne poroit estre clos ne redifiies se de le rente des arrerages etdes loys ne m'’avoit esté satifations faite a plain. Et ce pendant poroïe par mi u par men ser- gant ou chil qui de mi aroient cause excerciter en le dite ruele telés seignerie et justice que jou poroie avoir ad present ou dit lieu et en le grant rue del Estrée. Et nient mains et ja fust ce que li rente fust tous jours bien paiie, si demeure a mi et a mes hoirs en le ruelle ou en l’edi- fice qui fais y seroit tels drois, justice et seignourie. comme jou ai communalment es dites maisons de le dite rue del Estrée. Et parmi chou sur l'esperanche que li dif maistre, confrere et sereurs aient le gré de men dit seigneur u de ses lieutenans, jou ai enconvent a souffrir, tenir et acemplir, en tant que toukier me puet, toutes les eoses dessus dites sans venir al encontre par mi ne par autrui sour l'obligation de tous mes biens, et promech a rendre et a restorer et a restaulir as dis maistre, confre- tes et sereurs qui pour le tans seront, tous cous, frais, æissions ‘et damages que il y aroient ou encourroient par le deffauta de mi. Et quant a chou tenir et ferme- ment aemplir, jou en oblige mi et mes hoirs et chiaulx qui de mi aroient cause, et tous mes biens meubles et non meubles, presens et avenir, et en renonce a tout chou qui encontre les coses dessus dites me porroient aidiér et as dis maistre, confreres et sereurs nuire. En tesmoing des queles choses jou ai seelé ces lettres de — 8387 — mon propre seel. Donné l'an de grace M CCC et XXX le tresime jour du mois de march. Et nous Gilles de Blety adont baillius d'Arras par le commandement de nos chiers mons, Jehan de Meulun chevalier, mons. Hughe de Corrabuef doiïien de Chalon, adont gouverneur de le conté d’Arloys de par mons. Eude duc de Bourgoingne conte d'Artoys, toutes les coses dessus dites et devisées et cascune d'icelles avons grées et acordées, ottroiies et confermées, volons, greons et ottroions et confermons sauf et reservé le droit de mons. le duc en toutes coses. En tesmoing de ce nous avæc le scel dudit Gille Maille, avons mis et pendu le scel de le baillie d'Arras a ces pre- sentes lettres. Che fu fait en l’an ou mois el ou jour dessus dis, (Cartul., fo 68, vo). LXII 1332, janvier. — Notification par Gilles de Bléty, cheva- lier, bailli d'Arras, que pardevant Willart le Marissal du Grand Marché, Nicaise Bloquel, etc., hommes rentiers tenant du chdteau d'Arras, ont comparu François de Marzelles, Ysabeau et Julienne de M. ses sœurs, et Jean Herier, clerc, mari de ladite Julienne, lesquels ont vendu à l'hôpital 4 mencaudées et demie qu'ils avaient au ter- roir de Beaurains, tenues à rente du châleau d'Arras, à 12 d. p. d'entrée et autant d’issue. (Cartul., fo 132, vo). LXIIT 1332, 24 octobre.— Venie pardevant Colart de Neuville et les alliés de S. Vaast, par Mathieu de la Porte et Ysabeau Wyonne sa femme, fille de feu Robert Wyon, à Jacques Viellet. maître de l'hôpital S. Jean, pour ledit hépital, de 11 mencaudées et demie de terre au terroir de Neu- ville-St- Vaast. (Cartul., fo 110, ve). — 388 — LXIV 1332, 24 décembre.— Venie par devant Jean Demencourt, écuyer, sous-prévôt du chapitre d'Arras, par Pierre Le Clerc et Agnès, sa femme, à Marguerite Daine, sœur de l'hôpital S. Jean, de 5 boistelées de terre sises au lerroir de Riencourt sur la voie d'Arras, près la terre d’Audeffroy Louchart. | (Cartul., fo 104). LXV 1334, mars. — Notification par Enguerran de Louven- court, bailli d'Avesnes et Aubigny, de la vente faite par devant Grart Le Maieur, son lieutenant et les « hommes sarciers » du duc de Bourgogne, par Pierre de Beauvais et Alix sa sœur, à l'hôpital S. Jean, de trois mencaudées et trois quarters de terre au terroir de Frévin, relevant du château d'Aubigny. (Cartul., f 69, ve). | LXVI 4334, septembre.— Vente à l'hdpital, par Grart d'Annay, bourgeois d'Arras et Jeanne La Longue, sa femme, d'une pièce de terre « séant au derrière dudit hospital, tenant au gardin dudit hospital. » (Cartul., fo 88, vo). LXVII 4337, mars. -- Vente par Willaume, fils de Sauwale de Chérisy, à l'hôpital S. Jean, de 7 mencaudées, etc., de terre sises au terroir et tenues du château de Rémy à 25. de rente et 32 d. de relief, qu'il avait achelées à Pierre d'Eterpignies. (Cartul., f» 122, ve), — 389 — LXVIII 1338, mars. — Charte d’Eudes, duc de Bourgogne, et de Jeanne, sa femme, réduisant le personnel de l'hôpital à 8 frères et 12 sœurs. Nous, Eudes, dux de Bourgogne, contes d'Artois et de Bourgogne, Palatins, et sires de Salins, et Jehane, fille de Roy de France, ducesse, contesse et dame desdis lieus, sa femme, façons savoir a tous que nous, considerans le bonne hospilalité et œuvres de misericorde qui sont faites de jour en jour et ont anchiennement esté acous- tumé de faire en nostre hospital et maison Dieu de S. Jehan del Estrée seant en nostre ville d'Arras, comme de dire et chanter tous les jours pluiseurs messes a nolte et sans notle, de couchier, lever et approvender de vivres et de toutes autres nécessitez grant quantité de povres, de malades et de femmes gisans d’enfant, qui n'ont de quoi vivre fors des biens qui pour Dieu leur sont donné, et font plusieurs autres biens et aumosnes selonc l'intention de nostres devanchiers fondeurs dudit hospilal, considerans aussi que plus averoit de freres et de sereurs ens u dit hospital qui eussent leurs prouven- des, que de tant apetisseroit et seroit amenrie le dite hospitalité, lequelle nous volons estre soustenue, en acroissant tous jours de bien en mieus, havons ordené et octroiiet en le fourme et maniere qui ensieut. C’est assavoir que des ore mais ne puist avoir ens udit hospi- tal sour le plus que wit freres parmi le maistre, liquel gouverneront le temporel dudit hospital, et administre- ront ce qui y est a faire par le maniere acoustumée. — 390 — Item, que des ore mais ne puist avoir u dit hospital sour le plus que x1r femmes, parmi le prieuse, sereurs dudit hospital, lesquelles garderont et servironi les pé- vres, les malades et les femmes gisans d'enfant par le maniere acouslumée. [tem, que nus hom ne femme ne puist estre rechus ou dit hospital jusques adont que ses lieus li sera eskeus par la mort d'aucun des freres ou des sereurs dudit hospilal. Item, que nus hom maries qui ait femme vivant ne puisse estre receus a frere u dit hospital tant comme sa femme vive, ne ensement femme mariée qui ait mari vivant ne puisse estre re- cheue a sereur tant comme ses maris vive. Toutes les choses dessus dites, et chascüné por soi en le fourmé ët en le maniere que dessus est contenu, nous pour nous, pour nos hoirs et nos successeurs, volons, loons et confermons et du tout nous y consentons et les pour- mettons tenir et faire garicr hiretablement et perpetuel- ment à tous jours En tesmoing de ce nous havons fait mettre noslres seauls a ces presentes, lettres sauf en toutes choses nostre droit et l'autrui. Donné a S. Omer le vendredi prochain apres le jour de mi quaresme en lan de grace mil trois cens trente et sept. (Arch. de S. Jean. Dans un vidimus de Gilles de Bléti, bailli d'Ar- ras, du 16 avril 1338). LXIX 4340, 2 mai. — Vente par devant Jean du Quesnoy l'aîné, com’. par Thomas Harouet, preévôt de Bruay, pour le duc de Bourgogne, par Henri de Nœux à Jacquemes Colebaut, frère de l'hôpital S. Jean, pour ledit hôpital, d'un champ de 6 mencaudées entre Sains et Hersin (1), et . du dimag2 de S. Martin de Hersin, tenu du duc de Bour- _ gogne à 6 tournois de rente annuelle et autant d'issue. (Cartul., fo 117). (4) Sains-en-Gohelle et Hersin, canton d'Houdain. — 391 — LXX 4340, 18 septembré. — Notification pér Hue de Thélu, bailli d'Aubigny, de la vente faite par Jean Barisel du Caufjour, à l'hôpital S. Jean, d'une mencaudee et d'une boistelee de terre au terroir de Frévin. {Cartul., f” 72, vo). LXXI 4340, 3 novembre. — Vente pardevant Jean de Chartres, bailli d'Arras, Hue de Dourier, son lieutenant et « les hommes tenans en coterie de monseigneur le duc de Bourgogne conte d'Artois » par les filles de feu Jacques Lanstier à Jacquemart de la Fontaine, confrère de l'hô- pital S. Jean, au nom dudit hôpital, de 5 mencaudées de terre sises entre Neuville et Beaurains (1). (Cartul., # 51). LXXII 4341, 15 février. — Vente pardévant Jean, sire de Hende- court et ses hommes rentiers, par Tassart de Creseque, bourgeois d'Arras, à l'hôpital S. Jean, pour 220 I. p., de 9 mencaudées de terre, sises au terroir de Ficheuc«, tenues dudit sire de Hendecourt, à 3 d. de rente à la S. Remy et 3 d. de relief. (Cartul., fo 52, vv). LXXII 4343, 41 janvier. — Notification par le lieutenant et les hommes sarciers de Wistasse de Berlle, chevalier, de la tenance de Beaurains, qu'ils ont investi Jacques de la Fon- taine, confrère de l'hôpital S. Jean, de 4 mencaudées de terre, sises au Val de Neuville, rapportées en leurs mains par Jacquemart Le Collebel. Sachent li homme sarcier de mons. Wistasse de Berlle, chevalier, de le tenance de Biaurain, qui sont et (1) Comparaissent : « Symons Faveriaus, fils le mayeur d’Arras, Maroié, sa femme, fille de feu Jaque Lanstier, Rasses Li Waidiérs, li fils Tasse Li Anstiere, se femme fille dudit feu Jäqué, etc, à — 392 — qui a venir sont que par devant le lieutenant de mons. de Berlle ct par devant les hommes chi apres nommes est venus en se propre personne Jacquemars Li Collebaus et rapporla, werpi et clama quitte par devant ledit lieu- tenant et les dis hommes sarciers 1111 mencaudées de terre en une piece seans ou val de Neuville tenans a le terre de le malederie d'une part a disme et a terage et a v den. de rente, deus cascun an audit chevalier. Et tant en fist et si souffisanment li dis Jaquemes Collebaus par toutes les sollempnites qu'il appartiennent a faire selon l’us et coustume du lieu, que il fut dit par jugement sur ce conjuré avant dudit lieu tenant, que lani en avoit fait li dis Jacquemes Collebaus que il ni si hoir ni avoient mais nul droit. Et depuis ce fait li dis lieutenans souffis- sanment estaulis en mist en saisine et en possession al æz et au pourfit dudit hospital Saint Jehan en l'Estrée d'Arras Jacquemon de le Fontaine, confrere dudit hospi- al. Et puis conjura li dis lieuteuans les dis hommes sar- ciers que il li dissent par jugement se li dis Jacquemes de le Fontaine confreres dudit hospital en estoit bien saisis et aheritez al œæs et au pourfit dudit hospital. Et li dit homme sur ce conjuré et v aulz conseilliez et avisez diliganment, et le lieutenant dudit seigneur lenu apaïiiet de ses droitures, disent par loyal jugement que li dis Jaquemes de le Fontaine en estoit bien saisis et aherilez pour goyr et possesser al æœs et au pourfit dudit hospilal. A ce furent aprellé comme sires estaulis souffissinment du seigneur, Jehan Chocars, et comme homme sarcier qui ledit heritage jugerent, Pierres du Mur, Robers du Grant Val et Jaquemes Potiers. Che fu fait l'an de grace M CCC XLII le samedi prochain avant le xx° jour de Noël. (Cutul., fe 190). | — 593 — LXXIV 4343, mai. — Notification par Roghe de Raycourt, fils de feu Michel de Raycourt, chevalier (1), bail de Jean de Raycourt, sire de Ras:court, son neveu, fils de feu Bauduin de Raycourt, chevalier, de la vente faite pardevant Jean Cornache, son lieutenant, el les hommes de Jean de Ray- court, par demoiselle Marie Polinonne, d’Elerpigny, à l'hôpital S. Jean, de deux mencaudées el demie, deux qua- rantaines ct seplverge:ons de terre, au terroir d'Eterpigny, à 1 d. de relief par mencaudce. (Cartul , fo 54). LXXV 4345, 28 novembre. — Notification par Colart Le Gillon, de la donation faite à l'hôpilal par Yde Brivande, de 6 boistelces de terre, sises « devant le mote de Villiers, » tenues de Bertol Le Philippon, pour lesquelles Jacques de la Fontaine, maitre dudit hôpital, a été reçu homme vivant et mourant à 2. d. de relief par mencaudee, avec l’agre- ment du bailli de Lens. (Cartul , fo 115, ve). LXXVI 4349, 25 octobre. — Notification par Gérard Le Maire, bailli d'Aubigny, de par Madame Blanche de France (2), de la vente faite pardevant Gilles de Builliz, son lieute- nant, et les « tenans sarliers de madite dame, » par Enlart de Planques à l'hôpital, de cing mencaudeces et un . quarleron el demi de terre au terroir de Frévin. (Cartul., fo 74). (1) Michel de Récourt (canton de Vitry) joue un rôle important aux armées de Philippe de Valois. (2) Blanche de France, religieuse à l’abbaye de Longchamp, fille de Philippe-le-Long et de Jeanne de Bourgogne. — 394 — LXXVIL : 1349. — Vidimus sous le scel de la cour d'Arras (13août 1499) de : 1° lettres de Martin de Chartres, prevôt de Péronne, notifiant que les frères et sœurs de l'hôpital ayant obtenu de lui une commission en cas de nouvelleté pour les empé- chements que Robert du Bos d'Érvillers avait mis sur la terre el rente que Mahaut, comtesse d'Artois, leur. donna en ladite ville, ledit Robert a comparu pardevant lui et re- connu que la plainte dudit hôpital était juste (1349, J août); 2° attestation par Jean Gayant, garde du scéel de la baillie de Vermandois, à Péronne, que Martin de Chartres a re- connu que les leltres ci-dessus étaient bien scellées de son . scel (1349, 23 octobre). (Cartul., fo 136, vo). LXXVIII 4349, novembre.— Arrentement à Warnier de Saudemont et à André, son fils, pour 7 l. p. par an, des pres de l'hô- _ pital, dits les « prés Rollant, » sis entre Cheérisy et Fon- taine. (Cartul., fo 407). L LXXIX 1349, 1°" décembre.— Vente par Jacquemart de l'Abbaye, à l'hôpital S. Jean, de 7 boistelées de terre au terroir d'Hendecourt. Sachënt tout que je, Jaquemars de l'Abie, cognoys que jou ay vendu sept boistelées de lerre ou environ seans ou terroir de Hendecourt en le voye de Vauls, et sont tenues en sarcerie du seigneur de Longastre a nient de rente, fors tant seulement que quant on va de vie a mort qùe on paie xix deniers de relief de le mencaudée, le- quelle terre j’ay vendu, werpi et clamé quitté comme — 498 = m'acquesle, ét rapporté en la tàin du Seigneur 4l œs, ét nom et äu pourfäit de le maison del hospital Saint Jehan seadrit en l’Estrée d’Arraz, sut lequelle terre li dis hospi- taux avoit demi mencaud dé blé dé rente par añ, el mé tieng a bien paiez du pris de le vente dessus dite. Et sur ce li sires conjura ses hommes que il li deissent par ju- gement se par mi ce que fait en avoit esté dudit Jaque, se il en avoit tant fait que il ne si hoir ni avoient mais droit, et que li hosñitaulz ou personne rechevale pour ledit hospilal au gré el a le volenté dudit seigneur en pooit bien estre saisis et a loy. Et sur ce fu dit des lom- mes sarciers chi dessous nommés, au conjurement dudit seigneur et par jugement, que Therys Martins, freres dudit hospital, estoit et est bien et a loy au pourfit dudit hospital, heritaulemient el perpetuelment, a tous jours saisis, advertis ec aherilés, sauls les drois du seigneur êt d'autrui, as us et as coustumes du lieu. À che furent present et appelé comme homme sarcier dudit seigneur, cest assavoir que je freres Jehans le Borgnes menistres de le Trinité (1) qui prestre pieche de terre audit sei- gneur, Pierres de Wicquetes, Jehans Goddefroys et Co- lars de Waencourt. Et je Galoys de Ssins. bauls et garde de le terre de Longasire, fay savoir à touz ceulz qui ces presenles lettres verront ou o”ront que a toutes ces coses dessus dites faire et recoznoisire ay esté presens et ap- pelles comme sires a cause de mondit bail et qui fu a le dessaisine et sais'ne des coses devant dites que jou ay eu et receu plainement mes droilures du pris de le vente dessus dite et m'en tieng plainement a bien paies et en (1) Ministre de la maison des Trinitaires d'Arras. — 396 — quitte les dessus dis vendeurs et acateurs et tous chiaux a qui quittance en appartient. En tesmoing de ce jou ay ces presentes lettres seellées de men propre seel qui fu- rent faites el données le primier jour dou moys de de- cembre l’an de grace M CCC quarante et nœf. (Cartul., fo 105). | LXXX 1350, 8 janvier. — Vente par devant Jean Bussine, de Waiencourt, et quatre de ses hommes rentiers, par Jac- ques Collebaus à l'hôpital S. Jean, de 4 mencaudces de terre, sises au terroir de Waïiencourt (1), tenues à 2 d. de relief dudit Jean. (Cartul , fo 79, we). LXXXI 4351, décembre. — Notification par Jean de Morchies, dit Galehaut, que pardevant lui et Bertoul de Gonnelieu, Gil- les Soale, etc., ses hommes de fief, Martin de Vaulx a re- connu avoir pris à toujours de Jean de la Vigne, alors maitre de l'hôpital, 12 mencaudeées de terre et demie et 10 sols de rente sur un manoir qui est à présent à demot- selle Sarre de Vaulx, moyennant 12 mencauds de blé paya- bles à Noël « tel blé comme de le disme de Vaux, livré Arras dedens les vir portes partout ou cieulz qui ces lettres avera amera mieulx. mais que car ou carette y puist tourner. » Conditions de retrait. (Cartul., fo 137). LXXXII 4353, avril. — Notification par les échevins de Marœuil de l'arrentement fait par Jean de la Vigne, mattre et frère de l'hôpital S. Jean, à Michel des Pons et Jeanne, sa femme, de dix mencaudées et trois boistelées de terre, sises à Marœuil, pour 3 muids de blé par an. (Cartul., fe 81, vo). (4) Wancourt, canton de Croisilles. — 397 — | LXXXIII 4357,11 mars.— Vente pardevant les «alloiers deS. Vaast » | par Miquiel du Cariæl, chevalier, et Marie de Berle, sa femme, à demoiselle Marote Briquette, de 6 mencaudées de terre, sises au terroir d'Oppy. (Cartul., fo 47, vo). LXXXIV 4360, 17 janvier. — Vente pardevant Guy de Goy, sire de la Phalecque, chevalier, bailli d'Arras, par Laurent de Moy à Rasse Nepveu, bourgeois d'Arras, bail de Mariette La Coustelière, « menre d’ans » fÎlle de Vaast Le Couste- lier, au nom de la dite Mariette, du treffond d'un fief que ledit Laurent tenait du château d'Arras, contenant 14 mencaudées et une boistelée à Eterpigny, « pour de toutes lesdites terres ainsi Lenues en fief goir et possesser depuis et tantost après le trespas de demiselle Jehanne Lyone, vefve de feu Jeban Le Coustellier et dudit Vaast leur fil qui sont viagier dudit fief, si comme on dit, par Jadicte Mariette Le Coustellière et par ses hoirs. » (Cartul., fo 55, vo). LXXXV 4360, 20 octobre. — Confirmation par Marguerite, com- tesse de Flandre, de Nevers et de Rethel, de l’arrentement fait par l'hôpital de S. Jean à Jean Bouchel de Frevin, de dix mencaudées au terroir dudit lieu, tenues du château d'Aubigny pour 4 d. ob. par an, et dont Willemote d’Atra- bonne est homme vivant et mourant. (Cartul., fo 75). LXXXVI 4362, juillet. — Notification par l'official d'Arras d'un accord entre l'hôpital et Thibaud de l’Atre, de Atrio, au sujet de 2 mencauds de blé et 2 chapons de rente dus sur une mencaudeée et demie de terre appartenant audit Thi- baud au terroir de Bouvigny (1362, dimanche post rela tionem S. Vedasti.) | (Cartul., f 84). — 3% — LXXXVII 1364, 9 avril. — Charte de la comtesse Marguerite, décla- rant les frères et sœurs de l'hôpital S. Jean, encore qu'ils soient « personnes layes et seculeres » exempis, comme les gens d'église et nobles, de payer assises des choses qu'ils achètent ou vendent pour l'administration et les besoins dudit hôpital. (Cartul., fe 62). LXXXVIIT | 14364, 27 mai. — Charte de la comtesse Marguerite qui, sur la demande des 8 frères et des 12 sœurs de l'hôpital S. Jean, considérant que « pour le grant charge de ma- laides qu'il ont eu par le temps des grans mortalitez qui ont esté a Arraz et ailleurs en notre pays d’Artois, leurs meubles et chatels ont esté gastez et emploiez, et pour cause d'icelles mortalitez et des guerres aussi les aumosnes el bienfais que l’en leur souloit faire et leurs revenues et rentes ont esté appelissez grande- ment », réduit pour l'avenir leur nombre à 4 frères et 8 sœurs, autorisant ceux qui voudront se retirer à vendre à prixraisonnable«leursprovendesausdiz maistre, prieuse, freres et suers et non a autres » qui voudront rester. (Arch. du Pas-de-Calais, A. 92. — Orig. parchemin, las de par- chemin préparés pour mettre le scel, qui n'a pas été apposé ; plu- sieurs ratures, renvois et changements d’une autre écriture). LXXXIX 4365, 17 juin. — Notification par Guy de Goy, chevalier, bailli d'Arras, de l'accord intervenu entre l'hôpital et Lamüert de Boef, au sujet de 8 s. de rente que ledit hôpi- tal lui réclamait. (Cartul., fo 80, ve). — 399 — XC 1866, 24 juin, — Notification par Gilles de Chavile, che- valier, sire d'Eïstraiele, que Béatrix Pauñfile, veuve de Jacques Amion, a renoncé aux 10 mencaudees de terres sises au Mesnil le Boucel, tenues dudit chevalier et arrentées par l'hôpital S. Jean, dont elle ne pouvait payer les rentes; ledit hôpital a présenté « Estiene de Sombrin pour de- servir par devers nous ledite terre de tel servitude que en tel cas appartient à faire comme homme vivant et morant, et le receust nos baillis. » (Cartul., fo 149, vo). XCI 4366, 22 novembre. — Sentence arbitrale de dom Jean de Berneville, receveur de S. Vaast, et Guy de Goy, chevalier, baïlli d'Arras, sur un différend entre l'abbaye de S. Vaast et la comtesse d’Ariois d'une part, et l'hôpilal S. Jean d'autre part, au sujet du tonlieu des marchandises el de certains droits en la ville d'Arras. (Cartul., fv 62, vo). XCII 4367, 28 février. — Confirmation de cette sentence par la comtesse Marguerite. | (Cartul., fo 67, vo). XCITX 1367, 30 juillet. — Donation par Maroie Briquette, con- sœur de l'hôpital S. Jean, audit hôpital, de 6 mencaudees de terre qu’elle avait au terroir d'Oppy, sous certaines condilions. | Sachent alloyé de Saint Vaast d'Arras qui sunt et qui advenir sunt, que par devant les alloïés chi desous nommés, est venue et comparue en propre personne — 400 — demiselle Maroie Briquette, adont consærs del hospital Saint Jehan en l'Estrée d'Arras, et a donné audit hospi- tal pour Dieu et en aumosne et pour le salut de se ame werpi et clamé quitte bien et a loy, hiretaulement et perpetuelment a tous jours. comme se propre acqueste, six mencaudées ou environ de terre de frans allæs que elle avoit seans en pluiseurs pieces ou terroir de Ouppy es lieux chi apres devises, est assavoir trois mencaudées et une couppe ou environ de terre tenans d'une part es terres Masquet de Gaverelle et d’autre part as terres Je- han de Magny. Item, deuz mencaudées de terre ou envi- ron seans ou Val d’Aisseville (1), tenans as terres de no- ble homme msgr Michiel du Carriæl chevalier d’une part, et as terres dame Benoite Marline et as terres me demiselle du Bos d’aultre part. Item, trois coupes ou environ de terre seans an Vert Quemin tenans d’une part as terres Tessart de le Ruelle et d’aultre part as terres le dicte demiselle du Bos. Et sont toutes les vi mencaudées de terre devant dictes tenues en allæs et ad- vouées à tenir del eglise Saint Vaast d'Arras, parmi une maille de rente par an pour chescune mencaudée. Les queles vi mencaudées ou environ de terre dessus dictes, lout ensi que elles sieent en pluiseurs pieces, et que elles s'estendent en lonc et en large chescune piece entre les quatre cors et le moillon, et toutes les appartenances et appendances d'icelles le dicte demiselle Maroie les werpi el raporla par rain et par baston, et s’en dessaisy, et par advoué en le main de Colart äe Rincourt comme en main de signeur elleu des alloyés chi desous nommés ses (1) Acheville, canton de Vimy. — 401 — compaignons quant ad ce faire, par tel maniere et con- dition que elle doit avoir le goanche et percevoir de tous les profis, revenues et emolumens qui de toutes les six : mencaudées ou environ de terre dessus dictes porront naistre et venir en quelconque maniere que ce soit tant et si longuement que elle ara le vie ou corps. Et apres le trespas de le dicle demiselle Maroie, li maistres, les freres et les sœrs dudit hospilal pour cause de le dicte terre el de tous les pourfis, emolumens et revenues qui en isteront, dont il gorront et perceveront al æs et pour- fit dudit hospital, il seront tenu de faire et administrer chescun an perpetuelment au jour de la Nativité Saint Jehan Baptiste une pilance de vin, est assavoir as mala- des, as freres, as sœrs et a le maisnie dudit hospital en le maniere qu'il ont usé et acoustumé de faire les pilan- ces de vin oudit hospital, quant elles y esqueent, et si seront tenu de faire dire chescun an perpetuelment de- dans les octaves dudit jour en le capelle dudit hospital deus messes de Requiem de le dicte demiselle Maroie, de sen pere, de se mere, de Engheran Bricquet sen oncle et de lous ses bienffaiteurs, lesquelles messes seront dites par 1 aultre capellain que cheulz qui canteront au- dit hospital et pour chescune messe li maistre dudit hos- pital fera baillier audit capellain seze deniers par. Du- quel don, werp et raport de toutes les devant dictes six mencaudées de tlerre et des appendances et apparte- nances d'icelles, le dicte demiselle Maroie fist tant et si souffissamment toutes les solenailés qui ad ce appar- tenoient à faire, que il fu dit par jugement des alloyés dessus nommés avant coujurés dudit Colart de Riencourt comme signeur qu'elle ni avoit mais droit aucun, fors 26 — 402 — tant seulement que elle gorra et percevera de tous les profis el emolumens qui de toutes les dictes terre por- ront issir par quelconque maniere tout le cours de se vie, et qu'il en pooit bien saisir, advestir et adhireter 1 des freres ou une des sœrs dudit hospital hiretaulement et perpetuelment a tous jours al œs et profit dudit hos- pital. Et ce fait, li dis Colars de Riencourt comme sires demanda a le dicte demiselle Maroie se en toutes les terres dessus dites ou aucune pieces d'icelles elle savoit about, assenement, ne empechement aucun que elle le desist, le quelle respondi que en toutes les dictes terres par li, ensi que dessus est dit, données, werpies et rapor- tées ne en aucune piece d’icelles elle ne savoit about, ne assennement, ne aultre empeechement, que cest present don, werp et raport. Et apres toutes ces coses ensi faites que par. dessus est devisé, li dis Colars comme sires saisi, advesli et ahireta, al œs et profit dudit hospilal Jehan Flayel de Lucheu, frere et maistre pour le temps dudit hospital, et de toutes les vr mencaudées de terre devant dictes et des appartenances et appendances d’icelles, sauf tous drois pour goir ent et posseder ledit hospital hiretablement et perpeluelment a tous jours, sauf et reservé a le dicte demiselle Maroïe le goance de tous les profis et revenues qui de toutes les dictes terres porront naistre et venir tout le cours de se vie tant seu- lement, et apres son deches pour tenir l'ordenance oudit hospital de faire dire les dictes messes et de faire le pi- tance. chascun an comme dit est. Et puis conjura li dis sires les alloyés chi desous nommés que il desissent par jugement se, parmi ce que fait en avoit esté, lidisJehans Flayaulz estoit bien el a loy saisis, adveslis et ahiretes — 403 — al œs et profit. dudit hospital de toutes les six mencau- dées ou environ de terre dessus dictes et des appen- dances et appartenances d'icelles, pour en goir et posse- der ledit hospital hiretaulement et perpetuelment a tous jours, pour raemplir le dicte ordenance des messes diré et faire le pitance chescun an oudit hospital ensi que dit est. Lesquelz alloyés chi desous nommés, sur ce dili- geanment conseillies et bien advises, disent et pronon- cherent par loyal jugement, qui d'aucune personne ne fu contredis ne debatus, que li dis Jehans Flayaulz estoit et est bien et a lov saisis, advestis et adhiretes al œs et pro- fit dudit hospital de toutes les six mencaudées de terre dessus dictes et de toutes les appartenances et appen- dances, d'icelles pour en goir et posseder ledit hospital hiretaulement et perpetuelment a tous jours, sauf et re- servé lant seulement a le dicte demiselle le goance de tous l'es profis, emolumens et revenues qui de toutes les dicles terres porront naistre et issir par quelconques maniere que ce soit tout le cours de se vie, et apres sen . trespas faire dire les messes oudit hospital etadministrer le dicte pitance chescun an ensi que dessus est ordené. Et ce fait le dicte demiselle Maroïe jura, creanta et fian- cha par Le foy de sen propre corps, pour ce corporelment baillié en le main dudit Colart de Riencourt, comme en main de signeur, que jamais a nul jour par li ne par au- truy elle ne iroit ne. aler feroit, ne querroit ne querre feroit art, engieng, cause, matere, moyen ne cavilation aucune, ne feroit, ne faire feroit. ne soufferoit estre fait par quelconque maniere contre le don, werp, raport et convenences devandis ne sucunes d'’icelles, mais les promist par se foy et serement dessus dis et l'obligation et abandon de tous ses bienset: les biens de ses hoirs: et — 404 — successeurs, les quels elle obligea et abandonna envers tous signeurs et toutes justices a tenir, conduire, tenser et warandir envers tous et contre tous et les delivrer de toutes quarques, de tous empechemens et de toutes au- tres coses qui, par li ou par autre de se partie, porroient venir ou naistre, par quelconques maniere que ce fust, et audit hospital en temps present ou avenir grever ou nuire. El li maistres, les freres et les sœrs dudit hospital li promisent a warder et tenir bien et loyalment ledicte ordenance de faire et administrer chescun an perpetuel- ment oudit hospital le dicte pitance et faire dire les dic- tes messes ensi que par dessus est dit et ordené. A cest don, werp et raport, dessaisine et saisine et toutes aul- tres choses faire et ordener en le maniere que dessus est dit, furent comme alloyé li dis Colars de Riencourt esleus comme sires de ses compaignons quand ad ce faire, Phe- lippes Willequins, Jehans de Baillæs, Mahieux Walloys et Oede Le Cevalière qui recort en ont fait a leurs aultres compaignons. Che fu fait ou dit hospital comme en piece de terre souffissamment empruntée par les alliés dessus nommés de honnerable homme et sage Eslevene Bos- quet adont bailli d'Arras en l'an de grace M CCC LX et VII le penultime jour du mois de juille. (Cartul., fo 48, vo). XCIV 4386, 148 avril. — Notification, par les échevins d'Arras, de la crice faite à la bretèche, d’une pièce de terre appartenant à Jean Paiebien sise « sur le neuve rue (1) a l'opposite de le maison le curé de le Basecle », chargée de 16 s. de rente envers l'hôpital, laquelle rente ne pouvait être payée, adjugee à Gilles Tauyel, prêtre, procureur dudit hôüpilal, nul ne s'élant présenté. (Cartul., fo 90, vo). (1) Aujourd'hui rue des Capucins. — 405 — XCV 1368, 18 août. — Notification par les échevins d'Arras de la criée faite à la bretèche, d’une maison sise en la rue S. Maurice, sur laquelle l'hôpital avait 5 s. de rente, ad- jugée audit hôpital, nul ne s'étant présente. À touz ceulx qui ces presentes lettres verront ou orront, eschevins de le ville d’Arraz, salut. Comme li frere et seurs del hospital S. Jehan en l’Estrée d’Arras heuissent chincq soulz de rente par an, si qu'il maintenoient, sur une piece de terre u il soloit avoir maison seant en le rue Saint Morisse, et soloit estre Cul de fer de Wamin, et pour chou que chil dudit hospital ne poient estre paiet de le dite rente, heuissent fait le dite plache et pieche de terre par le justice du lieu justichier, asseir le main et traire a lov, et pour che que aucuns ne se apparoit, se fuissent chil dudit hospital trait par devers nous en requerant que ledite plache fust criée a le bretesque, en sioniffant que se il estoit aucuns qui les arrerages de ledile rente vaust paier et plache retenir, venist par devers eschevins dedens quarente jours, u se che non on le deliverroit as dis del hospital pour leur dite rente sauver. Et pour chou qu'il ne fu aucuns qui en dedens les quarente jours dessus dis ne en grant temps apres s'apparust, quil s'offrist a paier les dis arrerages, ne a le dite plache ne pieche de terre retenir, sires Gilles Tauyaus preslres et procureres dudit hospital, u nom et pour icelli hospital, par le justiche du lieu, en le pre- sence des eschevins, en le dite pieche de terre, pour ledit hospital, fn mis et recheus pour le dite rente sauver et avoir au mielx que on porroit, sauf le drois des autres rentiers s’il i sont treffonsiers ou autres. Et encore fu il dit par le justiche sur le lieu que s’il estoit aucuns que en ledite plache et pieche sceust sen droil qui le vausist retenir, les dis arrerages et les rentes paier, veuist avant dedens sept jours et sept nuis, encore seroit il recheus, et pour ce que aucuns ne s’apparust, elle fu du tout delivrée et demoura audit hospital par condition que ledite plachs est et demeure as us et aus coustumes qu’elle estoit par avant et du tout a le cognoissance des eschewins d’Arraz, si comme Jehans Bougers nostre sergens a verghe nous a toutes ces coses dites el rela- tées de boucque. En tesmoing de ce nous avons ces pre- sentes lettres scellées du scel de le dite ville d'Arraz, ordonné pour sceller les contralx, convenanches et obli- gations cognutes par devant nous. Ce fu fait l'an de grace M GCC LX VII, le xvirr° jour d’aoust. (Cartul., fo 89). _ ACVI 4371, 30 mars. — Arrentement, par devant les alliés de S. Vaast, en Neuville-St-Vaast, par l'hôpital à Gilles Plommier, de 4 mencaudeées et demie de terre « tenues de frans aloez S. Vaast » au terroir de Neuville pour 2 men- cauds de blé par an. Ce fu fait et recognut en l'éclize de Nœfville S. Vaast le jour de Pasques flouries l'an de grace M CCG LXX. Ad ce furent present comme sires en ceste partie esleus par les aliies chi dessous nommes, sires Jehans Blevetins prestres, et comme aliies jugans en ceste partie Baudins Li Alars, Pierre Mules, Jakemars Biseux, Jakemars Ber- toulx et Robers de Gaverelle. (Cartul., f 143) — 401 — XCVII 1371, 24 avril. — Notification par les échevins de la Vigne des suretés données par Guiffroy d'Erques et Marguerite l'Echaudée sa femme, bourgeois d'Arras, pour le payement d'une rente que l'hôpital a sur deux maisons leur apparte- nant en l'échevinage de la Vigne, laquelle rente a été abaissée de 24 s. à 10 s. « pour ce que icelles deux mai- sons ont esté naguaires toutes arses des Englés et anemis qui daesrainement furent à Arras. » . (Cartul., f 92). XCVIII 1373, 17 juin. — Vente pardevant Jean Cosset, bourgeois d'Arras, «mayeurdelacharitéSaintMathieude Fuilloi», et les hommes rentiers de la dite charité, par Jean de Cas- tenoy, bourgeois d'Arras, à l'hôpital S. Jean, d'une men- caudee de terre sise vers la Poterie, tenue de la dite charité. (Cartul , fo 69, vo). XCIX 4374, 11 mai. — Confirmation de cette vente et amortisse- ment de ladite terre par Marguerite, comtesse de Flandre, d'Artois et de Bourgogne. (Arch. de St-Jean, orig., et cartul., fo 61). C 1374, 10 juin. — Vente pardevant Jean Grenel, bailli d'Arras, par Vaast Le Coutellier et Marie sa fille, à l'h6- pital S. Jean, du fief mentionné au n° LXXXIV. (Éartul., f* 57, vo), | — 408 — CI 4371, 8 novembre. — Notification par les échevins de la Vigne, de la donation faite à l'hôpital par Pierot Crestaigne, d’une maison sise au Pouvoir de la Vigne, et de l'investiture de Gilles Chanel, homme vivant el mourant, moyennant « un Cappon à plume » par an, à Noël, du à S. Vaast et au vidame de Chartres comme seigneurs dudit lieu. (Cartul., fo 93). CII 4378, 20 février.— Notification par les échevins de Bailleul- sir-Berthoult de la vente faite par Jean du Four à l'hôpital S. Jean de 6 coupes de terre sises en l’échevinage dudit lieu. Sachent esquevin de le ville de Bailleul que on dit mons. Bertoul qui sont et qui a venir sont, que Jehans du Four a vendu bien et loyalment et heritaulement, et par juste pris et certain, as sages et honorables le mais- tre, freres et sereurs del hospital Saint Jehan en l’Estrée d'Arras vi couppes de terre qu'il avoit seant en l’échevi- nage de le dite ville de Bailleul ou lieu que on dit Deseure le Val, et tenänt d’une part a le terre dudit hos- pital et de l'autre lez a le terre Cappon de Bailleul. Et le dite vente faite, certaine personne fut establie pour ledite terre crier, lequelle par ledit establi fu criée et huée en sainte eglise par trois ‘ours soll:mpneux bien et souffisanment, as quelx cris et hus nulle personne, proismes ne aultres quelconques, ne s’apparust pour ledite terre reclamer ne empescher de riens, elles dis cris passes, et vir jours et vis nuis passes apres bien et souffisanment, li dis Jehans du Four et auxi mess. Gilles — 409 — Tauiaux maistres dudit hospital ou temps de lors se comparurent tout ensanle en le presence des dis esche- vins, et la recognut li dis Jehans du Four ledite vente audit mess. Gille, pour et ou nom dudit hospital, li quel eschevin demanderent audit Jehan du Four pour quoy il vendoil ledit heritass: et par quelle maniere il Le voloit werpir. Li quels Jehans respondi qu'il le vendoit par pure necessité et pour pieur imarkiet esquiver, et que de ce feroit bon serement lui tierch, les quelz seremens de lui nr° li dit eschevin firent faire en le propre heure bien et souffisanment tant comme a le coustume dudit lieu en pooit et devoit appartenir en tel cus. Et ce fait, li dis _ Jehans du Four tantost incontinent saisi, werpi et ahi- reta par rain et par baston bien et souffisanment et a loy les dites vr coupes de terre en le main de Pierot Castai- gne, lequel Pierot li dis mess. Gilles presenta a recep- voir ledite ierre pour et ou nom et au prouffit dudit hospital, et ledite saisine baillie li dis mess. Gilles, ou personne pour lui, demanda as dis eschevins se li dis Pieros esloit des dites vi coupes de terre bien saisis et ahiretes, li quel eschevin sur ce conseilliet demanderent audit Jehan du Four s'il estoit seurs de ses deniers, li quels respondi qu'il s’en tenoit pour bien el a plein paiies et en quitloit du tout ledit mess. Gille et le dit hospital et toutes autres personnes quelconques. Et apres ce li dit eschevin dirent que parmi lant que fait estoit bien et souffisanment, que li dis Jehans du Four avoit tant fait des dictes vi coupes de terre qu'il n’i avoil mais droit, et que li dis Pieros Castaigne en estoit bien saisis et ahiretés et mis en possession pour et ou nom dudit hospital comme dist est, sauf tous drois, et qu'il en feist — 410 — tost et hastivétneht gré au seigneur dé qui li dis hité- tiges estoit tenus, se gré y appaïtenoïit, et qu’il ne savoit about ne assenement nul quelconque el auxi ne savoit li dis Jehans du Four pour quoy li dis heritages ne peust bien demourer audit hospital comme dit est. À ce furent comme eschevin, est assavoir Jehans Caupons, Regnaus d’'Yveri, Bauduins Li Sohiers, Jaquemes Li Comtes, Martins Favane et Jehan de Lies, qui recorten ontfait aleur compaignon. Ce fu fait en l’an de grace M CCG LXX VII, le xx° jour de fevrier. (Cartul., f° 97, vo). CIN] 4380, 30 novembre. — Donation par Gilles Poré et Mar- guerite du Sauchoy, sa femme, à Henri de Poligny, frère de l'hôpital S. Jean, pour ledit hôpital, de 3 coupes de terre sises en l’échevinage de Bailleul. (Cartul., f 98, vo). CIV 4380, 10 novembre. — Notification par les échevins dé Bailleul, de la vente faite à l'hôpital par Maroie Waro- quière, veuve de Jean d'Emmileville dit Caupon, et Jean son fils, de 6 mencaudées et demie et 23 vérges de terre à Baillcul. (Gartul., fo 99). CV 1380, 10 décembre. — Notification par les échevins de Bailleul, de la vente faite à l'hôpital par Gilles Cappon, comme messagé et command de Jean de Latre, de 10 men- caudées et 32 vérges de tèrre en l'échevinagé de Bailleul. (Éartul., f° 102, vo. | — d#ii — CVI 1381, 12 janvier. — Notification par Nicaise Cornache, lieutenant du bailli de Recourt, établi par Jean, sire de Récourt et châtelain de Lens, écuyer, que pardevant lur et Estienne Sombrin, etc., hommes cotiers et tenants dudit seigneur, Marguerite de Moyenneville, veuve de Jean de Magny, demeurant à Willerval, a vendu à l'hôpital 11 coupes de terre, sises au terroir d'Eterpigny. (Cartul., fo 133, vo). CVII 1381, 21 mai. — Notification par Jean Grenel, bailli d’Ar- ras, de l'accord conclu entre l'hôpital et Wistasse de Ligny, écuyer, au sujet de 6 mencaudeëes de terre, sises au terroir de Dury, sur lesquelles ledit Wistasse avait mis sa main. (Cartul., fo 113, vo). CVIII 1383, 28 avril. — Notification par Pierre Rose, garde de la terre et juridiction de Michel de Dainville, chanoine de Noyon et archidiacre d'Ostrevent, et par ses hommes ren- tiers, que Jean de Quiery et Pasque Rose, ont pris à rente pour 6 mencauds de blé par an, 4 mencaudees de terre ap- partenant à l'hôpital S. Jean, sises au Val de Neuville, tenues du sire de Berles, à 5 d. de rente annuelle. (Cartul., fo 121). CIX 4387, 17 mars. — Confirmation par Philippe, duc de Bour- gogne, des priviléges accordés aux frères de l'hôpital S. Jean par la comtesse Marguerite (Arras, 9 avril 1364) et Louis, comte de Flandre :\rras, 10 novembre 1383), les exemptant de toute assise pour toutes les choses qu'ils , vendront ou achèteront pour leur communaute. (Cartul., fe 62). — 419 — Cx 1388, 9 février. — Notification par Jean du Pré, baïlli de Guy de Goy, chevalier, sire de la Falesque et de Ponchiaux, de la vente faite par Maroie la Picarde à Jacquemart le Féron, maître de l'hépital S. lean, pour ledit hôpital, de 6 boistelces, sises à Ecurie, tenues dudit seigneur ; ledit Jacquemart est reçu homme vivant et mourant. (Cartul., fo 111), CXI 1388, 27 février. — Procuration générale donnée à Simon Saquespée et Daniel de la Grange par Henri de la Vacque- rie el Marie de Puninage, sa femme. (Cartul., fo 75, vo), CXII 1388, 8 août. — Vente en la cour de l'official d'Arras et pardevant les hommes alliés ou tenant francs alleux, par Daniel de la Grange, procureur d'Henri de la Vacquerie, à l'hipitalS. Jean, de 7 mencaudees de francs alleuæx, sises près Sainte-Catherine-lez-Arras. (Cartul., f° 76, vo), CXIII 1388, novembre. — Notification par les échevins de Lens de la modération obtenue par Robert Culemer, bourgeois de Lens, sur la rente de ble qu’il devait à l'hôpital S. Jean el.aux « aumosnes des povres de Lens. » ÆEchevins : « Jehans Pelis dis le Cuveliers et Robert Boistiaux. » (Cartul., fe 115), °°, — 13 — CXIV 1390, 6 novembre. — Notification par Gillot Martin, lieu- tenant du bailli de la châtelaine de Lens, tenant le bail de la seigneurie de Récourt au nom de Jean de Récourt, fils de ladile dame, que pardevant lui et Jacquemart Cornache, elc., hommes cottiers, ont comparu Nicaise Quarré et Bourgne, sa femme, qui ont vendu à l’hipilal 11 coupes de terre, sises entre Dury et Eterpigny ; Jacquemart Féron, frère et procureur dudit hôpital a été reçu pour « home colier vivant et morant, deservant et faisant devoir envers ledit seigneur de Récourt en sa court et toutefois que mestiers seroit ad cause et Litle des xt couppes de terre dessus dites parmi v deuiers ob. de _ rente par an au terme Saint Remi que ledile terre doit audit seigneur de Récourt, et autant de relief touteffois que ledile terre va de main à aultre ou autrement. » (Cartul., f° 134, vo). CXV 1391, 46 février. — Vente à l'hipital, par les échevins d’Ar- ras, autorisés par le duc de Bourgogne, pour 16 s. p., d'un « Cappon bourgeois » de rente annuelle qu'ils avaient sur une maison sise devant le Wetz d'Amain, appartenant audit hôpital. | (Cartul., fo 91). CXVI 1391, 6 juin. — Notification par Nicole Morel, curé de Ficheux, du rapport fait par Tassart le Vaasseur d’Agny, des 3 mencaudéss et demie de francs alleux qu’il lenait à rente de l'hôpital et de l'investissement qui en a élé fait à Thomas de Hottoy, frère et procureur dudit hôpital. (Cartul., fo 96, vo). — 414 — CXVII 4392, 143 mars. — Notification par les échevins d’Achicourt près Arras, de l'arrentement fait par l'hôpital à Jean Flo- rent, pour 15 s. 3 d. de rente à la S. Remy, d’un champ sis audit échevinage. (Cartul., f 95). CXVIII 4392, 31 mai. — Jugement de Pierre de Latre, licencié ès lois, bailli d'Arras, Bapaume, Avesnes et Aubigny, Wau- tier Haterel, conseiller du duc de Bourgogne et Tassart Le Jouene, procureur géneral d'Artois, arbitres sur un différend entre l'abbaye de S. Vaast, Maielin de Bailleul et Jean du Poncel, comme seigneurs de Bailleul-sire-Ber- thould, d'une part, et l'hôpital S. Jean d'autre part, sur la propriété de cerlains droits à Bailleul, rejetant après enquête les prétentions de l'hôpital (1392, 31 maï).. Copie d'une lettre: de Charles VI, autorisant. les parties à dessai- sir le Parlement de leur affaire et à la soumettre, à l'ærbi- trage dessus dit (Paris, 29 décembre 1391). (Cartul., fo 400, vo). GXIX 4413, 6 juillet. — Notification par Warnier Caulier, lieu tenant du bailli du Sénechal de Hainaut, à Chérisy, de l'arrentement fait par l'hôpital à Jacquemart de: Custeler, des pres Rollant et autres terres à Chérisy. (Cartul., fo 127, vo). CXX 442t, 8 novembre. — Accord pardevant notaire, entre Jacquemart Roguet, procureur el receveur de. Jean, sire de: Mon'morency et de Croisilles, et Jean Aubert, prétre, procureur-de l'hôpital, au sujet d'une rente que ledit hôpi- tal prend: sur 16 mencaudées sises au terroir de Croisilles, appartenant audit sire de Montmorency. (Cartul., fo 139), — 415 — CXXI 4422, 6 février. — Notification par Pierre du, Quesnoy, bailli de Chérisy, pour Madame la Sénéchale de Hainaut, d'un accord entre l'hôpital el Jacquemart de Casteler, au sujet des arrérages qu'il devait audit hôpital pour les terres qu'il en tenait à rente. (Cartul., fo 199, vo). CXXII 1422, 24 juillet. — Notification par l'hôpital S. Jean, de l'emploi fait de 40 florins d’or léqués par sainte Sauchelle sœur dudit hôpital, à l'effet d'acheter des terres pour l'hôpital et de faire célébrer chaque année pour elle un obit solennel, et de distribuer « aux malades, frères et " sereurs dudit hospital une pitanche en argent de xx sols et une pitanche de vin telle qu’il est acoustumé audit hospital. » | À tous ceulz qui ces presentes lettres verront ou orront les maistres, prieuse, freres et sereurs del ospital Saint Jehan en l'Estrée d’Arras, salut. Sachent tous que comme deffuncte demoiselle Sainte Sauchelle a son vivant et au jour de son {respas consereur dudit hospital, pour le salut del ame de 1y, heust donné et ausmosné audit hospital la somme de xz florins d’or à le couronne, du coing et forge du Roy notre sire, pour convertir en rente ou heri- tages au pourfit dudit hospital, adfin d’avoir chascun ar perpeluelment en le capelle dudit hospital ung obit so- lennel, vegilles, commendasses el messe a notte, moien- nant ce que ledit hospital. ou les menisires d'icelluy se- ront tenus chascun an paier au curé del eg'ise parrocial de Notre Dame en Cilé nommée Saint Nicolay en Lattre, à son vicesgerent ou chapellain, la somme de x. sulz pour — 416 — dire les vegilles, commendasses et messe par le maniere. dicte, el aux malades, freres et sereurs dudit hospital une pitanche en argent de xx sols et une pitanche de vin telle qu’il est acoustumé audit hospital. Nous, ladicte somme de xL florins d'or telz que dessus congnoissons avoir receu, et par bon advis et grant delibcracion avæe, du conseil et consentement des executeurs d'icelle def- functe ou d’aulcuns d'eulz. en avons acheté a Jehan Gode demourant a Arras cincq mencaudées de terre ou envi- ron que ledit Jehan Gode avoit seans en pluiseurs pieces es terroirs de Cherisy et Fontaines, desquelles terres ledit hospital est en bonne possession et saisine. Et moiennant ce, nous congnoissons ledit hospital estre tenu de paier chascun an perpetuelment audit curé de Notre Dame en Cyté, son vicesgerent ou capellain, la dicte somme de x solz pour son salaire de dire les ve- gilles, commendasses et messe a notte par le forme et maniere que dessus est dit, et aux malades, freres et se- reurs dudit une pilance en argent de xx solz et une pi- tance a vin a distribuer comme dit est dessus. Et se di- ront les dites vegilles le dimenche prochain apres le jour del Ascencion et les commendasses, messes et pilances dessus dites se diront, feront, payeront et distribueront le luadi prochain apres enssievant, auquel obil ou au moins à le messe seront tenus lous lesdis freres et sœ- reurs estre et comparoir sur el a paine de perdre toute le part et portion qu'ilz porroient avoir es deux pitances cy dessus desclairées, pourveu pour iceulz freres et se- reurs absens qu'ilz porront esire tenus pour excnsés se ilz sont hors pour les besonones et honneurs dudit hos- pilal, se ilz sont malades ou se ilz sont en pelerinages — 417 — comme ce est ou serment dudit hospital plus ad plain contenu. Toutes lesquelles choses dessus dictes nous congnoissons estre vrayes et en icelles tesmoingnant et approuvant, nous avons mis le seel dudit hospital a ces presentes lettres faictes et données le xxnrn° jour du mois de juillet l’an de grace M GCCC et XXII. (Cartul., fo 124, vo). CXXIII 4422, 28 juillet. — Notification par Lancelot Bonnier, bailli de Fontaine-lez-Chérisy pour Antoine de Haves- . querque, seigneur dudit lieu, qu'en la présence des hommes de fief dudit seigneur, Jean Gode ei Pasque Ploiebien sa femme, bourgeois d'Arras, ont vendu à l'hôpital 6 boistelées de terre au terroir de Fontaine. (Cartul , fe 130, vo). CXXIV 4424, 45 septembre. — Nutification par les échevins de Bailleul-sire-Berthoult, de la donation faite à l'hôpital par Marie Grarde, de 9 coupes et 5 verges de terre sises au terroir de Bailleul, « pour les bons services aggréa- bles que lesdis frères et sœurs lui avoient fait et fai- soient de jour en jour et faire lui porroient en temps advenir pour le soustenance de se vie. » (Cartul., f 134, vo). CXXV 1426, 25 octobre. — Notification par les échevins de Bail- leul-sire-Berthoult de l’arrentement fait par l'hôpital à Pierrot d'Yveri et à ses hoirs à perpétuité, de six coupes de terre sises au terroir de Bailleul, moyennant 3 bois- seaux de blé à 42 d. près du meilleur, payables à Bail- leul à la S. Remy. (Cartul., fo 135, vo). 27 = CXXVI 4427, 25 octobre. — Notification par les échevins de Bail- leul-sire-Berthoult, de l’arrentement fait par l'hôpital de: 3 coupes et 5 verges sises audit lieu, à Regnault Caperon et à ses hoirs, moyennant une rente annuelle à Noël de 6 s. monnaïie courante en Artois. (Cartul., fo 136). | CXXVII 4438, " juin. — Charte de Philippe, duc de Bourgogne, portant réformaton et règlement du personnel de l'hô- pital S. Jean. Phelippe, par la grace de Dieu, duc de Bourgoingne, de Lothier, de Brabant, et de Lembourg, conte de Flandres, d'Artois, de Bourgoingne, palalin, de Haynau, de Hollande, de Zeellande, et de Namur, marquis du Saint-Empire, sei- gneur de Frize, de Salins et de Malines, a tous ceulx qui ces presentes lettres verront, salut. Comme les rentes et revenues de l’ospital et maison-Dieu de Saint Jehan en l'Estree en nostre ville d'Arras, fonde de feux noz prede- cesseurs, contes et contesses d'Artois, que Dieux absoille, pour y recevoir toutes povres creatures, femmes gisans d’enfans et autres malades et membres de Dieu, les ali- menter,gouverner, et administrer leurs neccessilez, ense- velir les trespassez les enterrer en terre sainte, et autre- ment y faire les euvres de misericorde selon l’ordon- nance, fondation, et bonne intencion de nosdits predeces- seurs, soient, par le fait des guerres, qui longuement ont este et dure, et encores sont et durent en ce royaume, tres fort diminuez et tellement, que apeines peuent elles souf- fire pour furnir les pains et provendes des freres et — 419 — seurs. dudit hospital, qui sont ou nombre de, seize per- sonnes, assavoir huit freres et huit seurs, sans les autres: gens et serviteurs d’icellui; les aucuns desquelz freres et seurs, apres ce quilz y ont obtenu lesdits pains et pro- vendes, plus pour vivre a leur aise des biens dudit hospi- tal que par devotion ou voulente de servir Dieu et ses- diz povres membres, et quilz y ont vescu longuement, ont souventes foiz venduz iceulx pains et provendes a autres, en receu les deniers, et emporte hors dudit hospital tout ce quilz y avoyent de meubles et biens, sans y laissier ou.donner quelconque choze, lesquelz meubles et biens, de droit et raison commune, devoient estre et demourer audit hospital, en defraudant par ces moyens l’intencion, voulente et sains propos de nosdits predecesseurs, fon- deurs d’icellui hospital, qui vouldrent quil ny eust de fre- res et seurs que le moindre nombre dont len se pourroit. passer, et personnes devotes pour servir lesdits povres, habilles, et souffisans pour entendre au gouvernement des Biens dudit hospital. Et pour sur ces choses pourveoir et entendre, et vacquier à la reformation d icelles, a l'ins- tance, priiere et requeste aussi de nostre tres chiere et tres sainte compaigne la duchesse, meue en cesle parlie de devotion singuliere, affin que le dit hospital, tant par faulte de bon gouvernement comme par les grans char- ges desdits freres et seurs et autrement, ne cheist en totale desolation et ruyne,parquoy sil advenoit,que Dieux ne vueille, lesdits povres membres de Dieu ny pourroient plus estre receuz ne alimentez, comme il appartient et ainsi quilz ont acoustume d’estre, eussions commis reve- rend pere en Dieu,noz amez et feaulx conseilliers, l'eves- que d’Aucerre, maisire Forlegaire de Placence, nostre — 420 — premier chappellain et aumosnier, maistre Robert le Juenne, nostre gouverneur d’Arras, et maistre Philippe Maugart, maistre des requestes de nostre hostel et bailly de Saint-Quentin, lesquelz, par nostre commandement et ordonnance, se sont depuis informez sur les choses des- sus dictes bien et diligemment, et nous ont rapporte ce que trouve en ont avec leur advis, pour au seurplus en faire a nostre bon plaisir ; Savoir faisons que nous, veues ycelles informations et autres desirans de tout nostre cuer les saintz et devotz propos de nosdits predecesseurs, con- tes et contesses d'Artois, estre gardez et entretenuz selon leurs intencions et devotions, et ledit hospital releve, re- forme et mis en bonne rieule et maniere de vivre pourle temps avenir, avons, par deliberacion de nostre conseil, ordonne et ordonnons par ces presentes, pour nous, no0z hoirs et successeurs, contes el contesses d'Artois, les poins et articles qui s’ensuivent: Premiers, que generalment tous malades languoreux, couchans au lit, et povres femmes gisans d'enfant seront doresenavant receuz oudit hospital sans ce que lesdits freres et seurs en puis- sent refuzer aucuns, si avant que il y ait lit, lieu et place pour les couchier, et leur seront admiaistrez tant leurs neccessitez de vivre comme autres choses, selon les qua- litez de leurs maladies et faculte des biens d'icellui hos- pital, comme leurs sacremens de sainte eglise au salut de leurs aies, par ceulx et ainsi quil apparlendra. ltem, pour ce que le nombre desdits freres et seurs est trop grant et excessif,selon les biens,rentes et revenues dudit hospital, que icellui nombre affait que aucuns de ceulx qui y sont de present yront de vie a trespas, sera remis _et reduit a nombre raisonnable el competent, assavoir a _ — 421 — trois hommes et sept femmes seulemenl; desquelz trois hommes les deux du moins seront prestres, souffisans, y- doines et habilles pour le gouvernement et administra- tion des biens, revenues et'affaires dudit hospital, et a ce- lebrer messe haulle el basse et les heures du jour sil convenoit, mais le tiers,sil nousplaist, pourra estrehomme lay, souffisant, lettre, pour avec lesdits deux prestres ex- cercer les offices dudit hospital et soy employer es affai- res d'’icellui. Lesquelz freres et seurs ad ce appellez, nos- dits aumosnier et gouverneur d'Arras, silz sont prins en la ville ou l’uu d’eulx, et par leur adviz, seront tenuz d’cs- lire l’un d’iceulx trois hommes pour leur chief et mais- tre, chacun an le jour saint Remy, le plus prudent, habille, souffisant desdits freres pour le gouvernement, adminis- tralion et conduile des biens et affaires dudit hospital, au- quel tous les autres freres et seurs seront tenuz de obeir comme a leur chief, et sils meffont quelque chose, nostre- dit gouverneur, par le rapport dudit maistre, en aura, pour et ou nom de nous, la correction et pugnition. Lequel ainsi esleu à maistre, de la voulente desdits freres et seurs, pourra demourer et estre maistre et gouverneur tant et si longuement qu'il leur plaira. Et desdictes sept femmes, l’une d’icelles se nommera maistresse, qui chas- cun an sera pareillement esleue, ledit jour saint Remy, par lesdits maistre freres et seurs, la plus prudente, saige et discrete d'entre elles, bien amant le fait dudit hospital, et y pourra aussi demourer maistresse tant quil leur pluira. Lesquelles femmes seront tenues de servir devo- tement et benignement lesdits povres malades, l’une apres l’autre, comme sepmainieres, ou toutes ensemble, au besoing et neccessite. lem, que doresenavant icelles — 422 — femmes disneront et souperont ensemble en ung lieu par elles ordonne, etlesdits hommes pareillement en ung autre lieu. fem, que doresenavant les freres et seurs dudit hospital n'auront point les provendes des pains acoustu- mez ; mais pour ce que leursdits pains peuent monter pour chascun desdits freres et seurs, l’une annee portant l'autre, environ vingt mencaulx de ble, dont la moictie puet et doit souffire pour leur refeccion, il nous plaist et voulons que l’autre moictie dudit grain demeure ou gren'er dudit hospital, et en fin d’annee soit vendu au prouffit desdits freres et seurs, et l'argent distribue a eulx pour leurs pitances et autres vivres. ltem, se aucun desdits freres et seurs de ceulx qui y sont de present vouloyent vendre leurdit pain et provende, faire le pour- ront audits maistre et maistresse pour el au pyouffit du- dit hospital, pour pris convenable et raisonnable et non a autre. ltem, nentendons point que, par nostre presente ordonnance, reslrinction et reformalion, aucuns desdits Îreres et seurs, qui de present sont oudit hospital, en soyent aucunement deboutez, mais voulons que lous ceulx qui v sont presentement y puissent vivre et de- mourer le cours de leurs vies durans, silz ne le vendent comme dit est dessus, sans ce que dores en avant aucun puistestre receu en frere ou suer dudit hospital jusques ad ce que ilz scront reduis au nombre desusdit de trois freres et sept seurs, auquel nombre les avons ramenez el ramenons par ces dicles presentes. Jtem, que tous les freres et seurs, qui doresenavant seront receuz oudit hos- pital, seront tenuz en leur entree jurer es mains desdits maistre et maistresse de vivre ct morir oudit hospital et de jamais vendre, donner ni alenner leurdit pain el — 423 — provende; aussi que tous leurs biens meubles quilz y ap- porteront ou acquerront, {ant par labeurs de leurs mains comme autrement, seront et demourront au commun prouffit et usaige dudit hospital. Z{em, sil advenoit que doresenavant aucun desdits freres et seurs, qui receuz seront oudit hospital, alovent de viea trespas, vuidoyent de leur voulente, ou estoyent deboutez ou chassies hors dudit hospital par leurs demerites, tous leurs biens seront et demourront au commun prouffit et usaige d’icellui hospital; excepte se aucun d’eulx avoit eu aucun heritage avant son entree oudit hospital ou qu’il lui feust escheu par succession, que icellui herilage sera et demourra a leurs hoirs el heritiers ou a ceulx a qui ilz le voulront laissier et donner. llem, n’est point nostre intencion, que pour quelconque desdits freres et seurs qui voist de vie a trespas, que aucun frere ou seur y soit ne puist eslre receu, tant qu'’ilz seront reduizau nombre dessus dit, c’est assavoir de trois freres et sept seurs. Et se, par inadver- tence ou importunite de requestes, faisons le contraire, nous ne voulons nostre don ainsi fail sortir aucun effet, ne que lesdits maistre et maistresse freres et seurs puis- sent estre constrains de recevoir aucun homme ou femme a qui pourrions avoir fait le don desdits pain et pro- vende, au contraire de ceste nostre ordonnance et res- trinction, mais voulons que de ce lesdits freres et seurs, y estans de presens el qui y seront pour le lemps avenir, facent serement expres el avec ce, de jamais recevoir au- cun en frere ou seur dudit hospital, s’ilz ne sont soufli- sans el ydoines ad ce, el eagees les femmes de ving ans du moins et audessoulx de quarante ans, non impotentes ne debilitees ‘de leurs sens ou membres. tem, seront — 494 — lesdits maistre et freres tenuz de rendre compte, chascun an une fois, assavoir entre ledit jour saint Remy et le jour de Noel ensuivant, de son administration tant en receptes comme en mises, pardevant nosdits aumosnier et gouverneur ou l’un d’iceulx, ad ce appelle nostre pro- cureur general d'Artois, se meslier est, lesquelz prendront chascun an le double d’iceulx comptes, pour eslre mis et garde en nostre tresorie, a Arras; el ceulx, que ledit mais- tre commettra aux offices dudit hospital, seront aussi te- nuz de rendre compte devant lui, chascune sepmaine, et les autres freres et seurs, comme en temps passe a este acoustume. liem, ne voulons point que nosdits aumos- nier, gouverneur, procureur ouautre, ayent, prendent ou recoivent aucun don, gaige ou salaire dudit hospital, pour l'audicion desdits comptes ne pour quelconque autre : cauze. ltem, voulons que iceulx noz aumosnier el gouver- neur, ensemble et chascun par soy, toutes fois et quantes fois que bon leur semblera et mestier sera, puissent veoir -et visiter ledit hospital et hostel-Dieu, ensemble les mai- sons et censes d'icellui, pour y faire et ordonner selon ce qu’ilz verront estre convenable au bien, utilite et prouf- fit d’icellui hospital. Duquel hospital et des freres et seurs dessusdiz nous reservons à nous et a noz succes- seurs, contes et contesses d'Artois, la provision et dispo- sition pleniere, avecques la declaration, interpretation et congnoissance de tout le contenu en ces presentes, se cy apres en sourdoient aucunes questions ou debatz. Sy don- nons en mandement a nosdits aumosnier et gouverneur d'Arras, el a tous noz autres justiciers et officiers quil puet ou pourra touchier, presents et advenir, leurs lieux- tenants, el a chascun d’eulx, si comme a lui appartendra, LS 08 æ aux dessusdits freres el seurs estans a present et qui se- ront cv apres, et tous autres a qui ce puetcompeter, que lesdits poins et ordonnances cy dessus exprimez, et chas- cun d’iceulx, 11z gardent et entretiengnent et fassent gar- der et entretenir, par la forme et maniere dessus declai- rees, sans faire ou aler, ne souffrir faire ou aler, ores ne ou temps avenir, alencontre en aucune maniere ; car pour le bien et relievement dudit hospital ainsi nous pluist il estre fait. Donne en nostre ville de Douay, le vri° jour du mois de juing, l’an de grace mil quatre cens trente huit (1). (Arch. de S. Jean, orig.) (1) Je dois à l’obligeance de M. H. Loriquet, archiviste du Pas-de- Calais, la transcription de cette charte et des pièces numérotées XXIX, XXXI et XXXII, PAROLES PRONONCÉES sur la TOMBE DE M. GRANDGUILLAUME Mu:abre résidant Par M. Ed. LECESNE Président de l’Académie — ,— a — te La mort de M. Grandguillaume, je ne crains pas de le dire, est un deuil public pour la ville d’Arras: elle est, pour l’Académie, une perte des plus sensibles. Aussi cette Société se fait-elle un devoir de rendre hommage à la mémoire de celui qu’elle considère comme une de ses illustrations. | Il est inutile de raconter ici en détail la vie de M. Grand- guillaume; elle consiste dans des faits multiples qui peu- vent lous se résumer par ce mot: bienfaisance ; qu’il me suflise de dire que ce fut pour Arras une véritable béné- diction que la résidence de cet homme de bien dans ses murs. Îl y arriva comme professeur de dessin à l’école régimentaire du génie, et avant de se faire connaître par ses bonnes œuvres, il s'était créé une position dislinguée comme artiste. Un mariage avec une personne douée des avantages de la fortune ct appartenant à une famille des plus honorables, lui fournit les moyens de satisfaire cette ardeur de la bienfaisance qui le dévorait. Dés lors, 07 — tous les moments qu'il ne donnait pas à la culture des arts furent consacrés au soulagement des malheureux. Il y aurait un récit bien intéressant à faire des largesses que M. Grandguillaume prodigua de toutes parts, et nous espérons qu il sera fait, non pour rehausser l’éclat d’une réputation si bien élablie, mais pour ajouter une belle page aux annales de la charité. Non-seulement les par- ticuliers reçurent avec une profusion inépuisable les se- cours de ce zélé philanthrope, mais les établissements publics ne cessèrent d’être comblés de ses dons. Aussi, à cetle heure suprême, tout le monde s’accorde à lui rendre justice, et son éloge est dans toutes les bouches. Avec ces préoccupations incessantes de générosité, M. Grandguillaume ne devait pas rechercher bien avide- ment les fonctions publiques. Pourtant il ne crut pas devoir s’en abstenir, parce qu’elles lui donnaient des fa- cilités pour faire le bien. C’est ainsi qu’il devint Membre du Conseil municipal, et dans celte assemblée, il s’atta- cha surtout à l'amélioration du sort des classes souf- frantes. Sa place élait indiquée à la Commission des Hos- pices ; 1l s’y fit remarquer par son dévouement et sur- tout par les libéralités qu'il versa à pleines mains dans tous les élablissements hospitaliers. De pareils services ne pouvaient manquer d'attirer l'attention du Gouverne- ment, qui l'en récompensa par la croix d'oflicier de la Légion-d’Honneur; mais telle était sa modestie que quand il reçut celte haute distinction, il la trouvait bien trop grande pour ce qu'il anpelait ses faibles mérites. L'Académie d'Arras tint à honneur d'appeler M. Grand- guillaume dans son sein. Il fut pour elle un Monthyon. , Là, comme partout, il se fit remarquer par sa généro- — 428 — sité : chaque année il ajoutait, aux prix que décerne la Société, des gratifications pécuniaires attribuées à de jeunes artistes, dont plusieurs ressentent encore l'effet de ses encouragements. Pour joindre à cette liste, déjà si longue, de bonnes actions, n'oublions pas la manière si ingénieuse dont M. Grandguillaume avait su tirer parti d’un art dans le- quel il excellait. Un des premiers, il établit à Arras un alelier de photographie, et son talent était tellement connu que presque tous les habitants ont posé devant lui. Mais, selon ses habitudes, il ne rechercha pas dans ce succès un profit personnel, il le fit tourner tout entier à l'avantage des malheureux. Faut-il dire qu’au milieu des bénéfices considérables qu’il relirait de son indus- trie, M. Grandguillaume ne se donna aucun luxe et a vécu dans une simplicité toute primitive ? À ces traits ne reconnaît-on pas un apôtre de la cha- rité, un de ces hommes des temps anciens qui n’hési- taient pas à se dépouiller eux-mêmes pour soulager leurs semblables ? Qui ne serait frappé de tant d’abnégalion et ne s’inclinerail respectueusement devant cetle vie de sacrifice. C’est le sentiment qui domine toule la popula- tion artésienne ; c'est lui qui a donné une sorte de noto- riété à M. Grandguillaume et qui, depuis longtemps, lui a valu le plus beau titre qu’un citoyen puisse envier, ce- lui de père des pauvres. | L'Académie d'Arras est fière d’avoir possédé parmi ses Membres un homme aussi éminent par ses vertus, et c'est avec une pieuse vénération qu’elle dépose devant son cercueil le tribut de sa reconnaissance et de ses der- niers adieux. LISTE des MEMBRES TITULAIRES, HONORAIRES ET CORRESPONDANTS de l’Académie d’Arras. Gr RAP per MEMBRES DU BUREAU Président : | M. DE MALLORTIE, &, O. €, Principal du Collège. Chancelier : . TRANNOY, %, O.6, anc. Directeur de l’Ecole de Médecine. Es Vice-Chancelier : . RICOUART, O. 43, Adjoint au Maire d’Arras. CA Secrétaire-Général : M. VAN DrivaL, x, O. 4ÿ, Chanoïne titulaire. Secrétaire-Adjoint : M. P. LECESNE, 4, Vice-Président du Conseil de Préfecture. Archiviste : M. G. DE HAUTECLOCQUE. Bibliothécaire : M. Aug. WicQUOT, O. 6}, Bibliothécaire de la Ville. Pa & © D æ — 430 - MEMBRES TITULAIRES par ordre de nomination MM. . PROYART (l’abbé), Prévôt du Chapitre (1851). . DE MALLORTIE, $, O. €}, Principal du Collège (1852). LECESNE, *#, O. €}, anc. Adjt'au Maire d’Arras (1853). . DE LINAS, $, À. %, etc., O. €ÿ, membre non résidant du Comité des travaux historiques (1853). . ROBITAILLE (l’abbé), Doyen du Chapitre (1856). . DE SÈDE (le baron), €, Rédacteur en chef du Courrier du Pas-de-Calais (1859). . VAN DRIVAL, (l'abbé), x,0. 4ÿ, Chanoine titulaire (1860). . SENS, $, C. %, etc., O, €ÿ, ancien Député, membre du Conseil général (1860). , LE GENTIL, X, %, ancien Juge au Tribunal civil (1863). PAGNOUL, O. &ÿ, Directeur de la station agronomique du Pas-de-Calais (1864). . PARIS, Sénateur, ancien Ministre (1866). . GARDIN, &, Président honoraire du Trib. civil (1868) PLANQUE (l’abbé), Chanoine titulaire (1868). . P. LECESNE, &ÿ, Vice-Présid' du Conseil de Préfre (1 871). . G. DE HAUTECLOCQUE (1871). . ENVENT (l'abbé), Chanoine titulaire, Archiprêtre de la: Cathédrale (1871). . TRANNOY, &, O. 43, ancien D' de l'Ecole de Médecine. . GossaRT, O. 6, Pharmacien, Professeur à l'Ecole de Médecine (1873). . L. Cavrois, C. %, anc. Auditeur au Conseil d’Etat (1876). . RicouaART, O. &ÿ, Adjoint au Maire d’Arras (1879). . Wicquor, O. éÿ, Bibliothécaire de la ville (1879). . GUÉRARD, Juge au Tribunal civil (1879). — 431 — MM. 23. Adolphe DE CARDEVACQUE (1881). 24. Em. Perir, Président du Tribunal civil (1883). 25 H. TRANNIN, Docteur ès-sciences (1883). 26. DERAMECOURT (l'abbé), Professeur d'Histoire: au Petit- Séminaire d'Arras (1884). 21. 9. LELOUP, ancien Industriel, Conseiller général (1884). 28. J. BouTRY, X, €, Juge au Tribunal civil (1884). 29. P. LAROCHE, Directeur de l'imprimerie du Fas-de- Calais (1885). 30. LORIQUET, Archiviste du département (1885). MEMBRES HONORAIRES par ordre de nomination (Les lettres A. R. indiquent un ancien Membre titulaire ou résidant) MM. Forssey, Professeur en retraite à Lille, À. R. (184) BoISTEL, ancien Juge au Tribunal civil de première instance à St-Omer, A. R. (1852). FAYET, #, ancien Inspecteur d’Académie à Chaumont, A. R. (1853). PÉLIGOT, O. $, Membre de l’Institut (1853) CAMINADE, O. &, ancien Directeur des Contributions indirectes, à Paris, À. R. (1870). CoincE, Ingénieur des Mines, À. R. (1870). COFFINIER, €, ancien Sous-Préfet, à Condé-Folie, A. R. (1874). PAILLARD, C. # ancien Préfet du Pas-de-Calais (1875). PIEROTTI, (le docteur Ermete), x, Ingénieur honoraire de la Terre-Sainte (1877). | J.-M RICHARD, 6}, ancien Archiviste du Pas-de-Calais, à Laval, A. R. (1879). — 432 — MM. Auguste TERNINCK, à Bois-Bernard (1881). GUESNON, Professeur au Lycée de Lille (1881). Mgr MEIGNAN, Archevêque de Tours (1882). BRÉGEAUT, O. €, Pharmacien, À. R. (1883). PLIiCHON, O. &, ancien Maire d'Arras, A. R. (1883). CARNOT, Sénateur, ancien Ministre. Abel BERGAIGNE, membre de l’Institut, à Paris (1885). Mgr DENNEL, Evêque d'Arras, Boulogne et Saint-Omer (1885). MEMBRES CORRESPONDANTS par ordre de nomination. MM. OBry, Secrétaire de l'Académie de Strasbourg (1840). BRIAND (1843). DANCOISNE, Notaire honoraire, à Hénin-Liétard (1844). Ed. LE GLAY, #, *"*, ancien Sous-Préfet (1844). J. ROUYER, anc. Inspecteur des Postes, à Nancy (1844). CoRBLET (l'abbé), &, Chanoine, Directeur de la Revue de l’Art chrétien (1847). DERBIGNY, ancien Conseil" de Préfecture, à Lille (1850). DARD {le baron), O %#, O. €, à Aiïre-sur-la-Lys (1850). BoTson, Docteur en médecine, à Esquerchin (1851). E. GACHET, Chef du bureau paléographique, à Bruxelles (1851). SCHAEPKENS, Professeur de peinture, à Bruxelles. J. DELVINCOURT, à Paris (1852). L. DESCHAMPS DE PAS, %, O. €>, correspondant de l’Ins- titut, à St-Omer (1853). DE BAECKER, %, Homme de Lettres, à Bergues (1853). GARNIER, #, Bibliothécaire, à Amiens (1853). — 433 — MM.KERVYN DE LETTENHOVE, C. *, ancien Ministre, à Bruxelles (1853). H. D'HaussY, à Saint-Jean-d’Angely (1854). BENEYTON, à Donne-Marie (Alsace-Lorraine) (1856). DorVILLE, ancien employé à l’Administration centrale des Télégraphes (1857). VÉRET, Médecin-vétérinaire, à Doullens (1857). MAIRESSE, Ingénieur (1857). HAIGNERÉ, l’abbé, @ , Secrétaire perpétuel de la Société académique de Boulogne (1857). J. PÉRIN, Avocat, Archiviste-paléographe (1859). Ch." SALMON, Homme de Lettres, à Amiens (1860). DEBACQ, Secrétaire de la Société d'Agriculture de la Marne (1860). Fr. FILON, ancien Professeur d'histoire à Arras. Léon VAILLANT, &, Profess' au Muséum, à Paris (1861). - MOUGENOT, Homme de Lettres à Malzéville-lez-Nancy (1860). | G. GERVOSON, Membre de la Société Dunkerquoise (1863). DE FONTAINE DE RESBECQ, %, O. x, O. €, ancien Sous- Directeur de lInstruction primaire au Ministère de l’Instruction publique (1863). LEURIDANT, Archiviste et Bibliothécaire, à Roubaix (1863). | V. CANET, Secrétaire de l’Académie de Castres (1864). GUILLEMIN, Secrétaire de l’Académie de Châlons-sur- Marne (1867). | MiLLIEN, Homme de Lettres, à Beaumont-la-Ferrière (Nièvre) (18638). H. GALLEAU, Homme de Lettres, à Esbly (1869). LEGRAND, ancien Notaire, à Douai (1872). BoucHaART, Président de Chambre à la Cour des Comptes (1872). 28 = — MM. DRAMARD, Conseiller à La Cour d’appel de Limoges (1872). GOUELLAIN, C. "k, €, Membre de la Commission des Antiquités départementales, à Rouen (1873). Félix LE SERGEANT DE MONNECOVE, %, propriétaire à Saint-Omer (1874). DE CALONNE (le baron), à Buire-le-Sec (1874). DEHAISNE (l'abbé), O. é}, ancien Archiviste du Nord, à Lille (1874). Vos (l’abbé), Bibliothécaire de la Société de Tournai (1875). | J BRETON, O0. $&, Artiste peintre, à Courrières (1875). Ch. D'HÉRICOURT (le comte), %, Consul de France, à . Stuttgard (1876). Em. TRAVERS, Archiviste Paléographe, à Caen (1876). Al. OpoBEsco, chargé d'affaires de Roumanie, à Paris. (1876). DE SCHODT, Inspecteur général de l’Enregistrement et des Domaines de Belgique, à Bruxelles (Ixelles, rue de Naples, 18) (1877). Fréd. MOREAU, père, &, à Paris (4877). HuacorT (Eugène), Secrétaire Adjoint des Comités des Sociétés savantes près le Ministère de l’Instruction publique, à Paris (1876). FAUCONNEAU (le Docteur), à Châteauroux (1878). HEUGUEBART (l'abbé), curé de Lambres, près Douai (1878). G. FAGNIEZ, Directeur de la Revue historique, à Paris (1878). G. BELLON, à Rouen (1879). J.-G. BULLIOT, %, O. €, Président de la Société Eduen- ne, à Autun (1879). L. PALUSTRE, Directeur de la Société française d’'Archéo- logie (1881). — 435 — MM. DE LAURIÈRE, Secrétaire général de la même Société (1881). DE MaRsY (le comte), C. *, à Compiègne (1881). DELVIGNE (l'abbé), curé de Saint-Josse-Ten‘Noode, à Bruxelles (1881). Gustave CoLLIN, Artiste Peintre, à Paris, (1881). MARTEL, ancien Principal du Collège de Boulogne (1881). Aug. OZENFANT, à Lille (1881). P. FOURNIER, Professeur à la Faculté de Droit, à Grenoble (1881). L'abbé LEFÈVRE, aumônier à Doullens (Somme) 11882). LEDRU, Docteur en Médecine, à Avesnes-le-Comte (1882). Rocx, ancien Percepteur, à Aire (1882). RUPIN, €ÿ, Président de la Société Archéologique de la Corrèze, à Brives (1882). L'abbé F. LEFEBVRE, curé d'Halinghen (1882). PAGART D'HERMANSART (1883). Gabriel DE BEUGNY D'HAGERUE (1884). VICTOR GAY, à Paris (1884), Le Commandeur CH. DESCEMET, à Rome (1884). MATHIEU, Avocat, Secrétaire du Cercle Archéologique d’Enghien (Belgique) (1884). QUINION-HUBERT, à Douai (1884). FROMENTIN, Curé de Fressin (1885). Rod. DE BRANDT DE GALAMETZ (le comte), à Abbeville (1885). TABLE DES MATIÈRES Séance publique du 21 Août 1584. Discours d'ouverture, par M. Ed. LECESNE, Président. Pages. 7 Rapport sur les travaux de l’année, par M. le chanoine : VAN DRIVAL, Secrétaire-général . Rapport sur le concours de Poésie, par M. Wicauos. Membre résidant . ; La Musique à Arras depuis les énb ls jus ot jusqu’à nos jours, par M. Ad. DE CARDEVACQUE, Membre résidant . . . . Lo 4 4 à Etude sur le Mugnétisme, par M. H. TRANNIN, docteur ès-sciences, Membre résidant . Lauréats des concours . Sujets mis au concours pour 1885 Séance publique du 26 Février 1885. Discours de réception de M. Emm. Perir, Président du Tribunal civil d'Arras (De la propriété littéraire). Discours de M. Ed. LECESNE, Président, en réponse au Discours précédent : Discours de réception de M. l’abbé DER ATEL OUR. Pro- fesseur d'histoire au Petit-Séminaire d'Arras . Discours de M. Wicquor, Membre résidant, en réponse au Discours précédent . , 22 _ 30 213 232 250 264 - 438 — Lectures faites dans les séances hebdomadaires. Arras et sa banlieue, vus à vol d’oiseau, au XVII: siè- cle, par M. C. LE GENTIL, Membre résidant . . . Quelques mots sur le Feu, par M. GossarT, Membre résidant . . . . . . Cartulaire et comptes de l’hôpital Saint-Jean-en-l’Es- trée d'Arras (XII--XIV®e siècles), communication de M. Jules-Marie RICHARD, ancien Archiviste du Pas- de-Calais, Membre honoraire . . . 5 Paroles prononcées sur la tombe de M. Grandguil- laume, par M. Ed. LECESNE, Président. . . . , Liste des Membres titulaires, honoraires et correspon- dants de l'Académie d'Arras , 277 313 321 426 429