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COLLECTION

DE

DOCUMENTS INÉDITS

SUU L'HISTOIRE DE FRANCE

P0BLIK8 PAR LES SOINS

DU MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE. DEUXIÈME SÉRIE.

\

Par un arrêté en dale du 18 décembre i885, M. Tamizey de Labroque, membre du Comité des travaux bistoriques et scientifiques, a été cbargé de publier, dans la collection des Documents inédits de THisloire de France, les Lettres de Peiresc.

Par le même arrêté, M. Léopold Delisle, Président de la Section d'histoire et de philologie du Comité, a été nommé commissaire responsable de cette publi- cation.

\N>>-

LETTRES DE PEIRESC

PUBLIEES

PAB

PHILIPPE TAMIZEY DE LAUROQUE,

CORHESPONDAXT DE t'INSTITOT, MEMBRE NON RÉSIDANT DU COMITI*. DES TBAVAUS IIIST0BIQDB8 BT SCIENTiriQDES.

TOME QUATRIEME.

LETTRES DE PEIRESC À BORRILLY, À BOUCHARD ET \ GASSENDI. LETTRES DE GASSENDI À PEIRESC.

1626-1637.

PARIS. IMPRIMERIE NATIONALE. 2»9¥^

M DCGC XCIII.

3)c

AVERTISSEMENT.

La première série de la Correspondance de Pewesc contient en trois volumes près de cinq cents lettres, |)res(jue touUîS originales, adressées aux frères Dupuy. La seconde série renfermera en trois volumes aussi plus de six cents lettres, également toutes originales à peu près, adressées à l'antixjuaire Boniface Borrilly, à l'Inima- niste Jean-Jacques Bouchard, au philosophe Pierre Gassendi, à Denis Guiliemin, prieur de Boumoules, à l'helléniste Luc Holste- nius, à l'archéologue Claude Menestrier, à Reginald de Fahri, père de Peiresc, à Claude de Fabri, son oncle, à Palamède de Fabri, sieur de Valavez, son frère.

Nous ne nous occuperons ici que des lettres écrites à Borrilly, à Bouchard et à Gassendi, une brève analyse des autres devant être donnée en tête de chacun des deux tomes suivants.

Les lettres à Borrilly, au nombre d'une quarantaine (i3 sep- tembre i63o-i9 août 1639) ont été écrites pendant le séjour de Peiresc en sa maison de campagne de Belgentier, il s'était réfugié à cause de la peste et des troubles qui régnaient dans la ville d'Aix. Ces lettres sont, en quelque sorte, la continuation de la causerie quotidienne à laquelle se livraient, depuis plusieurs années, les deux concitoyens, les deux confrères, les deux amis. Naturellement les antiquités, dont ils raffolaient l'un et l'autre, y tiennent une large place', et cette partie de la correspondance du grand archéologue fournit de curieux détails sur deux des plus beaux cabinets de la Provence, le sien et celui de son infatigable

AVERTISSEMENT.

émule'. Nous disons émule, et non rival, car on sera touché de l'affectueuse générosité avec laquelle, bien différents de ces jaloux et mesquins collectionneurs qui préfèrent leurs richesses à leurs amis, Peiresc et Borrilly se donnaient joyeusement l'un à l'autre les objets auxquels ils attachaient le plus de prix^.

Les lettres à Bouchard (19 mars i63i-5 juin 1687), un peu plus nombreuses que les lettres à Borrilly, les dépassent générale- ment en étendue et aussi en importance. Comme l'ancien hôte de Peiresc à Belgentier^ habita, tout ce temps, l'Italie, vivant au mi- lieu de la cour romaine, fréquentant la bibliothèque des Barberini et la bibliothèque du Vatican, on devine tout ce que Peiresc avait à lui demander au sujet des hommes, au sujet des événements, surtout au sujet des livres et des manuscrits. Cette correspondance, que complétera, dans le tome suivant, la correspondance avec deux autres érudits, qui résidaient à Rome en même temps que

' Voir sur Borrilly et sur son cabinet le fascicule XVIII des Coirespondants de Peiresc (Aix en Provence, iSgOiin-SMeya pages). J'ai l'intention de consacrer, plus tard, une ëtude spéciale au calnnet de Peiresc. Voir mon progr.'irame h cet égard dans une note des Petits mémoires de Peiresc (Anvers ,1889, p. 61).

' Quelques extraits de ces documents ont été publiés dans le Magasin encyclopédique d'avril 1 796 et réimprimés en 1 8 1 5 ( Lettres inédites de M. de Peiresc, publiées par le pré- sident Fauri» de Saint- Vincens, correspon- dant de l'Institut, Paris, de l'imprimerie de J.-B. Sajou, in-S" de 28 pages). En rappro- chant du texte reproduit ici ces extraits non seulement l'orthographe et le style ont été rajeunis, mais le sens mérae a par- fois été altéré et travesti , on reconnaîtra que rien ne ressemble moins à la leçon fournie par les autographes, que la copie imprimée

par Fauris de Saint-Vincens. C'est le terrain solide d'un côté et, de l'autre côté, le sol mouvant. C'est le vin pur et généreux d'une part, et, d'autre part, le vin frelaté. Ne re- prochons pas à mon devancier un tort qui n'était pas le sien : c'était le tort de l'époque il vivait. L'usage semblait autoriser \'ar- rangemenl des textes et tout éditeur croyait avoir le droit d'agir à sa guise et à sa fan- taisie.

' Voir les récits et descriptions de Bou- chard dans son Voyage de Paris à Rome en 16S0 publié à la suite de ses Confessions (Paris, 1881, in-8°, p. 126-182). Pour ceux qui n'auraient pas leur disposition l'étrange livre, devenu très rare, je dirai qu'ils retrouveront tout le savoureux mor- ceau dans le fascicule 111 des Correspondants de Peiresc ( Pa ris , 1 88 1 , à V Appendice , VI . sous ce titre : Une visite de Bouchard à Pei- resc, p. 71-80).

III

AVERTISSEMENT. Bouchard, et que nous venons de nommer, HolstenlusetMenestrier, ajoute beaucoup de choses à ce que nous savions des relations de Peireâc avec l'Italie. Des particularités pi(juante8 y sont raclées à des indications précieuses pour l'histoire littéraire, et dans le vaste ensemble des lettres de Nicolas-Claude de Fabri, les pages écrites à Bouchard ne sont pas celles (ju'on lira avec le moins de profit et d'agrément. Mais la partie la plus attachante de ce volume est sans contredit le recueil des cent et une lettres adressées à Gassendi du 7 avril 1626 au 4 mai 1687, et le recueil des cinquante-neuf lettres du futur professeur au Collège de France (aB avril iGaG- 3 o avril 1687)'. Aucun de ceux qui jetteront les yeux sur ces docu- ments n'ignore combien les deux compatriotes s'aimèrent toujours, avec quel dévouement Peiresc protégea Gassendi en toutes ses entreprises scientifiques, quelle pieuse reconnaissance, à son tour, ce dernier témoigna constamment à son bienfaiteur, qu'il assista finalement à son lit de mort et dont il ne cessa, dès qu'il l'eut perdu, d'honorer la mémoire par ses discours et par ses écrits. Cette mutuelle affection, si profonde de part et d'autre, donne un charme singulier aux lettres qu'échangèrent, pendant dix années, les deux vaillants chercheurs et 011, grâce à la variété et à l'étendue de leurs connaissances, ils traitent toutes sortes de sujets, comme ils le faisaient de vive voix, en étudiant ensemble tantôt le beau ciel étoile de la Provence, du haut de l'observatoire dont était sur- montée la maison de Fabri à Aix, tantôt la botanique et les autres oranches de l'histoire naturelle parmi les myrtes et les orangers de Belgenticr. Il serait superflu d'insister sur l'attrait et sur la

' Suivant l'excellent conseil que m'a donnd le Comité des travaux historiques, je pu- blierai , sans les séparer les unes des autres , les lettres échangées entre IViresc et Gas- sendi, de sorte que le fil de la correspon-

dance ne soit pas à tout moment rompu, et (ju'aii lien de deux longs monologues suc- cessifs, on trouve ici, ce qui est plus na- turel et ce qui est plus intéressant, le dia- logue ini^me de deux amis.

IV AVERTISSEMENT.

valeur d'une telle correspondance, et il suffira de dire, pour la louer dignement, (ju'elle met admirablement en lumière les di- verses qualités de deux des plus nobles cœurs et des plus grands esprits qui aient honoré le xvn" siècle.

Philippe Tamfzey de L\hroque. Pavillon Peiresc, à Lanoque, près Gontaud, 3o décembre 1899.

LETTRES DE PEIRESC

À B. BORRILLY.

I

À MONSIEUR, MONSIEUR BORRILLY,

NOTAIRE ROYAL ET SECRETAIRE ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DU ROY,

À AIX.

Monsieur, J'ay receu lii vosire par nostre laquay, avec le mémoire du R. P. Jean , oili il Y a à dire quelque cliosette, et dont je vous remercie bien fort, comme aussy des vers de M'' Billoii\ et de la peine que vous avez prinsc, pour M' Fabrot-, qui se resouldra de se rendre au plus tost, s'il n'y est desjà i\ cez heures icy. Au reste vous avez peur que j'aye perdu la mémoire de voz médailles de cuyvre que Mademoiselle de Blacas^ m'est veniie demander aujourd'huy, à qui je les eusse incontinanl faict bailler si j'eusse esté bien asseuré de les trouver dans mon estude*. Mais la confusion qui y est encores et la presse que j'avois pour aultre chose m'en a faict dispencer pour à cette heure. Tant y a que vous pouvez bien vous asseurer qu'elles ne sont pas per- diics, et que au pix aller j'en seray le porteur moy mesmes. Dieu

' Sur le poète Thomas de Billon. voir une note dans le tome 1 des Lellrcs de Peiresc aux frères Dupuy, p. /io4.

' Sur le jurisconsulte Aiuiibal Fabrot, natif d'Aix comme Billon , et grand ami de l'eiresc, voir ia Table alphabétique des trois tomes du rocucil qui vient d'être cite'', oi» son nom se retrouve si souvent nientioniié.

^ L'insuffisance des indications donnëes par Peiresc ne permet pas de reconnaître l'idrntitt! de cette personne au milieu des femmes qui en assez |;rand nombre oui |)ortd le nom de Blacas pendant les trente pre- mières années du xvh* siècle.

' Cabinet de travail.

tNPCiaiKtK «ATlOIàLt.

2 LETTRES DE PEIRESC [1630]

aydant, ne croyant pas que vous y veuiHiez estudier maintenant que vous avez tant d'aultres meilleures occupations, sur quoy je finiray demeurant, Monsieur,

vostre trez humble et obligé serviteur, DE Peiresc. A Be^iugentier, ce 1 3 septembre 1 63o '.

II \ MONSIEUR, MONSIEUR RORRILLY,

\0TAIRE ROYAL ET SECRETAIRE ORDINAIRE I)E LA CHAMBRE DU ROY,

À AIX.

Monsieur, J'ay receu la vostre du 17'"" avec le dessein de l'espée antique d'Avignon que j'ay trouvé fort beau et fort semblable à celle que vous m'avez veu. J'estime que ce sera une bonne acquisition , et à laquelle je n'espargnerois pas la valleur de la monstre ne de la sonnerie que vous dictes. Mais j'estime qu'il seroit bon de ne faire pas porter dans Aix cette pièce, maintenant qu'il semble qu'il n'y ayt rien d'asseuré dans cette pauvre ville-, si Dieu n'a pitié des gents de bien, que l'on faict passer pour aussy coulpables que les plus meschants à l'appétit du moindre mot qu'en veuille dire quelqu'un de ceux qui leur peuvent estre mal atïectionnez sans s'enquérir si c'est par calomnie ou non et s'il y a apparance quelqu'onque de vérité^. Dieu par sa saincte grâce,

' Bibliothèque nationale, fonds français , quelques-uns de ses concitoyens. Voira ce

vol. i5-Jo5,fol. 1. Autographe. sujet Une lettre de Peiresc à son relieur

' 11 s'agit des troubles causés à Aix ]»or Corheran, écrite de iîelgeiitier quelques rétablissement des élus , troubles dont il est jours a[)rtN la préscnle lettre, c'est-à-dire souvent question dans le tome 11 des Lettres le a8 octobre [Annuaire -Bulletin de la So- dé Peiresc aux frères Dupuij. ciété de l'Histoire de France, I. XXVI.

' Allusion aux injustices dont Peiresc 1890, p. jsi-iaô). fut personnellement victime de la part de

[1G30| A B. BORRILLY. 3

qui void le plus profond des cœuis, sçaicl bien qui sont les coulpables du mal dont on se plainct, et le dcscouvrira test ou tard, et fera voir l'innocence de ceux qui ont tousjours préféré les interests du public anx leurs propres et particuliers, comme nous avons faict toute nostre vie'. Ce qui nous faict espérer que comme il nous a daigné préserver de la maladie^, il nous préservera encores, s'il luy plaict, de la main de noz enneniys. Que s'il en nvoil disposé aultremcnt, nous sommes tous à sa inercy, sa volonté soit faiclc, nous aurons au nioings cette consolation, que si pour noz pescliez Dieu nous veult cliastier, au moings ne sera ce pas pour avoir desservy le public, ne faict tort à nostre essiant à ame qui vive, ne doublant pas qu'il ne le face paroistrc lost ou tard. Mais comme il nous a voulu donner des biens et des commoditez, il est raisonable qu'il les nous puisse oster quand bon luy semble aussy bien que les persones des parents et des amys, et que la propre santé de noz corps. Depuis avoir escript cecy, j'ay veu les lettres que vous escrivent Messieurs de Zanobis^ et Rostagny*, il fauldroit voir l'eni-

' G'c'sl en (juo PciivsR retlil avcr plus de diîveloppenipiils dans sa reniiinjuabie iellre u Simon Corberon : r Jusqnes à ce qu'il ayc pieu à Di<ui l'aire descoiivrir la veritt' rt re- cojjiioialre l'artiliceel la nialijfiiilédecjuelqiie particulier enneray de noslrc maison, (pii nous a jft(; sus une si ffrande calomnie que c^lle que Ion nous veut imputer pour notis rendre suspeclz dans le inonde, et nous faire perdre la réputation que nous y avonsacquise de gentz de bien , on senant un chasciui quand nous l'avons peu , et principalement le public , pour lequel seid nous avons travail quasi toute nosire vie, sans vouloir quasi considérer iioz inllierestz particuliei-si , etc.

' G'est-à-dire de la pesie qui ravageait alors In ville d'Aix et toute la Provence.

^ Voir sur les Znnobis, qui ont liabiti! Avignon nn xvi' siècle et Pernes au xvii*, le Diclionnnirc hwjfraphiquo du dcparlcmmt de Viiitcluse {)ar l;' docteur Barjavel. Happeloiis

que le maimscritaido{fi-aphe du Discours d^n ffuencs de la comté de Venmjsc'm el de lu Pro- vence, de lA)ui8 de Penissis, qne possède ringuiinberline de Carpenlras, et qui pro- vient de lu bibliotlièque de Peiresc, avait été donné h ce dernier par un tsieur Zanobisr , d'Avignon, probablement le même «{ui est mentionné dans la présente lettre. Voir ù ce sujet «ne note du fascicule VIU des Oorret- pondnnls de Peiresc, le rnrdviiil litchi fp. 3s). ' Voir le Diclioiiiiiire InoffraphiqNe du déparlement de Vaticliise, nu sujet do la fa- mille Rostfiiiiff ou Rogln/rni qui , dès le XII' siècle, jouissait dans le Comtat Venaissin d'une grande considération. I,e doclenr Bar- javel , (jui renvoie ses lecteurs au Nobiliaire de Pilhon Curl , rap|)eHe que cette famille a fourni, en 1376, wn évoque au diocèse de Carpentra», ii la fin dn xv' siècle nn juge- mage h cette dernière ville , au oommence- luent du xvi' siècle (lâoc)) un conseiller

I .

â LETTRES DE PEIRESC [1630]

preinte de cette graveure de Zenobia^ Je vous renvoyé les dictes lettres, ayant retenu le desseing, qne je vous r'envoyeray aussy quand vous vouldrez, et vous félicite vostre cassette nouvelle, mais j'estime qu'en ce temps il seroit bon de ne pas faire de monstre des choses rares, pour ne faire venir envie à quelqu'un d'entreprendre de vous faire quelque tort. Sur quoy je finis demeurant, Monsieur,

vostre trez humble serviteur,

DE Peiresc. A Beaugentier, ce 19 octobre i63o'.

m

\ MONSIEUR, MONSIEUR BORRILI.Y,

SECRETAIRE ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DU ROY, À AIX.

Monsieur, J'ay receu l'extraict que vous m'avez envoyé de ce testament qui estoit demeuré en arrière, dont je vous remercie irez humblement, comme aussy des honnestes offres que vous y adjoustez pour Ms' le cardinal Barberin^, et des nouvelles de l'archevesché de M' de Cavail- lon*, à qui je crois qu'elle sera fort bien employée*, et encores plus la

au parlement de Provence, Bertrand de Rostaing, mort en i5i8, etc.

' A sainte Zt'nobie on avait essayé de rattacher la famille Zanobis. Voir l'article dëjà cité du Dictionnaire du docteur Barjavel.

' Fonds français, vol. i59o5, fol. 3. Autographe. Cette lettre a été publiée par le président Fauris de Saint- Vinoens à la page 5 du recueil cité dans l'Avertissement, mais non seulement l'orthographe en a été moder- nisée, le texte même a été dénaturé, tron- qué. Toute la fm du document manque à partir de : Depuis avoir escript cecy.

' Le cardinal François Barberini , dontilest question plus de cent fois dans les trois vo- lumes des Lettres de Peiresc aux frères Dupuy.

' L'évêque de Gavaillon était alors Fa- brice de la Bourdaisière qui «iégea de 1616 h 1 64G (voir Gallia Christiana, 1. 1 , col. gSy) et qui ne fut point appelé, par conséquent, à l'archevêchédontBorrilly avait parlé à son correspondant.

* Le mot archevêché était alors du fé- minin, comme nous l'avons remarqué, au sujet du mot èvêché, dans le recueil des Lettres de Peiresc mue frères Dupuy.

[1630] À H. BOHRILLY. 5

vice légation qui debvroit suyvre bien lost si voz nouvelles sont bien vrayes'. Nous vous servirons ([uand nous le pourrons en revanche de tant d'excez de bonne volont«;. Mais je plains bien la perte de voz six pistoles, etplaindrois cncorcs davantage celle de vostre monstre si vous l'aviez confitic à si mauvaises mains, et m'estonne que M"" le Prieur vostre cher filz"^ qui est sur les lieux u'ayt eu moyen de vous esclaircir de tout cela. Vous sçaviez bien d'aultrcs nouvelles que vous ne nous avez pas voulu dire, mais le tenq)8 les fera pénétrer encores plus loing (|u'icy. Je prie à Dieu qu'il donne à un chascun ce qui luy fault et principalement à ce pauvre pais, et qu'il vous tienne en sa saincle garde, estant. Monsieur,

vostre trez humble et obligé serviteur, DK Peiresc.

A Bcaugciiliei', ce i<j noveiiihio iG3o\

IV À MONSIEUR, MONSIEUR BORRILLY,

SEOBETAIRE ORDINAIRE UE LA CHAMBRE DU ROY, À AIX.

Monsieur,

J'ay receu voz deux despesches du 20 et 2 1"*', ensemble les extraicts dont je vous remercie trez affectueusement et les ciseaux que je vous renvoyé avec tous les remercimenis bien humbles qui y peuvent escheoir *. Et tout aultant que si j'y eusse trouvé de quoy rassaisier

' Les nouvelles doimëes par Borrilly irdlaient pas plus vraies pour la vice-léga- tion que pour rarclievêché.

' Sur ce fils de Bonifacc Borrilly, l'abbé Michel Borrilly, prieur de Ventabrcn, voir le fascicule XVIII des Correspondants de

I

eiresc, |). 11.

' Fonds français, vol. loaoS, fol. 5. Autograplie.

' Phrase ainsi reproduite par F. de Saint-Vincens dans le post-scripUim d'une lettre qu'il date du 18 août i63a (p. aa): nJ'oxibliois de vous remercier des ciseaux que vous m'avez envoyé, que je vous rap-

LETTRES DE PEIRESC

[1630]

grandement toute ma curiosité, y ayant trouvé tout plein d'aultres in- scriptions que vous ne m'aviez pas cottées, car vous ne me parliez que de celle qui est sur le fourreau et laissiez les deux aultres qui sont gravées sur le fer^ en cez termes ESTIMÉS LE VOVLOIR, POVR VOVS SERVIR. Mais je ne m'estonne pas que cez lettres ayent escliappé à vostre veiie, puisqu'elle vous avoit mal servy au reste que vous m'aviez escript des couleurs de l'armoirie qui y est peinte, car vous disiez que les quattre quantons de la croix rouge estoient d'argent, et toutefoys ils sont d'or, et ne disiez pas que sur ledict escusson d'or y a un chef rouge avec la croix blanche de Malte, de sorte qu'il ne faultpas en aller chercher l'interprétation en Angleterre comme nous faisions, ne plus loing que de quelque bon chevalier de Malte IVançois qui vivoit il y a environ une centaine d'années, lequel avoit vraysemblable- ment faict faire cez ciseaux, pour en faire presant à sa mère, pour ne dire sa maistresse ou sa g[arce]. Si le reste de la gayne ne s'estoit perdu on y eut veu la représentation de quelque médaille à l'antique ou de quelque teste d'empereur d'or en chanq) d'azur. Tant est que c'est tousjours une belle pièce de cabinet et que je vous conseille de garder chèrement, pour l'amour de la main d'où vous la tenez. Si le pauvre feu M' Templery ^ estoit en vie, je crois qu'il en auroit eu grande

porterai, n Dans la collpction Peiresc de la Méjanps, t. II (n° i oao du catalogue gméral des manuscrits), on trouve (fol. 36i, sous la date du 18 novembre i63o) une autre lettre à Borriily relative à des ciseaux. En voici les premières lignes : «Je vous félicite l'aquisition des ciseaux que vous me des- crivez, (jue j'estime pouvoir estre que bien beaux, encores que les armoiries ne s'ac- cordent pas bien avec celles de M"* Laura (qui n'estoient pas autres que celles de Sade)."

' Passage ainsi re'duit à sa plus simple expression par F. de Saint-Vincens ( loc. cil. ) : (f J'y ai trouvé sur le fer une inscription dont

vous ne me parlez pas ; elle est en ces termes : Estimés le vouloir pour vous servir. Je m'es- tonne que ces lettres aient eschapé à votre vue; au reste, sur la moitié du fourreau qui reste, sont des armoiries qui sont une croix rouge avec quatre carions (sic) d'or...i Résumer ainsi un texte, c'est le défigurer. Ce n'est plus traduire, c'est trahir.

' Sur l'archéologue Jean Templery, voir une note du tome I des Leltres de Peiresc au.T frères Dupuij, p. 699. Templery était mort dans les premières semaines du prin- temps de i()a8, comme nous l'apprend, le i4 avril, Peiresc en ces termes [ihid.) : (fil est mort cez jours cy un antiquaire

[1630] À B. BORRILLY. 7

envie, car il en cherclioit de si longs qu'ils poussent coupper une feuille de papier d'un seul coup, ainsin que ceux la sembleroient pouvoir Taire. 11 me reste à vous remercier comme je faicls des anagrammes de M'' de Forcsta' et de l'aultre livre de la peste. Bien marry de n'avoir de quoy vous envoyer quelque bonne revanche de tant de tesmoignages de vostre bonne volonté et de tant de peine que vous donnez à voz gcnts, qui est ce que je crains leur devoir estre bien importun, en louts ce/ extraicts, et qui me faisoit désirer d'y fair<î employer quelque aultre pour leur soulagement. Car pour l'ortograplie de l'cscritlure, il n'est poinct de besoing de s'en pener, attendu qu'elle ne change pas la substance du discours qui ne laisse pas d'estre tousjours bien aisé à entendre. Et c'est tout ce que l'on y doibt désirer. M' Grange m'avoit dict qu'il vous en trouveroit quelqu'un, en quoy il me leroit sans doubte un singulier plaisir, et je ne vous demeurois pas moings rede- vable et {\ voz gents. Et vous supplie de le mettre à l'espreuve, et de me commander librement en escliange comme, Monsieur,

vostre trez humble et obligé serviteur, DE Peiresc. A Beaugentier ', ce aa novembre i63o.

M"" Lombard' vous dira le desplaisir nous sommes de la maladie dont a esté attainfe une maison dans Guers* depuis deux jours. Or c'est

iiomnu^ lp sieur Toniplery, le plus cxcellrnl hoinine pour restaurer Jes mddaiiles an- tiques et aultres reliques de l'antiquitd que j'eusse jamais veii. i

' On ne sait rien de ce faiseur d'ana- grammes. J'ai vainement cherehé ses jeux d'esprit et même son nom dans les registres de la collection IVircsc a Carpetitras.

' Le nom est écrit en abrégé baiig.

' Jean Ijornbard ('lait l'intendant [de la maison de Peiresc, son bonuue d'affaii-es.

On le trouve souvent mentionné, ainsi que M"" Lombard, sa femme, dans la correspon- <lance de son maître. Voir aussi sur ce dévoué serviteur de Peiresc et, auparavant, du père de ce dernier, divers passages de (îassendien la biographie de son ami (édition de la Haye, i65i, p. 187, Qoi, 367).

* Cbef-lieu de canton du département du Var, arrondissement de Toulon , à 9 1 kilo- mètres de cette ville.

8 LETTRES DE PEIRESC [1630]

(jue de bonne fortune personne n'estoit alié d'icy durant k ou cinq jours que les pluyes n'avoient poinct cessé '.

A MONSIEUR, MONSIEUR BORRILLY,

SECHETAIRE ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DU ROÏ,

À AIX.

Monsieur, Je vous ay accusé la réception de vostre despesche du i 7 octobre par le sieur Fressière de Rheims, avec la lettre de M. le président du Chaine- à qui je faicts responce. J'ay aussy receu la vostre du iS""* et suis marry de n'avoir veu le jeune peintre d'Anvers^ que vous dictes avoir tant gouvernée Vous nous debviez bien escrire son nom, et le temps à peu prez qu'il disoit avoir veu travailler le sieur Ant.Vandyk, que je sçay estre bien vaillant bomme en sa profession et grandement prixsé^, vous remerciant de l'advis. Pour les monnoyes du roy Jean, je pense en avoir de plus de trente ou quarante différantes sortes. Si vous poulsez sur de la cire d'Espagne celle que l'on vous a monstrée, je jugeray bien tost si c'est rien qui nous soit incogneu. Bien vous

' f'oads français, vol. lôaoS, fol. 7. Aiitographp.

' C'était Jean-Baptisie du Chaine , (ils du président Louis du Ghaino, le grand ami de Guillaume du Vair et le dévoué serviteur du roi Henri IV pendant les troubles de la Ligue. La mère de J.-B. du Chaîne était .4nne de Bausset et sa femme Glaire de Fo- resla.

' C'était un peintre du nom de Fredeau, romrae nous le verrons dans une des lettres suivantes.

* C'est-à-dire avec lequel vous dites avoir eu tant d'entretiens, tant de causeries. Je

me suis déjà accusé (corrections el additions , t. III) d'avoir donné un sens beaucoup trop large au mot gouverner, en déclarant ( Lc«rM de Peiresc aux frères Dupui/, t. 1 , p. 1 , note 1) que le mot signifiait ravoir soin de quelqu'un, lui faire fête».

' L'illustre Van Dyck, au moment Peiresc lui décernait ce double éloge, élait âgé de trente et un ans. J'ai rappelé (lome I des Lettres aux frères Dupuy , p. 734) qu'il naquit à Anvers le 92 mars 1599. Peiresc devait bien une aussi honorable mention au grand artiste qui avait fait de lui un si beau portrait.

[1630] À B. BOHRILLY. 9

puis je asseurer que ce n'est pas à mon advis un sold comme vous dictes, et que je suis tousjours, Monsieur,

vostre bien humble et obb'gé serviteur, DE Peiresc. A Beaiigenlier, ce 20 décembre i63o.

On avoit laissé esgarcr la lettre de M' Rostagny sans que je l'eusse veiie, je suis bien aise qu'on l'ayt retrouvée pour la vous renvoyer. S'il estoit homme assez courtois pour cela, il fauldroit le prier de nous laisser voir son trebuchet', pour voir si c'est aultre chose différante de tant d'aullres que nous avons, si non il luy en fault demander un petit dessein à peu prez de la mesure, et pour l'horeloge si une sonne- rie de prix honneste suffi roit, je ne la voudrois avoir espargnée*.

VI À MONSIEUR, MONSIEUR RORRILLY,

SECRETAIRE ORDINAIRE DE LA CIIABIBRE DU BOY, À AIX.

Monsieur, J'ay receu voz lettres du 26 et aS"" avec l'exlraict du mariage de Jaques Rosier dont je vous remercie trez affectueusement, comme de tant d'aultrcs bons offices que vous ne cessez de me rendre sans que nous sçaichions nous en revancher à demy de ce que nous debvrions. Ce sera Dieu aydant quand nous en aurons de meilleurs moyens, estant

' C'est-à-dire une balance ancienne.

" Fonds français, i590.5, fol. g. Auto- graphe. Un fragment de cette letlre, pubiid par Fauris de Sainl-Vincens (page 6 tlu re- cueil citt^ plus haut) a élé tire seulement du posi-scfiptimi et encore est-il t'courl(5. En re- vanche l'iiditeur y a ajouté une phrase sur les

balances antiques et ime autre phrase sur un mémoire relatif au pape Jean XXII. On retrouvera celte dernière phrase dans la lettre suivante (n° VI), d'où elle avait été extraite ou, pour mieux dire, arrachée on ne sait pas pourquoi.

IVPftlHkUl KATIOIIAll.

10 LETTRES DE PEIRESG [1630]

bien marry de n'avoir icy les volumes de la vie des peintres, que je vous eusse envoyez de bon cœur'. Mais je ne sougeois pas à les em- porter et pour remédier à ce delTault, j'escripts un mot à M'' du Perier qui eu a un exemplaire '^ que je vous ay prié d'aller voir les vies de voz Marcello Venusti et Prospéra Bresciano^, comme si ce n'estoit que pour ma curiosité, de sorte que v6us ne debvrez pas faii-e de difficulté de l'aller voir pour l'amour de moy comme je vous en prie, et de iuy porter ma lettre pour voir lesdictes vies, dont vous nous écrirez par aprez ce que vous y pourrez rencontrer qui sera à vostre goust. Quant au mémoire que vous m'envoyastes du Pape Jean XXII, que l'on a creu avoir esté archevesque d'Aix*, je le chercheray et le vous envoyeray, mais je ne pense pas qu'il soit ti-op asseuré, parce que plusieurs ont escript qu'il avoit esté evesque d'Aqs^, et puis d'Avignon'', mais non pas archevesque d'Aix; toutefoys je m'en rapporte, et ne laisray pas de le vous envoyer pour M. Paullet, à qui je vouldrois rendre meilleur service comme à vous. La malvoisie ne se mettra poinct en perce que vous n'en ayez et pour Madame et pour vous, n'en soyez pas en peine''. Au reste comme vous m'avez faict un singulier plaisir de m'envoyer ce

' li s'agit du cëièbre recueil de Giorgio Vasari : Le vile de' più excellenti pittori , scul- lori ed architetti, etc. La première ëdition est de Florence, i55o, petilin-i". Une édi- tion plus répandue , probablement celle que possédait Peiresc , fut donnée à Florence eu 1 568 , en 3 volumes in-4°. Voir, sur d'autres éditions de cet ouvrage classique , le Manuel du Ubraù'e, t. V, p. 1096.

* Le conseiller Du Périer, fils de l'ar- chéologue François, avait trouver le Vasari dans le riche cabinet de son père, mort en i^aS avec la réputation d'un des plus zélés collectionneurs de la Provence. Le goût de la curiosité, comme on l'a dit, était Iw'réJdtaire dans ia famille Du Périer.

' Le peintre Marcello Venusti, h Man- toue, fui un des meilleurs élèves de Periuo

del Vaga. Prospen) Bresciano fut un scul[)- teur qui, à Brescia, vécut h Rome et mourut sous le pontificat de Sixte-Quint, dans la maison de l'archéologue Fulvio Or- sini, grand protecteur et ami des artistes.

' Jean XXll (Jacques d'Euse) ne fut jamais archevêtpie d'Aix.

' Jean XXll ne fiit jamais évéque de Dax.

' Jacques d'Euse fut évéque d'Avignon de 1 3 1 o jusqu'à son élection ( 7 août 1 3 1 6 ). Avantd'occupeile siège épiscopal d'Avignon, le futur Jean \XI1 avait été évéque deFréjus (i3oo-i3io).

' Sur le vin de Malvoisie que Peiresc aimait à offrii' à ses amis, voir le recueil que j'ai publié sous le titre de Petkt mé- moires de Peiresc (Anvers, 1889, p. 37. noie 1).

[16301 À B. nORRILLY. 11

mariajje de Jaques Hosier avec Pierre [peut-être Pierrette] Guiraii, fille d'Honoré Giiirau et de Catherine, vous me feriez bien enrores plus de plaisir si vous me pouviez faire voir le vray surnom de cette Catherine, femme d'Fîonoré Cuira», soit par leur mariage, ou par If testament de l'un ou l'aultre qui sont [)0ssible dans voz escritures, si vous y l'aides bien chercher, et par mesme moyen je desirerois qu'on regardast si on n'y trouveroit poinct le mariage ou le testament d'une aultre Catherine, mère dndict Jaqiuis Rosier qui estoit vraysemblable- nienl desjà morte lors dudicl mariage de son lilz Jacques l'an i683 et du 26 septembre. Et toutel'oys elle vivoit encores l'an làSa, le 1 9 août , lors du testament d'Eslienne Rosier son mary, que vous m'avez faict voir. Car je vouldrois bien estre asseuré de la maison d'où elle estoit sortie, comme aussy d'une Madeleine, femme de Jean Gastinel , qui vivoit en mesme temps. Et si n'en trouvez rien dans voz escritures, il fauldroit faire chercher leurs mariages ou testaments chez voz amys qui peuvent avoir des vieilles escritures, et en un besoing y employer M' Jusberty', qui le feroit volontiers pour l'amour de moy. Excusez moy, je vous supplie, et en tirez vostre revanche comme de, Monsieur,

vostre trez humble et obligé serviteur, de: Pbiresc. Ce a8 dccenihi'e i63o'.

' Voir sur la famille Jusbcrt, éteinte vers le milieu du xvii' siècle, après avoir donne plusieurs consuls h la ville d'Aix en 1.^11, t58i, 1096, Les Rues d'Aix par Roux- Alplieran (t. I, p. 643).

' Fonds français, i5qo5, fol. 1 j. Auto- graphe. Voir, h V Appendice, une lettre de Peiresc à Borrilly, du 1 7 janvier 1 63 1 , tirée de ringuimbertine de Carpentras elle est conservée à l'état de copie.

12

LETTRES DE PEIRESC

[1631]

vn

À MONSIEUR, MONSIEUR BORRILLY,

SECRETAIRE ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DU ROÏ, À AIX. Monsieur, J'ay receu vostre pacquet du iS"^ avec celuy de Rome jolnct aux medaiHes, dont je vous prie de faire mes reraerciments à M"' Mimault qui me l'a apporté, et dont je me tiens son obligé, et me revancheray en son endroict et au vostre quand je le pourray. Vous m'avez bien faict venir la salive en bouche quand vous m'avez mandé l'exactesse' dont usoil M' Jusberty non seulement aux petites instructions dont je l'avois prié, mais aussy au recueil des monnoyes ou de leur cours et valleur durant tant d'années. Ce qui mérite bien de n' estre pas perdu ou supprimé nom plus que l'honneur et l'advantage de celuy qui s'est attaché à ce labeur, et pour le rendre plus accomply il y fault joindre ce que j'ay recueilly des ordonnances qui en ont esté faictes, non seule- ment en cette province, mais aussy en celles de noz voisins dont nous imitions les espèces, ou dont ils imitoienl les nostres. Et puis comparer le tout avec les pièces mesnies dont vous sçavez que j'ay un grand nombre et une grande diversité qui pourra donner grande lumière aux observations de M'' Jusberty, comme les siennes pourront faire à ce que j'en ay assemblé. C'est pourquoy il luy fault donner courage de ne pas demeurer en si beau chemin^, et cependant je luy escripts un mot à l'advance que vous luy pourrez rendre et l'asseurer que je

' Fauris de Saint-Vincens (page 7 du recueil à^jh plusieurs fois cite') a remplace exactesse par exactitude et a supprimd tout ce qui précède la plirase qui commence ainsi : Vous m'avez bienfait venir la salive en bouche.

' Voici comment Fauris de Saint-Vincens transforme et dénature ce passage (p. 8):

rEt s'il peut faire une incursion sur les mon- noyes ou médailles de Marseille , il marchera en beau chemin, quoique non encore bien battu. Cette rivale de Rome et fille de la Grèce, Marseille, poussoit dans un temps bien avant l'art du dessin et des arts. 1 F. de Saint-Vincens a supprimé tout le reste du paragraphe.

[1631]

A B. BORRILLY.

13

suis bien acquis à luy et aux siens, et qu'il m'employe librement si je le puis servir. Je regrelle bi(!ii la perle du ])auvre M' le Présidant Aymar', pour l'amour principalement de Madame la Présidante sa femme, qui meritoit plus de bonbeur que cela^ et pour l'amour du public et de la compajjnie, laquelle y perdra beaucoup. Car c'estoit un trez honneste homme et qui commençoit à faire honneur au païs. Il sembloil avoir de la santé et de l'embonpoint pour enterrer bien du monde. Ce doivent bien estre de grands advertissements à ceux «jui sont plus infinucs et plus incommodez de leur santé qu'il n'avoil jamais esté. Il fauldra vouloir ce qu'il plairra à Dieu.

Si j'eusse eu de la graine que vous me demandiez du laurier rose blanc pour Madame de S' Jean ma cousine, je n'aurois pas manqué de vous en envoyer, mais vous sçavez que l'année passée nous la laissasmes perdre par inadvertance, le vent l'ayant emportée en deux ou trois jours , tant elle est légère, sans que nous fussions apperceus de sa maturité'. Cette année elle n'a pu mourir surprinse du froid anticipé, mais il y a encores quelques gousses sur l'arbre, qui pourroient meurir si le temps se r'addoucit, auquel cas vous en aurez inconlinant; mais vous pouvez asscurer Madame de S' Jean que j'en veux faire anter sur du laurier rose rouge, et que si tost que j'en auray faict race je luy en donneray ce qu'elle vouldra, estant tout desvoiié à son service et de toute sa maison \ et sur ce je demeureray,

Monsieur,

vostre bien humble et obligé serviteur, DE Peiresc.

A l5oau{jenlier, ce a j janvier 1 63 1 .

' Il s'agil ici (le François d'Aymar, l)aroii <lc Chàlpau-Henard , sioiir de Sainle-Gatiie- rine , etc. , président en la Cour des comptes , frère d'Honon^ d'Aymar, sieurde Montsallon, pr<?sident h mortier au parlement d'Aix.

' Anne d'Albi, dame de Brès.

' Voici ce (jtie devient cette phrase dans l'édition corrijrée de F. de Suint-Vincens

(p. 8): ffVous sçavez que j'ay pris h sin- (julier gré le laurier rose , blanc , double et triple; il vient ici à merveille comme je l'ay expérimenté cet esté dernier; la graine en est si légère que le vent me l'a prescjue toute emportée sans que nous [nous] fussions ap- perçus de sa naturalité («l'c).»

* Ces dernières ligues ont été supprimées

M LETTRES DE PEIRESC [1631]

Vous pourrez dire à M'' Ju.sberty, qu'au mariage que vous m'avez envoyé de Deipliiiie Gaslinel avec Jean de l'Evesque, son Irere Gas- pard Gastinel iuy constitua une dot certaine pour touts droicts, et spécialement fit comprendre les légats que Iuy avoient faict Jean Gas- tinel et Madeleine ses père et mère, de sorte que les testaments de l'un ou de l'autre pourroient esclaircir ce que nous demandions de la l'amille de cette Madeleine si ils se trouvent chez les notaires'.

VIII À MONSIEUR, MONSIEUR BORRILLY,

SECRETAIRE ORDINAIRE DE LA CHAMRRE DU ROY, À AIX.

Monsieur, J'ay recou voz deux lettres du a/i avec celle de M"' Jusberty et ses mémoires, qui m'ont bien donné du plaisir, dont je vous remercie trez afl'ectueusement, et des offres qu'il vous plaict me faire de faire faire des extraits ou abrégez de ce qui y pourroit estre de ma curiosité. C'est pourquoy si les protocolles se trouvent en mains d'Iionnesles gents et traiclables, je seray bien aise de prendre extraict de quelques uns à prix modéré. Si non je me contenteray de l'abrégé, ne soient pas obmis les noms et qualitez des personnes contractantes on disposantes, et de leurs parents soit ascendants ou descendants. Entr'aultres je voul-. drois bien avoir ceux qui seront coltez au mémoire cy joinct et suis bien aise que vous ayez trouvé les mémoires de M' de Maulvans^ cap-

par F. de Saint- Vincons qui leur a substitué un passage sur les ^beaux chats d'Ancyre ou AngouryTi acclimatés par Peiresc.

' Fonds français , iSaoS, fol. la. Auto- graphe.

' M. le maivjiiis de Lagoy possède dans ses riches collections un Recueil (le pièces manu- scrites touchcMt l'histoire de Provence pendant

le xn' siècle. La pièce 3 du tome II de ce recueil est intituh'c : Journalier sommaire pour servir de mémoires en ma charge d'assesseur d'Aix , procutvur du pays, es années i5()o et i5gi, par Jean Harciilon , sieur de Mauvans. Ces me'moires occupent les pages 98 à 1/17. On lit en tête cette note de Roux-Alpheran : ffJean Barcillon, sieur de Mauvans, asses-

[1631] A B. IJORRILLY. 15

])ables de le satisiaire. Je ferois bien aiiUre chose que cela quand il esl ([iiestion de vous faire jjlaisir cl st^rvice ou à voz amys. Commandez seulement et dictes à M' Gaucliier, qu'il escrive aux marges de son roolle seulement ce dont il se pourra souvenir, car de renvoyer pour le tout aux registres de rarclievesclié, je sçay bien que les dicts registres ne moulent pas trop liault. Au reste il est arrivé un accidant au paradour de dliaullan' qui esl un peu suspect, bien qu'il ne soit pas asseure- nient do la maladie, le corps du mort s'estanl trouvé fort l'oide et sans bubon. Mais je crains bien que cela ne laisra pas de nous oster l'enlrée au moings du costé de TouHon, car pour Messieurs d'Aix, je ne sçay s'ils vouldront estre si scrupuleux, puis que quand ce seroit peste for- melle, elle n'est qu'à demy lieiie d'icy en une maison qui fut incon- linant assiégée par h gardes de ce lieu cy dez le premier soubçon de la maladie, sans y avoir soulfert aulcune communication, noui plus que Messieurs de Marseille doriiierement que la maladie regrilla'-' dans logis du Lyon sur leur grand cliemin. Nous y avons mis les meilleurs dres que nous avons peu et cez Messieurs en feront ce qu'il leur lairra, tandis que je demeureray. Monsieur,

vostre trez humble et obligé serviteur, DE Pëiresc. A BeDugoiilier, ce -j G janvier tC3j.

le

or

srui- d'Aix iore de, lenlnfe du duc Savoie en ciHto ville , n dressi' ro ttn^ninrial des pi'iii- cipuiix (''V('iieiiiPiits airivcs di'[Jiiis le i8 iH)- venibre lijgo jue(|ir<iu 9 avril iSgi. U l'ut depuis conseiller en la Cour des comples. et rumimt à Aix eu 1G19.- A la uiêine fa- mille appartenait l'auteur <le la f.riliqiie du nobUiairc de Provenci; . cpii vivait uu siècl»; plus tard et dont i'ouvrajje lit laut de bruit. ' Le nom de pavadour, furadou ou pa- raire e'tail jadis douue eu l'rovenceaux nom- breux moulins à foulon que fnisai("nt mouvoir nos moindres rivières, et dans lesquels

s'apprêtaient les draps communs destinai Il vêtir les habitants de la campagne. Le foulon do Chaullan devait être situé siu- ie« bords de l'Are ou de la Torse, j>eut-êlre au lieu connu aujourd'hui sous le-seid nom de Paradou , près de la Pioline. Il esl . d'ailleurs , probable qu'il faut lire Chnilnn, au lieu de CÀmiIUm. Les Chailan élaienl une ancienne famille d'Aix, ii laquelle appartenait le c4- lèljre [joète provençal Fortoin' Giailan , l'au- teur du dauffiii. (Comnmaicalion de M. I^q de Berlue l'erussis.)

^ C'est-à-dire jjernia de nouveau , re-

16

LETTRES DE PEIRESC

[1631]

J'avois oublié de vous accuser la réception du playdo'yer dont je remerciay David \ et du paquet du P. Minuty 2, qui le receut de la main de Henry, l'homme de cuisine que vous cognoissez. Excusez moy de cette obmission^.

IX À MONSIEUR, MONSIEUR BORRILLY,

SECRETAIRE ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DU ROY, À AIX. Monsieur, J'ay receu les vosires du 1 3 et du 1 5 de ce moys avec le petit mé- moire de Catherine Spifame et de Berengue Ceppede, dont je vous

poussa. Voir sur cette expression une note (lu tome III des Lettres de Peiresc aux frères Dupuy, aux Additions et corrections.

' Sur l'imprimeur Etienne David, voir le tome II des Lettres de Peiresc aux frères Dupuy, p. 670. F. de Saint-Vincens dit, en une note de la page li de son Recueil, que rtla famille David exerce la librairie et l'im- primerie h Aix , depuis près de deux cents ans, avec beaucoup de distinction «. Il donne un extrait d'une lettre de Peiresc à Bor- rilly, du 7 mars i63o, dont l'original ne nous a pas élé conservé. Je ne cite qu'avec inquiétude et méfiance ce document dans lequel Peiresc prie Borrilly fr d'intercéder au- près de M. le consul , votre frère , pour que le pauvre David , imprimeur, ne perde pas sa place d'imprimeur en la maison de ville, ce qui a fait moins de tort h lui qu'aux consuls , à. cause de tant de services de son père et de lui. V Peiresc ou , pour parler plus prudem- ment , le prétendu Peiresc ajoute ceci : (r Vous sçavez que toutes les fois qu'il a élé question

d'imprimer de bons ouvrages en françois , il s'y est prêté à ma considération; que plu- sieurs de nos auteurs et jurisconsultes qui, dans notre province, eussent mieux aimé écrire en latin qu'en françois , sçacbant mieux la première langue que l'autre , ayant , d'après mes sollicitations , composé et écrit en fran- çois , David m'a souvent fort aidé à corriger tant le fond que le style desdits ouvrages, tant avant l'impression qu'en corrigeant les épreuves : il a donc acquis des droits à la gratitude des gens lettrés comme vous.» Toute cette tirade me semble, tant pour le fond que pour hs style, aussi suspecte que possible.

* Sur le père Théophile Minuti , de l'ordre des Minimes , voir le Testament de Peiresc publié à la suite de la notice de M. Léopold Delisle sur Un grand amateur français au xvii' siècle (Toulouse, 1889, p. 3o).

^ Fonds français, iSaoS, fol. li. Auto- graphe.

[1631] A B. BORRFLLY. 17

remercie Irez afreclueusemeiit, regrettant vostre peine et celle de M' Jusberty, de qui je lascheray de recognoislre le travail au rnoings mal qui me sera possible, et pour vous je ne désespère pas de trouver un jour de quoy me revancher sinon de tout ce que je vous puys debvoir, au moings de quelque partie suflisante de contenter une cour- toisie telle que la vostre. Et pour la semonce que me faictes de la con- titmalion de voz faveurs, c'est la vérité que je ne seray pas marry d'avoir un jour l'extraict de ce testament de Berengue Ce|)pede de l'an 1/186 du 6 may pour voir quels aultres enl'ans elle a eus de ses deux mariages. Mais cela n'a poinct de liaste et pourra bien attendre que nous puissions retourner à Aix. Bien vouidroisje que vous eussiez faict chercher ce que vous pourrez trouver en voz répertoires de cette Macdelaine Bottine et des aultres de la famille s'il v en a rien dont je vous escrivis l'aullre jour, et si par occasion vous rencontrez des articles concernant la famille de Guéran et celles de Gaufridi et de Boyson, il sufliroit d'un peu de mémoire de ce que rencontrerez.

Au reste nous vous remercions bien humblement mon frère et moy de vos compliments de condoléance sur le decez de la petite Louyse', et prions Dieu qu'il nous préserve et tous les vostres de tout subject de desplaisir et de mescontentement et qu'il luy plaise disposer parmy cez calamitez et appréhensions publiques toutes choses à la paix et au soulagement du pauvre peuple, ne pouvant assez déplorer à mon gré les malleurs qu'il a fallu essuyer de la peste et puis de touls cez mouvements, et louant inliniment la voye que l'on a choisie des sta- tions et prières publiques, lesquelles seront sans double plus utiles que les armes, et les difiicultez de se soubsmettre à la disposition et bonté du Boy absolument. Dieu bénira, s'il lui plaict, les bonnes

' l'alainède de Faliri avait eu ciiiij en- fants: 1 ° Catherine , m'e en 1606; a'Glaude, nt^ en 1607, haptisr a la Madeleine, le 6 août; Claire, née. en 1608; Su- zanne, nt'e en 1618; Louise, n^e en 1693, haptisc'e à la Madeleine le 7 sep- tembre. C'est t'videniinent de celle dernière

qu'il est question dans la letli'e de Peiresc. La petite Louyse mourut à sept ans et demi. Son acte d'inhumation n'est pas relève dans les manuscrits de Clapiers; la nièce de Pei- resc mourut sans doute à Belgenlier. toute la famille était réunie «lepuis plusieurs mois.

IVPfllMEaiK SlttOTil^

18 LETTRES DE PEIRESC [1631]

intentions et exhaulcera les vœux des gents de bien. Et je finiray de- meurant, Monsieur,

vostre trez humble et trez obligé serviteur,

DE Peiresc.

A Beaugentier, ce 17 febvrier i63i.

Si vous jugiez que nous ou les nostres vous peussions rendre aulcun service, disposez librement, je vous supplie, et de nous et de nostre maison ainsin que bon vous semblera.

La santé est trez bonne icy grâces à Dieu, et à Toullon encores quoy qu'on ayt sceu dire au contraire. Comme aussy à Cuers qui est desjà bien avant en la seconde quarantaine de santé. A lères le mal est fort appaisé et la première quarantaine se commance'.

X À MONSIEUR, MONSIEUR BORRILLY,

SECRETAUIE ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DU ROY, À AIX.

Monsieur, Vous n'estes pas seul en la perte de feu M' le premier présidant d'Oppede que Dieu absolve^; toute nostre compagnie et toute la pro- vince et particulièrement nostre pauvre ville y ont une si grande part qu'ils s'en ressentiront peult estre aussy longtemps que peuvent avoir de vie ceux qui ont eu le bien de sa cognoisçance. Pour moy je n'ay pas nioings de peine de m'en resouldre que vous, et vous puis jurer

Fonds français, i59o5, foi. 16. Auto- voir (passim) les trois tomes des Lettres de

graphe. Peiresc aux frèrea Diipuy. Nous retrouverons

Sur Vincent-Anne de Forbin Maynier, le nom de ce personnage à presque toutes

baron d'Oppède, qui était à la tête du parle- les pages du volume qui sera spëcialemenl

ment de Provence depuis le 3o mars 1621 consacré à la correspondance de Peiresc

et qui mourut à Avignon le 1 7 février 1 63 1 , avec Palamède de Fabri , sieur de Valavez.

[1631| À B. BORRILLY. 19

que ce malleur me rebutte nuitant du monde que tous les aultres que nous avons esprouvez depuis cez dernières calamitez et désordres pu- bliques et crains fort (|ne ce coup inopinément survenu ne soit une marque que nous ne sommes pas au bout de noz mauU, et que Dieu n'a pas encor appaisé son ire et que nous n'avons pas eucores bien recogneu noz pescliez. C'est pourquoy nous avons grand besoing d'eu avoir la repcntaiice et contrition requise, aux tins (juil veuille avoir pitié de nous, et retirer ses Iléaux. Comme je le supplie très instam- ment (le vouloir faire, et de vous donner et à tous les bons amys et serviteurs du pauvre delTunct assez de force pour en supporter la perte ot à nioy assez de moyen de vous rendre la correspondance de tant cordialle amitié que vous me tesmoignez. et de vous rendre des elVects de mon service assez dignes de l'honneur que vous me faictes de me tenir comme je suis, Monsieur, pour

vostre trez humble et obligé serviteur,

DE Peiresc. A Rpaugentier, ce as febvrier i(J3i '.

XI À MONSIEUR, MONSIliLR BORRILLY,

SECRETAIRE ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DU «OV, À AIX.

Monsieur. J'ay receu vostre longue lettre du 4"* concernant la visite de Ms' le Prince^ en vostre cabinet, que j'avois desja apprinse do la bouche de mon frère, et y avois prins grand plaisir \ J(! vous en félicite de tout

' Fonds français, i5ao5, fol. 18. Auto- graphe.

' Henri II de Bourbon , prince de Conde' ,

ne le 1" se[>tembre i588, mort le 96 dt'- cembre 16/16.

^ Je n'ai pas songé h mentionner cette

visite du père dn grnnd Condô, k cAtr du ivrit de In visite de Lmiis XIII au même cabinet, dan» mu notice sur le coHection- neiir et la collection , en (iMe du fascicule XVI I des Correspondatils de Peiresc.

20 LETTRES DE PEIRESC [1631]

mon cœur, et vouldrois qu'il vous eust laissé ou qu'il vous envoyas!

non seulement son portraict que vous dictes qu'il vous a promis, mais

quelque pièce bien exquise et précieuse, et qui meritast bien d'y tenir

le rang qu'il faudroit pour venir d'une telle main'. Nous n'avons pas

eu de nouvelles de la galère qui porte Ms' le cardinal de Bagny^* à

Rome avec M"^ le Prothonotaire vostre filz, si ce n'est du lundy matin

qu'elle partit de Savone pour aller à Gênes estant partie trois jours

devant de Toullon. Je ne manqueray pas de vous faire part des aultres

que je pourray apprendre, et de vous servir en toutes aultres occur-

rances que je pourray, estant de tout mon cœur.

Monsieur,

vostre trez humble et obligé serviteur,

DE Peibesc.

A Beaugentier, en haste et sans pouvoir respondre poneluellement à vostre lettre, ce 8 avril i63i \

XII À MONSIEUR, MONSIEUR BORRILLY,

SECRETAIRE ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DU ROY, À AIX.

Monsieur, Je respondis l'aultre jour à voz dernières, et receus hier de la part, de M"' le Jeune des Heures enluminées dont il avoit chargé M'" le Pré- sidant de Gallifet* qui me les fit tenir icy, lesquelles je vous destinay

' Malheureusement pour Borriiiy cette voir les Lettres de Peiresc aux frères Diipuy,

main n'était pas très généreuse et celui passim, et principalement t. I, p. 612,

qui obtint, à la suite des plus cupides t. 11, p. aie.

et des plus lionteuses démarches, la cou- ' Fonds français , i59o5, fol. ao. Auto-

fiscatiou des domaines de son malheureux graphe.

beau-frère, le duc de Montmorency, aima * Alexandre de Gallifet, sieur du Tho-

toujours mieux prendre que donner. lonet , était fils d'Artus- Alexandre et de Made-

' Sur le cardinal Jean -François Bagni, leine Ferrel; il épousa, en 161 4, Lucrèce

[1031] À B. HORHILLY. Jl

iucoiitiuant pour les joindre à tant d'aultres plus belles que vous avez pour leur servir de lustre, bien marry qu'elles ne soient plus belles ol plus riches. Elles sont venues soubs une mienne enveloppe, ou adressées directement à moy, sans aulcune apparance d'adresse à vous, mais noantmoin{{s, voyant que par un billet qui s'est trouvé dedans, M' le Jeune dict en avoir veu d'aultres à celuy à qui il entend que son billet soit adressé, je pense (|n'il veuille plus tost entendre de vous (jue de moy, ([ui n'en ay pas de pareilles comme vous, ce que je n'ay pas creu vousdebvoir dissimuler. Mais soit que j'y eusse du droict ou non, lousjours vous sont elles bien légitimement acquises, car je vous donne de bon cœur tout le droict que j'y pouvois prétendre, et demeure à jamais. Monsieur,

vostre trez humble et obligé serviteur, DE Peiresc. A Beaugentier, ce li avril i(i3i '.

XIII \ MONSIEUR, MONSIEUR BORRILLY,

SECnETAIRE ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DU ROY, À AIX.

Monsieur, J'ay receu vostre pacquet pour Rome que je feray tenir par la première commodité. Je vous remercie bien fort de ce pied de vase de verre que j'ay trouvé fort jolly; si le vase eust esté en- tier, je l'eusse estimé une bien belle pièce, mais tel qu'il est,

de Tricliaud, et, la môme annt^e, fat pourvu de l'office de président aux enquêtes du parlo:iienl d'Aix, son beau-|ière, Pierre de Ti'ichaud, ayant résigné ledit office en sa faveur. Les seigneurs du Tliolonet ont fourni

quati-e présidents de père en tlls h la Chambre des enquêtes, deux au xvn' siècle, deux au xvin'.

' Fonds français, i&aoS, fol. aa. Aulo- graplie.

22 LETTRES DE PEIRESC [1631]

je vous en suis bien obligé et crois bien m'en pouvoir revanchor comme, Monsieur,

vostre Irez humble serviteur, DE Peiresc.

A Reaiigjentier, ce 96 avril i63i '.

XIV k MONSIEUR, MONSIEUR BORRILLY,

SECRETAIRE ORDINAIRE DE hK CHAMBRE 1)1 BOY. À AIX.

Monsieur, J'ay eu la voslre, et suis bien ayse que vous soyez allé taire le beau voyage d'Arles^, croyant que vous n'en reviendrez pas sans beaucoup gaigner, quand ce ne seroit (jue le cœur de M' l'Archevesque qui est si précieux^, et puis vous trouverez sans double d'aultres singularitez de vostre goust. J'ai acliepté* icy des sandales de deux momies forl bi- gearres* avec les clouds dorez et quelques médailles et graveures antiques, du sieur Pelissier, qui ne nous voulut pas vendre les caillous d'amethiste et vouldroit bien l'avoir faict. H est vrayment fort hon- iieste homme et tort trâictable depuis son retour de ce dernier voyage du Levant. Il ne tardera pas, je m'asseure. de vous alter voir. Je n'ay

' Fonds français, )5ao5, fol. 29. La lettre est de la main d'un secrétaire.

'' Pour des archt^olognes ted» que Peiresc et Borriily, ie voyage d'Arles ne pouvait être qu'un beau voyage.

' Cet ai*clievéque était Jean Jaubert de Barraull, qui siégea de décembre i6.3i au .10 juillet 1 6g3. Voir sur ce prélat, qui eut d'excellentes relations avec Peiresc, comme l'atteste Gassendi (liv. V. ji. 476) , le tome III dés Lettres aux frères Ditpuy, p. a 3.

' A partir de cette phrase, la présente

lellre a tlé publiée j)ar F. de Saint-Vin- cens (p. 9), mais avec de nombreuses in- corrections. L'infidèle éditeiu* fait dire k Peiresc : -^j'ai acheté à Toulon des san- dales, 1 etc. Or Peiresc a écril très distincte- ment : trj'ay ache|)té «cy.i c'est-à-dire à Belgentier.

'' Bigearres pour biz-aires , forme ({ue l'on retrouve souvent dans la correspondance avec les fi-ères Dupuy. Mon devancier a lu bigemrées, comme si l'eiresc avait voulu parler de momies bigarrées.

1^

[1631] , \ B. IJOiniiLLY. _ 28

poirict de nouvelles de Rome si ce n'est que noz genls estoient encores en quarantaine mais {i;aillards; vous pouvez croire que si j'en ay d'aul- tres je ne manqueray pas de vous en donner incontinanl'. Je ne vous ay demandé le dessain que de la rangée des dents du crocodyle; si vous faictes poilrairo davantage, vous embarrasserez le peintre inutile- ment, et reculerez d'aullanl ma curiosité de le voir, qui pouvoil eslre contentée sur le champ. Quand on envoyé ce qui est demaudié il sutlif^. Et sur ce je finis demeurant. Monsieur,

vostre trez humble et obligé sei'vitiîur, i)K Peibesc. A Beaugentier, cp 37 may i63i '.

XV À MONSIEUR, MONSIEUR BORRILLY,

SECRET.VniE OKDINAIBE DE LA CHAHBKE DU ROY, À AIX. Monsieur, J'ay receu voz deux lettres du 3 et 6"" avec le gritlonnement du crocodyle dont je vous remercie la peine. Vous estes trop cérémonieux de n'avoir pas voulu escrire vous mesmes à M' Fredeau sur qui je ne pense pas avoir plus de crédit que vous, et de qui je n'ay pas retiré depuis que vous estes hors d'icy aiiltre chose que le portraict de quel- ques cittrons bigeares* que je luy fis peindre ce moys de lebvrier,

' Tout ce passage, depuis : et i:ouldroit bien l'avoir fnict , a M siipprinK* par V. de Sainl-Viiicens.

' Ici le précédent éditeur a annexé un passage qui commence ainsi : "Si vous avez faicl ouvrir votre momie, je vous en biasme bien fort. 1 On retrouvera plus loin (lettre XXX) le véritable texte (ju"n trans- posée et enjolivé F. de Saint- Vincens.

' Fonds français, lôaoS, fol. a 6. Auto- graphe.

* F. de Saint -Vincens, qui a reproiluil (p. 11) un court fragment de cette lettre qu'il a soudé h un fragment d'une autre lettre, donne cette variante : r Je n'ai pu en- core retirer do lui autre chose que le pur- trait de quelque» citrons et bigarré» d'etpèces irréffu Hères. «

Vi LETTRES DE PEIRESC [1631]

estants! affesandé ' du costé de Touiïoii, qu'il n'y a pas de moyen de le gouverner. C'est pourquoy il ne fault pas doubler que si les RR. PP. ca- pucins luy font un party il puisse trouver son advanlage il ne les aille servir^, comme il a faict d'aultres sans que j'y doibve prétendre aulcun interest, d'aultant qu'il ne travaille nullement pour mov. Et crois qu'il seroit bon de ne perdre pas de temps de l'accapparer, d'aultant que si M' de Lyon^ vient à ce moys de septembre, comme il i'escript, pour s'en aller à Rome, il pourroit bien l'emmener quant et luy ^ plus tost que le cardinal de Bagny. Je luy donneray advis de vostre bonne volonté en son endroicl. Mais il sera bon que ces PP. luy escrivent eux mesmes.

Au reste il ne fault poinct prendre les choses si à coeur comme vous faictes, vous donneriez trop d'advantage à voz envieux. Vostre cabinet estoit si recommandé ^ avant que la S'" Elisabeth y fust, qu'il ne diminuera pas de réputation à la mesure que vous pensez. Cepen- dant je ne laisse pas de vous estre fort estroitement obligé de tant de belles offres réitérées. Et vouldrois vous pouvoir servir et recompancer à l'esgal de ce que mérite un si grand excez de bonne volonté que le vostre®. S'il fut venu faulte de moy à ce dernier accidant, vous eussiez eu vostre part de ma despouille en sorte qu'y eussiez trouvé de conten- tement. Mais je ne me desdis pas de faire à l'advance quelque chose de plus que vous ne pensez. Vous ne nous avez rien dict de la bonne nouvelle du deslogement des trouppes de la ville d'Aix, dont nous nous

' F. (le Saint-Vincens a imprimé: 'étant trois tomes des Lettres de Peiresc aux frhret

si eschaiidé du côté de Toulon . qu'il n'y a Dupuy. pas moyen de le gouverner." ' C'est-à-dire : avec lui.

^ Phrase ainsi travestie (p. 1 1) : irLes ' Gel éloge fait par un aussi grand con-

PP. Capucins de Toulon le font travailler naisseur que Peiiesc mérite d'être joini à

autant qu'il en a envie, i C'est ï affirmation tous les autres éloges donnés anx collections

substituée à la conjecture et la réalité mise de Borrilly. à la place de ['espérance. ' On voit une fois de plus que Borrilly

' I^ cardinal Alphonse de Richelieu, par sa générosité était, à la différence de

frère du grand ministre. Voir sur ce per- beaucoup de riches collectionneurs, vrai-

sonnagp, qui avait occupé le siège d'Aix ment digne delà belle collection qu'il avait

pendant trois années (1696-1629), les le bonltour de posséder.

[1631] À ». BORRILLY. 25

sommes {{ranclement resjouys, espérants que comme c'est une marque de la cessation de l'ire de Dieu, toutes cez petites menasses de peste n'auront pas de progrez Dieu aydant, et je fîniray demeurant, Monsieur,

vostre trez humble et oblifjé serviteur, [>E Pemirsc.

A Bcaiijfrnlii'r. ce 8 juin l63«.

Depuis avoir escript, j'ay receu des lettres de Rome du au niay, d'un de mes ainys qui m'escript que le secrétaire du cardinal Bagny luyavoit porté un pacquet pour moy, lequel il avoit trouvés! gros qu'il ne s'estoit osé dispeiicer de le mettre à la poste, et le reservoit pour le bailler à un bon P. Triiiilaire ({ui s'en vient à Aix, et doibt partir dans quelques jours. Je in'in)a{{inc que ce sera que nous trouverons des letlies pour vous de M' le Proliionotaire ^ et possible de M' de Cavail- lon -, et de plusieurs aultres de la trouppe, de sorte qu'il fauldra avoir patience que ce bon P. arrive. J'envoye de ses lettres qui estoient en mon pacquet au R. P. Hierosme de la Trinité, qui sçaura possible plus précisément le temps que celui devoit partir de Rome^

XVI À MONSIEUR, MONSIEUR BORRILLY,

SECRËT^lRË OnUINAIBE DE L\ ClUMBItE DU ItOY, À AIX.

Monsieur,

J'ay receu la vostre du 1 3 , avec la lettre de M' le Prothonotaire et

ce beau poisson, que j'ay recogncu estre si je ne me trompe celuy

mesmes que j'avois aultres foys doiuié à feu M' Tcmplery quand je

revins d'Italie \ Aussy est ce de la mesme nature de pierre que les

' F.e (ils (l(-jà mentionné de Boniface ' Fonds français, i59o5, fol. ay. Aulo-

Borrilly. graphe.

' L'évêciiie Fabrice de la Boui-daisière. * Un fragment de cette lettre a dté incor-

IVPmlICKIK XATIOl^kC.

26

LETTRES DE l'E[RESC

[1631]

aidtres qui me sont demeurez, venus du mont de S* Jean de la Rogna. Et suis d'advis que vous le reteniez en vostre cabinet •, puisque j'en ay d'aultres venus du mesme lieu, vous asseurant que je vous en ay la mesme obligation que si je l'avois accepté, seulement le garderay je icy quelque temps pour l'amour de vous, à cause que les miens n'y sont pas, jusques à ce qu'on en aye trouvé de par delà (juelqu'un des miens, pour les monstrer conjoinctement avec les pétrifications d'icy. Je suis bien aise que le tesmoignage publique de M' de Saulcour^, toucbant la recommandation que ÎV'P le Prince luy avoit faictde vous seul, soit venu si à propos pour faire crever l'envie; il ne fault que laisser faire au bénéfice du temps, et avoir patiance pour venir à bout de tout cela. Je ne sçay si vous pourrez jouyr de M' Fredeau, je luy avois escript et en- voyé la lettre que vous m'escrivez , mais on m'a mandé qu'il est allé à Regusse, M"^ Grimaud luy a donné et à 3 ou i aultres peintres une grande besoigne à sa chappelle '. 11 estoit à la Ciotat * l'aultre jour l'on a adressé ma lettre pour la luy faire tenir. Je seray marry qu'il ne fasse la bannière de Corpus Domini, mais possible qu'aprez l'ouvrage de Regusse, il s'y pourra mettre; sur quoy je finiray demeurant, Monsieur,

vostre irez humble et Irez obligé serviteur,

DE Peiresc. A Beaugentier, ce 1 6 juin i63i '.

pore par F. de Saint-Vincens (p. 1 3 ) dans une lettre datée du i o septembre 1671. Voici quelle luélamorphose y subit le texte : « Il me vient un regret, car je ne sçais si je vous ai remercié de ce beau poisson que M. votre (ils m'a envoyé; je l'ai reconnu estre cette même pétrifica lion quej'avois autrefois donné à M. Templery (|uand je revins d'Italie. 1

Le cabinet de Borrilly contenait, entre autres curiosités d'histoire naturelle, un grand nombre de pétrifications singulières , comme on peut le voir duns riiivmtaire pu- blié à la suite des lettres du collectionneur à

Peiresc (fascicule n'XVII, déjà mentionné).

' Maximilien de Belleforière, seigneur" de Soyecourt, que l'on prononçait Saucourt.

' Ragusse était une terre et seigneurie (département actuel du Var), qui, après avoir appartenu à la maison de Caslellane, fut érigée en marquisat (novembre lôig), eu faveur de Gaspard de Grimaud.

' Ciiel-lieu de canton dudéparlemeiitdes Bouclies-du-Rhône , arrondissement de Mar- seille, il 35 kilonièti'es de cette ville.

' Fonds français, iSaoô, fol. flf) \uto- gi-apbe.

[1631J

A B. BORRILLY.

27

XVII \ MONSIEUR, MONSIEI R BORRILLY,

SECRETAIRE ORDINAIRE l)E LA CHAMBRE DU BOY, À AIX.

Monsieur,

J'ay rcc(Mi à Beaujjeritier les deux petites médailles d'or que vous aviez baillt'es à mon frère avec cette pierre noire enchâssée dont l'une des médailles est bien gentile et de celles de mon goust, et partant d'un notable augment' à mes obligations en vostre eiidroict, dont je vous rends mille trez humbles remercimenis, ayant prinsplaisirde voir la lettre de M' le Protlionolaire vostre lilz, croyant qu'il vous escrira la inesine chose concernant les singularitez qui le ravissent à tous mo- ments^; sans cela je la vous envoyerois, car je crois bien que vous y prendriez aultant et plus de plaisir que «uoy, et puis que je m'en suis advis*^, si je l'avois icy je la vous envoyerois encores à tout hazard. Mai» ce sera h mon retour à Beaugentier; cependant je vous prieray de faire estât de moy comme,

Monsieur, de

vostre trez humble et Irez obligé serviteur,

DE Peihesc.

A Montrieu ', ce jour de la Feste Dieu 1 63 1 .

Le sieur Benoict Pelissier m'a escript d'Aix, qu'il croyoit qu'il ^ eust moyen de recouvrer ejicores sa grenade d'amethiste d'un Suisse mort en Levant, à qui il l'avoit vendue ou troquée; s'il vous a veu, je crois

" Pour aujrmcntiitioii. Voir, à la (in du tome m des Lettres de Peiresc nua- frères Bu- puy, la liste des mots qui , «omme ceiui-ci , ont été l'objet d'une noie de l'éditeur.

' Nous avons vu que le (ils de Boiiiface Borriliy était «lors il Rome.

' La chartreuse de Montrieu était toute voisine de la maison de e«ni|i«gnc de Pei- resc, qui allait souvent passer quelques heures dans ce monastère, surtout les jours de fêle.

28 LETTRES DE PEIRESC [1631]

que c€ sera vous qui luy en aurez parié. J'ay eyvoyé vostre lettre à M' Fredeau à la Ciottat; s'il en estoit party pour Regusse on la luy fera tenir \

XVIII À MONSIEUR, MONSIEUR BORRILLY,

SECRETAIRE ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DU ROY, À ATX.

Monsieur,

J'ay receu voz trois médailles d'or^ et n'ay pas peu lisre ce que je pensois au dernier mot du revers qui a deux figures. C'est pourquoy je la vous renvoyé avec l'une de ses compagnes, en ayant retenu une aultre selon la liberté que vous m'en avez donnée, laquelle j'ay rem- placée d'une que je viens de recepvoir de Bordeaux, bien niarry qu'elle ne soit plus digne de tenir la place de l'aultre. Mais ce ne sera qu'en attendant qu'il m'en tombe en main quelque meilleure que je vous renvoyeray tant plus volontiers. Cependant vous garderez celle la s'il vous plaist et je vous demeureray trez obligé de voz continuelles faveurs et de l'offre de vostre vase de verre qu'il n'est poinct besoing de in en- voyer, estant marry d'avoir si longtemps gardé voz aultres vases et cuilliers que j'espère vous renvoyer au premier jour, Dieu aydant, estant tousjoiirs.

Monsieur,

vostre trez humble et trez obligé serviteur,

DE Peiresc. A Beaugentier, ce xu juillet i63i '.

' Fonds français, iSsoS, fol. 3i. Auto- taire de son cabinet dans le fascicule XVIII

graphe. des Correspondants de Peiresc, p. 2 9-8 a.

^ Au sujet des médailles d'or que pos- ' Fonds français, i5;!o5, fol. 33. De la

sédait le notaire numismate , voir j'inven- main d'un secrétaire.

IF

[1631]

A B. BORRILLY.

29

XIX À MONSIEUR, MONSIEUR BORRILLY,

SeCRETAinE OnOINAIRB DE LA CIIAHBBE DU ROY, À AIX.

Monsieur,

Je receus par Gorbcran ' vostre paquet du 9 aoust fort proprement cachette et bien conditionné '^ je trouvay le livre ms. de plain chant du Roy Charles II dont je vous remercie Irez humblement et comme de chose que vous avez trez bien ju{j6 estre fort de mon goust à cause de ce titfre'. Mais je n'y trouvay poinct cette figure que vous disiez envoyer ensemble d'un dieu Penate à teste de chien \ et Corbe- ran ne m'en a sceu donner aulcune raison, disant qu'on ne luy a baillé de vostre part <[ue le seul pacquet qu'il m'a apporté, et qu'il fault que vostre homme ait oublié d'y joindre ladictc figure. Mais j'ay esté fort desplaisanz d'entendre qu'on ayt violé de la sorte le respect qu'on debvoit A vostre cabinet, et que ce soit un ecclésiastique^. Vous voyez comme il m'en a mal prins de confier trop librement la clef du mien à un homme quoyque familier qui me voHa si traistreusement *. Je ne vous conseille poinct de confier jamais la vostre à persone, mais je ne serois pas d'advis pourtant que vous le prinssiez tellement à coeur que

' "Simon Corberaii , le relieur el l'homme de confiance do Pcircsc, avait élc laisse par ce dernier à Aix ])our gai-dcr une maison qui, ainsi qu'un musde, contenait tant de choses prAîiciises. ( Voir la lettre déjà cilde de Poirosc à son relieur (lorheran, 1890.) Quand la situation de la ville d'Aix devint plus calme, Corberan put «iller rejoindre son maître h Belgenlier el lui apporter ce. i]ui lui avait élé confié par les amis de Vexilv.

' F. de Saint-Vincens, qui a donné le commencement de celle lettre (p. 1 o) , a omis

les six mots qui suivent la date du 9 août.

' Mon devancier n'a pas reproduit les cinq derniers mots.

' Toute celte partie de la lettre, justju'à la fin , man([ue dans l'édition de F. de Saint- Vincens.

' Nous ne connaissions pas l'acte d'in- délicatesse dont avait été victime le collec- tionneur Borrilly.

' Peiresc est souvent revenu, dans sa correspondance , sur ce sujet si douloureux pour lui. Voir notamment le tome 1 des Lettres aux frères Dupuy, p. 9, i3v

30 LETTRES DE PEIRESC [1631]

vous en soyez malade comme vous dictes, car il vault mieux vivre sans ce peu qu'on vous a desrobé, et se fault resjouyr de ce que la chose ne va pire, et louer Dieu de ce qui est eschappé de telles mains; bien vouldrois je cognoistre le pèlerin ^ pour ne m'y laisser attrapper rnoy mesmes et pour ayder à luy faire rendre gorge si je pouvois. J'ay aussy receu vostre anltre lettre du mesme jour par mon neveu de Meaux"^ et ay esté bien aise d'apprendre ce qu'on vous mande de la venue de Ms' le cardinal de Lyon , et crois qu'elle servira pour r' ajuster toutes choses et vous faire triompher de l'envie de ceux qui vous ont faict redemander son tableau. Mais je ne crois pas la venue de cet aultre seigneur qu'on vous a dict, si aultre chose n'arrive, nom plus que la nouvelle qu'on vous a donnée de Vaulriaz, car mon neveu ne me l'au- roit pas dissimulée et seroit malaisé qu'il ne l'eust pas sceùe dans une si petite ville que celle là. Pour l'Italie il est vray qu'on n'y a poinct de honte de demander la mancia^ et dans les maisons des plus grands, ce sont les gaiges et advantures de leurs vallets, estant malaisé de rien voir qu'il ne couste de l'argent par ce moyen. Et c'est pourquoy vous avez veu parfoys que des seigneurs Allenians advertis de cette coustume avoient voulu en user de mesmes chez vous, et quand voz vallets en auroient accepté quelque petite estraine, je ne trouve pas qu'il y eust tant de danger, au moings envers des estrangers qui le font de leur mouvement sans le leur demander. Mais vous estes trop noble et trop splendide pour souffrir que voz vallets soient moings hberaulx et scru- puleux que vous en cela. Tant est que je vous suis bien redevable du libvre manuscript que m'avez envoyé, lequel je feray couvrir de mar- roquin bien proprement pour l'honneur de nostre bon Roy Charles II qui n'estoit pas moings benêt que le bon Roy René en son temps*, car

' Nous avons déjà trouvé l'expression fa- ' Léli'eone.

milière co/oinîfjT /p /)è/cn'u dans le tome III * F. de Saint-Vincens ajoute (j). lo):

des Lettres mue frères Dupuy, p. 556. rrlequei avoit loujoiirs à sa suite deux ou

* Boniface Flotte, sieur de Meaux, lieu- trois enlumineurs ou peintres en migna-

tenant en la sénéchaussée au siège de Dra- lure. " guigna n.

IKiSl] À B. BORHILLY. 31

le Moy Charles 1"^ son père', ({uand il eut la nouvelle de sa prinse sur la mer, dict tout hault qu'il ne le rejjrettoit poinct et qu'on ne luv avoit prins prisonnier qu'un prebstre qui ne faisoit qu'enq)esclier ou servir d'obstacle à ses généreux et bellifjucux desseins*. Sur quoy je finis en attendant le moyen de pouvoir user de quelque revanche de vos bienfaicts, estant de tout mon coeur, Monsieur,

vostre trcz iiuinblo et obligé serviteur,

PkIHKSC.

A Beaugenlier, ce xi aoust t63i \

XX À MONSIEUR, MONSIEUR RORRILLY,

SECRETAIRE ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DU ROY, ÀAIX. Monsieur,

Bien vous soit la veniie de M"" le Prothonotaire vostre cher filz, qui vous a creii\ et arriva hier au soir icy bien sain et saulve, gras comme un moine, mais d'une si bonne humeur que vous ne le cognoistrez plus, non sans un grand regret d'avoir si peu veu l'Italie, et avec juste raison, ayant voulu prcleror voz commandements à toutes aultres con- sidérations, ce qui luy doibt domier tant plus de crédit à l'advenir si l'occasion se presentoil d'y retourner en meilleure saison. Mais pour vous l'aire taire un peu de penitance de la grande mortification que

' Vai-iante de F. de Saint- Vincens : (fpère (ludit Gliarlcs lin.

' Ici mon devancier ajoute bravement (p. 1 1) les particularitt's suivantes : (rNeant- moins il gouverna bien doulcement et hu- mainement ses subjecls , de quoi nous de- vons lui soavoir gn?, ainsi ([u'ii notre bon Roi IXané, qui de plus avoil bien fort le goùl et l'intelligence des arts libéraux, sciences et

pmyes. El h peine il sçul que le Quintilicn trouve à Basle éloit paru, qu'il en écrivit à un sien ami et correspondant en Italie , pour en avoir, cherchant à introduire dans notre pays do bonnes esludes et de bons maisires. »

' Fonds français , iSaoS, fol. 35. Auto- graphe.

' G'ost-à-dire qui a répondu à votre appel.

32 LETTRES DE PEIRESC [1631]

luy avez faicte en le rappellant si tost, nous l'avons retenu icy jusques à ce qu'il ayt de voz nouvelles, pour voir si vous auriez le courage de le venir voir comme vous disiez, et comme nous le souhaiterions, si vous en rencontrez le temps propice, et cependant Mademoiselle de Borrilly, qui est cause de son retour', l'attendra un peu davantage, et exercera un peu plus de patiance. Je le trouve si changé, si discret, et si cappable de se bien conduire tout seul, que je ne ferois plus de difficulté de luy en laisser prendre la liberté. Et n'estoit la maladie qui est en plusieurs villes d'Italie, je plaindrois grandement son re- tour si anticipé. Mais puisqu'il a si bien apprins le chemin, il poui-ra mieux prendre son temps en une aultre occasion. Et aprez vous avoir réileré les félicitations de voz contentements, je finiray demeurant. Monsieur,

vostre trez humble et trez obligé serviteur, DE Peiresc. De Beaugentier, ce ai aoust i63i '.

XXI À MONSIEUR, MONSIEUR BORRILLY,

SECRETAIRE ORDINAUIE DE LA CHAMRRE DU ROY, À AIX.

Monsieur, Je n'ay peu escrire à ce matin par le retour de vostre garçon, à mon grand regret; ce mot n'est que pour me conjouyr encor un coup avec vous de l'heureux retour de M"' le Prothonotaire chez vous. Et vous remercier de la continuation de vos honestetez, bien marry de n'avoir mérité les remerciments que vous me faictes. Il fault que le

' C'était donc l'impatience maternelle qui rappelé dans l'/lcertissemeni du fascicule XVII

avait abrégé le voyage de l'abbé Borrilly au des Correspondants de Peiresc (p. 4). delà des monts. Boniface Borrilly avait ^ Fonds français, i5ao5, fol. 87. Aii-

épousé Honorade de Blanc, comme je l'ai tograplie.

116:^11 A B. BORRILLY. 33

Saint Pierre martyr' ne boujje du pais ii est sur peyne de souffrir un aultre martyre, s'il passoit en aultres mains que les vostres qui en sont les plus dignes. Je suis résolu plustost de le demander impuda- ment, et nous verrons qui sera plus effrontt'! ou moy de le demander ou les aultres de me le refuser, quand tout creveroit*. Vous avez l'aict acte méritoire de despartir vostre saint Sébastian si noblement comme vous avez faict dont je vous remercie comme l'un des intéressez au bien public de nostrc pauvre ville*. Mais je suis bien obligé à Mad^ de Borriily de la bonne opinion qu'elle a de moy et du bien qu'elle me rend pour le mal que je luy voulois Caire si vous fussiez venu jusques icy. Le bon naturel se monstre bien il est. Au reste les remerci- ments que vous me faictes de la médaille d'or m'obligent infiniment, mais si ne les dcbvez vous pas touts à moy tout seul, car ce n'est que par vostre moyen ou des vostres que je l'a vois recouvrée, auxquels vous en devez sçavoir partie du bon gré et la meilleure. Cependant je vous prie de m'entretenir tousjours en voz bonnes grâces comme, Monsieur,

vostre trez humble et bien obligé serviteur, DE Peiresc. A Boysgency, ce 28 aoust i63i *.

XXII À MONSIEUR, MONSIEUR BORRILLY,

SECUETAIRE ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DU ROY, À AIX.

Monsieur, Je receus hier soir par M' Lombard vostre lettre du 8""^ avec les trois ' Quelque tableau représentant le sup- de la ville d'Aix. C'était, en ces temps si

plice de saint Pierre.

' Véritable cri du cœur, éclate toute la j)flssion du collectionneur.

' Borriily avait sans doute donné son ta- bleau de Saint Sébastien à quelque église

calamiteux , une sorte d'offrande expiatoire de ce l)on citoyen, un ex-voto.

' Fonds français, i59o5, fol. 89. Auto- graphe.

IMrmiUEUIE nftTlo^iir

U LETTRES DE PEIRESC [1631]

medailletles' de Constantinople , et un escargot de marbre d'Alexan- drie dont je vous remercie bien humblement. M"" Peladan^ estoit avec moy quand vostre précédante lettre me fut rendue. Je n'eus de luv qu'une patere de cuivre, et l'une de ses médailles d'or d'Honorius qui avoit la barbe et un petit sequin d'or, ensemble sa monnoye d'argent qui est de Louys XII comme Roy de Naples , et non de Saint Louys. Il me monstra ses deux camayeulx, dont je tiens l'un moderne et l'aultre est antique, mais il le tenoit à trop hault prix pour n'estre qu'une Méduse dont û vouloit cent francs'. Il avoit quelques graveures, mais le feu y estoit aussy*, de sorte que je n'en voulus poinct. Il ne me monstra pas son Gordian, car je l'eusse achepté, si je l'eusse trouvé légitime^; il promet de revenir aprez vendanges, mais je ne l'attends pas pourtant. Et vous remercie bien fort des advis dont il vous plaict me faire part, estant de tout mon cœur, Monsieur,

vostre trez humble et obligé serviteur,

DE Peiresc. De Beaugentier [ en abrégé], ce lo septembre i63i.

II me tarde de voir venir Ms' le Cardinal de Lyon pour l'amour de vous* principalement ■'.

' Diminutif que nous n'avions pas encore rencontré, ce me semble, dans la correspon- dance de Peiresc.

' Voir plus loin une note sur ce person- nage appelé Paladon par F. de Saint-Viucens.

' F. de Saint-Vincens a ainsi arrangé cette phrase ( p. i a ) : rr ... ses deux camayeux , dont celuy qui est antique ne représente qu'une Méduse; il en vouloit cent fi-ancs, aussi ne le puis-je pas.fl

' C'est-à-dire : le prix en était excessif.

' Phrase ainsi raccourcie et dénaturée par F. de Saint-Vincens (p. la) : -J'eusse achepté son Gordian s'il me l'eusse montré. s

'' Boniface Borrilly avait les meilleui-es relations avec le cardinal Alphonse de Riche- lieu, lequel fut un des bienfaiteurs de son cabinet. Voir h ce sujet les pages 71, 72 du fascicule XVIII des Correspondants de Peiresc.

' Fonds français, iâ-ao5, fol. /ii. Auto- graphe. — Cette lettre a été imprimée par F. de Saiut-Vineens (p. 19 ), avec adjonction de divers fragments d'auh-es lettres, notam- ment du passage de la lettre XVI du présent recueil relatif au poisson pétrifié envoyé d'Italie à Peiresc par le protonotaire Borrilly.

[1631J

A H. BOIIRILLY.

35

XXIII À MONSIEUR, MONSIEUR BORRILLY,

SEGRETAinE ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DU ROY, A AI\.

Monsieur,

Vous avez tout pouvoir sur iiioy poui' voz amys aussy bien que pour vous. J'ay baillé à M' Fabri, voslre parent el bon voisin ', non seulement les deux lettres qu'il me demandoit, mais cncores sept ou huict anltres que je crois ne luy debvoir pas estre du tout inutiles s'il s'en veuil servir''. Et desirerois bien pouvoir davantage quand il s'agira d<' vostre contantcment ou de ceux qui vous appartiennent et que vous aimez, commandez soulcinent en toute liberté et aulhorité.

J'av receu les petites médailles dont vous l'aviez chargé et dont je vous remercie trez humblement, principalement de la petite monoye d'argent, qui m'avoit donné dans la visière' quand je la tenois par le revers, mais lorsque je la tournay du costé de la teste, je n'y troilva^- que le vollo srtHto* de Luques, mais il est vray que c'est la plus ancienne que j'aye veu de cette sorte là, et que je garderay volontiers pour l'amour de vous en attendant d'aller voir vostre vieux consul nouvelle- ment remis an jour et lire des ténèbres. Mais il en fauldroit savoir le nom. 11 y avoit longtemps que je n'avois eu de voz lettres dont je cominençois d'eslre en peine, et croyois que fissiez de si longs arrérages pour avoir plus à dire quand M' l'Ange vous ameneroit comme il m'en faisoit donner de grandes espérances. Mais je me doubte bien que le

' C'est le personnage dont il est (jueslioii dans V Avertissement du f'asciculi' WIIl des Correspouduiits de Peiresc (p. 7) : rM. Fiibry, son nepvftu ol son lidritier, le porte dans ses armes (l'unieux baudrier de Louis XUl).» Les descendants de ce neveu de l'anli- ijunire ont portt' jusqu'à notre temps le double nom de Fabri-Borriliy.

' Lettres de recommandation ît roccasiou (le quelque procès.

' Voir sur celte expression, qui signifie séduire, tenter, h la fin du tome 111 des Lettres de Peiresc aux frères Dupiiy, la ligte des mots et locutions dignes de remarque.

' Volto, visage, face. Il s'agit de la sainte face.

5.

36 LETTRES DE PEIRESC [1631]

froid aura ralleaty la challeur de sa bonne volonté en cela, vray est que je ne seray pas raoings son serviteur pour cela nom plus que le vostre trez humble et trez obligé,

Pe

DE rEIRESC.

A Beaugentier, ce lo novembre i63i '.

XXIV À MONSIEUR, MONSIEUR BORRILLY,

SECRETAIRE ORDINAIRE DE LA CHAMRRE DU ROY, À AIX.

Monsieur, Vous aviez raison de vous plaindre de m'avoir escript, car j'ay receii aujourd'huy vostre lettre dattée du i" octobre, il est vray que j'estime qu'il y ayt de l'équivoque pour le i'"' novembre, elle estoit demeurée embarrassée dans une boitte que je n'avois pas ouverte avec d'aultres, dont je vous prie m'excuser. Je suis raarry de n'avoir veu M"' le lieu- tenant criminel de Lyon^, vous lui deviez persuader de s'advancer jusques icy je l'eusse receu le mieux qu'il m'eust esté possible et luy eusse monstre ma dent qu'on presupposoit estre de géant, mais je la tiens estre d'éléphant et pour m'en asseurer mieux je portay ma main dans la gueuUe de l'elephant pour toucher et empoigner les siennes internes que je trouvay de forme toute pareille. On me l'a envoyée de Tunis, d'où j'estime qu'il peult avoir recouvré la sienne '. Au reste je vous félicite l'acquisition des habillements du Roy Charles III™^ dont vous debvez faire grand cas, et vous remercie bien

' Fonds français , t53o5, fol. 43. Auto- viez persuader, jnaqn'h: qu'il m'eust esté pos-

graphe. sible.

' Passage incorporé dans la lettre corn- ' Voir le fascicule XV des Correspondants posite publiée par F. de Saint-Vincens sous de Peiresc, Thomas d'Arcos, p. lo. On trou- la date du i" septembre (p. la). A partir vera d'autres détails sur ce sujet dans les des mots : Je suis marry, une phrase a été lettres de Peiresc à Thomas d'Arcos desti- laissée de côté par cet éditeur : vous luy de- nées à un des volumes qui suivront celui-ci.

|1631] À B. BOimiLLY. 37

humblement de voz otlres, ne vous en ayant pas raoings d'obligation que si je les avoys acceptées. Mais si j'avoys cela ou rien de semblable, je le vous donneroys incontinanl, ne rcgrettîint que l'excès de voz hon- nestetez et le peu de moyens que j'ay d'user de revanche. M' le protho- nolaire est sorty de Gènes bien à poinct, car on dict que la peste y l'aict bien du progrez', possible pour avoir esté tenue cachée comme à Nice depuis longtemps; sur quoy je prie à Dieu qu'il vous tieime tous en sa sainte garde et me donne des moyens de vous tesmoigner à boiinew enseignes que je suis, Monsieur,

vostre trez humble et trez obligé serviteur, DE Peiresc. Il A Beaiigentier [en abrëgt'], ce i h novembre i63i '.

XXV À MONSIEUR, MONSIEUR BORRILLY,

SECRETAIRE ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DU ROY, À AIX.

Monsieur,

Pendant mon voyage de Toulon, je me suis trouvé surprins de ma suppression d'urine, plus importune que de coustume, laquelle m'y a retenu plus de huict ou neuf jours, je n'ay peu respondre et satisfaire à mon debvoir envers mes amys, et particulièrement à vous, Monsieur, dont je vous prie me vouloir excuser. Maintenant que je suis de re- tour en ce petit lieu de repos et que j'y ay retrouvé la disposition de ma santé aussy bonne qu'auparavant, ou assez bonne pour m'en con- tenter à ma mode, je n'ay pas voulu manquer de vous féliciter comme je faicts, de l'acquisition que vous avez nouvellement faicte de cez

' Peiresc a ëciit à In iiiai'jje celle phrase : ' Fonds français, 1 5 3o5, fol. 4 /i. Aiilo-

« Messieurs de Toullon luy onl oslé 1 entrée, i graphe.

38 LETTRKS DE PEIRESC [1631]

belles figures de Jean Bologne ' qui ne pouvoient tomber en meilleures mains que les vostres. Vous remerciant Irez humblement de tant d'honnestes offres qu'il vous plaict me faire sans que je les aye méritées, et surtout de ce que vous me promettez comme homme de parole de nous venir voir à cez festes. En quoy vous nous obligci-ez infiniment, et nous ferez bien de l'honneur. Vous y serez tousjours le trez bienvenu, et encores plus si vous ammenez M"^ le prolJionotaire vostre chei- filz.

Je n'ay pas trouvé avec vostre dernière lettre les vers de M'' Billon sur voz belles conquestes^. Il fault qu'on ayt oublié de les y joindre. Je n'ay rien trouvé de vostre goust en mon voyage de TouUon et y ay veu M' le marquis de Narmoustier', mais je ne l'ay peu gouverner à souhaict dans mon mal qui à peine me donnoit quelques heures de relasche à chasque jour pour aller faire un peu de cour tandis que M^ le Mareschal y a esté, ce qui m'a bien apporté de la mortifica- tion. Mais vous sçavez que je m'accouslume facilement à la souilrance de mes maulx. J'espère pourtant encores assez de santé pour vous pouvoir bien servir un jour et les vostres et vous tesmoigner combien je me tiens obligé d'estre toute ma vie ,

Monsieur,

vostre trez humble et trez obligé serviteur, DE Peiresc. A Beaugency [en abrégé], ce lo décembre i63i.

.l'oubliois de vous féliciter les deux médailles d'or; si vous venez à cez festes", nous les verrons entre voz mains s'il vous plaict^.

' Les belles figures de Jean dit de Bo- i6q3, in-i") et YOstreomyomachie (Aix,

iogne, le grand sculpteur que Douai donna lôag, in-/!").

à l'Italie, ne sont pas mentionnées dans ' Sur le marquis de Noirmoutier, beau-

Ylnventaire du cabinet de Borrilly. fils du maréchal de Vitry, le gouverneur de

' Le poète Billou a mis souvent sa fa- la Provence, voir les Lettres de Peiresc aux

cile muse au service de Borrilly. Voir di- frères Dupuy (passim).

verses pièces de lui dans les deux recueils " Les fôtes de Noël,

publiés par ce dernier, le baudrier du sacre ' Fonds français, iSaoo, fol. 46. Aulo-

de Louys le juste XIII de ce nom (Aix, graphe.

[1632]

A B. BORR[LLY.

39

XXVI \ MONSIEUR, MONSIEUR RORRILLY,

SëCHËTAIHE OnDINAIHE DK ti CIIAHBHF. DU itOY, À A IX.

Monsieur, J'ay recen la voslie' et vous remercie de tant de tesmoignages de l)oime volonté, vous félicitant le beau coutelas que vous avez eu du marquis de Canillac* qui ne peut pas estre de quatre centz ans s'il ressemble celluy de la pucelle d'Orléans qui n'est pas de plus de deux cens aiis^ Si Monsieur le mar(|uis vous eust dict que c'estoit l'espée de Raymond de Touraine il l'eust bien mieux peu faire croire puisqu'il est de ses ancestres* que toutes ces aultres philosophies^ sur ces petits pertuitz que vous dictes dont je n'avois jamais ouy parler®. Quant à ces deux slatiies, leur matière et l'escripture qu'elles portent, aussy bien que le lieu d'oi\ elles viennent ', n'est point incompatible à une

' Voir celte lettre dans le fascicule Will Jes V.orrcspondtmtx de Peircsc (p. a5-<j8)', elle est datée du (J janvier lOoa.

^ Sur Jacques de Titnoléon de Beaiilbrl- Vlonthoissier, marquis de Caiiillnc, voir une note de la pajje a6 du l'ascicid(\ consacre^ à Boni/ace Boriilli/.

^ L'imprudent iioi-rilly n avait pas hésité h ci'oire aux quatre cents ans du coutelas dont le marquis de Cnniliac lui iivait lait présent.

' F. de Sainl-Vinceus (p. i /j5) abrègi', d'une part, et auy;mente, d'autre part, ainsi cette plu-ase : ff Je le crois plutôt l'épée de Hayniond de Tureime (pii est des anoHres du marquis, et qui fit bien du mil au pays les dernières années du i ; y' el première» du xr^ tiède, y

'" Raisonnements. I.c mot e$t employé

par Peiresc avec une nuance de dédain.

° Le marquis de Canillac avait donné des huit trous de son coutelas cette singu- lière explication , que l'anne avait appartenu h un général qui, f-aux entrées des villes la portoit et que à chacun de ces trous y met- toit des devises de plusieurs couleurs en signe de victoirei. V. de Saint-Vincens (p. i4) ose attribuera Peircsc cette opinion indigne d'un aussi judicieux archéologue : if ces pe- tits perluis qui sont sur la lame sont singu- liers, il aura voulu marquer les halaillcs il s'est trouvé. i Quel démon poussait F. de Saint-Vincens à ti-avestir aussi gravement la pensée de l'eii-esc?

' Sur ces statues venues d'Alep, voir, dans le fascicule XVIII des Correspondants de Peiresc, la premiè:e partie de la lettre à la- quelle répond celle-ci (p. a5-a6).

/jO lettres de PEIRESC [1632]

plus grande antiquité que l'ordinaire, mais le mal est que ce sont choses si difficilles à deschiffrer qu'il n'y a pas de plaisir à achepter de ces choses qui soit comparable à celuy que l'on a d'achepter des choses qui se puissent deschiffrer, c'est pourquoy ces choses dans Rome et dans Venise et partout oïl elles peuvent estre en commerce ne sont pas en si grand prix que les aultres anliquitez, ce qui vous pourra servir d'advis en cas qu'elles fussent trop chères, car sy elles estoient à prix tollerable, je ne serois pas d'advis de les laisser eschapper. Sur quoy je me recommande à voz bonnes grâces estant. Monsieur,

vostre trez humble et Irez obligé serviteur, DE Peuvesc. A Beaugentier, ce 8 [janvier] au soir 1 682 '.

XXVII À MONSIEUR, MONSIEUR BORRILLY,

SECRETAIRE OROmAlRE DE LA CHAMBRE DU ROY, À AIX.

]\fonsieur, C'a esté avec beaucoup de regret que j'ay laissé couUer tant de temps sans vous escrire pour vous remercier de la continuation de voz bienfaicts aussy bien que de voz bonnes grâces, mais j'avois le second doigt de la main droicte si mal accommodé d'un pannaris que pour peu que je m'efforçasse de prendre la plume le mal se rengregeoit, et pen- sois en avoir jusques àPasques, mais grâces à Dieu j'en ay esté quitte à meilleur marché, et bien que je le tienne encores bandé, je n'ay peu me tenir de vous escrire ce mot par la commodité de ce laquay, pour ne pas différer davantage les remerciments que je vous doibs de tant de jolies curiositez et particulièrement de ce vieux seau de cire en quoy

' Fonds français. i5ao5, fol. 79. Delà main d'un secrétaire.

[1632] À IJ. BORIULLY. 41

certainement vous avez bien rencontré mon goust prédominant. Je vous renvoyé la boitte de M' de Montcony ' dont je n'ay retenu que ledict seau avec les plombs puisque ce n'est pas vostre goust, et y ay remis vostre escu de l'enjpire, ayant gardé une coupple de ces petites noix- settes des Indes, n'ayant encores eu gueres de loisir d'examiner les medaillettes et ley graveures. Mais pour la pierre estoillée, si bien il s'en trouve les esloilles sont plus apparantes et plus proportionnées, je ne laisse pas de laire cas de celle la et vous en remercie Irez affec- tueusement. J'ay veu la lettre que vous escript ledict sieur de Montcony . et ce que vous me mandez de cette médaille du Prince et Princesse d'Orange, laquelle je n'ay poinct veue qu'il me souvienne, et si ce n'est chose tant de vostre goust possible toucheroit elle un jour le mien, car j'ay une suille d'une vingtaine de différentes espèces de monnoye des Princes d'Orange, mais si elle n'a pas de proportionable poids aux monnoyes du temps, possible ne seroit ce pas chose qui peusse appar- tenir à telle suitle. 11 la fiiuldroit faire pezer contre des quarts d'escu ou aultres espèces courantes. L'escu de Gènes n'est pas si grande chose ne si raie qu'il s'en l'aille tant mettre en peine. L'empreinte ne laisroit pas de nous servir si besoing estoitaussy bien que l'original. Celuy que vous dictes du Franc à pied seroit bien plus considérable, si les pièces en sont bien r'adjuslées, car ceux que j'avoys me lurent desrobez comme vous sçavez. J'avois tant de regret de ne pouvoir l'ouinir à M' le Prothonotaire vostre filz ou à M' de Cavaillon, une coppie de la remonstrance aux Genevoys que l'ayant demandée à divers curieux, l'un me l'a envoyée et incontinant je l'ay faict transcrire par M"^ Magas, bien marry que la maladie de mon homme l'ayt empesclié de l'escrire de sa main, parce qu'elle eust esté un [leu mieux ^. Je croys qu'elle sera

' S'a(fit-il iJu célùbre voyajfiHii' Bal- lliazar do Moiilcoiiys, à Lyon oa i(ji i, mort dans la même ville, le 98 avril i6ti5? Peul-êlre, si l'on considère râ{ft; (lu'aurail eu nhvs le voyageur, une vinjjlaine d'années seulement, vaut-il mieux croire (]u"il est

(|uesliou eu ce passade de son père ou il un autre de ses [lareuls.

^ Peiresc n'avait donc qu'un seul secré- taire? On lui a souvent attrihut* un trop grand Iraiu de maison.

IHriLllltKIB XlTIOSALl.

42 LETTRES DE PEIUESC [1632]

achevée à temps pour la pouvoir joindre à la présente, et sur ce, je fini-

ray demeurant,

Monsieur,

vostre trez humble et obligé serviteur,

DE Peiresc. De Beaugentier, ce i5 febvrier lôSa.

Je VOUS remercie et vous sçay fort bon gré des caresses et de la bonne assistance que vous avez faicte au sieur Janon qui ne se peult assez louer de vostre bonne chère, non plus que M"' le consul Gussin des belles heures que vous avez envoyées à Mademoiselle sa femme'.

XXVIII À MONSIEUR, MONSIEUR RORRIIXY,

SECRETAIRE ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DU ROY, À AIX.

Monsieur, J'avois toujours oublié de voua dire que le sieur Peladan ^ m'avoit

' Fonds français, i53o5, fol. 48. Auto- graphe.

' Je dois à M. Georges Maurin cpii a ëté pour moi un si excellent collaborateur diins le fascicule de'^ Correspondants de Peiresc, consacr(5 à Samuel Petit , la note suivante sur Peladan, d'autant plus précieuse que l'ar- chéologue a ét(^ très négligé par les biogra- phes nîmois et qu'il n'a pas même trouvé place, quoique coUectionneurdistingué, dans le Dictionnaire des amateurs français du irn' siècle, par Edmond BonnafFé. frisaac Peladan, fils de Virgile Peladan, négociant, appartenait à la religion réformée. La date de sa naissance est inconnue; on peut la placer approximativement aux alentours de l'année 1679, où, à cause de la peste, les registres de l'état civil protestant sont assez

mal tenus. Isaac Peladan fut d'abord mar- chand . puis , eni 63o, il s'associa avec l'archi- tecte Guichai-d Baudan pour les travaux de la reconstruction de la cathédi-ale de Nîmes. Les registres du chapitre nous le montreni demandant à tout moment des acomptes. Il resta célibataire; par un codicille du 98 mai 1 6io , il lègue à ses neveux Antoine et Jacques Jaufret et, à leur défaut, à l'anti- quaire le conseiller Gaillard Guinin, ir toutes ret chascuiies les médailles d'or et d'argent irantiques et modernes luy appartenant», au conseiller au présidial J. de Lagrange irtous les tableaux à huile qui sont dans la irniaisoai. Isaac Peladan mourut en i648. Mes recherches dans les registres eonsisto- riaux m'ont appris (ju'il appartenait au parti modéré dans l'i'glise de Nîmes, n A la suite

[1632] À B. IJOmULLY. 48

parlé de l'envie qu'il avoit d'tin Aurelius d'or que vous aviez. Si ce vous

rie la tommunication du savant acadi^micicti (le Nîmes, je crois devoir reproduire une curieuse lettre de Peladan , ëcrite le 99 mars 16/17, î" •'•"^î- Suarez, l'vâijue de Vaison, l'on trouvera la mention de deux ouvrages manuscrits prohablement perdus, un sur les anti(|uiti^s de Nîmes, l'autre sur les fleurs : rr Monseigneur, «Quant à vostre dcsparl d'Avignon, il vous a plini me donner advis d'offrir à M' le cardinal François Barberiii la dédicace de mon livre des antiquités de Nismes, bien (ju'estraiiger, puisipie Nismes est colonie liomaine. après voslre reffus, quesoriÉmi- nenoe refusa aussi pour estre offert par un huguenot, que si j'eusse este calholitjue sou Eminence l'eusse receu à tres-gi'und honneur, je fis à ce reffus diverses considé- ration : (pour?) les hommes de sçavoir la re- ligion ne doibt pas (estre) d'empêchement, par exemple, liulman estoit huguenot, il dédia à M. le Cardinal Bain [c'est-à-dire Bafjni], nonce du feu pape, le plan de ses œuvres mesMes ; Bai'tas aussi estoit hu- guenot, il dédia à M' de Pibrac ([ui estoit chancellicr du Roy Henri (roy de Pologne et (le France), leTriomplie delà l'oy, et par- tie de sa Sepmaine, et pour n'aller pas si loing M' Petit ne dédia il pas sa dernière œuvi'e il l'eu M' de Peyresc , conseiller au Par- lement d'Aix , et abbé ? Cella ne luy debvoit pas faire rell'user cet offre , non plus l'apre- hension de la despense , car mon intention estoit de luy faire promesse de ne luy de- mander i-ien et faire à perfection tous les traits (|ui csloienl nécessaires. Tire graver an l)urin sur le cuivre toutes les planches an nondirc de liuictunte. faire imprimer le discours, et laisser à la discrétion de Son Eminence ce peu qu'elle eusl voulu me

donner, d'autant <(ue chaque ouvrier est digne de son salaire, comme dit l'Ecriture. Il me semble que c'est un offre assez avan- tageux. Mais, Monseigneur, voici ce que je dcsirois qu'il y\e.ml à sou Eminence me don- ner de mon livre des fleurs cent pistoles |)om' m'ayder à faire faire les [)lanches, et les petits comniancements, car pour les autres grands sujects j'ay vendu une petite maison que j'avoy dans Nismes deux cens pistoles. Si mon livre eust esté acl;evé lors- que feu M' de Fiat [d'Efliat], intendant des (inances, passa h Nismes, «ccompagnant le feu lîny, il m'en donnoil trois cens pistoles; les fermiers des Gabelles m'en ont offert deux cens pistoles, pour en faire présent h la Royiie mère, (ju'elle ayme sur toutes c!;oses, maischa(|uc chose a son temps, aujourd'huy cent pistoles me seront heancoiq) plus favo- rables, et advanlageux que lors trois cens, pour le grand besoing que j'ay d'argent, et le grand désir de mettre en lumière mon la- beur. Si , Monseigneur, vous pouviez opérer envers ce seigneur [ le cardinal F, Barberini] de me donner cent pistoles du livre, je croi- roy estre Roy des fortunes humaines, et vous seroy si obligé ([ne jamais je n'ohiieroy ce bienfaict; on m'a l'ait espérer de recouvrer Poido [Jean Poido de Albenas. Discours kû- loriid de l'antique cité de ^'imes , 1 ôOo , in-l* ], sur les antiquités, et si l'occasion m'obligeoit de vous aller voir le porterois . avec le livre de Gotliino (?) que je vous ay donné de tout mou cœur pour me desobliger [c'esl-è-dire être moins votre obligé] dauttanl, ce qu'iitandanl, irJe suis tousjours, Monseigneur, voslre li-es humble et Ires obligé serviteur,

(tPkI.ADAM.ii

frD« Nismes, ce a4 May 1647.» (Rome, Bibl. Barbtrmi, X, &ii-i53. ) 6.

hh LETTRES DR PEIRESC [1632]

estoit chose indifférante je vous prieroys volontiers de me le faire voir

à vostre commodité et me tenir tousjours.

Monsieur, pour

vostre trez humble serviteur,

DE Peibesc.

A Beaugentiei-, ce 9 mars 1689 '.

XXIX A MONSIEUR, MONSIEUR RORRILLY,

SECRETAIRE ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DU ROY, À AIX.

Monsieur, Je me suis trouvé si pressé ces jours icy que je n'ay peu vous res- pondre à mon grand regret, ne vous remercier comme je faict bien humblement et affectueusement de voz deux belles médailles tant de Marc Aurele que du Prince d'Orange auxquelles j'ay bien prins du plaisir. 11 fauldra trouver des moyens de revanche en attendant voz commandements. Et puisqu'il vous plait je ne refuseray pas la veûe d'une coupple de voz vieux registres j'auray veu dans une heure tout ce que ce bon homme ne peult trouver depuis tant de temps. A quoy il ne fera que se morfondre inutilement à ce que je puis com- prendre , et s'amusera à deschiffrer touts les actes l'un aprez l'aultre au lieu qu'il n'y a qu'une seule parole à voir en ceux qui peuvent servir des moys de septembre, octobre, janvier, mars, avril. Si la commo- dité se présente de voiture nous aurons incontinant vue de tout cela sans plus tourmenter ce pauvre homme à qui le temps est si cher, et je vous seray tousjours tant plus redevable comme.

Monsieur,

vostre trez humble et trez obligé serviteur,

DE Peiresc. A Beaugentier, ce a3 mars iGSa '.

' Fonds français. 1 5ao5 , fol. 5o. Autographe. ' Fonds français, 1 02 o5 , fol. 62. Auto- graphe.

[1632]

A B. BORRILLY.

ib

XXX À MONSIEUR, MONSIEUR BORRILLY,

SECRETAIRE ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DU ROY, À AIX.

Monsieur,

Je vous remercie de voz graines de mellon que nous essayerons eii- cores pour l'amour de vous. Je vous remercie aussy de l'advis que vous m'avez donné du livre du sieur Advocat de Meaux', à qui j'escrips conformément à ce que vous avez trouvé bon. Il vaudra mieux qu'il reçoive ma lettre de vostre main que de toute aultre, puisqu'il s'estoit ouvert à vous de ses intentions. L'aullre livre de Boece contenu au mesme billet n'est pas [jrande chose qui vaille'^; toutesfois s'il ne le tenoit pas en si grande estime il n'y auroit pas de danger de le prendre aussy en eschange. Le mal de mon bras m'a enfin laissé tout à faict, et sans que mes hémorroïdes m'ont un peu incommodé, maintenant j'estois tout à faict gu€ry, sur quoy je vous baise les mains et demeure,

Monsieur,

vostre tvez humble €t trez obligé serviteur,

DE Peiresc. A Beaugenlier, ce ao avril i63a.

Vous n'avez rien faict qui vaille d'avoir laissé ouvrir vostre momniie; ce que je ne vous eusse jamais conseillé aprez avoir veu comme H m'en avoit mal prins à moy'. Je vous félicite vostre nouveau tableau et vous

' Il s'agit d'an livre non ])a8 compose par le sieur Advocal de Meaux , mais bien pos- sédé par lui et ([u'il voulait céder à quelque amateur.

' Prohablement ce n'était qu'un de ces petits traités ijue le pliilosoplie Boèce com- posu eu si grand nombre. Voir le Manuel du libraire {L I, p. loSa-io'io).

' Voici comment ce passage a été im|irimé par F. de Saint-Vincens (p. 9 , sous lu date du 37 mai i6.3i) : fSi vous avés faict ou- vrir vostre momie, je vous en blasme l)ien fort; vous sçaviez que je m'élois repenti de ce que j'avois laissé ouvrir une des mieimes ces années passées.» Suivent ces ilé\eloppe- nieuls que l'on chercherait en vain dans

46 LETTRES DE PEIRESC [1632]

remercie bien fort de voz ollres. Je voudrois qu'il fust encores pius beau au centuple pour vostre contentement K

XXXI À MONSIEUR, MONSIELR BORRILLY,

SECRETAIRE ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DU R0\ , À AIX.

Monsieur, J'ay receu vostre lettre avec la balle de plomb dont je vous remercie ensemble de la continuation de voz bonnes grâces que je tascheiay de mériter au mieux qu'il me sera possible , vous jemerciant des bonnes nouvelles qu'il vous a pieu me donner tant du bon accueil que vous a faict M' l'Archevesque d'Aix ^ que des tesmoignages qu'il vous a donnez du souvenir de Monseigneur le Cardinal de Lyon, dont vous nous pourrez faire sçavoir le destail quand il vous plairra, quelque répu- gnance que vostre modestie y puisse apporter. Au reste, je vous féli- cite l'acquisition^ de tant de florins d'or*. S'il y a de la différence entr'eulx, il s'y en pourroit rencontrer quelqu'un de curieux''. Au

le texte de Peiresc : trA présent que nous mentionné dans les Lettres de Peiresc aux

sçavons à quoi nous en tenir sur l'intérieur frères Ihipmj.

de ces sortes de corps embaulmés, nous ' F. de Saint- Vincens, qui a supprimé n'ignorons pas que les chairs internes et tout le comnienrcmenl de cette loltre jus- externes n'y sont point conservées ni dessé- qu'au présent paragr.iplie, a cru devoir chées, mais enterrées, qu'il n'y reste que corriger comme vicieuse (p. i5) la locution quelques ossements en dedans, avec de la etnj)loyée par Peiresc et (jui était alors très poix ou de la terre noire propre à ces usitée, lui faisant écrire ceci : Je me félicite pays , 1 etc. Ici plus que partout ailleurs , de l'acquisition.

F. de Saint-Vincens s'amuse à faire parler '' Addition de F. de Saint-Vincens : que

Peiresc et j'ajouterais, si le mol n'était pas vous avès faite (p. i5).

trop familier, à faire poser le lecteur. '' Addition du même : dont je m'uccomo-

Bibliothèque nationale, fonds français, derai (p. i6). Après c?s mots ou trouve une

i5'Jo5, fol. ah. De la main d'un secrétaire. addition beaucoup plus considérable, sorte

C'était Louis de Bretel qui siégea de de variation sur im llièuie banal : trVoyés

i63o à i645. Ce prélat est plusieurs fois s'il vousplaist,àquel point de richesseetde

[1632] À B. HORRILLY. 47

reste, M' de Meaux de Marseille m'a faict responce et m'a envoyé les papiers qu'il avoit de la généalogie de Lascaris que je luy ay desjà rendus ayant prins grand plaisir de les voir, dont je vous ay de l'obli- gation aussy hien qu'à luy '. Je n'ay rien veu d'imprimé concernant la mort de Casault" que ce que M' de Noslradamus en a escript^ et M'' du Vair dans ses œuvres en la harangue funèbre de Libertat*; sy je savois à ])CH proz à quel dessain M'' d'Ampus'' désire d'en estre informé, je verrois sy dans mes mémoires je pourrois rien rencontrer qui servisse à son dessein et serois infiniment ayse de luy rendre service*. Sur quoy je finiray aprez vous avoir dict que mon mal commance à prendre party, Dieu niercy, et que je suis et seray à jamais, Monsieur,

vostre trez humble et obligé serviteur, DE Pkibesc. A Beaugentier, ce t may 1689'.

gloire le commerce avoit ament? Florence, et combien peu le commerce y nuysoit au progrès des arts, puisque c'est par Ih (ju'ils ont, pour ainsi parler, commencé h se re- produire et il s'épandre dans le reste de l'Europe. Les plus belles monnoyes d'or sont fabri([ui!es , ri etc.

' F. de Saint-Vinceiis a siipprimi' la phrase relative à la généalogie de Lascaris.

' F. de Saint-Viiicens a ajouté le pré- nom et a imprimé : Chrirles drt Canaux. Tout le inonde sait (jno co consul de Marseille, ardent ligueur, voulait livrer cette ville à l'Espagne et qu'il fut assassiné par un Corse , Pierre de Bavim de Lil)ertat, qui ouvrit en- suite les portes de la ville à l'armée royale (17 février lîigC).

^ Dans V Histoire et chronique de Provetice (i6iû,in-f).

" On trouve celte harangue, toute rem- plie et animée d'un grand souffle patrio- tique, parmi les actions et traités oratoire*

qui occupent les cent premières pages de l'édition de i6i() des Œuvres complètes de Guillaume du Vair (Paris, Pierre Bil- laine, in-f").

' C'était le marquis Henri de Castellane d'Ampus, qui avait épousé en iCi3 Marie de Brancas-Villars, dame d'honneur de la reine de France.

Phrase ainsi défigurée par F. de Saint- Vincens (p. 16) : «Ce n'est pas ipie je ne croie (ju'il n'y eut bien des particularités à en dire que l'on apprendroil dans des mé- moires manuscrits du temps, et si je savois à |>cu près à quel dessein M. d'Ampus de- sire en estre informé, je verrois 1, etc. Suit (p. 17) une addition d'une vingtaine de lignes sur deux golielets anti(jues, sur un trépied, sur les registres prêtés jwr Borrilly et que Peiresc s'excuse de garder si long- temps.

' Fonds français, i59o5, fol. 56. De la main d'un secrétaire.

48 LETTRES DE PEIRESC [1632]

XXXII À MONSIEUR, MONSIEUR BORRILLY,

SECRETAIRE ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DU ROÏ, À AIX.

Monsieur, H y a longtemps que je suis en arrérages envers vous, mais j'ay usé en cela de la liberté que vous m'en avez donnée par vostre dernière lettre par laquelle vous me dispensiez de vous i-espondre, jugeant bien la difficulté que j'aurois de m'acquitter de mon debvoir envers mes amys à l'issue de ceste maladie qui m'avoit si longtemps empesché d'escripre, mais aprez avoir satisfaict aux compliments plus pressants si falloit-il tost ou tard revenir à nostre debvoir et vous remercier comme je faicts trez humblement de ce petit pot de bronze que vous m'envoyastes dernièrement qui n'est pas antique, mais il semble pouvoir servir à l'assortiment des aultres de pareille figure quoy que plus grosse que vous m'envoyastes l'année passée, mais je ne les ay pas encores peu retrouver pour m'en asseurer. Cependant sy ne fault il pas vous celler l'acquisition que j'ay faicte pendant ma maladie de deux gobeletz d'argent antiques qui s'emboittent l'un dans l'aultre, il y a des petites mouHeures et des lettres grecques qui marquent la mezure de leur contenance, chose que je n'avois jamais veiie en tous mes voyages et qui est des plus curieuses qui me fussent encores tombées en main aussy bien que le Treppier [sic) dont je suis aussy fier dans le goust que j'y trouve ' comme quand vous avez recouvré quelque peinture d'excellente main, oii vous trouvez plus de goust que vous ne feriez en cela, mais non pas plus que moy. Au reste je suis bien marry d'avoir tant gardé voz registres, mais je tombay malade deux

' F. de Saint-Vincens , (jui a reproduit fameux (répied trouvé à Fréjus, dont Pei-

ce paragraphe, à partir du mot cependant resc s'est occupé avec amour dans plu-

(p. 17, lettre du 3 mai 1682), a imprimé: sieurs de ses lettres et dans une dissertation

dans le goût qui s'y trouve. H s'agit du spéciale.

[1632] A H, HOIIHILLV. 49

jours aj)rcz l(!ur airivce, et depuis nia lualadic je n'ai pas quasi peu me recognoistre ', n'y ayant pas plus de trois ou quatre jours que je suis bien quitte de fiebvre tant la nuict que le jour, encores avois je esté contraint de (juitter ie vin cez jours cy, dont je me suis très bien trouvé, Dieu mercy, et espère vous pouvoir rendre encores d'assez bon/ies preuves que je suis de tout mon coeur, Monsieur,

vostre trez liumble et trez obligé scrvitt^ur,

DE Peibesc. A Beaiigeiitier, ce 3* juing i63a '.

XXXIII À MOIS SIEUR, MONSIEUR BORRILLV,

SECRETAIRE ORUINjIIRE DE LA CHAMBRE DU ROY, À AIX.

Monsieur,

J'ay receu vostre lettre d'hier par le laquay de mon frère en res- ponce d'une des miennes dernières, ensemble les deux plomps que vous y aviez joincts dont je vous remercie trez adectueusement, ayant esté bien ayse que l'imposilioa du nom de cette vieille es|)ée se soit trouvée tout à vostre gousl^ et à celui de Monsieur le man[uis de Canillac. Ostez vous (le l'esprit qu'il ait jamais esté laict des figures antiques de pierre foudre, non plus que des coilonnes*, et crois que si les deux

' Phrase ainsi niodifit'e par F. de Sainl- Vinceiis (p. 17) : rMais ma santé a été si mauvaise depuis quelque temps , et l'est telle- ment que je ni! suis pas encore (|uitte de lièvre n , etc.

' Fonds français, iSaoT), fol. 58. Origi- nal. De la main d'un secr'élaire.

' F. de Saint-Vincens fait commencer ainsi cette lettre (p. 1 7) : «Je suis bien aise lï.

(pie le nom de celte vielle épée dont vous me parties sp-soit trouvé toul à votre goût, s [,o nom imposé par Peircsc k celte ëpée était, comme nous l'avons \u, celui d'é|)ée de Kaymond de Tui'enne.

* Borriliy se montre parfois un anti- quaii'e bien crédide et l'on voit avec tjuelle autorité Peiresc redresse les fausses appré- ciations de son confrère.

tHFNlMtklt Hirtf

50 LETTRES DE PEIRESC [1632J

ligures dont on vous a parlé ont esté payées 600 escus comme on vous a voulu dire, il ue faudra pas crier au larron aprez ce marchand' qui pourroit bien n'en estre pas trop bon marchand pour les considé- rations que je vous ay touchées si devant, lesquelles diminuent grande- ment le prix de telles figures à comparaison des aultres qui viennent de meilleure main et d'aullres endroits moins esloignés de nostre commerce et plus susceptibles de iioz interprétations'. Il se faudra contenter d'en avoir un grillonnement s'il est loisible d'y prétendre. Au reste je vous félicite les habitudes' que vous commancez de prendre avec Monsieur l'evesque de Grenoble que j'ay eu l'honneur de co- gnoistre de fort longue main* et de recognoistre qu'il est fort curieux principallement des plantes des jardinages ^ aussi bien que d'avoir de cabinets bien enrichis, mais je ne sçay pas encores si sa curiosité passe plus avant et jusques aux antiquailles et aultres singularitez de la na- ture et de l'art. J'ay eu de ses lettres cez jours passez il me donne barres sur le subject des fruits de son verger, mais j'espère pourtant bien d'avoir encore quelque chose de son goust à y joindre. La pièce

' Variante de F. de Saint- Vincens ( p. 1 8 ) : T Après l'acheteur, n

' F. de Saint- Vincens a supprime, dans cette phrase, les trois lignes comprises entre les mois comparaison et plus suscep- tibles.

^ Variante du premier irliteur : des habi- tudes.

' Pierre Scarron siégeait depuis l'iannée ititii. On a eu le tort de prolonger son épiseopat jusqu'en l'année 1 670. Les auteurs du (jalliu Ckristiaita, qui n'ont pas cuiuiu la date précise du décès de Scarron, pro- posent celle du 8 février 1668 : obiit, ut/e- runt, 8 felinmii 1668 (t. XVI, col. -106). .Nie. Gliorier fait mourir le prélat un an plus tôt, en mars 16G7. On mentionne dans le beau (lutalogue de la bibliothèque du btiivn James de Rothschild [i. 1 , p. i()G . urt. 358)

une oraison funèbre de messire Pierre Scar- tvn , evesque et prince de Grenoble , prononcée dans l'église cathédrale de Notre-Dame de Grenoble le 1 8 Jevrier 1668, par le R. P. Ni- colas de Dijon, cn/Jî/ct» (Grenoble, 1668, iu-i"). Ijc savant rédacteur ilu (Jntalogue croit que la date indiquée par (]horier doit (Hre la bonne, car l'évéquc de Grenoble, ajoute-t-il, était déjà enterré depuis long- temps quand son oraison funèbre fut pro- noncée.

' Je publierai, dans les lettres de l'eiresc à divers, une de se» letti-es à Monsieur l'eoe»- qite et prince de Grenoble, conseiller du Roy en ses conseils d'Estat, du a février i633, pour le remercier de lui avoir envoyé des chartes et des plantes, deux des choses que le correepoudanl du ]>rélat aimait le mieux nu monde.

[1632] A It. I50RRILLY. M

(|uo vous dictes avoir esté (Journée à Monsieur le Mftresrhal ' scia \m\- semhlablemcnl quel{[iie pièce de plaisir comme les {jets plus tost (jiic de monnoye publi([ue ainsi que je m'asseure que vous l'aurez bien tost recogneu si vous la voyez. Je pensois mouh avoir accusé la recej)- tion et par mesme moyen vous en avoir rendu les bien humbles re- merciements que je vous debvois de ce beau papier de Florence qu'il vous a pleii me desparlir, encores ne sçay je si ne s'est point perdu quei(|ue lettre mienne à vous aussi bien qu'une de celles (pn; j'escrivois à mon frère ([ue celluy qui s'en estoit cliai-gé a, je m'asseure, laissé tomber pai' le chemin d'icy à Aix. Mais ri n'y aura pas grand perte pourven que vous en acceptiez mes excuses comme je vous en prie et de me commander librement comme, Monsieur,

voslre Irez humble et obligé serviteur.

DE I'kiresc.

A Beaugentier, ce 1 5 juin i63a'.

XXXIV À MONSIEUR, MONSIEUR BORRILLY,

SECRETAIRE ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DU ROY,

À AIX. Monsieur,

J'ay receu voz deux despesches du iS*" et 20* de ce mois, ensemble un vaze de marbre gris et noir, mais non pas le couvercle que j'y pen- sois trouver eu esgaid à ce que vous m'en escripviez, y ayant seulement un caillou capable de servir de bouchon plus tost que de couvercle cpii n'est pas de mesme matière comme vous avez creu, car c'est de marbre

' Le iiiarëclial de Vilry, gouverneur de Provence, donl il est si souvent question dans la correspondance de Peiresc avec les frères Dupuy et dont il sera si souvent ques-

tion aussi dans la con'espondance de Peiresc avec Palamède de l'abri, sieur de \alavez. ' Fonds français, iSqoô, fol. 60. De la main d'un secrétaire.

52 LETTRES DE PEIRESC [1032]

vert et noir qui ne monstre pas d'avoir guieres plus de façon que la simpie rondeur que la nature luy a donnée dans le cours des rivières ou torrentz il peut avoir esté traisné longtemps'. Mais je ne vous en ay pas moins d'obligation de la bonne volonté que sy le vase estoit accomply et assorty de son vray couvercle ^ attendant de le vous ren- voyer au premier jour, Dieu aydant, avec les remerciements que je doibs. Je ne verray point M" Pcyssonel-^ que ne luy face les reproches de soti indeube jactance de libéralité puisqu'elle estoit si vénale. H me dict en mesme temps qu'il avoit donné à M' de Bandolle et an lilz de M' le conseiller Ollivier* le choix de toutes ses médailles, ce qui me faict croire que c'aura esté comme à vous en bien payant. Pour le moins vous debvoit il dire combien de temps il l'avoit gardé à peu prez et s'il ne sçavoit point en quel lieu il avoit esté trouvé ou de quel pais il estoit venu et s'il n'a voit point esté apporté de Levant. Je pensois vous avoir veu^ de certains petits escuellons de jaspe ou d'agathe dont j'ay veu aultrefois grande quantité en plusieurs cabinetz qui ne sont pas de plus grande contenance que de deux ou trois plaines cuilliers d'eau, dont je ne sçavois pas lors l'usage auquel cela pouvoit avoir servy et pensois que la pluspart n'eussent esté faictz que pour servir de couppes à des sallieres tant je les voyois petitz, mais à ceste heure, sy

' Cette (in de plirase a élé supprimf^fi par F. de Saint- Vincens (p. 19) et remplacée par une autre phrase que nous retrouvons nn peu plus loin, dans la dernière lettre h Borrilly (du 19 août i63q).

^ Variante [ibid.]: rrJe ne vous en suis pas moins reconnoissaul, ainsi que celte petite pieiTe à broyer, n etc.

' Quelque membre de la famille pro- vençale qui a produit tant d'hommes dis- tingui's, notamment l'archéologue Charles de Peyssonnel, membre de l'Académie des inscriplions, mort en 1757, et son frère, Jean -André, le célèbre voyageur, membi'e de l'Académie des sciences, mort

en 1 y.'iç). Le Peyssonel ici nommé fui un des correspondants de Peiresc. Voir une lettre de lui à ce dernier dans le manu- scrit ()542 du fonds français. F. de Saint- Vincens a supprimé le passage relalif h Peyssonel.

* Sur le conseiller Jean-Pierre d'Olivier ou d'Olivari et sur sa famille, voir divers passages du recueil des Lettres de Peiregc aux frères Diipuy, notamment 1. I. |i. 71, 77, 78, etc.

' Sic. Mot mis par inadvertance pour parlé, entretenu. La faute a été respectueu- sement rqjroduile par F. de Sainl-Vinceus

(P- »9)-

[1632] À B. BOIllULLY. 53

j'en renconti'ois qui fussent antiques, possible' y troiiverois je de quoy loncler quelque jollie observation. Sy vous avez inesmes des cuilliers i\u[ tiennent quelque chose de la façon des anciens soit qu'ils soient de marbre ou de jaspe ou de christal ou de verre*, je prendray plaisir d'en examiner la contenance, et sy les volleurs ne les vous ont retenuz, il me semble vous eu avoir von deux ou trois de pierre verte comme de la prcsnie d'esnieraude^ <P**'i<' verrois* volontiers s'il ne vous estoit incommode* sauf de les vous renvoyer avec voslre vase, vous priant d'excuser l'importunité de mes libertez*. Je vous remercie trez humble- ment du soing que vous avez eu de mener l'homme que je vous avois recommandé à son commerce [en abréfjé] et vous serviray en revanche quand je le pourray. Le P. Théophile^ m'a envoyé un dessein de la li{jure de bronze dont on vous a parlé, laquelle est de si golTe* main qu'elle ne touchera pas, je m'asseure, vostre curiosité quelque extrava- jfaiice qu'il y aye en certaines lettres {grecques qui y soûl gravées en divers endroictz. Je vous remercie encores des honnestos odVes de vostre cycle, n)ais je crains bien que ce soit chose moderne, puisque vous dictes qu'il y a des flammes sur le calice et (jue l'escripture est en lettres hébraïques ordinaires, car les vrays cycles sont en lettres samaritaines. Je u'ay point sceu deviner'-' en lisant la lettre que vous escript Bontenips

' Ijfi mot fmusihle a i'l(5 iirjfligi' flaiis In version de 1"\ de Saint-Vinceiis.

' F. de Saint-Viiicens ajoute : ou de cuivre (p. 70).

^ F. de Saint- Viiirens a imprimd : de In prisme d'emeraiide. Voir sur i'expivssioii pre.stiie d'emeniiide une note du tome 11 des Lettrrx di' Pciresc nii,v frères Diipmj, p. 3o4.

* Variante du premier i^ileur : qiie je reverrois.

■" Ces cinq mots ne se trouvent pas dans le texte ammiré par F. de Saint-Viiicens.

" M^me ol)servntion potir ce» derniers mots. La phrase suivante a tU(5 égale- ment supprimt'e par F. de Saint-Vincens

jusqu'aux mots : je vous remercie encore.

~ Il s'agit du père Tliéopliile Minuli si souvent mentionne dans les lettres de Peii-esc et dans celles de ses correspondants.

" Grossière. Celte expression tiffure sou- vent dans les trois tomes des Lettres de Peirese aux frères Dupuy.

" Cette phrase n'a pas été admise dans le recueil de F. de Saint-Vincens : elle y est remplacf'e (p. 91) par une phrase sur les vases qu'avait ffeu M. Teniplery et sur ffun certain petit vase d'ai^nt" que M. de Saint-Jean avait donné à Borrilly. On re- trouvera en tête de la lettre suivante le texte estropié par F. de Saint-Vincens.

U LETTBES DE PEIRESC. [1632]

de quelle pierre il vous veult parler et m'imagine que ce soit quelque

morceau de pierre isade; vous en pouvez mieux juger que nous; tant

est que je sçay fort l^on gré à ce bon cocher de s'estre ainsy souvenu

de vous; faictes luy mes recommandations quant vous luy escriprez et

me commandez tousjours librement,

Monsieur, comme

vostre trez humble et trez obligé serviteur,

DE Peibesc. A Beaugentier, ce 96 juin i63a'.

XXXV À MONSIEUR, MONSIEUR BORRILLY,

SECRETAIRE ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DU ROY, À AIX.

Monsieur, Depuis vous avoir escript m'estant souvenu des vases de feu Mon- sieur Templery, dont je voudrois bien avoir examiné et comparé la contenance avec les miens, je me suis dispensé de prier M' leRecepveur son filz d'aggréer qu'on me les puisse apporter icy à la charge que je les luy renvoyeray par voye bien asseurée comme j'espère de le faire sans qu'ilz reçoivent aulcun dommage par ce transport, mais je n'ay pas voulu que ma lettre luy fusse rendue sans que M"' le Prieur de Rou moules^ praigne vostre advis au préalable sur ce subject, car si vous estimez que ce fusse chose qu'il n'eusse pas agréable , j'aymerois beaucoup mieux me passer du contentement que j'en attendz; c'est pourquoy je vous prie de voir la lettre que je luy en escripfz et de dire librement au dict sieur Prieur de Roumoules sy vous estimez que la chose soit faisable ou non avec son bon gré et non aultrement. En un

' Fonds français. i52o5, fol. 69. De la main d'un secrétaire. * Denis Guiilemiu. dont le nom est plusieurs fois mentionné dans les Lettres de Peiresc aux frères Dupuy.

|1632] À H. BOHUILLY. 55

besoing sy vous trouviez bon de le pressentir à l'advance le dict sieur Prieur de Rournoules luy pourroit rendre par aprez plus librement ma lettre selon la disposition que vous y auriez trouvée*. Vous m'avez aullresl'ois monstre un certain petit vase d'argent que Monsieur de S' Jehan vous avoit donné, lequel je reverrois encores volontiers^ en ceste occurence, et je vous asseure (ju'il vous sera fort fidellement ren- voyé et restitué avec l'aultro petit vase de marbre que j'ay desja receu de voslre part et avec les aultres petitz escueilons et cuilliers de jaspt; ou aultre pierre précieuse ou d'ivoire ou de vieux cuivre que vous y pourrez joindre, estant marry de vous donner toute ceste incommodité, niais Dieu me fera s'il luy plaist la grâce de m'en pouvoir revancher quelque jour et de vous pouvoir servir comme, Monsieur,

vostre trez humble et trez obligé serviteur, DE Peiresc. A Beaugentier, ce 37 juiu iGSa".

XXXVI A MONSIEUR, MONSIEUR RORRILLY,

SËCRETAIHË OROINAIBE DE LA CHAMBRE DU ROY, À AIX.

Monsieur, Vous recepvrez ceste lettre par un des gentilzhommes de la maison du cardinal Barberin, chanoine de Bezançon, nommé le sieur Menes- trier*, l'un de mes meilleurs et plus anciens amis, lequel estoit venu

' Tmil ce loiijf pnrajfraphe a élé ainsi ^ Fonds français , i5ao5, fol. 6A. De la

inexactement rtîsumé pat- F. de Sainl-Viu- main d'un secrétaire, cens (p. ai); vie voudrois que vous le de- ' Sur Claude Mtîneslrier, voir le tome II

mandiez à son fils pdur moi. •> des Lettres de Peiresc aux frères Dupuy,

* Tout ce qui suit a été laissé de côté p. 3oy. par F. (le Saint- Vincens.

56 LETTRES DE PEIRESG [1632J

sur les galleres du pape et m'a faict l'honneur de demeurer icy avec moy trois sepmaines ou un mois durant lequel temps j'ay prins un grand plaisir à l'honneur de son entretien à cause de la grande cognois- sance qu'il a de toutes sortes de bonnes curiositez et surtout de tout ce qu'il y a de meilleur en l'antiquité, ne cognoissant aujourd'huy per- sonne vivante qu'en aye plus de notice que luy. Je vous supplie de luv faire la plus favorable réception que vous pourrez pour l'amour de son mérite et pour l'amour de moy, car vous m'obligerez beaucoup plus en sa personne si vous en trouvez des moyens que vous ne sçau- riez faire en la mienne propre et je tascheray de vous rendre toute la revanche qu'il vous plaira d'en tirer de moy et de vous tesmoigner en tout et partout que je suis et seray à jamais inviolablement, Monsieur,

vostre trez humble et trez obligé serviteur, DE Peiresc. De Boisgenlier, ce 3' aoust 1683 '.

XXXVII À MONSIEUR, MONSIEUR RORRILLY,

SECRETAIRE ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DU ROY, À AIX.

Monsieur, J'ay receu vostre lettre et ay esté bien ayse d'apprendre l'acquisi- tion que vous venez de faire de ceste teste coiffée d'une si longue creste comme vous dictes, que je ne sçaurois concepvoir sans la voir, mais je me double bien que vous voulez que je l'aille voir sur les lieux en vous reportant voz cuilliers et voz vases qui m'ont bien donné de l'entre- tien agréable dans ma solitude, ce qui augmente de tant plus mon obligation en vostre endroicl de n'avoir pas voulu attendre que je les

' Fonds français, iSaoS, fol. 66. De la main d'un secrétaire.

[1632] ■■IIIWIII A B. FlOimiLLY.

aille voir chez vous'. Mais je vous conseille bien de faire retirer et

sauver tout ce que pourrez des os de ce servant ou aultre animai quel

que il puisse estre dont il faudra examiner la figure en son temps si

Dieu nous faict la grâce d'en avoir la veue. Mais si c'est chose qui ne

soit pas tant dans vostre curiosité, je vous prie de croire qu'elle est

grandement de la mienne et que je ne seray pas bien en repos que je

n'aye veu eeste cresie si extraordinaire comme vous dictes, sur quoy je

demeure,

Monsieur,

vostre trez humble et trez obligé serviteur,

DE Peirbsc. |i A Boisgentier, re 8 noust i639'.

XXXVUI À MONSIEUR, MONSIEUR BORllILLY,

SECRETAIRE ORDINAIRE DE LA CHAMBRE DU ROÏ,

A AIX.

Monsieur,

Je viens de recevoir la vostre du xi^ avec la boitte, ne pouvant vous rendre d'assez dignes remerciemcntz en premier lieu du bon accueil que vous avez faict <i Monsieur Mencstrier avec de si lionncstes offres que je vous en dcineureray à jamais redevable^, comme aussy de ce squelette (juc vous m'avez envoyé, lequel mérite bien d'estre examiné de plus prez et comparé aux aultres os s'il s'enpeut trouver pour juger de quel animal ce peut estre, car pour un serpent il y a fort peu d'ap-

' A la place do cette dernière phrase, F. de Saint- Vincens a impriini' reci (p. 91): ffj'en ai l)ien saisi les mesures exactes et en ai remarqué qui doivent ne se rapporter qu'à des mesures ddnommi'es par les Ro- mains, elc».

' Fonds fr. , 1 5ao5 , fol. 68. Autographe.

' F. de Saint- Vincens, apit-s avoir su|)- ])rimé tout le commencement de la lettre, reproduit assez exactement (p. 19, sous la date du 96 juin 1689) ce qui suit jusqu'au mot comparaison.

8

IV m lU mie iJtTiomt

58 LETTRES DE PEIRESC À B. BORRILLY. [1632]

parence, les dents ne se pouvant nuHement accorder', ce qui nie faict craindre que ce ne soit quelque race de l'oultre^ ou d'hérisson, ce qui me rendra plus curieux dezormais d'en rechercher quelque teste pour en faire la comparaison. Monsieur Menestrier vous a dict vray que la pierre noire estoit un poidz antique qui avoit esté faict pour le poidz d'une livre ', mais elle se trouve un peu courte pour la comparer à sa juste proportion, ce qui peut estre advenu par le trop long usage qui en a diminué comme des testons qui sont trop uzez et lissez et par con- séquent trop courtz, mais je ne vous en demeure pas pour tant moins redevable ensemble de l'autre petite pierre à broyer et de tous les aul- tres excez d'honnesteté dont vous comblez tous mes amis aussy bien que moy et dont nous rendrons un jour ia revanche si Dieu nous faict la grâce de le pouvoir comme je n'en désespère pas et de vous tesnioi- gner tost ou tard à bonnes enseignes que je suis tout à vous sans aulcune reserve et que vous pouvez disposer de moy et par conséquent de tout ce qui en peut dépendre comme, Monsieur, de

vostre trez humble et trez obligé serviteur, DE Peiresc. A Beaugentier, ce xii aoust i63a'.

' Mon devancier a mis sous ce passage la note que voici : (tCeci prouve que Peiresc avoit déjà conçu qu'il falioit surtout s'atta- cher aux (lents , comme le caractère le plu» certain pour connoltre les animaux. »

' C'est-à-dire loutre.

(p. 19), le nom de Menés'. rier a dis|)am"pl la pierre noire a été métamorpliosée en un vase de marbre gris et noir. Il est vrai que la pierre reparaît un peu pins loin et que la méprise ne se continue pas.

' Fonds français , iSao.'i, fol. 70. .4ulo-

Dans la version de F. de Saint- Vincens graphe.

APPENDICE.

LETTIU: DE PEIRESC A BORRILF.V.

Monsieur,

J'ay receu la lettre que m'avez escripte pour accompagner celle que vous pscripvit M' de Mauvans que je seray bien ayse de servir en tout ce que je pourray quand il luy plairra de m'employer, et pour venir à ce qu'il désire du temps prf'cis que la Royne Jeanne espousa Jac(|uos infant de Maiorque, tous les escripvains sont d'accord que ce fut on l'année i363. Mais pour v reijarder de plus prez aulcuns ont remarque que le Roy Louys de Tarante, son se- cond mary, deceda le 96 may i369 ', qu'en mesme temps ledici Jacques de Maiorque se saulva des prisons de Barcelone le Roy d'Aragon le retenoit, e( l'alla voir elle à Naples, il fut Irez bien receu d'elle, et n'attendit pour l'es- pouser si ce n'est que l'an de viduité du Roy Louys fusse expiré, de sorte qu'il fault que les nopces se soient faictes dans la fin du mois de may ou au com- mancement de juin de ladicte année i363^. Qu'il ayt esté jamais en Provence les autheurs n'en ont pas faict de mention et ne se tint guieres prez d'elle d'anltant qu'elle ne le voulut pas laisser couronner Roy, ni régner, ains seule- ment luy donna la qualité de duc de Calabre, dont il se picqua, et s'en alla retrouver son père en Uespagne, d'où il envoya une cinquantaine de volumes de beaux livres à la dicte Royne Jeanne, lesquelz furent debtenus quelque temps à Aix dans ks Archives*. Il mourut l'an i368 ayant été faicl prisonnier au chasteau de Buigos le mois d'octobre précèdent.

' D'après \'Arl de vérijitr teê datet (Chrono- logie historique de» roi» de Naple», édition de 1819, t, XVIII, iii-8"), Louis (le Tareiile serail mort un joiri- plus lot, le 9.5 mai i.36a.

' Les auteurs de VArt de vérifier lex date» n'in- diqiieiil point le jour pi-écis des troisièmes noces de la veuve d'André de Hongrie et de Ix)uis de Tarente et se (Oiiteiileril de (liio (p. .'?:i6):ffLe mariage, conclu le i/i décenilirc lotia, se fit l'an

1 363 , environ un an après la mort cle Liouis de Tarente. n C'est donner raison » Peiresc mettant le mariage à la fin de mai ou au commencement de juin.

^ Je suppose que pour un bibliupLilo tel qui' Peiresc cet envoi à Aix de cinquante beaux vo- himes fut un des plus mémorables événements du rè^ne de Jacques d'Aragon.

8.

60 APPENDICE. . [1631]

Quant à ce Nicolas, seneschal de Provence, je me double que M' de Maul- vans ayt prins quelque équivoque en la datte. Car elle ne peut pas estre de l'an i/iaB, attendu que Pierre d'Acigné fut seneschal de Provence depuis l'an ilioh jusques en l'an 1^37 vers Pasques auquel temps à peu prez il deceda. Et luy fut subrogé Pierre de Bellavalle.

Bien y a-t-il un seneschal de Provence nommé Nicolas Spinelli de Naples ou Nicolas de Neapoli qui estoit grand chancellier de Sicile et seneschal de l'an i370Jusques en 1876. A qui succéda Foulques d'Agoul l'an 1377, comme ce Nicolas Spinelly avoit succédé à Raymond d'Agoul en la mesme charge'. Si M' de Maulvans nous faisoit voir les chartres dont il se veut servir, possible luy pourrions nous donner d'autres meilleurs advis selon le dessein qu'il peult avoir de s'en servir. Il ne tiendra qu'à luy. Vous l'en pouvez asseurer de ma part et me tenir vous mesmes ,

Monsieur,

A BeaugeQtier, ce 17 janvier i63i'.

pour vostre, etc.

' On voit combien Peiresc possédait de précis ments les plus authentiques réunis en si grand

renseignements sur les sénéchaux de Provence. nombre dans sa bibliothèque.

N'oublions pas qu'il avait étudié avec prédilection * Bibliothèque d'Inguimbert , à Carpentras.

l'histoire de son pays natal et qu'il avait eu l'in- Collection Peiresc, reg. XLl, t. II, foi. 74.

tention d'écrire cette histoire d'après les docu- Copie.

LETTRES DE PEIRESC

À J.-J. BOUCHARD.

À MONSIEUR, MONSIEIR DE FONTENAY,

À TOLLON.

< Monsieur,

J'oubliay hier en escrivant à M' de Bonnaire, de ie faire souvenir d'une petite prière que je luy avois cy devant faicte en faveur de M' le prieur du Barroux\ pour raison de <|Uoy je luy ay escript eiicor un mot, que je vous supplie joindre aux autres lettres dont il vous a pieu vous charger"^. J'oubliay encores de vous dire que si par hazard lorsque vous aborderez en Italie, vous appreniez qu'il y eusse de la maladie dans Rome (ce que Dieu ne veuille) ou que pour quelque autre sub- ject vous voulussiez vous en retourner sans voir cez messieurs, ii n'y auroit pas de danger de leur envoyer leurs lettres à touts, soubz une enveloppe à Monseigneur l'eminentissime cardinal Barberin, de qui les secrétaires les feroicnt tenir, à cause ([ue comme vous vistes, je leur parlois de leurs afl'aires quasi à touts, oultre ce que j'estois obligé de leur dire de vostre persone. Toutefoys je laisse le tout à vostre pru-

' Le prieur»' du Barroux «Hait 8ilué dans la commune actuelle de ce nom (déparlemeni de Vaucluse, arrondissement d'Oranjje, canton de Moiaiicène).

' D'après ie registre de la corres[)oiidance de Peiresc ( Bibliothèque nationale , nouvelles acquisitions françaises, n" 5 16;)), le 1 5 no- vembre i63o, lurent envoydes de Belgen-

lier k Borne, |wr l'inteniKyiaire de tM. de Fontcnay Bouchard 1, des letti-es au car- dinal Barberin, au cardinal Bentivoglio, ii Snarez, Ilolstenius, J. B. Doni, l'abl»** de la Berchère, Menestrier, de Bonnaire, etc. Voir le rt^cit de Bouchard dans le Voyage de Paria à Rome, h la suite des Conférions, p. 13 8.

62 LETTRES DE PEIRESC [1631]

dence, et vous supplie me vouloir conserver en l'honneur de voz bonnes grâces, demeurant, Monsieur,

vostre trez humble et trez obligé serviteur, DE Peiresc. Tournez, je vous jïrie, cette feuille.

Si vous passez à Florence' je crois bien que vous ne vouidrez pas manquer de voir le s'' Galileo- et quand niesmes les soupçons de la maladie de la Toscane vous empescheroient de le voir, vous vouidrez vous enquérir, je m'asseure, de l'esiat de la santé de ce personage et des œuvres qu'il avoit en main, dont je vous supplie trez humblement de me vouloir faire entendre ce que vous en aurez appris, et particulliere- nient concernant le livre du jlux et reflux de la mer il avoit grande- ment travaillé, et qu'on disoit devoir estre imprimé à Pasques der- nières^. Que si cela avoit esté faict, et qu'il s'en peusse recouvrer une coupple d'exemplaires, vous nous obligeriez infiniment de nous ayder à les recouvrer en blanc, plustost que reliez, et les baillant à M' de Bonnaire il r'embourceroit le prix, et trouveroit commodité de nous les faire tenir seurement par amys, ou par les barques des Martigues OH de Marseille, soubs les adresses de M"' de Gastines à Marseille, et

' Bouchard alla directement de Toulon à Givita-Vecchia et à Rome. Parti de Toulon le 3 décembre, il resta treize jours sur mer. fit (]uarante-huit jours de quarantaine à Givita-Vecchia et n'entra dans Rome que le .S février j 63i.

' Si Bouchard ne vit pas Galilée eu 1 6îio, il le vit trois ans plus tard, comme nous l'apprend une lettre très curieuse <{u'il écri- vit t-à Messieurs Dupiiyn le i8 juin i633 et c|ue j'ai eu le plaisir de publier, d'après une copie de la bibliothèque d'Aix en Pro- vence, dans le fascicule III des Correspon- dants de Peiresc, p. SS-Sg. On y trouve ce

remarquable éloge de Galilée : n- C'est le vieillard le plus sage, le plus élofjuenl et le plus vénérable que j'aye jamais veu , et qui a en sa façon et en ses termes je ne sçay quoy de ces philosophes anciens. «

' Bouchard parle des Diidoghi del fliisso e rejlusso dans la lettre (p. 58) que je viens de citer. Voir sur cet ouvrage , dont le véri- table litre est celui-ci : Diulogo sopra i duo sistcmi del monda (Florence, tOSa , in-4°), divei's passages îles Lettres de Peiresc au-i- frères Dupuy, notamment t. I, p. 586, '5;)6, 06-2 ; t. II, p. aSi, 389, 376, 38G,etc.

11G3I] À J.-J. BOIJCHAHD. GS

<ie M' Chaudi au Marligues, et du ca[)j)itaine Ariiiel, à Toulloii, ou bien de M'' Ghabort'. El pour simples lettres, quand il vous plairroit m'honorer de voz commaudenienis, le dict sieur de Bonnaire vous des- chaijfora la peine de nous les faire tenir, si ce n'est que vous aymiez mieux les adresser AU' M" Siefano Mercanle fjemral délie poste à Gênes, qui est bonneste homme de mes amys, lequel les recevra volontiers, et me les fera tenir par les ordinaires d'Avignon ou parla voye de la mer et adresses de ToUoii. Kvcusez moy de tant d'importunité, et im- putez la à vos trop bonnesles semonces réitérées^.

Monsieur de Fontenay Boucbard se souviendra, s'il luy plaid, estant à Rome, de rechercher dans la Bibliotiièque vaticane et autres, s'il y a de bien vieux mss. du Code de T empereur Justinien, qui soient de bonne marque, et oCi les gloses ne soient pas, ou pour le moings si amples comme elles sont d'ordinaire.

S'il y a quelque bon exemplaire du Code Théodosian, qui fusse bien complect et de bonne marque.

De voir en la Uibliolhèque de M^'' reminenlissime cardinal Barberin un exemplaire des Pandectes mss. , qu'on dict estre fort ancien, lequel feu W Hieronymo Aleandro luy fit vendre, et sçavoir dire s'il est du tout sans gloses, ou s'il y en a seulement quelqu'une et de vérifier sur iceluy à son loisir, comment se trouve couché par escript le 8' Nera- tius'' S de ta loij 3 au tilre de icquirend. vel amùtend. possess. attendu les

' Bouchard raconte ( Voyage de Paris d Rome, [t. 1 18) ((ue lo priftiir de la Valietlo et le rliaiioiiie de Dargeinoiil lui avaient donn<! des lettres t adressante» h un juge de Toion, nomnit' Chaberl, (jni le mèneroit k M. de Peiresc Belg-eiilierji. 11 ajoute (p. 196) qu'il reçut de ce juge ^toutes les courtoisies imaginables , l'ayant mesme fait souper el coucher chez luis.

'• Bibliothèipie de l'Kcole de rr«idecine de Monl|)ollier, vol. H 971, fol. ao5. Auto- graphe. Le nitSmoranduni qui suitcette lettre , et rpii est e'galeinent autographe, occupe le

feuillet 906. Ni lettre, ni mémorandum ne sont datés. On a inscrit au dos de la lettre par erreur : décembre !636. La lettre écrite par Peiresc h l'hAte qui venait de le quitter el qui attendait h Toulon l'heure de son em- barquement doit être de la seconde quin- zaine de novembre tG3o.

' Ici un signequi veutdire: le paragraphe.

' Neratius Priscus, qui a eu riionneur d'être cité dans les livre» des Pandectes, vivait sous Trajan. Aulu-Gelle fait mention de ce jurisconsidte (I. IV, c. iv). On a sur lui deux monographies allemandes, l'une

6& LKTTRES DE PEIRESG [1631]

(lifîicullez qu'il y a sur le texte des Pandectes florentines en cet en- droict là. Que s'il y a quelque vice de clerc ou manquement de l'escri- vain, je désirerois d'en voir la copie de tout le paragraphe proul jacet ' en l'original , sans rien corriger, afin de laisser plus de liberté aux conjectures qui peuvent se faire pour la correction. M'' Suarez^ le vous fera voir volontiers, je m'asseure, pour l'amour de son serviteur et le voslre.

De Peibesc.

À MONSIEUR, MONSIEUR DE FONTENAY BOUCHARD,

À ROME'.

Monsieur. J'ay receu vostre lettre qu'il vous a pieu m'escrire de Rome en datte du 1 2 de febvrier*, mais non aulcune des précédantes que vous accusez et vous asseure que j'ay esté infiniment aise d'apprendre par ce que vous m'en escrivez, aussy bien que par les lettres de M' Holstenius, et de Ms' le cardinal mesmes^ le favorable accueil qu'il vous a faict, selon qu'il estoit deub à vostre mérite et à vostre rare sçavoir, dont je vous félicite de tout mon cœur, et me taidera fort d'entendre que suyvant les honnestes offres de mondict seigneur le cardinal vous ayez esté aussy bien receu dans la Bibliothèque vaticane et dans la sienne propre, comme il se pouvoit espérer du bon ordre que Son Eminence

do 175G (If^na), l'autre de 1788 (Leipzig), cilf'es dans la Nouvelle biographie générale.

' Tel qu'il est couché.

' On sait que le futur ëvêque de Vaison était alors hibliolhéeaire du cardinal Fr. Bar- berini.

' On apprendra son logis chez M' de Bonnaii-e. [Sur l'enveloppe]

' Celte lettre ne nous a pas été conservée.

La première do celles que j'ai pu recueilUr est du 18 février i633 (fascicule-lll des Cor- respondants de Peiresc, p. (j-i 1 ). Que de let- tres peiHlues de février 1 63 1 h février 1 033 ! Bouchard dut, pendant les deux premières années de son séjour à Rome, écrire plus de vingt fois à son protecteur, sinon par re<;on- naissance , du moins par intérêt. ^ Franeesco Barberini.

(1G31] À J.-J. BOUCHARD. G",

y avoit mis, à qui jo n'ay pas manqué d'en rendre promptement les remercimeulz que je doibs, puisque vous avez voulu que j'y participe, encore que vostre seule vertu' fusse plus que bastante pour vous faire obtenir tout ce (jue vous pouviez souhaicter. Je me suis grandement res- jouy aussy de voir que vous ayez trouvé M' llolslein et le R. P. Dora du Puy si favorables comme vous dictes, et si portez à vous assister de leurs bons advis et services et de vous communiquer leurs estudes el plus nobles occupations, ne doubtant ])as que vous ne trouviez pareHle disposition en toutz autres galantz hommes et qu'ils ne se tiennent toutz bien honorez de vostre bienveillance.

J'ay eu grand regret de von* le retardement du voyage de M'' Hol- stein en Levant '^ et que cependant il ayt perdu l'occasion de s'entre- tenir sur les mss. Platoniques qui luy cstoient destinez, lesquels j'eusse trez volontiers envoyez dez lors que vous allastes embarquer*, comme je les envoyé maintenant sur la galère qui porte M^ le cardinal de Bagni. Mais je pensois mieux faire, et ne le pouvois lors honnestement pour ne contrevenir aux ordres que j'en avois de la part mesmes du- dict s"" Holstein. Oultre qu'à ne vous rien celer, j'eusse esté mei*veil- leusement aise que la friandise desdicts mss. eust peu induire ledict s"" Holstein à se venir cmbarcpier icy, plustost qu'ailleurs pour son dict voyage de Levant, alin qu'en y voyant cez livres, nous y eussions le bien de le voh' aussy luy mesmes et de le gouverner un petit, n'espé- rant pas hors d'une telle occasion de jouyr jamais d'un si grand bien et contentement, car quoyqu'il en puisse croire on dire je tiens pour tout asseuré que tost ou tard il fera ce voyage et que M»' le cardinal Patron n'en a pas moings d'envie que luy, voire que le retardement

' I.a vertu (le Bouchard I Ce mol fera sourire tous ceux qui ont lu les llixtortettes (le ïalieniant des Rénux el surtout l'abomi- nable rdcit publie par Isidore Liseux sous le titre de : Les confessions de Jean-Jacques Bonchnrd.

^ H()lst(^uius avait eu le projet d'aller fouiller les bibliothèques des niouaslères du

mont Athos pour en rapporter luie cargaison de uiaïuiscrils grecs.

' On lit dans le Voynge de Paris à Rome (p. lat)) que Peiresc montra à son visiteur r quantité de commentaires grecs manu- scrits sur Platon , qu'il voulait envoyer à Uolstenius».

larmBKKil sinoaAU.

66 LETTRES DE PEIRESC |1631]

de ]a partance de M"" le conte de Marcheville luy servira beaucoup à ce dessein, luy donnant le loysir d'achever son affaire d'Allemagne.

Je ne manqueray pas voyant icy ledict s'' de Marcheville, comme l'on nous le faict espérer, de luy parler de vous, Monsieur, et de vostre vertu nompareille' aux termes que je doibs et que je pourray fournir, et de vous bailler aultant de lettres qu'il vous plairra, pour Son Excel- lence et pour tout autre de ma cognoissance, comme je n'ay pas manqué d'en parler desja icy à Ms' le cardinal de Bagni selon vostre dessein, qui voulut voir la lettre que M?"" le cardinal Barberin m'avoit escripte estoit faicte si honorable mention de vous et crois qu'il s'employera trez volontiers pour vous. Il emmené de Paris quant et luy M' Naudé que vous cognoissez, et qui vous honore grandement"^, lequel luy a esté baillé par M' Selton^. Je pense que si vous l'eussiez voulu attendre à Paris ou à Lyon, il n'auroit voulu avoir aulcun autre que vous, Monsieur. Mais il ne laisra pas de vous estre tousjours bon patron, ainsin qu'il m'en a asseuré, et qu'il contribueroit toute son au- thorité pour faire valloir vostre vertu et vostre érudition. J'espère l'en entretenir encores davantage avant son embarquement, et vouldrois bien vous pouvoir rendre de meilleur service.

Quant à ces grands bruictz que font courir les Espagnols de par delà, ils se réduisent à si peu de chose, que tout a fleschy devant Me' le Prince*, tant en Languedoc et Daulphiné qu'en ce pais de Provence, il a tenu les Estatz et selon son pouvoir a accommodé toutes choses à i5 cent mille livres payables en 5 ans, moyennant

" En appelant notnpafeille la vertu de J'ai cité un sonnet de Bouchard bien peu

Bouchard, Peiresc lance involontairement connu en l'honneur des Coftsi'fiérrtdww po/t-

la plus sanglante e'pigramme contre celui tiques sur les coups d'Etat, ofTerl h son ami

qui, non content d'avoir 6lé le plus vil des pour ses (^trennes, car il est daté de «ce pre-

débauchés, a encore eu le cynisme de ra- mier de l'an lôSgi. conter et presque de gloj-ilier tontes ses ^ Je regrette de ne pouvoir rien dirt; de

turpitudes. ce premier protecteur de l'auteur du Mas-

' Bouchard a souvent mentionné Gabriel curât. Tallemantdes Beaux ne l'a pas connu ,

Naudé dans ses lettres. Voir sur leurs cor- ce qui me console un peu de ne pas le con-

(liales relations une longue noie du fasci- naitre. cule III des Correspondants de Peiresc, p. i o. * Henri de Bourbon , prince de Condé.

[1631] À J.-J. BOUCHARD. 67

quoy toutes iiouveaiiltez sont revocquée8,et en suille de ce il est venu dans Aix, son armée fut receiie dez hier foi't paisiblement, et il la renvoyé du costé de la frontière do la conté de Roussillon, afin que si l'Espagnol pense brouiller, il trouve de la besoigne plus proche. Les aultrcs provinces du Daulphiné et du Languedoc sont pareillement fort calmes, et rien n'y bransle. On fera quelque petit chastiment pour la forme d'aulcuns de ce peuple qui avoit voulu brouiller, et puis ce sera tout, et je demeureray tousjours. Monsieur,

vostre trez humble et trez obéissant serviteur, DE Peiresc. A Boysgency, ce 19 mars i63i '.

III À MONSIEUR, MONSIEUR DE FONTENAY BOUCHARD,

À ROME.

Monsieur, Les voyes de la mer, avec lesquelles nous nous estions prorais de vous donner de noz nouvelles, en deflault des ordinaires d'Avignon qui nous avoient manrpié, nous ont trompé deux ou troys Ibys par les bruicts de l'interruption du commerce plus rigoureuse que devant el par le retour niesmes de quelques uns de ceux par qui nous avions escript, lesquels n'ont point esté receus à Gènes nom plus qu'à Civitta Vecclria, et n'y ont pas mesmes peu obtenir la prattica-^. Enfin je pense qu'on se commencera de rasseurer de les monts aussy bien que deçà, estant venu une des galères du pape, qui a prins port sans diffi- culté à ToHon et à Marseille, par le retour de laquelle j'espère d'escrire aux amys, et ay voulu commancer par vous, Monsieur, comme celuy à qui j'ay des plus insignes obligations, ne pouvant assez admirer la

' BiHioltièqiie de t'I^cole de médecine de Montpellier, vol. H 371, fol. 307. Auto- graphe. — ' L'autorisation d'entrer.

9-

68 LETTRES DE PEIRESC [1631]

patience et la peine que vous avez prinse à me transcrire cet alphabet du caractère de ce Terence si ancien, ce S^ Neratius des Pandectes de l'Eininentissirae cardinal Barberin, et cez inscriptions dont ce bon homme de la Chesnée^ vous donna la.courvée, en quoy vous m'avez certainement bien obligé, vous estant rendu si exacte et si punctuel comme vous avez faict en tout, dont je vous remercie de toute mon affection, marry de ne vous pouvoir rendre la pareille, ne la re- cognoissance que meriteroient toulz ces bons offices.

J'ay prins grand plaisir de voir vostre advis sur ce Terence con- forme à celuy de M'' Holstenius. Et si vous y retournez, je vous prie de tirer encor un peu d'alphabet ou d'eschantillon, c'est à dire quelques mots de ce qui se peult trouver escript en majuscule, dans le second exemplaire sont les figures des masques ou larves comiques, et si vous aviez assez de loisir et de patience pour prendre tout le tiltre proiit jacet de l'un et de l'autre exemplaire, et encores celuy du Virgile plus ancien, je vous en aurois une singulière obligation, me souvenant d'y avoir veu, si je ne me trompe, un certain /e/tct<pr que je serois bien aise de revoir, et que j'ay retrouvé en un livre du temps de Constantius, fils de Constantin le Grand, qui me faisoit juger du temps à peu prez que les larves et figures a voient esté primitivement dessei- gnées en ce Ms. là, d'où pourroient avoir esté coppiez plusieurs autres, et si je ne craignois d'abuser de vostre honnesteté, je vous prierois encor de la coppie bien figurée du caractère de ceste inscription du palais de Gesi que vous avez trouvé si semblable à celuy de ce Terence Ms.

Monsieur Holstenius m'escript qu'il avoit transcript certains frag- ments d'un autheur allégué dans Photius de la navigation de h mer Rouge, dont il tenoit trez ancien l'exemplaire. Je m'asseure que- vous l'aurez veu et si jugez qu'il vallust la peine de prendre l'eschantillon du

' Ici un signe qui veut dire : para- du xvii° siècle, les Mémoires de l'abbé de

grapbe. MaroUfs et le Dictimmairc des nmateurs

' J'ai vainement cherché un peu par- français de M. Ed. Bonnaffé, le nom de

tout, surtout dans deux recueils l'on l'épigrapliiste que Peiresc appelle le bon

trouve le plus de choses sur Ips curieux homme de la Chesiiée.

[1631] À J.-J. BOUCHARD. 09

caractère jusqucs à un mot on deux, je les verrois trez volontiers, si c'est en majuscule, comme si vous rencontrez quelque autre Ms. grec en majuscule que vous estimiez bien ancien, je me promets parcill»; faveur de vous.

On m'avoit une foys voulu faire acroirc que M?' l'Eminentissime cardinal de Bagni avoit quelques frafjments originaulx du concile de Chalcodoiiic, mais je ne sçay si cela est bien certain. 11 vous sera bien aisé de vous en osclaircir, et s'il y avoit rien de notable, vous nous en ferez part, je m'asseure.

Mais que direz-vous de mon indiscrétion de vous donner de la peine en choses si basses et si eslognées de la sublimité de vostre génie ' ? Je vous supplie de m'en excuser, et l'imputer à voz trop honnesles oIVres. qui m'en font ainsin abuser dont je vous demande pardon.

Je ne m'estonne poinct que touts ccz Messieurs de delà vous ayenl faict si bon accueil, et qu'ils vous ayent si volontiers aggregé en leur belle académie des Humoristes, et communiqué leurs bibliothèques et plus précieuses escrittures et curiosilez, qu'il ne fault imputer qu'aux rayons qu'ils ont veu paroistre et que vous n'avez peu cacher de vostre grand génie, quoyque vous puisse suggérer vostre modestie au con- traire. Bien m'estonnerois-je s'ils n'avoierit peu recognoistre les grandes parties qui sont en vous.

L'Eminentissime cardinal Barberin ne m'a rien touché de la propo- sition que voz amys luy avoient i'aictc pour vous, et pouvez bien croire que je ne me serois pas espargné à la réplique comme l'autre foys qu'il m'en avoit mandé ce que je vous escrivis en mesme temps, si je ne me trompe, et que j'ay faict transcrire pour le joindre icy de peur d'y avoir failly cy devant, par oii vous pourrez juger de la bonne dis- position qu'il y avoit lors, mais il fault si peu [de] chose pour mettre ces gents là, sinon en ombraige, au moings en des doubles qui leur ostent le moyen de s'oser résoudre, que j'y crains beaucoup plus de diiliculté que je ne vouldrois pour vostre contentement. Et bien que je

' Peiresc est décirftînient par trop poli.

70 LETTRES DE PEIRESC [1631]

ne double poinct que l'esdat de vostre érudition si eminante ne vous peust attirer assez d'envie de ceux qui pourroient prendre interest en vostre réception chez lui, je ne sçay s'ils auroient assez de front pour vous y rendre des mauvais offices, voyants en quel predicament vous estes prez de luy et craindrois davantage l'obstacle du péché originel de la Nation, de peur de se trouver obligé, en vous recevant vous, de recevoir quelque Espagnol en contreschange pour maintenir la parité et neutralité, car j'ay veu que venant légat en France, il s'excusa de mener un bon religieux qu'il estimoit infiniment, à cause seulement qu'il estoit de l'estat de Venize, de sorte que si la chose ne réussit, je croys fer- mement que vous la pourrez imputer à cela seul, plustost qu'à toute autre sorte d'ombraige que vous pourriez prendre. Car telles conse- quances sont beaucoup plus considérées en ce siècle qu'aux autres precedantz. Et si bien il a M"' Suarez, il est subject du S' Siège dans Avignon, ce qui exclut la consequance.

Pour M^" l'Erainenlissime cardinal de Bagni, il peult avoir une autre sorte de respect, sur ce que vous estiez desja tant cogneu de par delà avant son arrivée, et particulièrement à la Cour, qu'il pourroit craindre qu'on y prinsse à mauvaise part, qu'il se fust dispencé de recevoir un personage qui meritoit d'estre receu par eux-mesmes, principalement s'il avoit peu apprendre que vous vous y fussiez offert et que l'on vous y eust laissé tant soit peu d'espérance de réception. Car certainement ce seroit une espèce de i-eproche aux autres, si ce n'est qu'il fust venu d'eux de vous révéler le subject de leur excuse tel que je me le suis imaginé, et qu'en ce cas vous les eussiez faict prier d'agréer que vous prinsiez party chez tel autre cardinal qu'il leur plairroit vous prescrire. Et ainsin vous porteriez vostre descharge et celle de celuy qui vous recevroit. Hors de cela je pense que vous ferez bien de ne vous donner à personne, puisqu'on sçait que vous n'y prétendiez que la seule protection sans entretien, afin de ne donner subject à personne de vous sçavoir mauvais gré, et cela diminuera encores le subject des envies sur vous, et vous laisra plus en liberté si la fantaisie vous prenoit à bon essient de passer en Constantinople.

[1631] À J.-J. BOUCHARD. 71

Nous n'avorhs pas eu le bien de nous aboucher avec M' le comte de Marchoville par mou indisposition et par autres affaires de sa charge qui luy rompirent son pelerinajje de la S'" Baultnc, et à moy l'espé- rance que j'avois de le gouverner icy comme l'autre foys. Ce qui m'em- pesclia de le pouvoir entretenir de vostre vertu bien à souhaict. Mais il se passa de grands compliments entre nous. Je luy envoyay mon frère de Vallavez par trois loys, à sa venue, à son embarquement, et une autre entre deux durant son sesjour à Marseille, de sorte que quand vous serez tout résolu à ce voyage, je pense que mes lettres pourront facilement sur ce seigneur tout ce que je m'en puis promettre, bien que vostre mérite n'aytque faire d'autre intercession. Vous n'aurez qu'à me commander absolument comme je vous en supplie et conjure de tout mon cœur, et de me pardonner si je vous escripls trop librement mes advis et mes sentiments, la longue pracfiqueque j'ay en cez pais la m'ayant fait cognoistre leur humeur et la mczure à laquelle on les peult mesurer', et vostre desbonnaireté m'ayant laict croire que vous ne trouverez pas mauvaise ma franchise, encores que je discoure contre vos vœux, ne sçaichant flatter personne comme je ne prends pas plaisir de l'estre, et m'asseurant que vous me vouldrez tousjours tenir, quoy qui puisse arriver, comme je vous en faicts trez humble instance.

Monsieur,

vostre trez humble et trez obéissant serviteur, i)E Pkibesc. A Boysgcncy, ce 5 septembre i63i '.

Je vous recommande trez instamment M"" d'Arène, donneur de la présente'.

' A rapprocher des instructions et re- commandations donni^es de vive voix par Peiresc h Boucliard au sujet de sa manière de vivre h la cour de Rome ''■ Part» à Rome, p. i a8.

' La da(o de la lettre est enga[]-ée dans lu couture du manuscrit, se trouvant à la

Voi/iige de

mai-ge , tout h fait dans le pli. De plus une petite d(*chirure a emporté l'annife. On lit en- core : irBe. .Caire [Beaucaire] ce... sept...» En tdte de la lettre, marge droite, une autre main a dcrit : irS sett'" iGSi."

' Cegenlilhonime provençal est plusieurs fois mentionna dans les Lettres aux frère*

72 LETTRES DE PEIRESC [1631]

Je ne manquay pas de faire tenir à M'' ie prieur de la Valette tout ce que vous luy adressiez ' qui me respondit qu'il avoit envoyé vostre lettre à M"" Gassendi.* Je faicts une recharge pour vous à M' l'abbé de la Berchere^, et vous prie maintenant de vous rendre mon intercesseur envers luy. Si vous allez à Florence, je vous prie de revoir encores le S^ Neratius, espérant que vostre peine ne nous sera pas inutile tout à faict. J'ay apprins de certains gentilhommes florentins qui passèrent icy la semaine passée, que le livre du Galilée du flux et reflux est soubs la presse, qu'il y eji avoit un tiers d'imprimé lors de leur despart, et que le libraire se promettoit de l'avoir achevé à la Toussains. Ils m'en dirent tout plein de jolies particuhritez qu'ils en avoient veûes aux feuilles ja imprimées. Cela sera bon à voir en son temps. Il est par dialogues et disputes pour et contra sans rien resouldre de la mobilité de la terre et autres problèmes et n'est qu'en italien.

Ce garçon qui vous disoit estre tilz de M"^ de Gourmes n'est que fdz de sa sœur et n'avoit garde de m'estre venu voir, parcequ'il est fuilif pour avoir voulu assassiner par derrière à coup de pistolets un gentil- homme nostre allié qui a tué fort honorablement et justement le père de ce garçon, qui tira son pistolet à brusle pourpoinct dans les rains de ce pauvre gentilhomme, lequel demeura blessé de 7 postes. Mais

Dupmj. ACn d'ëviter de nombreuses répëti- tions, disong, du reste, une fois pour toutes que l'on trouvera le plus souvent dans la ttbte des trois premiers volumes de cette correspondance le nom des personnages (]ui figurent dans les lettres de Bouchard et qui ont élé déjà l'objet d'une note qu'il est inutile de reproduire.

' Bouchard a parlé de l'abbé Joseph Gaultier avec de grands éloges ( Voyage de Paris à Rome, p. 117), racontant qu'après avoir soupe, en arrivant à Aix, trà l'hostel- lerie de la Mule, il fut porter les lettres de Gassendi au prieur de la Vallette , pour lors grand vicaire de l'archevescpie ; vénérable

vieillard fort versé aux sciences, principale- ment en l'astrologie [Bouchard a voulu dire l'aslronomie], et qui tesmoigne, dans la franchise et simplicité de sa conversation, la sincérité et générosité de ses sentiments. »

' Ce devait être un fils de J.-B. Le Goux , seigneiu" de la Berchère , premier président au pariement de Bourgogne, marié le 10 oc- tobre iSga avec Marguerite Brularl, et c'était certainement un parent de Charles Le Goux de la Berchère qui fut docteur de Sor- bonne , évêque de Lavaur, archevêque d'Aix , d'Albi , de Narhonne.

^ Nous avons déjà vu qu'il faut traduire ce signe par le mot paragraphe.

(1631] A J.-J. BOUCHARD. 73

il en est reschappé heureusement. Ce garçon est .si mal que tous ses parents le desadvouent pour parent et l'ont banny de chez eux, pas un ne luy ayant voulu bailler retraicte après ce dernier coup. Gardez qu'il ne vous allronle ou voz amys et ne croyez [ici une ligne déchirée] en matière de secours, s'il n'a de mes lettres de vous'.

IV À MONSIEUR, MONSIEUR DE FONTENAY ROUCHARD,

À NAPLES.

Monsieur, Je ne faisois que sortir du lict, aprez une troz longue et grielvc fna- ladie quand le neveu du s'' d'Arène in'apporta vostre despesche du ih mars qu'on luy avoit baillée à Rome à son retour de Naples il me dict vous avoir veu fort gaillard, et en trez bonne disposition*, et souvenance de vostre serviteur, dont je vous suis trop redevable aussy bien que de la peine que vous avez daigné prendre à me transcrire cez rares pièces tant des vieux Mss. de Terence et de Virgile que de cette inscription du palais de Cesi, et de ces Mss. grecs de l'auteur de la na- vigation de la mer Erythrée et des évangiles de S' Ghrysostome que je liendray entre les plus précieuses reliques que j'aye de la meilleure antiquité, bien désireux de vous pouvoir servir en revanche et bien

' Bibliothèque de l'École de médecine de Montpellier, vol. 11 ayi, fol. aie. Auto- graphe.

' M. Lucien Marcheix, sous-bibiiotlié- rniro de l'École nnlioiiale des bcaux-ar(s, a rinlention de publier, d'après le manuscrit aiilojjraplie que possède la bibliothèque h Inquelle il est at(ach(^ la relation du voyagfe de Bouchard à Naples en iG3i!. Voir une très iutdressante note analytique du futur

éditeur à la suite de mon édition du testa- ment de J.-J. Bouchanl (Deux leslamenlx inédits. Alexandre Scol, i()i6, J.-J. Bou- chard, 1 64 1.— Tours, 1 886, in-8% p. 1 6). Du résumé des impressions de voynjje si bien donné par M. Marcheix, on rappro- cherait avec plaisir et profit une Notice >ur un mitniiscrit inédit de J.-J. lîoxcluird insérée par M. Eugène Muniz dans la Revue critique du a janvier i88a (p. i4-i6).

iaruB*u> ■Axioiiu.

74 LETTRES DE PEFRESC [1632]

honteux d'en avoir eu si peu de moyen jusques à présent. Cependant je vous en remercie de tout mon cœur et des relations qu'il vous a pieu uie faire tant de la représentation de S' Alexis à l'antique, la- quelle meritoit bien d'estre faicte devant vous', plustost que de tout autre, que de tout ce qui regardoit voz intérêts, auxquels je prends toute la part que je doibs, louant grandement vostre générosité, de n'avoir poincl voulu vous engager en des servitudes si mal compatibles à l'humeur françoyse et à la profession que vous faictes de tant de franchise et de tant d'assuidité aux meilleures estudes, qui n'y sont guieres compatibles, estimant que vous avez choisy la meilleure part quand vous vous estes arresté à celle de spectateur, plustost que d'ac- teur, vous pouvant asseurer que c'estoient les regrets du pauvre feu M^' le garde des sceaux Du Vair, tant qu'il demeura en cette charge, de -ce qu'il se trouvoit engaigé à l'un des personages de la Tragédie, et qu'il avoit perdu toute la liberté et commodité de la vie qu'il sa- vouroit si doucement en ce païs, d'où il n'estoit que simple spectateur du train de la Cour, comme d'une comédie beaucoup plus agréable à voir de loing, que quand on s'y voit embarrassé dedans.

J'ay trouvé plus estranges les deffaults de correspondance que vous avez rencontrez en la persone du s' S.^ qu'en celle de son maistre, veu les fascheuses affaires que les grands ont souvent dans la teste, qui ne leur permettent pas de respondre comme ce seroit leur inten- tion à toutes ces demandes qu'on leur faict, tant sont fortes les ima- ginations des grandes affaires qui travaillent et traversent souvent leui- esprit comme leurs dessains. Ayant plusieurs foys veu ledict s' Du Vair si abstract', qu'il ne me cognoissoit presque pas encores qu'il me respondisse. Et toutefoys il mefaisoit la faveur de m'aymer beaucoup plus

Sur cette représenlalion de Saint Alexis , trait fort hostile à son compatriote. Avait-il ,

due à l'initiative d'un des princes de l'Église plus clairvoyant que Peiresc, devine toute

les plus éclairés de tout le xvii' siècle, le l'indignité morale de Bouchard? cardinal Fr. Barberini, voir les Lettres de ' Le Di'ctiowwiVe de Liltré rappelle qu'au

Peiresc aux frires Dupuy, t. III, p. 348. xvu' siècle, à côté d^ahtrait on disait aussi

L'initiale désigne Suarez , bibliothécaire abstract. du cardinal Fr. Barberini. Suarez se mon-

[1632] À J.-J. BOUCHARD. 75

que je ne valoys. Je veux dire que si vous aviez envie d'estre courtisan, il ne falloit pas se rebutter par ces froideurs, ains les prendre comme la probation en ce mestier, et possible estoit-ce à ce dessein qu'on le laisoit afin d'esprouver si vous auriez assez de |)atience pour excuseï' toutes ces incommodité/, et particulièrement l'empire de telles gents, qu'ils ii'eslimeroienl du tout rien s'il n'estoit absolu, et à l'espreuve de toute sorte de froideur voire de rebut. C'est pourquoy je n'ay pas trouvé si eslrange ce procéder, comme vous avez faict, et estime que vous ferez mieux de n'en rien laisser paroistre, en aulcun temps, que .si eu le marquant vous y blessiez quelqu'un de tel qualibre, estant certain que les grands ont bien à essuyer des incommoditez et des desffoutz, sans oser le demonstrer, et à souiïrir souvent de leurs ser- viteurs des manquements qu'on ne s'imagineroit pas. Le s"" Meneslrier. qui est maintenant icy, m'a dict avoir veu beaucoup de foys (jue M«' le cardinal Barbei'in aimoit mieux donner au cavalier del l'ozzo ' des curiositez qu'on luy apporloit, que de les consigner aux olficiers de sa maison, daultant que quand il les vouloit revoir il n'avoit poinct de difficulté de les trouver incontinant ez mains dudict sieur cava- lier de ce que- s'il les falloit faire apporter par ses officiers, avant qu'ils eussent trouvé leurs clefs, ou qu'ils se fussent accordez entre eux de la préséance en ccz ministères, avec les jalousies qui les ron- gent la pluspart, le pauvre seigneur avoit tant languy qu'il avoit perdu la commodité de veoir ce qu'il desiroit, et bien souvent la volonté \ par oCi vous pouvez comprendre que l'usaige de ses livres ne peult estre guieres libre aux estrangers, puisqu'il ne l'est pas à luy mesmes toutes et quantes foys il en a affaire, de quoy j'ay grande compassion.

' Dans le document citt' plus haut, Bou- chard donne au cavalier del Pozzo un triple dioge qu'il nccompag-ne d'une reniaixpic assez inallendue dans un lesUunent (p. (i) : fCassiano Puleali, vire nobilissirao cruditis- ■sinin et humanissiino, qu.e tria raro simul habitant, n elc. Bouchard, poiu* le n.'com- penser de ses bons oiEces, laisse h ce (^nv~

veux et fidèle ami ses livres, ses instru- ments, tables et fragments antiques, ses mi'dailles, elc.

' («'esl-à-din' ; laiulk que.

' I/anecdote est piquante et fuit penser au mot célèbre : plus on a de serviteurs, plus on est mal servi.

76 LETTRES DE PEIRESC [1632J

Quant à ce que vous me demandez de mes livres et de mon ca- binet, je seroys bien empesché de vous en rendre ce compte que vous en attendiez parce que je n'ay que fort peu de pièces qui puissent tomber dans vostre estime, et ne les ay jamais rédigées par l'ordre qu'il y fauldroit, ayant gardé fort peu de livres Mss. \ desquels je n'ay jamais faict de difficulté de me priver, quand il a esté question d'en servir le public ou les gents de lettres qui en pouvoient mieux profitter que moy dans mes infirmitez. Mes antiquailles et autres curiositez n'ont jamais esté inventoriées^, et n'en vallent possible pas la peine, si ce n'estoit pour servir aux persones qui y prennent un goust particulier, qui ne se rencontre pas seulement dans les livres sans une longue practique, trop pénible et indigne des esprits sublimes comme le vostre, qui sçavent prendre de meilleures occupations. Il fauldroit vous tenir et gouverner à loisir, pour voir si l'object des choses qu'on vous monstreroil pourroit toucher vostre goust, auquel cas tout seroit tousjours à vostre disposition absolue.

Des livres d'Italie je n'en ay pas de si grand assortiment que M'' du Thon ', et n'ay jamais faict dresser de rolle de mes livres, mais je tasche- ray pour l'amour de vous de faire faire celuy des livres de ce pais là, aussytost que je seray à Aix, Dieu aydant, qui sera cette automne, marry que vous n'y pourrés pas trouver la satisfaction que vous vous en pourriez promettre, mais si vous desirez vous en servir au dessein

' Le catalogue des manuscrits de la bi- bliotlièque de Carpentras dresse, en 3 vo- lumes grand in-8° par M. Lambert, et dont un volume tout entier est rempli par la liste des manuscrits de Peiresc , montre com- bien était modeste le possesseur de tant de trésors.

' Ce travail lut fait plus tard sous le titre que voici : Inventaire des médailles, gra- veiires , pierres pretieuses et poids antiques du cabinet de feu M. de Peiresc (sans date), dans le volume gSSi du fonds français, à la Bi- bliothèque nsitionaje. Je reproduirai, en

l'annotant et le complétant, cet inventaire dans une étude développée que je vou- drais consacrer, plus tard , aux Collections de Peiresc.

^ Il est possible que la bibliothèque de Messieurs de Thon fût encore mieux fournie de livres italiens que celle de Peiresc, mais celte dernière élait singulièrement riche en ouvrages imprimés de l'aulre côté des Alpes, comme on h verra dans le calalogue que j'en donnerai quand j'écrirai l'histoire et la description des collections formées par le plus ardent des curieux.

[1632] A J.-J. HOUCHARD. 77

que vous me mandez il fauldroit vous adresser à Mess" Du Puy, (jui vous peuvent fournir ce que vous cherchez beaucoup plus accomply que moy, et du soir au lendemain, car les inventaires sont touls . dressez.

Au reste je vous remercie trez humblement des bons offices que vous m'avez voulu rendre envers M"" de la Bercliere et en la persone du s'' d'Arcne, regrettant les iniportunitcz que vous avez receues de luy ou pour luy et pour la laschcusc affaire ([ui iuy survint bien mal- iieureusement.

La relation que vous me faictes espérer du mont Vésuve me tiendra en gi-ande impatiance', pour la confiance que j'y prendray, surtout je- vous supplie de vérifier, s'il est possible, si la montagne a revoray (par sa gueulle principale, ou autre par oii elle vomissoit des flammes) aulcnne portion de l'eau de la mer, qui sembloit s'estre engouffrt^e dans ses abysmes enflammez lorsqu'elle se relira de ses bords, ou bien si les inondations des eaux qu'elle causa ne vindrent que du pas- sage et desgorgement des rivières dans la mer que le Vésuve pouvoit avoir rebouschez avec ses cendres, en sorte que l'eau remontast en arrière ou à contremont des rivières petit à petit. Car il y a des gents ((ui ont soubstenu que la montagne avoit revomy de l'eau par ses gueules, aussy bien que des flammes, et de la matière bruslanle et fluide comme mctail ou bitume. Or pour s'en esclaircir il fauldroit faire marquer précisément l'heure de la retraicte de la mer et l'heure que les inondations commancerent, et si elles se firent précipitamment ou non, estimant que ce soit une des plus notables remarques qui se puissent faire, et des plus dignes de vostre recherche, si ce n'est qu'il vous pleust d'y adjouster encores s'il est vray qu'on ayt mesuré avec quelques bons instruments de mathématique jusques à quelle haul- teur montoient dans l'air vers le ciel, les niies et ruisseaux de cendres

' Voir, sur rembrasemenl du Vésuve, une Iftltrc dn Uoucliard , du 18 frvrior 1 633 , dans le fascicule III des Coiresjwndaiits de Peiresc, p. 9. Bouchard fit bien attendre à

un liomme de si r grande impatience 1 la re- lation qu'il lui i)rometlail déjà en juillet 1 G3a et quil ne lui envoya que sept mois plus lard.

78 LETTRES DE PEIRESC [1632]

que vomissoit cette montagne et à quelle proportion par dessus la haulteur ordinaire des niies. Excusez-moy de cette peine et croyez que si Ms^ le cardinal de Lyon^ ou autre grand de ma cognoissance passe en Italie, je vous y rendray les offices et services fidelles que je doibs comme , Monsieur,

vostre trez humble et trez obéissant serviteur, DB Peiresc. A Boysgency, ce 1 4 juillet 1 639 '.

À MONSIEUR, MONSIEUR DE FONTENAY BOUCHARD,

À ROME OU À NAPLES'.

Monsieur, Escrivant à Monsieur Holstenius à ce coup cy, je n'ay pas voulu que ce fust sans vous salluer comme je faicts trez humblement, et me r'amentevoir en l'honneur de vos bonnes grâces. Je le prie d'une petite faveur, pour collationner un petit passage du Marcellus V. I. de Me- dicamentis et de Remius Fannius concernant cez petits bordereaux qu'ils ont escript de Ponderibus et Mensuris, au cas qu'il s'en trouve quelques exemplaires mss. soit dans la Vaticane, ou dans quelque autre de cez belles Bibliothèques, tant de Rome que de Florance, ou Venize lorsque vous y passerez , et à Naples mesmes si par hazard vous y en aviez rencontré *. Surtout je desirerois avoir extraict prout jacet

' Alphonse de Richelieu, le frère du sui' les recherches de Peiresc relatives aux

grand ministre. poids et mesures de l'antiquité , voir, outre

' Bibliothèque de l'École de médecine les Lettres à Dupuy, les lettres de Bouchard

de Montpellier, vol. H 971, fol. ai a. Aulo- et celles de Claude de Saumaise, notamment

graphe. la lettre de Bouchard du 16 juillet i633

^ Recommandé à la courtoisie de M. de (p. 18-ao du fascicule III) et la lettre de

Bonnaire. [Note mise sur l'enveloppe.] Saumaise, du 99 janvier iG33 (p. la-ay

'' Sur Marcellus, Fanuius et en général du fascicule V).

[1632] À J.-J. BOUCHARD. 79

sur les mss. tant du texte grec que du latin, des paroles qui regar- dent les mesures rjue Marcellus appelle ClIEME, CLTSCION, CO- TTLOS, COTTLVS TRIVNCIARUS, GTATHVS, COCHLEARIVM, lECTIlE, KOTUAE, KTA0OC, et pareillement dans le Fannius celles qui regardent les mesmes sortes de mesures dont il a faict mention, et ce qui est du MTSTIWM, de la CTANE, et du COCHLEARE. Que si d'advanture vous trouviez en cherchant autre chose quelques pièces mss. tant du Dioscoride, du Galien, et de Cleopatras, ils font men- tion des susdictcs mesures, et de l'Epiphanius, et autres Grecs et Latins anciens qui ont traicté cette matière, je vous auroys une insigne obli- gation, s'il vous plaisoit d'en faire extraire les passages bien exactemenl sur tout pour les nombres ou notes prout jacel aux originaux concer- nant les susdictes mesures, et particulièrement le META MTCTPOV, et le COCLEARE, ou la LIGVLA et autres moindres mesures. Vous aurez bien du subject de blasraer mon indiscrétion à vous endosser de si importunes courvées, mais je sçay que vous y prenez plaisir et je feray tout mon possible pour m'en revancher par toute sorte de ser- vices qu'il vous plairra tirer de moy.

Au l'esté nous avons veu sur la Gazette que depuis peu le mont Vésuve a recommancé de vomir ses flammes et ses cendres, et qui plus est quantité d'eau , qui est principalement ce qui me sembloit avoir plus de besoing d'esclaircissement que tout le reste, à cause que les premières frayeurs avoient chassé le monde si loing qu'il sembloit qu'il n'y eusse aulcun tesmoing oculaire de ce regorgement des eaux, pour estre assuré si la naisçance de leurs ruisseaux estoit fort basse aux ra- cines de la montaigne, ou s'il en est descendu de bien hault, comme des ruisseaux de feu ou de matière coulante et embrasée. Désirant de sçavoir punctuellement si à celte foys icy l'embrasement de ce mont avoit esté précédé par grandes pluyes ou inondations, ou par trem- blement de terre qui se fusse ressenly sur la mer, surtout s'il n'y a paru aulcune retraicte des ondes marines auprez des bords, comme l'autre foys. Et s'il avoit régné des vents de syroc ou contraires, pour juger si aulcune cause extrinsèque pouvoit avoir rien contribué à ce nouvel

80 LETTRES DE PEIRESC [1632]

embrasement. Ne doublant poinct qu'il ne se soit trouvé des gents plus hardis que l'autre foys, qui auront observé quelque chose de plus prez, dez endroicts qu'on sçavoit n'avoir pas esté attaincts par les pré- cédants ravages, et que vous aurez eu la curiosité de vous en enquérir soigneusement, et de nous en mander un jour un peu de relation à vostrc comodité, comme je voqs en supplie.

Je suis attendant les ordres que vous me vouldrez donner concer- nant vostre pérégrination orientale, d'où M' le comte de Marcheville m'escript du 16 septembre, qu'il a souIFcrt fort impatiemment que le s' de Chastueil qu'il avoit emmené d'icy luy soit enfin eschappé pour aller passer quelques moys dans le mont Liban'. Mais il se pro- met d'aller bientost faire un voyage en la Terre Saincte, et de l'aller prendre de haulte lutte pour le r'amener en Constantinople avec iuy^. Je m'asseure qu'il sera infiniment aise de vous y tenir, si vous conti- nuez en ce dessahi , auquel je ne suis pas neanmoings résolu de vous induire, au contraire je vous en desmouvroys trez volontiers si je pou- voys, pour les grands périls qu'il y fault passer et les incommoditez inesvitables, qu'il ne fault point esprouver tant qu'on s'en peult def- fendre.

On m'escript de Paris que M'' Rigault est bien avant de l'édition de ses notes sur tout le Tertullien^ que M'' Du Chat entreprend l'édition du Gallien grec et latin \ le P. Sirmond advance fort la sienne du

' François de Galaup-Ctiasteuil , le Soli- taire du mont Liban. Voir le fascicule XVII des Correspondants de Peiresc {Digne, 1 890), l'on trouvera beaucoup de renseigne- ments sur le voyage fait par le pieux et sa- vant orientaliste en compagnie du comte de Marcheville.

■' François de Galaup-Ghasteuil ne devait jamais revenir à Constantinople. Il l'avait, (lu reste, annoncé en ces termes dans une lettre du 11 septembre 1689 adressée à son frère, le procureur général (p. 99 du fasci- cule qui vient d'être cité): trll croit [l'am-

bassadeur Marcheville] dans un ou deux ans de venir en ces quartiers et me ran>cner h Constantinople, mais c'est chose assez esloignée de mon esprit, n

^ Les œuvres complètes de Tertuilien furent publiées par Nicolas Rigault en 1689 (in-P). Voir sur les éditions suivantes le Manuel du libraire (t. V, col. 729).

* Ce Gallien a-t-il jamais paru? Les bibliographes ne le mentionnent pas, et, d'autre part, les biographes ne disent rien dfi Du Chat.

[1632] À J.-J. BOUCHARD. 81

Theodoret ', et M' Le Jay sa grande Bible Archiroyale, le P. Morin met le Pentateuque Samaritain^. M"' Gassendy est arrivé à Digne chez liiy avec ses livres et papiers*, et s'est remis sur son Epicure, tout ré- solu de ne point cesser son travail, qu'il n'y ait mis la dernière main (între cy et Pasques", dans lequel tenq)s il sera bien eslogné de toutes occasions de divertissements. M''de Mezeriacen Bresse a son Apollodorc loul prest à voir le jour ^, et fort advancé son Plntarqiie, il a trouvé des merveilles à glaner aprez tant d'autres''. Quelque jour vous tien- drez le day à vostre tour, et nous honorerez de voz commandements (juand il vous plaira comme celuy qui est et sera inviolablement. Monsieur,

vostre Irez humble et trez obéissant serviteur,

DE Peiresc, A Aîx, ce a décembre iGSa'.

' Le P. Sirmond, lout en avançant fort son édition des œuvres de Thdodorel, ne la tennina qu'eu i64a (Paris, U vol. in-f").

' l.n Bible poljjff lotte de Guy-.Micliel Ixijay, commencée en 1 6a8 , ne devait être achevée qu'en i6-')5. Il est souvent ([ueslion de feltc œuvre monumentale diins les Lettres de Peiresc aux frères Duputj, et nous eu retrouverons de fréquentes mentions dans les volumes qui suivront celui-ci, car Peiresc s'intéressa toujours beaucoup à la noble enlreprine de Ijcjày.

' On voit dans les Documents inédits sur Gassendi ( 1 877, p. 1 5 ) qu'au mois d'octobre iCSo ce philosopbe retourne en Provence, qu'en décembre il observe l'éclipsé à Digne et qu'il prolongea pendant plusieurs années son s(!jour en Provence.

' Les travaux de Gassendi ne commen-

cèrent à paraître quî;n i646 cl la publi- cation s'en continua en 1647 et 1649.

' Que d'es|)érances trompées ! VApollodore de l'académicien Claude -Gaspard Bacbet. sieur de Mezeriac ou mieux Meyzeria, qui était tout prêt à voir le jour, ne l'a jamais vu.

° I.ies observations sur Plutai-que du sa- vant belléniste n'ont été publiées qu'en pe- tite partie et plus d'un siècle après sa moi t. Pour Bacbet conmie pour tous les éruilits qui viennent d'être mentionnés, voir la Table den Lettres de Peiresc aux frères Dupxiy. On trouvera souvent le nom du commentateur de Pliilarque dans la partie du présent vo- lume (|ui contiendra la correspondance de Peiresc et de Gassendi.

' Hibliolbèipie de l'École de médecine de Montpellier, vol. H 971 , foL ai/i. Auto- graphe.

11

nVtlVBlUt IliTtOXitl.

LETTRES DE PEIRESC

[1633]

VI À MONSIEUR, MONSIEUR DE FONTENAY BOUCHARD,

À ROME.

Monsieur, Selon vostre désir Monsieur Hugon, premier Aulm.osnier, et Mon- sieur Vide! S premier secrétaire de l'Ambassade de Ms" le duc de Cre- qui^, vous rendront touts les bons offices nécessaires auprez de S. Exc'^'^ pour vous faire advoûer du nombre de ceux de sa suitte et de son train, en telle qualité qui vous puisse estre sortable. Et seront bien aises d'avoir l'honneur de vous cognoistre, et de vous servir en tout ce qu'ilz pourront et selon que le mérite vostre vertu et vostre rare éru- dition. Comme réciproquement je m'asseure que serez infiniment aise de les honnorer^t servir l'un et l'autre selon les rares mérites de leur profunde doctrine et de leurs louables curiositez, et de les introduire chez les meilleurs amys que vous avez acquis de par delà, dont je me tiendray infiniment redevable en mon propre, par le service trez humble que je leur ay voiié, et pour les insignes obligations que je leur ay. Vous suppliant de tout mon cœur de leur faire cognoistre l'honneur que vous mefaictes de m'aymer plus que je ne vaulx, en leur

' Louis Videl, à Briançon en iSgS, mort h Grenoble en 1676, fut successive- ment secrdtaii-e des ducs de Lesdiguières, de Créquy el du maréchal de l'Hôpital. Voir l'article que son compatriote Rochas lui a consacré dans la Nouvelle biographie gmié- rale. Gonteutons-uous de rappeler que l'on doit à Videl un curieux roman { Le Mêlante, amoureuses aventures du temps , Paris, iCa^ , in-S") et un excellent livre d'histoire {La vie duconestable de Lesdiguières, depuis sa nais- sance jusqu'à sa mort, Paris, i638, in-f"). Videl et ses compagnons de voyage sont

mentionnés dans une lettre de Bouchard à Peiresc, du 1 6 juillet 1 633 , qui est une ré- ponse à la présente lettre (fascicule 111 des Correspondants de Peiresc, p. 12). Voir une plaisante anecdote sur Videl à pro- pos de son roman, dans les Historiettes de Talleraant des Réaux (t. 111, p. aiS- 249).

- Charles de Créquy, prince de Poix, duc de Lesdiguières, pair et maréchal de France, présenta ses lettres de créance au pape Urbain VIII le a5 juillet i633.

[1G33] A J.-J. BOUCHARD. 83

rendant ce qui leur est si légitimement deub, et de me tenir tous- jours,

Monsieur,

pour vostre troz liumble et trez obeyssant serviteur.

DE PEinESC.

A Aix, ce 9 inay i633 '.

VII À MONSIEUR, MONSIEUR DE FONTENAY BOUCHARD,

À ROME.

Monsieur, Depuis celle que je vous escrivis cez jours passez, et dont Mess" Hu- {Ton et Vide! se voulurent conjoinctcracnt charger, j'ay eu l'honneur de voir icy Monsieur do Boissieu, gentilhomme des meilleures maisons, et des mieux alliées du Daulphiné, qui est doué des plus dignes parties d'érudition, de valleur et d'honnesteté que puisse avoir aulcun autre do sa condition -, dont je ne double pas que vous ne soyez bientost amoureux, et que vous ne me sçaichiez bon gré de l'occasion que je vous donne par cette adresse, et de le voir possible un peu plustost, et avec un peu plus de confiance que vous n'eussiez faict. H sera trez aise d'avoir le bien de vostre cognoissance, aussy bien que vous de la sienne et je prendra.y grande part à voz réciproques contentementz et bons

' Bibliothèque de l'École de riMÎdecine de Montpellier, vol. H 27 1 , f" a 1 6. Autographe.

' Sur Denys Salvaiiig de Boissieu , au rliôleau de Vourey (Dauphiné) le ai avril 1600, moit dans le même château le 1 o avril i()83, voir la monographie de M. de Terre- basse : Relation des principaux événements de la vie de Salvainff de lioissieu ( Lyon , 1 85o , in-8°). Pendant son séjour ù liome, et de- puis son retour, dans diverses hautes situa-

tions (conseiller d'hlal, ambassadeur à Ve- nise, premier président de la Chambre de,s comptes de Dauphiné), Boissieu justifia les grands éloges de Peiresc (|ui ne vécut pas assez longtemps pour admirer la descrip- tion des merveilles du Dauphiné (lôSS"). V Histoire du chevalier Uaynrd [iùài), sur- tout le beau et mémorable travail : De l'usage desjiefs(t()6h), le rhel-d'a-uvre du savant auteur.

LETTRES DE PEIRESC [1633]

offices, que vous luy pourrez rendre à cet abord, dont je vous auray toute l'obligation qui y peult escheoir et vous serviray toute ma vie. Monsieur,

comme vostre trez humble et trez obéissant serviteur,

DE Peiresc.

A Aix, ce i3 may i633 '.

VIII À MONSIEUR, MONSIEUR DE FONTENAY BOUCHARD,

À ROME.

Monsieur, Je n'ay pas receu de lettre vostre de])uis celle du moys de febvrier qui accompagnoit les exemplaires du livre de M"" Naudé-, que je ne manquay pas de faire tenir incontinant à leur adresse, comme je le vous manday aussytost, vous ayant depuis escript diverses foys par ceux qui accompagnoient M'' le duc de Crequi et auparavant. N'ayant pas oublié ce qu'il vous pleut me mander concernant M"' de Nouailles'' en- vers lequel s'il passe par icy comm'on l'attend cette automne, je feray tous les efforts à moy possibles ])our vous rendre le service que vous desirez, et y employeray la faveur de M' le mareschal de Vitry*, si je puys, et de touts ceux dont je me pourray ad viser, comme j'en avoys desja faict donner quelque attainte à M"^ le duc de Crequi, mais comme il ne pouvoit pas dire de vouloir faire de grand scsjour, et qu'il avoit

' Bibliothèque de l'Ecole de médecine de fois dans les lettres suivaiiles le nom de ce

Montpellier, vol. H 971, loi. 217. Aiilo- diplomate, auquel Boucliard l'ut recom-

graplie. iqandé non seulement par Peiresc, mais

' Bibliographtu polilica (Venise, i633, anssi par Chapelain. Voir une note à ce

in-i a). sujet dans le fascicule III des ('.oiTeupoiidaitts

' Le comte de Noailles, le futur ambas- de Peiresc, p. h. sadeur de la cour de France auprès de la ' Nicolas de THospital, maréchal de

cour de Rome. Nous retrouverons plusieui-s France, alors gouverneur de Pi'ovence.

[1633] À J.-J. BOUCHARD. Sf)

afforce gcritz de lettres picz de luy, la place n'y scnihloit pas en estât d'eslre remplye, c'est pourquoy je m'adrcssay à eux niesmes pour voir s'ils vous y vouldroient procurer reiiiploy en asseurance pour vous obliger, comme ils en tesmoignoient une passion particulière et bien ardaute.

Nous avons icy M"" l'abbé du Til filz de M' le président du Til en la chambre des comtes de Paris, qui y est desja venu à l'advance pour y attendre M' de Nouailles. C'est un trez galant gentilliomme, et gran- dement vertueux et courtoys, que je tasclieray de mesnager pour le vous acquérir à l'advance, ayant desja de grandes habitudes avec ledict sieur de Nouailles, je me promets de le faire agir Dieu aydanl, attendant de meilleurs ressorts. Car de mon chef je n'y ay habitude quclquonque que je l'acheptei'oys bien chèrement à cette heure pour vous y pouvoir servir à souliaict. Et ose bien me promettre que quoy qu'il en puisse arriver il vous apparoistra tousjours qu'il n'y aura rien esté obniis de mon petit pouvoir et de mon industrie que je souhaic- teroys bien plus grande et plus puissante à ce coup si faire se pouvoit pour l'amour de vous.

Au reste j'ay receu de la part de M'' Holstenius un extraict d'un opuscule de Ponderihus tiré d'un si ancien ms. que j'en faics un grand capital. Et croys bien que comme vous disiez, la trop grande abon- dance vous a comme csblouys et osté le choix, au lieu de faciliter vos recherches. Et le bon M'' Holstenius est si diverty ailleurs que malaisément pourra il perdre à cela le temps qu'il y fauldroit mettre. C'est pourquoy je vous supplie, si vous avez quehjues heures A pei'dre, de faire un jour un peu d'indice de toutes les pièces de cette matière que vous y rencontrerez afin que sur iceluy je puisse voir ce qui paioislra ])lus sortable à mon dessein, comme j'ay faict de celles de la bibliothèque du roy. Mais si vous y en rencontrez d'autres de bien ancienne escritture quelles (|ue ce puissent eslre, je paycray volontiers les fraiz du coppiste, quand il n'y auroit à proflitler que la simple correction d'un nombre, ou d'un charactere, affecté à designer une certaine mesure. Principalement s'il y a quelque vieil exemplaire

86 LETTRES DE PEIRESG [10331

du Nicandre et des fragments de cette matière qu'on a imprimez der- rière, j'en feroys encores plus volontiers la despance, et vous supplie de ne pas espargner ma bource en cela, s'il vous plaict, dont M' d'Es- piots fournira les fraiz que vous ordonnerez ou M' de Bonnaire.

Pour le Vésuve j'ay apprins depuis peu qu'en ^Ethiopie sur les con- fins de l'empire Turquesque en veiie de Suachem sur la mer rouge , il s'est ouvert une gueule de feu qui a faict les mesmes ravages et déso- lations du païs à l'entour à deux ou troys lieues loing, et quasi en mesme temps que celle du Vésuve, dont j'ay envoyé demander une relation des jours précis du commencement et progrez et des noms des lieux dont je vous feray part en son temps, et seray à jamais.

Monsieur,

vostre trez humble et trez obéissant serviteur,

DE Peiresc.

A Aix, ce i3 juillet iG33 '.

IX À MONSIEUR, MONSIEUR DE FONTENAY BOUCHARD,

À ROME.

Monsieur, N'ayant pas de temps pour un grand entretien parce que le pas- sage de l'ordinaire presse , ayant apprins par les dernières lettres de Mess" Du Puy ce que vous desirez de moy, je me suis trouvé un peu empesché à cause des advis qu'on nous a donnés de la subrogation de M' Holstenius à la charge de la bibliothèque de l'Eminentissime car- dinal Barberin. Mais d'aultant que l'advis ne venoit que d'un moyne, qui ne le circonstantioit pas assez et que je n'ay pas creu que vous eussiez de dessein d'entrer en competance avec luy, au cas qu'il y eust du dessein, j'ay escript selon voz intentions le plus ardament que

Bibliothèque de l'Ecole de mddeciae de Montpellier, vol. H 271, fol. ii. Autographe.

[1G33J A J.-.I. BOUCHARD. 87

j'ay peu, au cas ncaiilmoinjjs qui; l'on n'y voulusl pas employer ledid s'' Ilolslcniiis ne autrades domestiques actuels de ce prince, contre les- quels il n'est pas loisible ne quasi lionneste à une ame franche et lion- neste comme la vosti'e, de disputer rien de semblable, m'asseurant que la lettre ne laisra pas de faire son effecl si elle en peuit estre capable, et qu'elle vous conservera et à moy par mesme moyen l'observance du respect qui est deub aux domestiques d'un tel prince, par touts ceux qui ne le sont pas, et qui ncantmoin{js sont ou pencenl estre advouez pour ses serviteurs. Si vous ne la voulez donner vous mesmes, M'' le caval'" Del Pozzo le fera volontiers, je m'asseure, et de bonne {ji'ace, ou bien M' le conte de Chasteau Villain' puisqu'ils sont de voz amys. Et si j'ay de meilleur moyen de vous servir vous pouvez croire que je ne m'y espargneray jamais, et que vous me trouverez tousjours abso- lument et sans reserve qui ne soit inesvitable comme à ce coup, Monsieur,

vostre trez humble et trez obéissant serviteur,

DE PEinESC. A Aix, ce a8 juillet i633'.

k MONSIEUR, MONSIEUR DE FONTENAY BOUCHARD,

À ROME.

Monsieur,

J'ay receu depuis le parlement du dernier ordinaire de Lyon à Gènes deux despesches vostres veniies ensemble du 1 6 juillet et 1 3 aoust, par la dernière desquelles vous révoquez l'ordre que vous me donniez par

' François-Lonis , comte de GliAloau-Vil- lain , est meiitionm! daas la lettre de ISoucliard du 1 3 juillet 1 633 (p. t3 du fascicule IH). il avait l'pousd Anne d'Aijiiaviva, fille du duc d'Atrie. Voir la gdiKialogie de la niuisoii do

Cliàteau-Villain mise par Andn' du Cliesoe à la lin de son llixloire de la maison de Drcu.r. '' Bibliothèque de l'Ecole de mddwini' de Montpellier, vol. H 071, fol. aa. Auto- graphe.

88 LETTRES DE PEfRESC [1633]

la première concernant vos prétentions à la charge de bibliothécaire de S. Em*^" pour laquelle je vous avoys desja anvoyé une despesche expresse sur ce que Mess" Du Puy m'avoient donné à cognoistre du désir que vous en aviez, croyant bien que vous aurez eu mes lettres plustost que moy les vostres et que vous y aurez trouvé une bonne partie de ce que vous desiriez que je luy disse, et n'auroys pas manqué de luy en faire une recharge dgns mes antres lettres ordinaires à Son Em" sans que vous aymez mieux tenter au préalable vostre establisse- ment chez M'' de Nouailles, auquel pourtant je ne voys gueres d'appa- rence, puisque M"' vostre père et M'' le baron de Magalas, qui poursuit de s'allier à vous', n'en ont retiré aulcune response sur l'instance qu'ils iuy en, ont faicte à Paris. Car j'estime que cez seigneurs veullent avoir l'estat de leur maison tout faict avant que partir du Royaulme. Et de mon chef je n'ay pas grande «sperance d'y pouvoir rien opérer, n'ayant pas l'honneur d'estre cogneu de luy que je scaiche. Toutesfoys nous n'y espargnerons rien si nous le pouvons voir à son passage, et aprez il sera jjossible encor assez à tenq)s d'escrire de rechef au cardinal Bar- berin pour son employ. Car il n'y a gueres d'apparance qu'il veuille remplir cette place tant que M' l'evesque de Vaison sera en cour de Home et par conséquent chez Son Em". Que si vous voyiez que l'affaire pressast, et que l'humeur vous en revi.nst, je ne pense pas que vous debviez faire difficulté de faire rendre la lettre que j'ay escritte à Son Em'='' sur ce subject, encores que ce soit tout exprez pour vous, car elle ne laisroit pas de faire aultant d'effect à mon advis, que si c'estoit

' Boudianl avait dcrit h Ppiresc (lettre plusieui-s fois citée déjà du 16 juillet i633, l'asciculelll, p. i5): «• Le baron de Magalas, qui est cousin de M. de Nouailles , recherche à celte heure que je parle , ma sœur en ma- riage, n Je crois devoir reproduire ici les renseignements fournis sur ce point, en 1881, par l'éditeur des Correspondants de Peiresc : ft Henriette Bouchard , qui, si l'on en croyait la relation de son misérable frère,

aurait été sa complice dans quelques-unes de ses intrigues, n'épousa pas M. de Ma- galas ; elle se maria deux fois , comme nous l'apprend M. P. Paris d'après les dossiers du cabinet des titres {Historiettes, t. VII, p. 162): d'abord avec Gaspard du Lac de Ghemerolles , sieur de Courbanton , ensuite avec Charles de Saint-Quentin , gouverneur de Bourbourg. »

[1633] A J.-J. BOUCHARD. 89

parniy d'autres afl'aircs, car cez lettres courent fortune d'eslre long temps toutes clozos sur leur tapis, fauUe de loisir de les lire. Et quand vous sçavez qu'une lettre est pour vostre affaire, vous la pouvez faire porter en temps et lieu opportun, auquel il la puisse lire. Que si l'une et l'autre condition vous manquoient, et que vous partiez au voyage de Gonstantinople, je ne nianqueray pas d'escrire à M' le comte de Marclieville, toutes et qualités foys il vous plaira. Et pense que les lettres de ce bon père Hiacynllie' seront encores plus puissantes que les miennes sur son esprit pour vous faire trouver le plus favorable accued que vous sçauriez désirer chez eux. Mais pour vous faire donner de l'entretien j'en doubte grandement, principalement pour les miennes, car il a bien eu des affaires sur les bras, et il avoit mené d'icy des gents dont il ne fut pas niarry de se descharger, si je ne me trompe, ce que je dis à vous confidarnent, et vous prie que ce ne soit qu'entre nous deux pour vous monstrer seulement la franchise de mon naturel. 11 vauldroit bien mieux avant que vous embarquer à un si long et dan- gereux voyage, d'attendre la responce qu'il pourroit faire sur cela au bon P. Hiacynthe afin de ne vous pas mettre en mer sans biscuit.

Je croys bien que si vous faictes le voyage, il ne vous sera pas malaisé de flatter un peu le patriarche Cyrille^, et d'acquérir ses bonnes grâces en sorte que vous puissiez mettre le nez dans ses libvres mss. et par son intercession dans bien des monastères du Mont Athos, qui meriteroit un voyage exprezel un sesjour considérable, auquel je croys bien que M'' l'ambassadeur vous assisteroit volontiers et de sa faveur et de son crédit. J'en ay bien peu, mais encores anroys-je courage de vous faire fournir quelque partie, pour vous eu prévaloir en une si bonne occasion, sans qu'il fust de besoing de recourir à d'autres. Mais

' Dans la lettre dont il vient d'être ques- tion , lioucliard s'était ainsi exprimé ( |). 1 5 ) : rrLe P. Hyacinthe, capucin, qui fait les af- faires du P. Joseph, et qui est fort de mes amis, m'ayant assun: que sur les lettre» que je porleray de sa part a M. l'anibassadeui'

Marclieville, qu'il me donnera entretien cht's soy tant que je voudray. i

' Cyrille Lucar, patriarche de Gonstan- tinople, plusieurs fois mentionné dans les Lettres de Peiresc au,vfrhes Dupuy.

im-tmcuS BATIOlAtl.

90 LETTRES DE PEIRESC [1033]

ce ne seroit pas jamais sans regret des dangers que vostre persone pourroit courrir de par de à touts moments parmy des peuples si barbares et si desfiants. Vous en userez comme il vous plairra.

11 me reste à vous remercier, comme je faictz trez humblement, des bons offices que vous avez daigné rendre à Mess" de Boissieu, Vide! et Hugon (auxquels je ne prends pas moings de part qu'eux), et des nouvelles des livres du s' Léo Allatius, Gremonin, Spinelli, Gamilli, Gravina, et Thomas Vaira de l'histoire de Naples', lequel nous avons interest de voir quand il sera en vente, à cause que les roys de Naples durant 3oo ans ont esté noz comtes de Provence la pluspart.

M"" Gassend avoit veu la crisis contre le pauvre Erycius Puteanus^ il y a assez long temps, mais nous ne vous sommes pas moins redevables de vostre bonne volonté, comme je m'asseure qu'il le vous tesmoignera, quand il respondra à vostre pacquet lequel je luy ay faict tenir seu- rement. Mais je ne vous sçaurois exprimer combien je vous suis rede- vable de la recherche que vous avez daigné faire dans le \atican de touts cez petits fragments de Ponderibus et Mensuris, lesquels ne se- roientpasde grande constance à faire transcrire s'il est loisible, je veux dire les anciens qui sont de si peu de feuillets. Us se pourroient touts mettre dans une coupple de cahiers escripts en des fcudles de papier à peu prez de la grandeur de cette feuille, et y cotter les nombres des volumes d'oii ils seront extraictz en teste de cliascun pour y avoir re- cours en cas de besoing de conférer quelque mot ou quelque note par- ticulière, et quand on y joindroit le Volusius Metianus^, il est de si

' Sur ces divers écrivains, voir, outre les Lettres de Peiresc aux frères Dupuy, les Lettres de Bouchard à Peiresc et celles de Ga- briel Naudé au même (fascicule XIll , 1 887). Je rappellerai seulement, au sujet du pre- mier nom de cette liste, que Bouchard, dans son testament, a très honorablement mentionné Léo Allatius, l'appelant (rGrae- corum hujus saeculieruditissimo etoptimo». Avec ce témoignage doublement flattem-

Bouchard laissa au bibliothécaire du Vatican les portraits du pape Urbain VIII et des deux cardinaux Barberini.

' L'humaniste Van de Puttc au sujet duquel je me contenterai de renvoyer aux Lettres de Peiresc aux frères Dupuy.

^ Volusius (Lucius), surnommé Melianus, fut un jurisconsulte contemporain de l'em- pereur Antonin , qui le protégea beaucoup , comme nous l'apprend Julius Gapitolinus.

[1633]

A J.-J. BOUCHARD.

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peu de feuillets qu'il n'y auroil pas fjrand danf^er, pour peu que le coppiste soit soifjneux de bien imiter les notes et qu'il vous plaise de cotter de quelle antiquité à peu prcz est ce ms. car les diverses leçons pourroient bien secourir l'édition qui en a bcsoing en plusieurs lieux elle semble fort incorrecte.

Quant à ces Colleclanea Angeli Co/o<tï', je n'en serois pas si friand, si ce n'est de ses experiances comme je crois qu'il y en aye plusieurs, et qu'il ayt examiné ])lusieurs vases antiques et faict portraire divers mo- numents de l'antiquité. Que si vous ne jugiez pas qu'il y eusl trop de dilliculté de les faire transcrire bout à bout, je n'y piaindrois pas la despence, mais je vouldroys tousjours estre nanty des autres opuscules anciens, avant que tenter la transcription de celuy-là. M' de Bonnaire fera fournir par M'' d'Espiots tout ce que vous ordonnerez pour le coppiste et je vous serviray partout oii vous me commanderez comme.

Monsieur,

vostre trez humble et trez obligé serviteur, Peiresc. A Aix, ce 31 septembre i633.

Le livre trouvé au corps d'une mommie est de feuillets d'anciens papyrus, escripts de caractères hiéroglyphiques touts pareils à ceux des obélisques il se void des taureaux et autres animaulx, et mesmes des figures iiumaines ensemble d'autres plus menus caractères comme de la table Bcmbine du Pignorius-, mais point de lettres grecques. Si Monsieur le cavalier P" Délia Valle nous laissoit voir son diction- naire^ il en auroit, comme j'espère, de la satisfaction toute autre qu'il

' Ange Colocci, on ne sait trop en quelle auude dans la Marche d'Ancôue, fut dvêque de Nocera et moiu'ut h Rome le i" mai iSAcj. Gingiiend (^Bioffrnphtc tmi- verselle) déclare que ses ouvrages sont plus nombreux qu'importants. Voir une mention do Colocpi à la page 19 du fascicule III.

' Loreuzo Piguoria. Voir le recueil des

Lettres de Peiresc aux frères Diipiiy il est question do cet antiquaire dès les premières pages (t. I, p. 3 et 4).

' Le voyageur Pietro délia Valle et le dic- tionnaire copte manuscrit qu'il avait rap- porté de ses voyages en Orient , et dont il était le très jaloux possesseur, sont souvent mentionnés dans les Lettres aux frères Diipuy,

92 LETTRES DE PEIRESC [1633]

ne pense, mais j'en attends un du Cayre, qui arrivera possible aussy tost et croys que le public tirera bien du fruict de la communiquation de toutes ces pièces, Dieu aydant. Vous m'obligerez bien fort de m'en- tretenir en l'honneur de ses bonnes grâces, et del'asseurer que s'il veult caution de son livre, je la luy feray bailler telle qu'il jugera pouvoir estre de mon crédit et que son libvre iuy sera fort fidèlement rendu, ne prétendant pas le garder plus de deux moys tout au pix, et espé- rant de luy en pouvoir un jour confier d'autres des plus rares que je puisse avoir, s'il nous tesmoigne d'en vouloir des nostres^

XI À MONSIEUR, MONSIEUR DE FONTENAY BOUCHARD,

À ROME.

Monsieur, Je receus hier au soir une despesche du i 2 novembre venue par conterolleur de chez M' de Ci'equy, lequel je n'ay pas veu, pour ne m'estre rencontré chez nous à mon grand regret, car j'eusse bien prins du plaisir à luy demander de voz nouvelles, mais en revanche, j'eus l'honneur d'entretenir une bonne heure M' de S' Aman^, avec une con- solation nompareiile, ce qui ne fut pas sans parler de vous, avec les éloges d'honneur que mérite vostre vertu et vostre candeur, comme aussy du vénérable P. Dom Du Puy^ et des bons offices que vous

' Bibliothèque de l'École de médecine de Montpellier, vol. H 371, fol. aaS. Auto- graphe.

' Il s'agit du futur académicien , Marc- Antoine de Gérard, sieur de Saint-Amant. Voir sur le séjour du poète à Belgentier les Lettres de Peiresc aux frères Dtipiiy. Le bon Peiresc fut enthousiasmé de son hôte qui mettait dans ses récits de voyage la verve spirituelle qui étincelle dans sa Rome ridi- cule et dans son Poète crotté.

' Voir dans le testament de Bouchard

(p. 6) l'hommage rendu à Christophe du Puy, [Tvirum nobilem et doclumn. Le testa- teur, eu souvenir des bienfaits reçus du prieur de la chartreuse de Rome, laissa à ce monastère tout l'argent qu'il possédait : lego universam pecuniam quam nuiic Uomœ habeo. Rien ne pouvait être plus agréable à l'aîné des frères Dupuy qu'un tel legs qui lui per- mettait de continuer la décoration de sa chère chartreuse, déjà embellie par ses soins avec un filial amour.

[1633] À J.-J. BOUCHARD. 93

m'aviez leiidiis l'un et l'aulro auprez de ce jjentilhonime, qui m'ont procuré le bien de sa cognoissance, que je ne sçauroys assez prixser, mais je crains qu'il m'aura trouvé bien eslogné des termes auxquels vous luy aviez parlé de moy, et bien indigne de la bonne opinion que vous luy aviez faict concevoir, s'il ne se paye de ma bonne volonté anltant et plus que des effects, parmy mes foiblesses qui n'en peuvent guieres produire.

Quant au subject de vostre lettre j'ay esté marry que vostre pacquet ne soit arrivé un jour plus tost, car je l'auroys pou envoyer par l'ordi- naire à M' de Digne > à Paris il s'est acheminé. Il fauldra attendre le prochain. Cependant je me suis dispancé de l'envoyer à M' Gassend à Digne, sur l'opinion que j'ay prinse, puisque vous l'adressiez en ce lieu là, qu'il y pouvoit avoir des lettres pour luy, à. celle fin qu'il en ouvre l'enveloppe pour les prendre, et me renvoyé le reste qui appar- tiendra à M"" de Digne pour le luy faire tenir par la poste, croyant bien qu'il ayc ce crédit la auprez de luy et davantage, et que vous n'aurez pas dezagrcable que j'aye prins cette liberté, puisque nous on avions le loisir, en attendant la commodité de l'ordinaire et que vous tesmoignez tant d'amitié envers M' Gassend, jugeant par la forme du pacquet que vous y aurez mis les mesmcs petits livretz que vous m'avez daigné despartir tant delà bibliographie politique de M'Naudé* et de son action de grâces^, que de cette Republique de S' Marine, dont

' Raphaël de Bologne , qui siiîgea de 1 698 à i653, et qui fut le protecteur et l'ami de Gassendi, est souvent mentionne dans les Lettres de Peiresc aux frères Diipuy et dans les Lettres de Boiiclmrd. Sur le séjour de ce prdiat à Rome en iG39i-i633, j'ai cité (page ik du fascicule III des Correspondants de Peiresc) les indications fournies par le Gallta Chri.sttnna (l. III, col. 1 1 35). Cf. mon petit recueil des Lettres inédites de Jacques Gaffarel (Digne, 1886, in-8% p. 8).

^ Naudd, dans une lettre écrite de Pa- doue à Peiresc le iG juin i633, disait

(page ao du fascicule XIII déjà cite): ifMa bibliographie aussy commence de rouller soubs presse et quant elle sera achevée je donneray ordre que vous en ayez des premiers alTm d'en recepvoir vostre juge- ment. 1

' Cette action de grâces du nouveau doc- teur venait de paraître en une plaquette intitulée : Gratiarum nctio habita in colkgio Patavino pro Plulosophiœ et Medeciiue laurea ibidem impetrala anno t633 die a 5 Maii. Cumfaustis amicorum acclamationibus. (Ve- nise, i633, in-8°.)

94 LETTRES DE PEIRESC [1633]

nous n'avions